Merci à tout le monde d’être là, c’est incroyable !
Je prends la parole pour la CUAE qui soutient bien évidemment la mobilisation exemplaire lancée par la CEP-unige. A la CUAE, on remercie évidemment toutexs les étudiantexs, les assistantexs, les professeurexs qui sont là. Mais aussi et tout particulièrement les personnes externes ! Même si l’accès au bâtiment vous est interdit, on sent votre soutien à l’intérieur et il nous donne énormément de force. Merci d’être là !
Celleux qui ne sont pas étudiant.e.x.s ne le savent peut-être pas, dans une communication sur son programme de rectrice, Leuba a assuré qu’elle ferait tout son possible pour atteindre “l’excellence démocratique” à l’unige.
Un mois plus tard, les masques sont déjà tombés. Cette déclaration n’était que de belles paroles et la rectrice n’a en fait pas grand chose à faire de la démocratie.Il y a d’abord eu un refus total de dialogue avec les étudiant.e.x.s de la CEP pendant près d’une semaine. Il y a eu la création d’un organe de discussion factice pour détourner l’attention des vraies questions. Puis il y a eu les intimidations contre les occupant.e.x.s. Mais aussi et surtout, il y a eu cette fameuse interdiction d’accès à l’université pour les externes. Celle-ci implique notamment la suspension de moments de formation, de cours de langue, d’association culturelle et politique et atteint directement l’université dans sa raison d’être.
Toutes ces mesures rentrent dans une seule et même logique. Temporiser pour étouffer, essoufler, éteindre le mouvement de contestation. En effet, ce mouvement lui fait peur et la dépasse. Elle n’est pas capable de nous répondre sur le fond politique, alors elle essaie de nous faire taire, par tous les moyens.
Définitivement, on n’a pas la même définition de démocratie !
Nous on reste là, on va pas bouger ! On est là pour faire passer nos revendications et pour faire entendre notre soutien au peuple palestinien !
Partout en Europe, les rectorats des universités publiques sont passés maîtres dans l’art d’épuiser les étudiant.e.x.s. Les motifs de colère sont multiples : domination patriarcale, précarisation financière, autoritarisme, privatisation et marchandisation des études, etc. La crise du Covid-19 a cristallisé ces frustrations sociales qui sont devenues encore plus pesantes. En Catalogne, le mercredi 20 avril 2021, les étudiant.e.x.s ont décidé de ne plus encaisser les coups.
Différents mouvements étudiants se sont alliés pour occuper plusieurs universités des grandes villes de Catalogne afin de combattre la crise éducative qui touche spécifiquement la région, mais qui est symptomatique de ce qui se passe ailleurs en Europe. Cela fait des années que les directions universitaires, de mèche avec les gouvernements, marchandisent les études au pas de course et refusent de prendre en considération les revendications des mouvements sociaux. Face à cette fronde néo-libérale, les étudiant.e.x.s catalan.ne.x.s ont sorti les cagoules, les fumigènes et les banderoles, et ont bloqué les portes des universités.
La première revendication formulée lors des mobilisations est l’égalisation des prix entre tous les masters et les bachelors. Actuellement, un système très individualisé de prix par crédit pousse certain.e.x.s étudiant.e.x.s à débourser plusieurs milliers d’euros pour boucler leur année, en payant à double les crédits à rattraper. Les étudiant.e.x.s exigent que les universités tendent dès à présent vers la gratuité, condition essentielle d’un service public de qualité et accessible à tou.te.x.s. Deuxièmement, iels demandent que les stages effectués dans le cadre des études soient rémunérés puisqu’il s’agit de travail productif dont les entreprises tirent profit alors qu’une grande partie des étudiant.e.x.s sont précarisé.e.x.s. Ce mépris démontre une fois de plus la volonté du capitalisme de trouver sans cesse et partout des moyens de se nourrir de travail gratuit. Troisièmement, iels exigent la fin des peines juridiques prononcées à l’encontre des militant.e.x.s des mouvements estudiantins. Quatrièmement, les étudiant.e.x.s défendent l’importance du catalan dans l’enseignement supérieur et souhaitent que ce dernier soit donné entièrement en catalan. La situation de diglossie que connaît la région fera petit à petit disparaître la langue si rien n’est fait, au profit de l’Etat fasciste espagnol et de ses volontés centralisatrices. Et finalement, iels se battent pour une éducation féministe qui lutterait enfin contre le patriarcat non seulement dans les plans d’études et la formation des enseignant.e.x.s, mais aussi dans le fonctionnement des institutions universitaires.
Le mouvement de révolte a dû abandonner les occupations après avoir tenu plus d’une journée, mais il n’a pas baissé les bras et a appelé à la grève pour le 13 mai. Les tables ont donc été retournées devant les entrées des universités, des poubelles et des chaises entassées. Des manifestations ont eu lieu à Barcelone et à Gérone pour faire résonner dans les rues des revendications qui restent inchangées. Rectors, és el vostre torn, recteur.ice.x.s, à votre tour ! est le message lancé à nos autocrates institutionnels. Car dorénavant, c’est à elleux que l’on va demander de s’adapter à nos exigences. De la Catalogne à Genève, on n’en veut plus de votre université bourgeoise, patriarcale et nationaliste.
