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Les fondements moraux de la gratuité des études

Derrière les taxes universitaires se cache un principe farfelu : marchander le Savoir. En effet, demander de l’argent en échange d’une transmission de Savoir s’assimile à un échange marchand. Une brève réflexion sur les propriétés du savoir permet de montrer à quel point il est absurde de vouloir mettre un prix aux connaissances. C’est ce que nous nous proposons d’entreprendre dans ce texte.

Ce que nous appelons le Savoir, ce sont ces formes particulières de connaissances théoriques qui s’établissent dans un rapport d’extériorité [ref]Le Savoir se distingue du savoir-faire qui, lui, est complètement pris dans la pratique.[/ref]. Le Savoir désigne la connaissance de proposition vraie, ou plutôt qualifiée de vérité dans un espace social [ref]Car comme le rappel Bourdieu, s’il y a une vérité, c’est que la vérité est enjeu de lutte.[/ref] En Occident, le Savoir est donc intimement lié à la science, qui, en tant que processus reconnu, permet de formuler des propositions considérées légitimement comme vraies. Il est la forme de connaissance dominante, celle qui procure les profits (économiques et symboliques) les plus importants. A l’opposé, la connaissance pratique, le savoir-faire, est largement dévalué. L’université s’est construite comme le lieu idéal-typique de production et de transmission de Savoirs où les seuls savoir-faire qui sont enseignés et pratiqués (techniques expérimentales, d’enquête, de recherche, d’analyse) ne sont que des moyens pour créer un Savoir nouveau. L’université est donc le lieu de définition des Savoirs dominants et de constitution de vérité légitime. Elle occupe de ce fait une place très importante dans le champ du pouvoir qui l’expose à des tentatives d’ingérence. Pour que la logique du champ scientifique soit celle du discours rationnel, il faut créer les conditions d’autonomisation du champ, c’est-à-dire mettre des barrières suffisamment élevées pour « exclure l’importation d’armes non spécifiques, politique et économique notamment, dans les luttes internes » [ref]Bourdieu Pierre (2003), Méditations pascaliennes, Seuil, Paris, [1997], p.161.[/ref] pour ne conserver que les armes scientifiques dans le processus de création de Savoir. L’université est donc le lieu que notre société s’est donnée pour créer du Savoir en garantissant des conditions de production du travail scientifique. Le but y est d’améliorer notre compréhension du monde au profit de la collectivité. Elle est donc essentiellement collectiviste. Dans cette optique, il est essentiel qu’elle reste financée par la collectivité, afin de ne pas être récupérée par des intérêts privés. L’enseignement et la recherche scientifiques sont donc tiraillés par une nécessité d’autonomisation vis-à-vis des enjeux de pouvoir de la société et un objectif collectiviste au service de la communauté. Ils doivent s’extraire de la société, tout en y restant fondamentalement ancrés.Il découle de ce double mouvement à la fois d’autonomie et de collectivisme [ref]Les camarades de tout bord apprécieront le rapprochement.[/ref] que la production scientifique est un bien commun qui se place idéalement au-dessus des clivages sociaux. Il convient alors de toujours veiller à ce que les conditions du travail scientifique soient garanties (autonomie) et que le Savoir soit collectif (collectivisme), donc public, au profit de tous les membres de la communauté. Autrement dit, puisque les conditions de création du Savoir sont produites par la collectivité, le Savoir lui-même est un bien commun. Le Savoir étant un bien commun, qui peut prétendre vouloir le vendre ? Il appartient déjà à l’ensemble de la collectivité. Il est complètement absurde de vouloir le marchander. D’autant plus que c’est un bien non exclusif[ref]C’est-à-dire que la consommation de ce bien (pour autant que l’on puisse parler de consommation de Savoir), ne prive pas la consommation d’autres agents (contrairement à une pomme, par exemple, qui ne peut être mangée deux fois.)[/ref]. Il faut, au contraire, poser la question de sa diffusion aussi large que possible et des moyens pour le rendre accessible au plus grand nombre.
Non seulement les conditions de création de Savoir sont produites par la collectivité, mais le Savoir lui-même est le fruit d’un processus collectif. D’abord, l’énorme majorité de notre Savoir est constitué de l’héritage universel laissé par les générations précédentes depuis des millénaires. Il existe bien évidemment un intérêt général à ce que cette accumulation de Savoir continue d’être transmise de génération en génération. La propagation de ces connaissances ne doit pas être privatisée et mise au profit d’une seule classe, d’une part parce que la diversité des Savoirs acquis serait mise en danger (par élimination des Savoirs ne représentant aucun intérêt pour cette classe), d’autre part, parce que ces Savoirs ont été élaborés grâce à un long travail socio-historique qui leur confère le statut de propriété universelle. Autrement dit, la valeur des Savoirs ne peut pas se réduire au travail personnel d’accumulation des connaissances. Ne serait-ce que parce que, sans le monde social, ce travail d’accumulation n’aurait pas été possible. C’est pourquoi, les connaissances mêmes incorporées dans un individu ou accumulées dans un livre conservent toute la valeur de ce long travail socio-historique, c’est-à-dire une valeur sociale, commune à l’ensemble de la société et inestimable. L’héritage des Savoirs acquis est donc une valeur commune, mais la production d’un Savoir nouveau est également le fruit d’un travail collectif même s’il se concrétise dans le travail d’une seule personne. En effet, l’individu qui crée un nouveau savoir est lui même le fruit de sa socialisation. Il a été construit par une langue, une culture et par l’interaction permanente avec la collectivité (c’est-à-dire l’ensemble des membres de la société, soit directement, soit indirectement). Il a été construit par la société qui l’entoure. Il a bénéficié également du long travail social d’accumulation des connaissances. Ce sont la construction sociale dont il est le fruit et ces Savoirs hérités qui produisent un Savoir nouveau. La production de Savoir est l’aboutissement d’un travail social qui engage l’ensemble de la société et qui, même s’il se formalise finalement à travers un seul, est donc la propriété de l’ensemble de la collectivité[ref]A l’image d’un sport d’équipe, l’auteur du but (le créateur de Savoir) est un individu précis mais le but est le fruit d’un travail collectif, et a ce titre il appartient à l’équipe (la société) dans son ensemble (ce n’est pas le joueur qui gagne un point ou un but mais toute son équipe.)[/ref].
Le Savoir lui-même est une production sociale, collective. Il est également totalement absurde de prétendre qu’il peut être approprié individuellement. Le Savoir, en tant que production sociale, est un bien social. Là encore, il convient de se demander comment sa répartition peut être élargie au maximum.

