En quoi l’extrême-droite (et l’UDC) nuit aux étudiant·e·x·s ?

Depuis la tentative d’entartage de Céline Amaudruz par des militant·e·x·s en décembre dernier, de nombreuses prises de position publiques et articles en soutien à la conseillère nationale sont sortis. Ceux-ci argumentent souvent qu’en tant que représentante d’une partie de la population (celle ayant voté UDC), Céline Amaudruz possède une légitimité incontestable. Ce pseudo-argument mène à un appauvrissement de la discussion en contournant la vraie problématique : les positions politiques de l’UDC.

Le texte sous vos yeux a donc comme vocation de rappeler en quoi l’extrême droite en général et l’UDC en particulier sont néfastes pour l’université et les étudiant·e·x·s. Et aussi, pourquoi un syndicat étudiant se doit de s’opposer frontalement aux idées et aux politiques d’un tel parti.

1. L’UDC contre les étudiant·e·x·s étrangèr·e·x·s

L’UDC est bien connue pour ses positions extrêmement racistes et conservatrices sur les thèmes de l’immigration et de la sécurité. Voyons quel impact de telles politiques ont sur les études de milliers de personnes à Genève.

L’initiative « de limitation » de l’UDC, adoptée en 2014 et visant à limiter le nombre d’étrangèr·e·x·s pouvant entrer en Suisse, aurait été un obstacle majeur à l’accès à l’université et au marché du travail des étudiant·e·x·s étrangèr·e·x·s. Or, vu le coût de la vie à Genève, un travail étudiant est souvent indispensable pour pouvoir subvenir à ses besoins, surtout pour les étudiant·e·x·s étrangèr·e·x·s qui n’ont pas la possibilité de loger chez leur famille, et ont un moindre réseau de soutien que les personnes d’origine suisse.

L’UDC s’attaque aussi de manière plus ciblée aux étudiant·e·x·s étrangèr·e·x·s. Le programme 2023-2028 de l’UDC genevoise prévoit d’« exige[r] de l’université […] des taxes supérieures pour les étudiants étrangers »[1].

2. L’UDC contre la mobilité des étudiant·e·x·s suisses

L’adoption de l’initiative « de limitation » en 2014 a aussi mené à l’exclusion de la Suisse du programme Erasmus+, un programme d’échange universitaire européen. La mobilité étudiante entre la Suisse et l’UE est actuellement permise par une solution transitoire, qui n’a pas les mêmes avantages qu’Erasmus[2]. La Suisse aurait même été complètement exclue de ce programme de mobilité si une autre initiative de l’UDC, l’initiative dite « de résiliation », avait été adoptée en 2020.

Notons encore qu’une politique qui décourage les chercheur·euse·x·s et enseignant·e·x·s étrangèr·e·x·s à venir travailler en Suisse péjore la qualité de l’enseignement auquel nous avons accès. Dans les sciences sociales notamment, les approches sont propres aux universités et le cloisonnement des universités nous prive de la qualité d’un regard et de méthodes extérieures et différentes. Cela nous prive aussi de spécialiste·x·s dans de nombreux domaines. L’isolation pourrait aussi condamner les jeunes chercheur·euse·x·s à rester en Suisse. Ce qui les priverait de collaborations avec les spécialiste·x·s de leurs domaines d’études de prédilection.

3. L’UDC pour une université inégalitaire

Les politiques menées par l’UDC visent à réserver l’université aux élites. Ainsi, le parti veut que le prix des études augmentent. Par exemple, à Neuchâtel, il a défendu une hausse de 60% des taxes universitaires[3]. Les montants des taxes universitaires pénalisent en premier lieu les étudiant·e·x·s issu·e·x·s de familles pauvres, pour qui les taxes ont un réel impact budgétaire. Cela s’apparente à un tri social.

Le parti ne cache d’ailleurs pas sa volonté de réserver l’université à une élite. Il nie complétement le fait que les sciences et l’éducation peuvent aussi avoir des valeurs émancipatrices en dehors du marché du travail. Il « exige de l’université une sélection d’entrée » et « demande que l’école et le monde académique soient un lieu de recherche, d’innovation, d’excellence et pas un lieu où les élèves et étudiants arrivent par défaut et où les exigences sont nivelées par le bas »[4]. Par ailleurs, le parti milite pour que la prise en charge des étudiant·e·x·s ayant besoin d’aménagements spécifiques[5] soit la plus limitée possible.

