Le comité de la CUAE a décidé de soutenir la pétition nationale lancée par le Mouvement Suisse des Sans-Papiers (MSSP) à l’adresse du Conseil fédéral dont nous reproduisons l’intégralité ci-dessous. Des feuilles de signatures sont en outre disponibles dans nos locaux du 17 Rue Alcide-Jentzer.
Sans-papiers : stop à l’hypocrisie !
Qui sont les sans-papiers ?
Les sans-papiers sont des personnes qui ont une identité et un passeport, mais résident en Suisse sans autorisation de séjour. L’écrasante majorité travaille, et certain-e-s paient leurs impôts et cotisent aux assurances sociales. Ils et elles construisent nos routes et maisons, s’occupent de nos enfants, malades et personnes âgées, travaillent dans nos champs, hôtels et restaurants, contribuant ainsi à la prospérité de ce pays. Malgré cela, ces personnes vivent dans la crainte permanente d’être dénoncées, découvertes, arrêtées et souvent expulsées.
Selon les estimations les plus prudentes, ils et elles sont au moins 100’000 dans cette situation. Parmi elles et eux figurent également les requérant-e-s d’asile débouté-e-s. Ainsi, du fait de la politique migratoire extrêmement restrictive de la Suisse, de nombreuses personnes qui ont été au bénéfice d’un statut ont été contraintes de basculer dans la clandestinité.
Contexte politique
Une hypocrisie politique majeure caractérise la politique suisse à l’égard des sans-papiers : d’un côté, la nécessité de cette main d’oeuvre pour l’économie et de l’autre côté, la négation officielle de leurs droits fondamentaux.
La politique migratoire de la Suisse, fondée sur la libre circulation au sein de l’UE et la fermeture
quasi-totale à l’égard des autres migrant-e-s (politique des deux cercles), alors même qu’il est évident que ces derniers remplissent un besoin de la Suisse. La situation actuelle découle de cette politique hypocrite, de l’adoption récente de la nouvelle loi sur les étrangers, et des durcissements successifs du droit d’asile qui ont fini par vider celui-ci de sa substance. L’une des seules solutions accessibles pour sortir de la clandestinité, à savoir la régularisation pour cas de rigueur, est actuellement dominée par l’arbitraire et représente une véritable loterie pour les migrant-e-s qui s’y risquent.
Aujourd’hui, plutôt que de reconnaitre l’impasse dans laquelle nous sommes, on ne cesse de
criminaliser la migration et de créer différentes catégories de sans-papiers, ce qui ne fait que renforcer la précarité de leur situation et la méfiance de la population à leur égard.
L’entrée en vigueur de la Loi sur le Travail au Noir (LTN) en janvier 2008 en est un parfait exemple : faisant l’amalgame entre absence de permis de travail et non-déclaration aux assurances sociales et aux impôts, son application sur ce point décourage les employeurs-euses de se mettre en règle et légitime en définitive les fraudeurs-euses. Les conséquences en sont la précarisation extrême des travailleurs-euses et l’affaiblissement de notre système social.
10 ans pour sortir de l’ombre
Depuis le début de la mobilisation des sans-papiers en 2001, cette problématique s’est progressivement imposée aux yeux du public et des autorités. Aujourd’hui, plus personne ne nie
l’existence de sans-papiers en Suisse. Cette plus grande visibilité a aussi permis des avancées dans certains domaines :
- Un meilleur accès à la santé
- L’obligation d’être déclaré-e aux assurances sociales pour toutes et tous
- L’accès garanti à la scolarité obligatoire
- Le principe de l’accès à l’apprentissage
Ces droits sont certes importants mais demeurent difficiles à appliquer, faute de statut légal. Ils sont
également fragiles, et sans cesse remis en cause. Tout récemment, souhaitant durcir sa lutte contre
l’immigration non-souhaitée, le Conseil fédéral a envisagé de débusquer les familles de sans-papiers
via la dénonciation de leurs enfants par les institutions scolaires et d’empêcher l’affiliation des travailleurs-euses concerné-e-s à l’AVS. Cette démarche ignoble a pour objectif de repousser les sans-papiers dans la clandestinité, afin qu’ils-elles restent ce qu’ils-elles ont trop souvent été : une main d’oeuvre précaire, sans droits, corvéables à merci et expulsables à tout moment.
Quel avenir ?
N’en déplaise à certain-e-s, on ne peut contenir entièrement les migrations. L’échec de toutes les
politiques migratoires de ces dernières décennies, qui n’ont fait que produire clandestinité et précarité, le montre clairement. Il s’agit maintenant de reconnaitre cette réalité et de changer de cap, dans l’intérêt des migrant-e-s eux-elles-mêmes, mais également dans celui de l’ensemble de notre société.
Il est d’autant plus urgent de trouver des solutions pragmatiques qu’une 3ème génération de sans-papiers – socialisée et scolarisée en Suisse – est en train de naître.
Comme l’explique un très récent rapport de la Commission fédérale pour les questions de migration, « La condition préalable à un changement d’optique est de renoncer à l’objectif irréaliste de vouloir appliquer à cent pour cent les dispositions du droits des étrangers et d’admettre que la présence des sans-papiers repose sur une cause structurelle et constitue un problème récurrent des pays démocratiques à l’époque de la mondialisation. »[ref]Rapport de la Commission fédérale pour les questions de migration – Visage des sans-papiers, évolution 2000-2010, publiée en décembre 2010.[/ref]
Ainsi, à long terme, nous demandons que la Suisse remette en question sa politique migratoire dite des deux cercles.
Dans l’immédiat, nous exigeons que le Conseil Fédéral:
- renonce à sa politique de renvois inhumaine, inutile et coûteuse ;
- renonce immédiatement à son projet de traquer les familles sans-papiers à travers la dénonciation de leurs enfants par les institutions scolaires ;
- maintienne l’accès à la scolarité, tous niveaux de formation confondus, de tous les enfants sans aucune discrimination, en respect de la Convention Internationale des droits de l’enfant ;
- mette sans tarder en place un dispositif d’accès à l’apprentissage pour les jeunes sans-papiers, comme demandé par les chambres fédérales en 2010 ;
- renonce également à son projet d’empêcher l’accès des sans-papiers aux assurances sociales ;
- fasse appliquer la loi sur le travail au noir de manière à encourager l’affiliation aux assurances sociales pour les travailleurs-euses sans-papiers et non comme un outil de dénonciation, le cas échéant en modifiant la loi dans ce sens ;
- garantisse l’accès de toutes et tous aux tribunaux (pénal, civil, prud’homme) sans risque d’être dénoncé-e ou forcé-e à quitter le pays à l’issue de la procédure.
- mette en place des conditions qui permettent la régularisation des personnes sans statut légal qui résident en Suisse.