Il n'y a pas d'étrangÈREs sans frontières, il n'y a pas de crimes sans lois [Regard Critique n°39]

Nous refusons d’être les complices des politiques et des discours racistes qui prolifèrent dans ce pays.

Nous ne laisserons pas de nouvelles lois xénophobes susciter le débat sans affirmer notre solidarité avec les migrantes et autres cibles de l’injonction à la “normalité”.

Nous voulons abolir les frontières

Nous ne nous reconnaissons pas dans la division du monde en frontières matérielles et immatérielles. Les frontières matérielles délimitent un espace constitué servant les intérêts de ceux qui détiennent le pouvoir. L’État organise l’exploitation des ressources qui se situent sur son sol, qu’il s’agisse de matières premières ou de ressources humaines. Les frontières fonctionnent comme un filtre qui sélectionne ce qui est exploitable et ce qui ne l’est pas ou pas suffisamment.

Même une fois ce filtre franchi, des frontières immatérielles persistent. Les dominants se démarquent de l’autre par le biais de représentations de pratiques différentes et catégorisées comme inférieures. Ces représentations contribuent à la construction de la figure de « l’étrangère ».

Ces frontières servent des rapports de pouvoir et de domination. Il est nécessaire de lutter contre leur emprise sur notre relation à l’autre.

Nous voulons déconstruire la criminalisation

Dans cette organisation sociale qui sert les puissants, s’opposer aux normes qu’ils ont établies est taxé de délit. Enfreindre une norme constitue un acte qui nuit à la bonne marche du système en place. Ainsi, commettre une infraction signifie souvent aller à l’encontre des normes établies par les dominants. Par conséquent, c’est l’État qui génère les défaillances en interdisant tout écart. Les délits et les crimes sont construits et produits par le système et ne résultent pas d’une prédisposition naturelle de l’individue. Mettre la faute sur l’individue permet de décharger le système de toute responsabilité. Or, c’est bien lui qui est à l’origine des injustices qui amènent des personnes à devenir des « criminelles ». Pour se protéger, le système doit donc mettre au ban les individues qui mettent en péril les règles qui lui permettent de fonctionner.

Aujourd’hui, toute personne s’opposant au système est qualifiée de délinquante ou même de criminelle. Toute insubordination ne peut pourtant être résumée à un crime. Bon nombre de délits sont une marque de résistance au système ou un moyen de se procurer des biens autrement inaccessibles. Dans tous les cas, il vaut mieux réfléchir à l’origine de ces délits plutôt que de les réprimer.

Nous ne voulons pas marginaliser

Nous refusons que sous prétexte de normes établies certaines individues soient stigmatisées et déshumanisées. Les migrantes ne répondent pas aux normes de sédentarité de l’organisation du monde en États-nations et les « criminelles » au standard d’assujettissement à l’État.

L’État a bien compris comment mettre en place des politiques migratoires qui servent ses intérêts. En créant une catégorie de population qu’il qualifie d’étrangère, il institue un système qui permet d’exploiter les migrantes, de les utiliser comme bouc-émissaire et finalement, de les renvoyer une fois qu’elles ne sont plus perçues comme utiles. Elles ne sont pas considérées comme des êtres humains mais instrumentalisées pour satisfaire les besoins de l’économie.

La personne ayant mis en danger la suprématie étatique en désobéissant aux lois voit sa condition redéfinie. Elle est réduite du statut d’être humain à celui de « criminelle » Sa nouvelle condition permet à la société de la mettre à l’écart pour l’empêcher de nuire au fonctionnement qui profite aux privilégiés.

Nous ne voulons pas de punition

Le renvoi et l’incarcération sont deux formes de punition infligées à celles qu’on veut écarter. Dès lors, les conditions d’existence de celles sur qui l’étiquette « criminelle » a été apposée sont redéfinies. La punition annihile l’autonomie des personnes pour mieux sauvegarder les rapports de domination servant les intérêts des puissants. Ce sont ces dominants qui, en se pensant « du bon côté », légitiment le pouvoir qu’ils ont sur d’autres individues. Ils espèrent qu’en menaçant les personnes de ces peines aucune autre n’osera mettre à mal le système qu’ils produisent. La menace de la punition opprime par elle-même les personnes car elle les oblige à se conformer à un comportement jugé le seul adéquat.

Nous pensons que rien ne justifie de faire subir à une individue une punition sous l’unique prétexte qu’elle a transgressé une norme remettant en question l’organisation et la hiérarchie sociale. Les renvois et les prisons n’ont pas lieu d’exister, ils ne sont pas une solution.

Nous voulons lutter contre ceux qui, afin de maintenir leur domination, produisent ces peines.