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Ingérence à l’université et démocratie-washing : communiqué de la CUAE

Mercredi 18 janvier 2023, le conseil d’état a décidé de bloquer la décision prise par l’assemblée de l’université (AU) de nommer Eric Bauce au poste de recteur de l’université de Genève. La CUAE déplore cette décision qui est symptomatique du caractère profondément non-démocratique du processus de nomination du·de la recteur·trice. Plus largement, elle critique la gouvernance d’une université dans laquelle les rares processus participatifs ne sont que consultatifs. Ils sont donc dépourvus de pouvoir décisionnel, qui est réservé aux instances supérieures. 

La décision prise par le conseil d’état est inédite et révèle de nombreux problèmes dans la manière dont est gouvernée l’université. 

Dans la loi sur l’université (LU), c’est l’AU, organe participatif ressemblant à un parlement et rassemblant les 4 corps de l’université (étudiant·e·x·s, corps intermédiaire, personnel administratif et technique et professeur·e·x·s) qui est chargée de désigner un·e recteur·trice. Pourtant, c’est le conseil d’état (le gouvernement genevois) qui a le dernier mot car c’est lui qui décide de nommer ou non la personne choisie par l’AU. Le conseil d’état a donc toute latitude de n’approuver que les candidat·e·x·s qui satisfont son agenda politique. L’université et les corps qui la composent sont ainsi soumises au conseil d’état et à la direction que celui-ci souhaite donner à l’institution. L’épée de Damoclès que représente un potentiel blocage du conseil d’état vide le travail de l’AU de son sens. 

L’élection d’un·e nouveau-elle recteur·ice est un enjeu central et les corps de l’université ne sont pas autonomes dans cette décision qui les concerne pourtant au premier chef. En choisissant de casser le choix de recteur fait par l’assemblée, le conseil d’état réduit à néant le travail effectué par l’AU au cours du processus participatif, révélant le caractère cosmétique de ce dernier.

Cette décision représente aussi une attaque directe contre les étudiant·e·x·s et leur pouvoir de décision – déjà minorisé – au sein d’organes représentatifs à l’université.   

La CUAE dénonce la démocratie de façade à l’œuvre à l’université. C’est uniquement parce que l’AU est un organe exclusivement consultatif et non décisionnel que les pouvoirs qui dirigent l’université peuvent se permettre qu’il existe. Confier uniquement en apparence le choix du·de la recteur·trice alors que le pouvoir décisionnel se trouve entre les mains du conseil d’état révèle la normalisation d’une ingérence anti-démocratique rendue légale et entièrement assumée par le gouvernement.  

De plus, la décision du conseil d’état est annoncée à la suite de nombreuses prises de position dans la presse de personnalités influentes exprimant leur opposition au choix de l’AU et faisant pression pour une décision différente. Or, le communiqué du conseil d’état révèle des préoccupations similaires à celles des alumnis ou mécènes, comme de veiller à ce que « les hautes écoles du pays restent concurrentielles ». 

La CUAE ne peut que rappeler que l’université est toujours loin d’être démocratique. Les étudiant·e·x·s en particulier ne sont que très rarement consulté·e·x·s, et lorsqu’iels le sont, il est facile pour les pouvoirs dirigeants de les ignorer. Malgré une façade participative, les personnes qui composent l’université ne sont toujours pas à même de décider pour elles-mêmes, et cela a été amèrement illustré par la décision du conseil d’état.  

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Communiqué de presse de la CUAE sur les suites de la tentative d’entartage de Céline Amaudruz – 11 janvier 2023

Communiqué de presse de la CUAE sur les suites de la tentative d’entartage de Céline Amaudruz – 11 janvier 2023

Le 21 décembre 2022, des militant.e.x.s ont tenté d’entarter Céline Amaudruz, conseillère nationale UDC et vice-présidente de ce même parti. Suite à cela, Mme Amaudruz a annoncé par voie de presse avoir porté plainte pour tentative de lésions corporelles simples et voies de fait. Elle a également annoncé vouloir compléter sa plainte pour menace. 

La CUAE n’a pas organisé cette action et ne la revendique pas. En publiant ce communiqué de presse, elle cherche à incarner son rôle de syndicat étudiant. Ainsi, elle prend la défense des étudiant.e.x.s potentiellement impliqué.e.x.s dans cette situation et s’oppose aux discours et aux idées d’extrême droite, dangereuses pour l’éducation publique et l’accès à la formation. En particulier, elle se mobilise contre les menaces de sanctions disciplinaires et pénales annoncées par voie de presse par le rectorat de l’UNIGE.

Bien qu’elle ne soit pas à l’initiative de l’action du 21 décembre 2022, la CUAE soutient l’existence de contestations politiques au sein de l’université. La pratique de l’entartage est une action symbolique ayant comme but de contester politiquement la présence d’idées dans un lieu donné. Par ailleurs, la CUAE se positionne fermement contre les idées d’extrême droite de l’UDC et la banalisation de sa présence au sein de l’université.

