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Contribution à la réflexion sur la formation supérieure en marge du Forum Social Européen à Paris – L'école comme reproducteur des inégalités sociales

L’ÉCOLE COMME REPRODUCTEUR DES INÉGALITÉS SOCIALES ?

Depuis la création des premières universités, la fréquentation des écoles supérieures a toujours été réservée aux classes aisées. Les milieux paysans ou les milieux ouvriers par exemple ont toujours rencontré des difficultés sociales, économiques et culturelles pour accéder à ces études. Avec l’essor de l’après-guerre et tout au long des années ’50 et ’60 le nombre d’étudiantes a sensiblement augmenté, dans un phénomène indéniable de massification. Malgré cela, la représentation sociale n’a pas évolué, les classes bourgeoises étant toujours sur-représentées. Encore aujourd’hui, le fait de provenir d’une famille de cadres ou de professions libérales facilite l’accès aux études et leur bon déroulement.

Cette constatation confirme que la massification, n’est pas le résultat d’un processus de démocratisation, notamment en ce qui concerne l’accès à l’éducation. L’accès indiscriminé des classes sociales et de genre est-il forcément lié à l’application d’un système politique démocratique ? Aucune des mesures proposées par les gouvernements, de droite ou de gauches quels qu’ils soient, n’a jamais réellement visé à une démocratisation totale de l’accès aux études. En outre le phénomène de massification semble très lié à la transformation des modes de production (passage du secondaire au tertiaire). L’introduction de taxes d’admission ou encore la réduction des financements pour le système de bourses n’ont fait que rendre la situation toujours plus inacceptable.

Un des exemples les plus frappants, sur lequel nous nous proposons de réfléchir, est celui dit de la “ chasse aux titres ”. L’acquisition d’un titre universitaire, qui est considéré comme couronnement d’une période d’études, est souvent recherché comme un sésame ouvrant les portes à une ascension sociale et à une reconnaissance conséquente. Or la massification des études a permis à un nombre toujours plus important de personnes d’obtenir des diplômes, et malgré l’absence d’une réelle démocratisation, ces titres aussi accessibles aux classes sociales plus défavorisées. La sauvegarde de la reproduction sociale à l’intérieur des structures d’enseignement est donc remise en question, mais la volonté des gouvernements bourgeois de continuer à reproduire le même système est évidente. Nous constatons cela dans l’attitude qui consiste à ajouter toujours plus de barrières pour l’obtention des diplômes les plus reconnus socialement et financièrement. L’objectif est donc de réduire l’importance des titres au fur et à mesure que ceux-ci deviennent plus accessibles en créant des titres supérieurs, tout en accompagnent ces modifications par la créations de barrières supplémentaires. Dans cette optique l’application de la Déclaration de Bologne peut être inscrite dans cette dynamique, avec la création d’un diplôme intermédiaire professionnalisant (le bachelor) et celle d’un titre supérieur (le master) qui prévoit un prolongement des études, sans aucune mesure d’accompagnement qui garantisse l’accès au deuxième niveau d’étude après l’achèvement du premier.

Mais cette discussion ne peut pas se réduire à l’analyse des effets de la non démocratisation du système éducatif mais se doit d’aborder le fond du problème. Nous nous proposons donc de réfléchir aux alternatives à proposer à ce processus de monétarisation de l’éducation qui consiste a considérer l’apprentissage du savoir comme un investissement. La réduction effective des possibilités d’accès à des titres universitaires n’est en effet qu’un aspect d’un processus qui veut que le savoir soit considéré comme une marchandise quantifiable. Les études sont donc considérées comme un investissement que l’étudiante se doit de rembourser, après mais aussi pendant son cursus. La connaissance devient donc une plus-value qui sera quantifiée pour permettre à l’étudiante de s’acquitter de sa dette. La situation d’aliénation dans laquelle elle se retrouvera après ce processus n’est évidemment pas quantifiable mais force est de constater qu’elle sera toujours perdante, ce qui fait que le rapport de force est biaisé et complètement à l’avantage des forces du capital. Il est donc absolument nécessaire de réfléchir à une alternative qui permette de sortir du cercle vicieux qui réduit l’étudiante à être un simple engrenage d’un système qui a pour but d’annuler ses possibilités d’autonomie intellectuelle, culturelle et sociale.

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Contribution à la réflexion sur la formation supérieure en marge du Forum Social Européen à Paris – Financer l'enseignement supérieur?

FINANCER L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ?

“ Le maintien d’un contrôle public sur l’enseignement supérieur n’est […] en rien la garantie immunitaire contre une dérive “marchande“ ou strictement utilitariste. Sans doute parce que tous les acteurs de la société partagent peu ou prou aujourd’hui cette vision : les parents d’élèves comme les étudiants cherchent la formation qui maximisera leurs chances sur le marché du travail ; les entreprises privées […] exigent un personnel directement opérationnel et se plaignent des insuffisances du système d’enseignement supérieur ; les hommes politiques […] considèrent la maximisation de la performance économique comme le seul objectif [1]. ”

C’est en ces termes que Jean-Luc de Meulemeester renvoie dos-à-dos les positions respectives de l’Etat et des entreprises privées en matière d’enseignement supérieur. Parallèlement, de nombreux mouvements qui s’affirment à la gauche de la gauche, de nombreux syndicats actifs dans le domaine de l’enseignement, posent comme centrale la revendication d’un retour de l’Etat sur le terrain qu’il a laissé au capital. Cette revendication ne revient-elle pas à oublier les liens qui unissent l’Etat au grand capital ? Plus largement, si l’enseignement ne doit pas être soumis au marché, le contrôle de l’Etat est-il l’unique alternative ou une alternative transitoire ? faut-il lutter pour un autre rapport entre l’Etat et les institutions d’enseignement – c’est-à-dire s’engager, à un titre ou à un autre dans le processus parlementaire – ou changer l’Etat lui-même ? Enfin, l’enseignement doit-il forcément être financé ?

Partant de ces questions, il s’agirait de réfléchir aux moyens de faire échapper l’enseignement à l’évaluation monétaire (prix des enseignements, salaires, “ investissement ” de la part des étudiants, etc.) Une telle perspective pourrait sans doute mener à des réflexions utopiques propres à donner l’impression – mais l’impression seulement – de la radicalité. Pour éviter ce travers, nous proposons, dans le cadre exposé ci-dessus, d’examiner des problématiques concrètes : Que signifie la notion de contrôle public sur les institutions d’enseignement supérieur et sur l’organisation de celles-ci ? Quelles alternatives à l’adage “ qui paie contrôle ” ?

Concrètement, quels modes d’organisation basés sur l’autonomie des étudiants dans leur propre formation souhaitons-nous ? Ces modes alternatifs d’organisation sont-ils de nature à éliminer ou à réduire l’évaluation monétaire de l’enseignement ?

[1] “ Education et capital humain ”, in Agone, sociologie, histoire & politique, n°29/30, septembre 2003, p. 190