Le rectorat et les directives bernoises [Regard Critique n°37]

Le respect ça change la vie
Le rectorat et les directives bernoises

Durant la campagne autour de la loi sur l’université, le recteur a sous-entendu dans un débat organisé par la Tribune que la CUAE ne défendait pas correctement les étudiantes parce qu’elle avait quitté l’Union Nationale des Étudiantes Suisses (UNES). Ce départ l’empêcherait d’être en contact avec les instances nationales. Et de nous suggérer d’aller à Berne voir ce qui s’y passait. Cette charge n’avait rien à faire dans le cadre du débat sur la nouvelle loi – genevoise – sur l’université. Pourtant elle a été reprise ailleurs. Le vice-recteur Flückiger expliquait le 1er décembre dans un courrier adressé à l’ensemble des associations d’étudiantes qu’il espérait que l’énergie de la CUAE serait investie dans les affaires de l’UNES plutôt que dans celles de l’université de Genève. La CUAE a toujours pour vocation de défendre les étudiantes à tous les niveaux et notre non-participation dans l’UNES est expliquée dans l’article La CUAE et la politique nationale dans ce même numéro.

Cette ingérence du rectorat dans les affaires des associations est certes scandaleuse en soi, mais c’est seulement à la lumière des décisions prises actuellement au sujet des assistantes qu’on se rend compte que le rectorat serait plus inspiré de prendre pour lui ses critiques et de suivre la politique nationale.

Le rectorat ne respecte pas la décision de la CUS

Comme le révèle bulletin n° 9 d’unige-info1, le rectorat fait une différence entre les assistantes détentrices de licence et celles détentrices de master. Cette différenciation est illégitime. La Conférence des Universités Suisses (CUS) a émis une directive le 1er décembre 2005 qui stipule “l’équivalence de la licence et du diplôme de master”. Cette décision est entrée en vigueur depuis le 1er février 2006 soit depuis plus de 2 ans. L’article 6 vise justement à permettre l’égalité de traitement entre les titulaires des deux titres. Égalité sur le “marché du travail” : les détentrices d’une licence sont autorisées à mentionner qu’elles détiennent un master. Égalité dans le “monde académique” : les formations disponibles pour les détentrices de master doivent également l’être pour les détentrices de licence.

La décision de la CUS a un caractère contraignant : “Elle oblige les collectivités en charge des universités (à savoir la Confédération et les cantons) à adapter leur droit interne en conséquence.”

Quelle interprétation donner au fait que le rectorat ne respecte pas cette directive ?

Le rectorat qui est devenu “le patron” de l’université viole donc les directives auxquelles il est soumis. Il ne manquera pas de justifier cette nouvelle différenciation entre assistantes comme une nécessité économique. On n’oubliera pas qu’une telle décision relève d’une politique délibérée. Mais comment interpréter cette attitude ? Différentes pistes sont plausibles :

1. Entré en fonction seulement en 2007, soit après la mise en place de cette norme, et étant submergé par le travail induit par la nouvelle loi genevoise, le rectorat n’a pas encore eu le temps de consulter les anciennes directives fédérales.

2. Le rectorat est au courant de cette norme et de son caractère contraignant mais il s’en fout.

3. Le rectorat ne sait pas qu’on peut faire recours contre ses décisions.

4. Malgré son injonction nous invitant à réintégrer l’UNES et à participer à ses côtés en tant qu’étudiante-alibi dans des institutions de promotion du new public managment, le rectorat  ne va lui-même pas à Berne.

5. Autre(s) explication(s) : votre avis nous intéresse ! Vous pouvez envoyer votre interprétation à cuae@unige.ch. L’auteure de l’interprétation la plus originale gagnera une bouteille de rouge et une photo dédicacée.

On ne s’attendait pas à mieux de leur part

Quand le rectorat se permet de suggérer à la CUAE de réintégrer l’UNES, il s’agit d’une ingérence inadmissible. Cependant, elle reste anecdotique en comparaison des conséquences de l’orientation de sa politique. Le rectorat confirme là les différentes “craintes” et “peurs” que les journalistes assignaient au comité référendaire au sujet d’un rectorat tout-puissant. Et nous voilà rassurées quant à notre santé mentale : nous ne sommes pas paranoïaques ! Nos critiques quant à la volonté réformatrice d’un rectorat qui ne souffre plus aucune opposition étaient bien fondées. Le rectorat est décidé à trancher dans le vif et a déjà choisi ses cibles. Il précarise les collaboratrices de l’enseignement et de la recherche en commençant par les assistantes. Bientôt il n’hésitera pas à supprimer filières d’études et unités de recherche et d’enseignement en fonction de ses priorités. Sa politique ressemble à celle d’un manager ne se souciant guère de son personnel et gérant l’université comme une entreprise privée prête à se restructurer pour “privilégier des domaines de recherche prioritaires” [2 ].

Il peut tenter tant qu’il veut de diviser les étudiantes et les assistantes en distillant sa propagande ou en créant des statuts différents [3], nous resterons déterminées à lutter contre ce que nous dénonons comme une politique captive d’intérêts privés et d’une logique économiciste. Après les premières réformes s’en suivront d’autres et personne ne peut se considérer à l’abri face à la déferlante rectorale.

1] Disponible à cette adresse : http://www.unige-info.ch/Bulletin-no-9.html. L’article 6 des directives des la CUS est disponible à cette adresse : http://www.cus.ch/wFranzoesisch/publikationen/richtlinien/Disp._transit._1.2.pdf.

[2] http://www.unige.ch/rectorat/home.html.

[3] Comme à Lausanne où un super-directeur gère l’université depuis plusieurs années et où il existe déjà 40 types de contrats différents pour les collaboratrices de l’enseignement et de la recherche.