Tant les conditions de production des savoirs, que la production du Savoir elle-même sont le résultat d’un investissement et d’un travail collectifs. L’université, comme lieu de création et de transmission du Savoir, est un bien commun. Elle est une propriété collective, un bien public au sens fort. Puisqu’elle est la propriété de tou.te.s, tout le monde doit pouvoir y avoir accès, sans restriction aucune et en particulier d’ordre financière. La gratuité est donc au fondement de l’université. Introduire des taxes, c’est détruire l’université en niant son universalité.

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Les arguments "pragmatiques" pour la gratuité des études

Au-delà d’une revendication romantique qui nie la légitimité d’une marchandisation du savoir au nom de la qualité universelle des connaissances [ref]Revendication que nous assumons par ailleurs pleinement, à ce titre lire « Les fondements moraux de la gratuité des études. »[/ref], il existe un nombre important d’arguments justifiant la gratuité de l’enseignement supérieur. Que l’on se fonde sur des principes d’égalité des chances, de droits de l’Homme ou d’économie, la gratuité des études apparaît comme une nécessité. Il ne faut cependant pas dissimuler les problèmes de financement, et donc de justice sociale, que posent une telle proposition. Alors que nous reposons la question de l’abolition des taxes universitaires dans l’arène politique, il est essentiel de rappeler tous les arguments en faveurs de cette mesure et de revenir sur les interrogations qu’elle suscite.

