Collège des professeurs? [Regard Critique n°37]

Petite surprise dans le règlement transitoire qui est entré en vigueur en même temps que la nouvelle loi sur l’université : le rectorat a ressuscité le collège de professeurs. Cet organe existait dans l’ancienne loi mais les députées ont souhaité le supprimer. Alors, les professeures au dessus des lois ?

Comme son nom l’indique, le collège des professeurs est composé uniquement de professeures. Il y avait un collège des professeurs par faculté. Sa composition et ses compétences étaient définies dans le règlement d’organisation de la faculté. C’était un peu l’équivalent du Sénat au niveau des facultés… Voilà pour les éléments formels [1]. Dans la pratique, le collège des professeurs était l’organe décisionnel de chaque faculté après la doyenne. Avant chaque décision, chaque modification de règlement comme des plans d’études, les collèges des professeurs étaient consultés et seules les propositions du collège des professeurs étaient présentées aux conseils de faculté. Avant chaque décision des conseils de faculté – où les 4 corps siégeaient- le collège des professeurs avait déjà émis une recommandation. C’était le collège des professeurs qui imposait…. euh proposait une doyenne aux membres du conseil de faculté qui, devant l’absence d’alternative dans ce qu’on ne peut qu’appeler un non-choix, se contentaient souvent de lever le bras au moment où on le leur demandait. C’était le collège des professeurs qui imposait… euh proposait un règlement d’étude au conseil de faculté où les étudiantes, le personnel administratif et technique et les membres du corps intermédiaire étaient, dans la majorité des cas, minorisées par les professeures. Ainsi, ces dernières années dans différentes facultés des projets ont été adoptés malgré l’opposition de la majorité des étudiantes, du corps intermédiaire et du PAT.

On constate aisément que le collège des professeurs était un organe très puissant qui donnait le ton dans les différentes facultés. Notamment à cause de son poids démesuré vis-à-vis du conseil de faculté, la disparition du collège des professeurs est une bonne chose. Les personnes qui ont eu le malheur de participer au conseil de leur faculté ont pu constater à quel point l’existence d’un organe non représentatif qui décide de tout en amont – comme le collège des professeurs – est nuisible au fonctionnement des institutions pseudo-participatives et pseudo-démocratiques de l’université.

Qui peut croire un instant que les professeures – majoritairement des hommes blancs de plus de 50 ans aux salaires démesurés – comprennent quelque chose aux conditions d’études actuelles et aux étudiantes en général ?

Même les députées n’en ont pas voulu !

La commission de l’enseignement supérieur a bien décidé de supprimer le Sénat, soit l’équivalent du collège des professeurs au niveau de l’université, et ce malgré les efforts grotesques de certaines pendant la consultation. Le passage suivant est extrait du rapport de la commission de l’enseignement supérieur chargée d’étudier le projet de loi du conseil d’Etat :

Discussion sur l’art. 26, al. 2
Le député libéral propo%&/ç)!!!!!
erreur fatale : message non conforme
cause = politicard chiant
[2]

Comme vous pouvez le lire dans le rapport, le débat a bien eu lieu et c’est donc en toute conscience que les députées ont supprimé le Sénat. Bien qu’un député libéral ait essayé au travers d’un amendement de réintroduire le Sénat, les membres de la commission ont enterré tout nouvel organe donnant des prérogatives aux professeures. L’argument avancé par les députées socialistes et PDC est clair : si on crée un Sénat pour les professeures, on doit également créer un organe semblable pour les autres corps avec les mêmes prérogatives. Cet argument est énoncé au sujet du Sénat et donc au niveau central de l’université mais est applicable par analogie aux facultés. Créer un organe supplémentaire pour les professeures revient à leur attribuer un poids trop important dans les décisions de l’université. Les députées l’ont bien compris et l’argument de la double représentation avancé par la députée socialiste tient également au niveau des facultés. Il ne s’agit pas d’un oubli des députées, ni d’une marge de manœuvre laissée au rectorat. La décision est argumentée et le résultat du vote le fruit d’un rapport de force. Apparemment le rectorat et les professeures semblent ne pas en tenir compte.

Action = Réaction ?

C’est un principe connu de nos amies physiciennes : toute action entraîne une réaction. Parfois la réaction est plus visible que l’action comme quand des émeutes surviennent suite à des bavures policières. Parfois c’est l’inverse.

Ici, ni l’action ni la réaction n’ont été visibles. Malgré les incantations de la CUAE aux associations les invitants à ausculter de près le règlement transitoire, il n’a probablement été consulté que par quelques illuminées amoureuses de la procédure. En terme de visibilité on aurait pu mieux faire. Le rectorat est resté discret, il n’a pas crié sur les toits qu’il venait de créer par voie réglementaire un organe supprimé par voie législative quatre mois auparavant. Quant à la réaction, elle se fait peut-être attendre. En l’état, seule une lettre d’intention a été adressée par la CUAE au rectorat. En faisant référence à la loi et au règlement transitoire, elle exige du rectorat qu’il revienne sur ce point dans le futur statut de l’université. La CUAE a décidé de ne pas faire recours contre ce règlement. Le recours ne pouvant être déposé que devant le Tribunal Fédéral, il aurait exigé des ressources importantes en énergie et en temps et il aurait pris un temps certain à être examiné sur le fond. Ainsi, les potentielles retombées positives se seraient faites attendre très longtemps. Le règlement transitoire n’est que transitoire, c’est le règlement final qui comptera en définitive. C’est ce règlement que la CUAE attaquera si elle estime qu’il ne respecte pas la loi. Mais plus que tout, ce n’est pas sur le plan juridique que la CUAE souhaite porter le combat. C’est aux étudiantes et aux autres membres de la communauté universitaire de s’emparer du débat et de se mobiliser afin que le collège de professeurs soit bel et bien enterré. En ce sens, une victoire juridique n’apporterait rien d’autre que le rétablissement du droit alors que nous nourrissons l’espoir de susciter la défiance et surtout le débat en mettant à jour le jeu antidémocratique du rectorat et des professeures.

[1] Celles qui désireraient plus de détail peuvent se référer à l’article 84 de l’ancienne loi sur l’université.

[2] Plutôt que de vous infliger la retranscription intégrale du débat sur l’article 26, al 2,  nous vous renvoyons à l’adresse suivante où vous trouverez le rapport de la commission dans son intégralité : http://www.geneve.ch/grandconseil/data/texte/PL10103A.pdf.