4. L’UDC contre les travailleur·euse·x·

En tant que travailleur·euse·x·s et futur·e·x·s travailleur·euse·x·s, les étudiant·e·x·s sont concerné·e·x·s par les attaques de l’UDC contre les conditions de travail. En soutenant l’adoption d’une motion parlementaire le 14 décembre 2022 au niveau national, l’UDC a cassé les salaires minimaux cantonaux existants. Concrètement, cela signifie que si les intérêts du patronat en décident ainsi, un salaire plus bas que le salaire minimum cantonal peut être pratiqué. Ce sont les secteurs professionnels les plus précaires, où travaillent de nombreux·ses étudiante·x·s, qui risquent d’être concernés.

L’UDC défend des politiques ultra-libérales et cherche à réduire drastiquement tout type de dépenses publiques (sauf celles liées à la sécurité). Cela implique entre autres de réduire l’argent dédié à l’université, ce qui péjorera immanquablement la qualité des enseignements et la qualité de vie des étudiant·e·x·s. Les dépenses publiques permettent entre autres de financer des salaires et des emplois, nécessaires au bon fonctionnement de l’université et au soutien des étudiant·e·x·s.

La politique de libéralisation du marché du travail défendue par le parti d’extrême droite passe aussi par une lutte active contre les syndicats. Ainsi, l’UDC n’hésite pas à menacer de couper les subventions de ceux-ci[6]. Pourtant, les syndicats jouent un rôle essentiel dans l’université. Pour ne citer qu’un seul exemple, ce sont eux qui dénoncent les contrats extrêmement précaires des membres du corps intermédiaire. Les politiques de libéralisation du marché du travail menées par l’UDC affectent directement les étudiant·e·x·s qui, d’une part, assistent à des cours pris en charge par des personnes précarisé·e·x·s et d’autre part, voient leurs propres (futurs) emplois précarisés.

5. L’UDC et l’anti-intellectualisme

L’UDC a fait de la lutte contre le « wokisme » son cheval de bataille (pour les prochaines élections). Ce concept n’est pas vraiment défini : si nous ne savons pas ce que wokisme veut dire, ce qui est plus inquiétant, c’est que les membres de l’UDC ne le savent pas non plus. Le wokisme regrouperait notamment l’usage de l’écriture inclusive, les critiques de l’appropriation culturelle et les réunions en mixité choisie. Le seul trait qui relie les différents éléments accusés de « wokisme insécable » est la remise en question de l’ordre et des pratiques établies.

L’offensive « anti-woke » adoptée par l’UDC suisse avec son programme 2023 n’est pas seulement une attaque contre les minorités et les luttes sociales, mais est surtout une attaque contre la pensée critique. Elle constitue en cela, une attaque frontale contre l’une des véritables missions de l’université : l’étude du réel et par conséquent la remise en question des idéologies dominantes ainsi que des convictions de notre société qui justifient/naturalisent/légitiment les inégalités.

En attaquant le concept vague de wokisme, l’UDC nous révèle l’université qu’elle voudrait. Une université qui a comme unique fonction d’être au service de l’économie, une université qui n’est qu’une antichambre du marché du travail. Esther Friedli, conseillère nationale UDC, dit ainsi que « les universités devraient s’occuper des disciplines qui sont demandées par l’économie. Ce n’est pas en médecine, mais dans les sciences humaines et sociales qu’il devrait y avoir un numerus clausus »[7].

Un parti qui a comme combat prioritaire le maintien de l’ordre établi ne se bat pas pour l’université, mais contre elle. Encore une fois, l’UDC ne se bat pas pour nous mais bien contre nous.

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[1] https://www.udc-ge.ch/programme/enseignement-et-formation/

[2] https://erasmus-ch.ch/fr/en-detail/

[3] https://www.rts.ch/info/regions/neuchatel/13664914-indignation-a-neuchatel-face-a-une-hausse-de-la-taxe-universitaire-prevue-par-le-conseil-detat.html

[4] https://www.udc-ge.ch/programme/enseignement-et-formation/

[5] Les aménagements spécifiques comprennent par exemple l’accès facilité pour les personnes à mobilité réduite, du temps supplémentaire pour les personnes dyslexiques, etc.

[6] https://www.20min.ch/fr/story/ludc-aimerait-bien-punir-le-syndicat-etudiant-de-gauche-175112181514

[7] https://www.20min.ch/fr/story/dans-le-programme-de-ludc-un-chapitre-terreur-du-genre-et-folie-woke-163061408789