Tendre vers de l’égalité des chances

L’égalité des chances constitue l’un des principes fondamentaux sur lequel repose nos démocraties. Or, toutes les statistiques le montrent [ref]Par exemple : « Origine sociale des étudiants des Hautes Ecoles Universitaires » sur le site de l’Office fédéral de la statistique http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/themen/15.html[/ref], les chances d’accès à l’enseignement supérieur varient de manière très importante en fonction de l’origine sociale. Les chances d’accéder à l’université sont largement inférieures pour celles et ceux dont les parents n’ont pas fait d’étude et/ou ont des revenus modestes. Les taxes d’étude ne sont évidemment pas responsables à elles seules de ce phénomène. Néanmoins, elles y participent à deux niveaux au moins. Premièrement, elles compliquent matériellement la vie des étudiant.e.s et en particuliers de celles et ceux dont la situation économique est la plus précaire. Nous estimons [ref]D’après les chiffres du Bureau d’information sociale http://www.unige.ch/dase/buis/vieageneve/budget.html[/ref] que les taxes actuelles [ref]1000 francs par an.[/ref] représentent environ 5% du budget étudiant moyen, et près de 10% du revenu disponible [ref]Le revenu disponible définit dans le cadre de l’aide sociale représente le revenu qui doit couvrir toutes les dépenses une fois le loyer et les assurances maladies payées.[/ref]. Elles pèsent donc lourdement sur les finances estudiantines [ref]Elles frappent particulièrement les étudiant.e.s dont les parents ont des revenus juste supérieurs au barème d’exonération et ceux qui sont en rupture avec leurs parents.[/ref]. Une telle barrière a de quoi décourager une part non négligeable des jeunes issu.e.s des classes populaires. Les frais d’écolage obligent également une partie des étudiant.e.s à travailler (ou à travailler plus) parallèlement à leurs études, ce qui augmente l’échec scolaire et les contraint à prolonger leurs études. La gratuité permet l’allégement des frais liés aux études et favorise donc l’accès de tou.te.s à l’enseignement supérieur. Deuxièmement, les taxes constituent une barrière symbolique. Elles rappellent symboliquement que les études coûtent, qu’elles ne sont accessibles qu’à celles et ceux qui en ont les moyens. Or, une part importante de la sélection sociale quant à l’accès à l’université s’opère au niveau des représentations [ref]En rendant les études payantes, on augmente le nombre de jeunes des classes populaires qui se disent : « les études, ce n’est pas fait pour moi ». BOURDIEU, « Les héritiers. Les étudiants et la culture », en collaboration avec PASSERON, 1964. Et aussi BOURDIEU, « La reproduction, éléments pour une théorie du système d’enseignement », en collaboration avec PASSERON, 1970.[/ref]. Réintroduire la gratuité permet de réaffirmer que l’université est accessible à tou.te.s. Il ressort alors que les taxes constituent, tant par leur poids matériel concret que par leurs effets symboliques, une entrave à l’égalité des chances qu’il convient d’abolir.

La gratuité des études : un droit de l’Homme

Le principe de gratuité des études supérieures n’est d’ailleurs pas une simple obligation morale, c’est un droit de l’Homme que la Suisse se doit 6.de respecter. L’article 13 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels [ref]Ratifié par la Suisse le 18 juin 1992.[/ref], qui est en matière d’éducation « la norme du droit international relatif aux droits de l’homme la plus large par sa portée et la plus détaillée » [ref]Nations Unies, Conseil économique et social, « le droit à l’éducation », Application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale 13, Paragraphe 2.[/ref], est très clair à ce sujet. Il stipule que « l’enseignement supérieur doit être rendu accessible à tous en pleine égalité, en fonction des capacités de chacun, par tous les moyens appropriés et notamment par l’instauration progressive de la gratuité ». L’application de ce droit est commentée de manière très explicite par les instances onusiennes : « Gratuité. La nature de cette exigence ne souffre aucune équivoque. Ce droit est formulé explicitement pour bien indiquer que l’enseignement (…) ne doit être à la charge ni des enfants, ni des parents, ni des tuteurs. Les frais d’inscription imposés par le Gouvernement, les collectivités locales ou les établissements scolaires, et d’autres frais directs, sont un frein à l’exercice du droit et risquent de nuire à sa réalisation. Ils entraînent aussi souvent un net recul de ce droit. Le plan exigé doit tendre à leur suppression. » [ref]Nations Unies, Conseil économique et social, Questions de fond au regard de la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale 11, Paragraphe 7.[/ref]. Il ressort alors que la gratuité ne forme pas une revendication idéologique abstraite mais un droit concret qu’il convient d’appliquer.

La gratuité : un choix économique rationnel !!!

