Communiqué sur l'Assemblée féministe étudiante

Genève, jeudi 22 novembre 2016

Une Assemblée Féministe Étudiante surprenante

Mercredi 3 novembre dernier a eu lieu l’assemblée féministe étudiante réunissant plusieurs groupes étudiants et plusieurs centaines d’étudiantes[1]. L’événement fut un succès sans précédent, remplissant l’un des plus grand auditoire d’Unimail (400 personnes).

A l’origine nous étions plusieurs étudiantes, de différents groupes et associations, à vouloir nous coordonner entre nous, à vouloir créer un espace de convergence de luttes mais également à souhaiter visibiliser ce qui est fait en matière de féminisme à l’Université et dans les lieux de formation. C’est pourquoi, le Groupe de Travail Genre de la CUAE a lancé le réseau féministe et a invité d’autres associations à le rejoindre et à partager leurs actions militantes.

Après plusieurs réunions, un événement a été lancé sur les réseaux sociaux, une demi-douzaines d’affiches ont été confectionnées par des étudiantes et affichées dans de nombreux lieux de formation.

L’engouement autour de cette assemblée, tant en terme d’organisation que de son écho médiatique, a dû nous faire repenser le contenu et la structure de l’assemblée. Il nous a notamment mis face à des contradictions en terme de contenu et de forme.

Avant d’expliciter ces contradictions, rappelons comment s’est déroulée la soirée et quel était le contenu de l’assemblée. Le premier point de celle-ci a consisté en une introduction à certains enjeux comme le harcèlement sexiste, proposée par le Groupe Genre. Pour de nombreuses étudiantes, il s’agissait de leur première intervention devant un auditoire de plus de plus 400 personnes. Illes ont non seulement eut le courage de prendre la parole, mais leurs interventions ont en plus été brillantes. S’en est suivie la présentation des cinq groupes et associations travaillant autour du féminisme. Le Groupe de Travail sur le genre tient particulièrement à saluer la présence enrichissante de l’Association Féministe Universitaire de Lausanne (AFU) qui a permis d’élargir le réseau à d’autres universités en Suisse et qui surtout a apporté un discours important autour de la non-mixité. La troisième partie de l’assemblée a porté sur la présentation des projets communs et des luttes à venir. Parmi ces dernières, se trouve notamment la campagne contre le harcèlement sexuel dans les lieux de formation[2] ainsi que l’appel à rassemblement contre la hausse des taxes du lendemain. Les mesures d’austérité touchent les plus précaires, et parmi ces populations les femmes et genres oppressés sont les plus touchées. Ces mesures sont de réelles attaques sur nos droits fondamentaux, ce pourquoi un appel à se mobiliser a été lancé. Finalement, le dernier point de l’assemblée était axé autour de la discussion et de l’échange. Au vu du nombre de participantes, elle a pris la forme d’un apéro dans le hall d’Unimail. De nombreuses personnes sont restées pour discuter entre illes, débriefer sur la séance et se rencontrer.

Aux alentours de 21h00, c’est au Nadir (l’espace autogéré des étudiantes) que la soirée s’est poursuivie avec une boum féministe. Un espace de non-mixité avait également été mis en place dans la salle des associations. L’ambiance de cette soirée, tout comme sa décoration, fut une réussite. La soirée et la boum se sont clôturées aux alentours d’une heure du matin.

Malgré l’énergie positive et l’attitude bienveillante d’une bonne partie des participantes, des agressions sexistes ont eut lieu lors de la soirée, démontrant encore une fois qu’il est nécessaire de continuer à lutter contre toute forme d’agression quelle qu’elle soit, et que nous devons défendre nos lieux (qu’ils soient nocturnes ou non) pour que les agresseurs ne s’y sentent pas les bienvenus. Si l’on touche à l’une d’entre nous, c’est à nous toutes que l’on touche.

Une assemblée empruntée de contradictions

Cette assemblée ne s’est pas déroulée sans contradiction. Lors de son organisation, nous avons été confrontées à des défis importants que nous souhaitons présenter ci-dessous sous forme d’auto-critique.