Rappelez-vous qu’il ne s’agit que d’un rapport de force temporaire
Chers rectorats, vous pouvez continuer à vendre vos universités au secteur privé, à citer toujours les mêmes mecs cis blanc et bourgeois dans la plupart de vos cours et à faire vendre des repas à prix de luxe dans vos cafétérias. Vous le pouvez car vous en avez le pouvoir, mais rappelez-vous qu’il ne s’agit que d’un rapport de force temporaire. Et si vous voulez savoir où mènent vos politiques, tournez-vous vers la Catalogne. Vous y verrez alors un miroir de ce que vos décisions nous inspirent, quand on est gentil.le.x.s. Et si vous voulez savoir ce qu’on fait quand on est méchant.e.x.s, regardez encore la Catalogne, mais celle de 1936.
Le néo-libéralisme a ouvert un nouveau front en Grèce. Alors que le confinement détériore les conditions d’études et que les universités grecques manquent de moyens financiers et de locaux, le gouvernement d’extrême droite a décidé de faire passer une loi qui accentue la sélection sociale, marchandise les études et cherche à réprimer les mouvements étudiants. La réforme proposée s’inscrit dans la droite ligne des textes européens sur l’éducation. La sélection sociale d’abord : durcissement des conditions d’entrée et exclusion des étudiant.e.x.s qui dépassent le temps autorisé pour l’obtention d’un diplôme, souvent afin de pouvoir financer leurs études en travaillant en parallèle. Au total, ce sont plus de 25’000 étudiant.e.x.s qui pourraient se voir refuser l’accès ou la continuation de leurs études. La marchandisation ensuite : le texte de loi entérine l’équivalence des diplômes entre les universités publiques et les écoles privées souvent très coûteuses et de mauvaise qualité, auxquelles les exclu.e.x.s du système public n’auraient plus le choix de s’inscrire s’iels souhaitent poursuivre une formation “académique” reconnue. On parle ici d’un énorme cadeau offert au secteur privé. Les conséquences pour les étudiant.e.x.s et la société grecque sont nombreuses : augmentation du décrochage scolaire, augmentation des frais de scolarité, réduction du financement universitaire (lié au nombre d’étudiant.e.x.s), inégalités accrues, potentielle fuite des cerveaux à l’étranger, etc. Et enfin, la cerise sur le gâteau qui cristallise la colère étudiante, la répression : interdiction des activités contestataires au sein des universités et création d’un corps de police entièrement dédié aux universités et dépendant du ministère de l’Intérieur. Une fois encore, les conséquences s’avéreraient désastreuses car l’indépendance et la qualité des enseignements se verraient sérieusement mises sous pression tandis que les tensions risquent de s’aggraver dans les campus. Mais ces mesures ne sont que la continuation logique d’un projet de société réactionnaire que porte le gouvernement grec depuis son élection en 2019 et qui marque le coup d’envoi d’une dérive sécuritaire inquiétante dans ce pays. Depuis cette date, les forces de l’ordre social ont de nouveau été autorisé.e.x.s à entrer dans les universités et les moyens alloués à la police et à l’armée ont fortement augmenté, aux dépens du budget de la santé, amputé de près de 20% pour 2021 alors même que la deuxième vague de coronavirus fait des ravages…
“Nous ne voulons pas de recteur sous tutelle”
De l’autre côté du détroit du Bosphore, à Istanbul, c’est la nomination à la tête de la prestigieuse Université du Bosphore d’un recteur nommé par décret présidentiel et proche du pouvoir qui a déclenché un mouvement de protestation. Ces nominations sont légion depuis le coup d’Etat manqué de 2016 qui a vu le pouvoir présidentiel fortement renforcer ses prérogatives et tendre toujours plus vers l’autoritarisme. Depuis le début du mois de janvier, la répression s’est accentuée contre les manifestant.e.x.s et des centaines d’arrestations sont à déplorer. Cette répression toujours plus intensive intervient alors que le mouvement étudiant avait déclaré son soutien à la communauté LGBTQIA+ suite à un discours homophobe et transphobe du président turc Erdogan. Le gouvernement a cherché à diaboliser les étudiant.e.x.s en les déclarant “terroristes” et en leur adressant des insultes homophobes.
“Nous n’allons pas baisser les yeux”
Le point commun entre la Grèce et la Turquie est l’écran de fumée du discours sécuritaire qui cache la vraie raison de ces mesures réactionnaires : la peur. Les universités font peur. Car elles sont plus politisées que la société. Car elles sont critiques des pouvoirs en place. Car elles sont engagées dans les mouvements sociaux. Mais pour ça, elles ont besoin d’indépendance et d’autogestion politique, de moyens financiers suffisants, d’étudiant.e.x.s de tous les horizons, etc. Et ce sont ces moyens d’émancipation de la communauté étudiante qui sont aujourd’hui attaqués en Grèce, en Turquie, et ailleurs. Mais le combat n’est pas gagné d’avance. De Thessalonique à Athènes, d’Istanbul à Izmir, des milliers d’étudiant.e.x.s marchent dans la rue et affrontent les polices des pouvoirs autoritaires. A Ankara, des pancartes proclamaient “Nous n’allons pas baisser les yeux”.