Même s’il l’on s’inscrit dans une logique d’économie capitaliste (qui n’est pas la nôtre [ref]Il semble important de préciser l’un des buts statutaires de la CUAE est de « promouvoir une vision alternative à la vision capitaliste de l’éducation et de la recherche scientifique. »[/ref]), la gratuité s’avère, là encore, être un choix rationnel. Soulignons pour commencer que les taxes universitaires ne contribuent que de manière extrêmement marginale au budget de l’université. En 2007, elles ne représentaient que 2,7% [ref]D’après les comptes d’exploitation des statistiques universitaires de 2004-2005.[/ref] des revenus de l’alma mater. Ce chiffre doit être mis en comparaison avec la part importante (près de 10% du revenu disponible) que les taxes représentent dans les dépenses des étudiant.e.s. Cette première approche permet de montrer que ces taxes n’apportent que relativement peu d’argent à l’université alors qu’elles pèsent lourdement sur les finances estudiantines. De ce fait, nous l’avons vu, elles contribuent à entraver l’accès à l’université. Or, l’économie genevoise souffre d’un grave manque de personnel qualifié et très qualifié. Pour maintenir voire améliorer « notre » [ref]Il s’agit plutôt de la compétitivité des possesseurs des moyens de production dans l’économie globalisée, d’où les guillemets puisque la plupart d’entre-nous ne faisons pas partie de cette catégorie.[/ref] compétitivité (concept cher aux économistes), il faut rendre les études supérieures accessibles au plus grand nombre pour pallier cette pénurie. Dans ce but, il faut former au mieux le maximum de personnes afin d’augmenter la masse de travail à forte valeur ajoutée et ainsi conserver l’attractivité du pôle économique genevois. L’argent dépensé pour former ces personnes supplémentaires doit être considéré comme un investissement extrêmement rentable à moyen terme. Nous sommes même convaincu que la gratuité ne suffit pas et qu’il faut, en plus, développer le système de bourses afin de renforcer son efficacité. Abolir les taxes constitue donc un investissement rentable qu’il est nécessaire d’introduire.

Subventionner la reproduction des inégalités ?

La gratuité des études doit nécessairement être compensée par une augmentation de la subvention publique afin de ne pas entraver la qualité de l’enseignement et de la recherche. Cela pose un problème de justice sociale dans la mesure où l’université est financée par l’ensemble de la population pour finalement ne profiter majoritairement qu’à des individus d’origine sociale dominante et dont le passage à l’université garantit la reproduction de leur domination en offrant à leur travail une valeur ajoutée importante sur le marché (de par leur titre universitaire). Autrement dit, ne serait-il pas normal que les riches payent pour un service qui leur permettra de s’enrichir ?

Il nous semble effectivement essentiel que les personnes qui bénéficient d’une formation universitaire, et qui de ce fait touchent des salaires importants, contribuent largement au financement de l’institution. Cependant, il nous semble que la mesure la plus appropriée et la plus juste (en terme de justice sociale) soit l’impôt progressif sur le revenu. Au moins deux arguments justifient cette position. D’une part, tout autre système de financement direct sous forme de taxes, même avec des possibilités de prêts, exclut de fait une partie importante des classes populaires, en particulier par l’effet de barrière symbolique que créent de telles mesures. Les frais de scolarité tendent à conserver le caractère élitiste des études universitaires alors que la gratuité pousse, au contraire, vers la démocratisation de la formation tertiaire. D’autres part, une partie importante des études universitaires n’offre pas une orientation particulièrement rentable des formations. C’est le cas notamment des sciences humaines mais également de certaines sciences dures. Les taxes dévalorisent les filières peu rentables et restreignent ainsi le choix des filières d’étude. L’impôt progressif sur le revenu en revanche ne touche que ceux qui bénéficient effectivement de leur formation pour obtenir des revenus importants. Il nous semble donc qu’en terme de justice sociale, la mesure la plus appropriée pour financer les 11 millions (soit environ 0,15% du budget de l’Etat) que coûteraient l’abolition des taxes passe par une augmentation progressive de l’impôt sur le revenu pour les catégories de la population les plus riches.

La formation universitaire représente également un coût externe pour les entreprises. Autrement dit, celles-ci bénéficient de personnes formées par l’Etat, il est donc normal qu’une partie de ce coût soit pris en charge par les entreprises. Augmenter très légèrement les impôts sur les entreprises peut donc également être une solution envisageable.

Le financement de l’université doit donc se faire par les pouvoirs publics afin de garantir un accès aussi large que possible à l’université. Suivant cet objectif, la gratuité est non seulement une nécessité morale mais également un droit garanti par les conventions internationales et une mesure économique rationnelle. Le financement des études doit également répondre à l’exigence de justice sociale et le coût de cette formation doit reposer sur ceux qui en profitent. Là aussi, la gratuité est une mesure qui permet d’atteindre ce but de manière optimale, à condition toutefois de mener une politique fiscale cohérente. La gratuité des études est une mesure pragmatique qui doit être largement et vigoureusement promue.

