La pseudo-crise de l’université du printemps 2006, montée en épingle à dessein par une classe politique déterminée à solder ce qui pourrait rester de l’indépendance académique, sert de prétexte à une réforme des structures. Le modèle appliqué n’est qu’une énième variante de la théologie du « rectorat fort » en vigueur depuis les années 90, et responsable des dérives constatées. Pour nos tribuns, de gauche comme de droite, toute l’institution doit être sous la coupe d’un recteur tout puissant coopté par le corps professoral, et à qui il revient d’être le « sauveur suprême » de l’université. En guise de contrôle, la novlangue néolibérale marque une évolution supplémentaire et tient compte des réticences formelles d’un monde académique qui a encore besoin de croire à son indépendance : pas de contrat de prestation mais une convention d’objectif, et un conseil d’orientation stratégique plutôt qu’un bête conseil d’administration. Visiblement, les méthodes mises en œuvre aux TPG, SIG et HUG et responsables des multiples dérives dans ces organismes ont toujours de nombreux émules, et le refus lors des dernières votations cantonales du désengagement politique de la gestion de ces institutions ne semble pas avoir bouleversé des député·e·s plus soucieux d’imposer leur modèle de gouvernance que du respect de la volonté populaire. On sait également les conséquences que ces réformes structurelles ont sur le statut du personnel, et une généralisation des contrats de droit privé est à attendre, à la fois pour exploiter le petit personnel à titre temporaire et pour verser des salaires indécents à de prétendues sommités.
Autre face de ce désengagement des représentant·e·s politiques : l’absence dans le projet de loi de la question des taxes universitaires, reléguée à une « loi spéciale ». La pratique actuelle (et illégale !) de l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID) laisse augurer de ce qui attend les étudiant·e·s, c’est-à-dire un montant qui passe brusquement de 1000 à 5000 francs par année. Quant aux améliorations du système de bourses promises à chaque réforme, tout indique qu’il faudra les attendre encore longtemps, le sujet n’ayant tout simplement pas été abordé, quand il n’est pas renvoyé à une hypothétique harmonisation fédérale en la matière, remède qui sera à coup sûr pire que le mal. Tout est donc fait pour que l’université retrouve son rôle d’instrument de sélection sociale en en écartant ceux et celles qui ne pourront subvenir à ses exigences financières. Dans ce contexte, et sans renoncer à notre exigence de gratuité des études supérieures, la loi actuelle qui impose le plafond des taxes à 500 francs par semestre apparaît comme un acquis minimal (bien que très insuffisant) en faveur d’un accès à l’université sans distinction de classe sociale.
Pour ces raisons, la CUAE exige des député·e·s qu’ils refusent ou amendent en profondeur le projet de loi actuel, inepte, inefficace et antisocial. Elle lance également un appel à toutes les forces prêtes à combattre par tous les moyens cette vision d’une université soumise aux intérêts de l’économie et aux fantaisies d’expert·e·s autoproclamé·e·s, en rejoignant le comité référendaire en cours de constitution, en suivant l’appel à manifester du Collectif pour la démocratisation des études (16h00 aux Bastions, puis devant le Grand Conseil), ou par toute autre méthode.