Ce qu’il s’est passé

La politicienne d’extrême droite Céline Amaudruz était invitée à l’université comme membre du jury d’une joute oratoire sur la neutralité suisse. Reprenons les faits énoncés dans le communiqué du club genevois de débat : “Une dizaine d’individus masqués et capuchonnés ont tenté de prendre d’assaut la salle MR280 afin d’entarter […] Céline Amaudruz. […] deux sont parvenus à forcer le passage. La tarte leur a été enlevée des mains […] l’un d’entre eux a projeté un liquide chimique […]. Il a hurlé à plusieurs reprises “Genève Antifasciste, Amaudruz tu pues.” Avant de préciser que “ni Mme la Conseillère nationale, ni le public, ni [leurs] membres n’ont subi d’atteinte physique”. Un communiqué publié sur le site renverse.co explique quant à lui que quelques participant.e.x.s “ont réussi à brièvement passer la porte, crier des slogans, lancer des flyers et déverser une bonne dose de purin d’orties dans la salle.” 

Or, dans la presse, c’est un autre son de cloche : les masques et capuches sont transformés en cagoules, les neuf individus en commando et la tentative d’entartage en agression violente. Tout le vocabulaire de la terreur est mobilisé et l’action est extrapolée pour en faire un fait divers sensationnaliste.

Pourquoi une telle action ?

Parmi les juré.e.s invité.e.s à cette joute oratoire, Céline Amaudruz était la seule à être invitée en raison de son engagement politique. Ce sont donc bien ses idées qui sont représentées par sa présence à un tel événement.

L’entartage est une action symbolique qui n’a rien de nouveau. Il est connu pour être un moyen de condamnation publique qui utilise l’humour plutôt que la violence. C’est une action symbolique qui ne cherche pas à terroriser mais plutôt à tourner en ridicule certains discours ou idées politiques. Ce n’est pas l’agression d’une personne mais la contestation politique d’idées dangereuses. Par cette action, ce n’est donc pas la personne de Céline Amaudruz mais bien son parti politique, l’UDC, qui est attaqué.

Intimidation et punition de la contestation politique

La CUAE regrette la disproportion de la réponse à cette action. En effet, depuis cette tentative d’entartage, la polémique fait rage, largement alimentée par l’UDC et ses intérêts électoraux. La plainte pénale de Mme Amaudruz ainsi que les menaces de plainte pénale et de sanctions disciplinaires du rectorat de l’UNIGE sont une réelle menace à la liberté d’expression à l’UNIGE. En effet, que quelques individu.e.x.s soient la cible d’un tel déchainement médiatique, politique et punitif pour une tarte à la crème est à la fois loufoque et alarmant. La liberté d’expression est aussi et surtout la protection du droit à la contestation politique. En l’espèce, le droit d’individu.e.x.s à exprimer leur désaccord avec les idées nauséabondes de l’UDC. 

Récupération politique par les partis de droite 

Il est effrayant de constater que dans de nombreux journaux, Mme Amaudruz et d’autres personnalités de droite s’attaquent au syndicat des étudiant.e.x.s de l’UNIGE. Yves Nidegger appelle de ses vœux que les subventions de la CUAE soient coupées. Laure Lugon accuse le syndicat d’avoir participé à l’organisation de l’action – sans mobiliser la moindre preuve ou rigueur journalistique.

D’autres utilisent cet événement pour transformer la réalité en affirmant que l’université est désormais acquise à l’idéologie de la gauche radicale, crédibilisant ainsi les inventions les plus folles de la droite et de l’extrême droite. On peut par exemple lire dans Le Temps des aberrations telles que : “Quiconque ne partage pas les vues éclairées de la gauche radicale et révolutionnaire, ce qui fait beaucoup de monde, peut s’attendre à une agression”.

Nous déplorons également que cette action soit sciemment décrite comme une agression pour la décrédibiliser et la vider de sa portée politique. Il nous est dès lors très douloureux de constater que des membres éminents du parti socialiste genevois soutiennent sans équivoque la conseillère nationale UDC ou encore que l’université se permette d’affirmer tout son soutien à Céline Amaudruz. Par ces déclarations, ces derniers accordent à l’UDC une respectabilité dont ce parti est absolument indigne.

En plus de ne correspondre à aucune réalité empirique, les attaques évoquées plus haut sont extraordinairement opportunistes. À la veille des élections cantonales et fédérales, ce sujet d’actualité brûlant est une aubaine pour la récupération politique. Les politicien.nes s’expriment ainsi dans la presse, parlant d’abord de l’incident mais n’hésitant pas à divaguer sur des sujets plus larges afin de mettre en avant leurs programmes électoraux. 

Revendications

La CUAE regrette de voir l’attitude du rectorat être influencée par le gonflement de la polémique et par les pressions politiques. C’est pourquoi nous exhortons le rectorat à ne pas rentrer dans le jeu des partis politiques et à ne pas participer à la surenchère répressive. 

Pour cela, nous lui demandons de retirer sa plainte pénale et de ne pas saisir le conseil de discipline.