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La participation utilisée contre la démocratie

Quiconque a fréquenté une séance de l’un des conseils participatifs de l’université est conscient des limites de l’exercice. Les questions véritablement intéressantes pour l’avenir de l’université ou de la faculté concernée sont en général passées sous silence, les professeurEs n’entendant pas que des étudiantEs [1] se mêlent de questions telles que les budgets ou les nominations du corps enseignant, questions qui – c’est tellement évident que personne ne songe même à y réfléchir sérieusement – sont au-dessus de leur compétence. Par conséquent, ces différents conseils sont en général repourvus tacitement, et les quelques élections ouvertes ne connaissent qu’une participation minimale. Les étudiantEs ne montrent qu’un intérêt très faible pour ce processus participatif, et ils ont bien raison. Bien loin d’un véritable idéal démocratique qui verrait la communauté universitaire prendre en main à la fois la stratégie globale de l’université et ses propres conditions de travail ou d’études, la vision que les dominants (autorités universitaires, professeurEs en général, mais aussi le champ politique qui définit la structure de l’université) ont de la participation est celle d’une procédure uniquement consultative visant à légitimer leurs propres décisions, et à en obtenir une application efficace à moindres frais.

Le récent exemple de l’organisation du forum uni-emploi [2], organisé « en collaboration » avec quelques associations d’étudiantEs, a vu celles-ci systématiquement écartées des choix stratégiques sur le fond (en particulier dans les priorités données aux entreprises privées par rapport aux organisations à but non lucratif). En revanche, la participation de leur membres étudiantEs est bienvenue lorsqu’il s’agit de fournir pratiquement gratuitement le travail d’encadrement du forum [3].

Un autre danger de la participation est la légitimité qu’acquièrent par ce biais les institutions au service des dominants. La présence d’unE étudiantE dans une structure décisionnelle collective peut donner l’impression que les décisions qui en émanent sont le fruit d’un consensus obtenu pour le bien de toute la communauté universitaire, alors que la pratique montre que les étudiantEs sont en général systématiquement minoriséEs. Qui plus est, la hiérarchie de l’université n’hésite pas à contourner les décisions de ces organes participatifs lorsqu’elles sont contraires à ses visées.

Le récent exemple de la transformation de la session d’examens de septembre en un simple rattrapage par le décanat de la faculté des lettres donne un excellent exemple du mépris des dominants pour les institutions qu’ils ne peuvent entièrement contrôler [4]. Face à ce danger d’une récupération de la participation par les structures dominantes de l’université pour renforcer et légitimer leur pouvoir, nous devons réaffirmer nos revendications pour l’instauration d’une véritable démocratie interne.

La création d’une assemblée de l’université représentant les quatre corps de façon paritaire et constituant l’organe suprême de l’université est le premier pas vers ce but, et c’est ce que se propose d’atteindre l’initiative « pour la démocratisation de l’université » déposée par la CUAE. Enfin, il importe de tenir compte que la voie institutionnelle, que ce soit via les assemblées ou l’utilisation de la démocratie directe, n’est pas l’unique possibilité pour améliorer les conditions de travail, d’études et de vie de la communauté universitaire, et que différents moyens (action directe, mobilisation associative, manifestation, grève, etc.) doivent être envisagés en parallèle.

[1] Ces considérations sur la participation des étudiantEs sont également valables pour les autres corps dominés de l’université : corps intermédiaire et personnel administratif et technique.

[2] Manifestation organisée par le centre uni-emploi et visant à faciliter aux entreprises privées l’accès au « capital humain » form(at)é par l’Université de Genève. Conformément à ses statuts prônant « une vision anticapitaliste de l’éducation », la CUAE est fermement opposée à la tenue de cette manifestation dans le cadre de l’université.

[3] La majorité des prestations demandées aux associations l’a été de manière bénévole, pour le plus grand bénéfice de l’organisation du forum et des multinationales qui y participent.

[4] Notons toutefois que le doyen affirmera dans la lettre expliquant sa décision aux étudiants « prendre en compte quelques-unes des remarques de membres du Conseil de Faculté », afin de renforcer sa légitimité. Pour notre part, nous eussions préféré qu’il accepte simplement la décision du dit conseil, compétent pour les modifications du règlement d’études.