La mixité choisie comme outil de lutte

Au cours de plusieurs textes, le comité de la CUAE propose d’explorer des thématiques de lutte qui forment les bases théoriques de ses actions. Le premier de cette série est dédié à l’antisexisme.


La CUAE, en plus d’être un syndicat étudiant anticapitaliste, est un collectif antisexiste. Un outil parmi d’autres employé par le féminisme que nous défendons est celui de la mixité choisie sans mecs cis.
Mais en fait, c’est quoi la mixité choisie ?Nous vivons de facto dans un monde pourri par des rapports de dominations qui s’immiscent dans tous les recoins de nos vies jusqu’à devenir invisibles tant ils sont communs, ancrés en nous tou.te.x.s, qu’on soit dominé.e.x.s ou dominants. La mixité choisie est employée lors d’événements spécifiques, circonscrits dans le temps et l’espace (au contraire des dominations systémiques), pour permettre à des personnes appartenant à des groupes sociaux discriminés de se réunir entre elles. Cela leur offre un espace loin du regard, de la présence, du contrôle, du mansplain etc. du groupe social dominant. C’est un outil d’empouvoirement qui permet de se libérer ponctuellement des oppressions quotidiennes et de prendre de la force au sein d’un espace (plus) safe pour pouvoir mieux affronter le monde mixte.
On ne vous apprendra rien, les hommes cisgenre constituent un groupe social dominant. Toutes les personnes ayant une identité de genre différente subissent donc des oppressions quotidiennes. La mixité choisie sans mecs cis cherche à créer un espace où ces dernières peuvent se réunir entre elles. 
Cela ne créera-t-il pas de nouveaux rapports de dominations ? Bien sûr que non, puisque la domination est fondée sur l’exclusion des dominé.e.x.s. Or, c’est tout le contraire de la mixité choisie sans mecs cis qui est pensée pour inclure des personnes qui ne le sont pas habituellement, en créant un espace qui est pensé pour qu’iels s’y sentent à l’aise. Par exemple, des personnes qui ont subi des agressions peuvent y partager leurs expériences sans craindre les remises en question de ce qu’iels ont vécu.
La mixité choisie est un outil qui fait écho à une conception de l’émancipation par le bas, qui est nécessaire à toutes les luttes et mouvements sociaux. Selon cette vision, la lutte contre les dominations doit pouvoir se faire prioritairement par les dominé.e.x.s elleux-mêmes, car ce sont elleux qui connaissent le mieux les violences qu’iels subissent au quotidien. C’est par leur propre lutte que l’émancipation pourra s’inscrire dans le temps long, car ancrée dans leurs savoirs et leurs volontés.
Cependant, tous les rapports de domination ne s’évanouissent pas subitement lorsque des personnes se réunissent et s’organisent en mixité choisie. Dans le cas de la mixité choisie sans mecs cis, le racisme, le validisme, la transphobie et même le sexisme peuvent influencer les comportements et les rapports de pouvoir entre les personnes réunies. La mixité choisie n’est donc pas un outil parfait, mais reste un outil efficace pour tenter de se détacher au mieux d’un ou plusieurs rapports de domination.

Les syndiqué.e.x.s se sont de tout temps réuni.e.x.s sans leur patron et sa clique. En fait, les mouvements politiques, qu’ils soient de gauche, réactionnaires ou fascistes, se sont toujours organisés en mixité choisie, au moins dans un premier temps.  Les bourgeois sont aussi en mixité choisie sans personnes pauvres lorsqu’ils organisent des diners caritatifs dont les billets d’entrée coûtent des milliers de francs ou dans les conseils d’administration des grandes entreprises. Et les mecs cis se retrouvent et s’organisent souvent strictement entre eux dans des organes de décision importants ou dans les gouvernements. A l’université de Genève aussi la mixité choisie est fréquente, il y a par exemple la société ultra-conservatrice zofingue (réservée aux mecs cis) qui ne semble déranger quasiment personne. Alors pourquoi est-ce que la forme spécifique de mixité choisie sans mecs cis déchaine tant de passions là où une multitude de mixités choisies se développent dans une parfaite indifférence ?
Si la mixité choisie sans mecs cis fait aussi peur (c’est aussi le cas de la mixité choisie sans personnes blanches), c’est parce qu’elle est un véritable danger pour la position de domination de certaines personnes. Un féminisme radical, qui remet profondément en question les violences exercées par les hommes cis, utilise constamment la mixité choisie pour s’organiser. Sans cet outil, le combat serait beaucoup plus difficile à mener. En outre, les personnes qui craignent le plus la fin des dominations qu’elles exercent sont également celles qu’on entend le plus. En effet, ce sont ces personnes que le système (médiatique par exemple) met en avant et dont les idées, à force d’être constamment exposées, finissent par infuser dans la société entière. Penser un espace sans elles, c’est remettre en question directement et concrètement leur domination.
Mais si l’on se penche un petit peu sur ces idées anti-féministes, on se rend compte qu’elle ne sont que le socle d’une idéologie fasciste. Elles sont mêlées à des expression comme “la crise de la masculinité” : mythe fantasmé par l’extrême droite selon lequel les hommes (comprendre hommes cisgenre) seraient les marionnettes des femmes, ce qui les arracherait à leur nature (virile, puissante, violente, tournée vers le monde extérieur, supérieure, etc.). Cette rhétorique cherche à nous faire croire qu’il n’existe qu’une seule masculinité et une nature masculine, figée et immuable. Dès lors, tout ce qui y dérogerait serait contre-nature ou inférieur. Fonder la politique sur des conceptions naturalisantes et biologiques des êtres humains, voilà le trait commun qui réunit tous les fascismes et plus généralement toutes les pensées de droite. 
Contre des idées fascistes de la sorte, il n’y a pas de meilleure réponse qu’un féminisme révolutionnaire !!!