Tout d’abord, il a été question d’établir une ligne politique. Comme explicité durant l’assemblée, chacune d’entre nous possède sa propre manière d’être et d’agir féministe. Seulement, il y a des enjeux autour de la médiatisation des discours féministes que nous ne voulions pas ignorer. Nous ne voulions pas laisser passer certaines manières d’être et d’agir féministes. Nous avons donc décidé de poser des termes, des termes forts, qui bien évidemment ne nous dédouanent pas de nos propres discours, actions et formes de représentations. Ainsi, pour nous il a été important d’introduire le terme “d’antiracisme”. Non pas pour signifier que nous étions de fait des super-héroïnes de l’antiracisme. Comme le sexisme, nous le reproduisons quotidiennement. Étant quasiment toutes des personnes blanches, nous faisons partie de la classe dominante et reproduisons à ce titre des formes d’oppressions auxquelles nous sommes souvent aveugles. Et il en va de même avec l’anti-impérialisme et l’anti-classisme. D’ailleurs, ces formes d’oppression ont malheureusement été véhiculées à travers certaines prises de parole lors de l’assemblée. Ces termes forts ont ainsi été posés pour exprimer notre souhait de travailler sur notre position sociale, le souhait de nous questionner sur notre rôle social dans cette forme d’oppression et notre volonté de nous remettre en question.

Ensuite, nous avons été confrontées à la difficulté de tenir un discours fort et cohérent avec un public et des intervenantes particulièrement hétérogènes. Pour certaines personnes, cette assemblée était une première approche au féminisme, alors que pour d’autres les questions évoquées faisaient déjà partie d’une réflexion et d’un travail mené au quotidien. Notre discours a donc pu paraître basique pour certaines alors que pour d’autres nous évoquions des concepts nouveaux à leurs oreilles.

Nous avons donc décidé de proposer une courte introduction qui puisse permettre de poser des concepts et d’aborder certaines questions sur un socle de définitions communes. Les thèmes abordés -féminismes, patriarcat, harcèlement sexiste et slutshaming- l’ont été de manière très pédagogique dans le but de tenir un discours accessible à un public non initié.

De plus, cette assemblée a été aussi une découverte des modes de fonctionnement et des lignes politiques des différents groupes et associations; puisque jusqu’alors aucun rassemblement de cette ampleur n’avait été réalisé. Suite à cette première expérience, une réflexion au sein du réseau s’avère à présent indispensable.

Finalement, comme explicité en amorce de l’assemblée, nous avons utilisé de nombreuses fois les termes d’”hommes” et de “femmes”, en précisant que nous les considérions comme des catégories sociales construites. Néanmoins, nous regrettons de ne pas avoir déconstruit ces catégories ni déconstruit la binarité oppressive des genres et ne pas l’avoir appliqué à nos discours.

Tout reste à construire…

A présent, il nous appartient de construire la suite. Le succès de cette assemblée n’est que le point de départ des luttes à venir. A nous maintenant de nous former, de nous organiser et de lutter.

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Les critiques, remarques et opinions sont importantes pour nous faire avancer et progresser. Nous souhaitons vivement avoir votre retour sur l’assemblée si votre opinion ne reflète pas les propos tenus ici (ou si vous souhaitez les nuancer). Nous remercions les personnes qui ont déjà pris le temps de nous faire leurs remarques et nous rendre attentives à certains points. N’hésitez pas à nous envoyer un email à genre@cuae.ch ou à cuae@unige.ch. Par contre, les commentaires des groupes oppresseurs sur leurs problèmes et leur personne ne nous intéressent pas.

Groupe de Travail sur le Genre de la Conférence Universitaire des Associations d’EtudiantEs

[1] Dans la langue française, le masculin l’emporte du le féminin et s’érige comme l’universel, englobant les autres genres. Dans ce texte nous renversons le rapport masculin/féminin en féminisant les noms. Nous adaptons également les pronoms en les rendant inclusifs pour dépasser la binarité féminin/masculin. Voir à ce porpos l’article suivant: https://cafaitgenre.org/2013/12/10/feminisation-de-la-langue-quelques-reflexions-theoriques-et-pratiques/

[2] Nous vous invitons à soutenir la campagne sur la plateforme www.formation-sans-harcelement.ch.