Prise de position de la CUAE suite à l'approbation de l'initiative du 9 février

Une version réduite de ce texte est également paru sur Le Courrier du 21 février

De l’effervescence médiatique autour du programme Erasmus

Depuis l’approbation de l’initiative anti-immigration de l’UDC, on parle beaucoup  des conséquences sur le monde académique, notamment d’une éventuelle suspension du programme Erasmus.

Or, cette agitation évite d’aborder l’essentiel. Bien plus que la perte des programmes d’échanges académiques – qui seront probablement renégociés directement entre les universités suisses et européennes – l’initiative entrainera une aggravation catastrophique des conditions de vie et d’études d’une bonne partie des étudiantes [1] des universités suisses : celles qui proviennent de l’étranger.

Ces dernières sont aujourd’hui déjà la cible privilégiée de l’appareil d’Etat qui n’hésite à les expulser en cours d’études si elles ont le malheur de prolonger de quelques mois leur séjour en Suisse ou de changer l’orientation au cours de leur cursus. Elles se trouvent, en outre, dans des conditions de logement ou d’accès aux soins souvent bien plus compliquées que leurs camarades suisses. La difficulté d’accéder à un permis de séjour stable va aggraver encore la condition de ces étudiantes qui se trouvent déjà dans des situations bien précaires.

La confusion entretenue sur les conséquences de l’initiative sur l’immigration témoigne donc d’une « inquiétude » sélective, intégralement basée sur la distinction suisse et non-suisse. Or, nous ne défendrons jamais les avantages des étudiantes suisses alors que le reste de la population estudiantine se fait martyriser par la police des étrangers.

Parmi ceux qui se plaignent aujourd’hui des conséquences sur le monde académique de l’initiative du 9 février, plusieurs recteurs ont joué avec le feu ces dernières années en entretenant l’image des étudiantes venant de l’étranger comme des profiteuses du système éducatif suisse. C’est ainsi que la CRUS a soutenu des augmentations de taxes d’études différenciées entre suisses et étrangères. Cela est prévu pour les EPF et a été déjà mis en œuvre à Berne, Bâle et Zurich.

Quant aux nombreuses autres réactions, notamment celles de certaines associations d’étudiantes, elles ne font que refléter les appels à l’union nationale que nous subissons depuis le 9 février. Il est affligeant de constater l’effervescence médiatique autour des conditions des étudiantes suisses à l’étranger alors que les conditions des étudiantes étrangères en Suisse ne font jamais la une. Par exemple, la présence de la police des étrangers lors des immatriculations en 2008 est passée inaperçue, tout comme en 2012 la limitation de la possibilité de travailler pour les étudiantes détentrices d’un permis B. A l’époque comme aujourd’hui, la défense des conditions de vie et d’étude de toutes les étudiantes n’était la priorité politique de personne.

Pour nous, l’alternative aujourd’hui n’est pas de choisir entre la poursuite ou non de la participation de la Suisse à un programme de l’Union européenne dans le domaine de la formation, mais bien dans la constitution, ici et maintenant, d’une riposte politique adéquate. Il est temps d’agir contre l’extrême droite et ses alliés sur leur terrain même, c’est-à-dire en rendant inopérante l’application de cette initiative sur les populations les plus précarisées, étudiantes ou non. Il fut un temps où c’est par ce type de moyens, regroupés sous le terme de désobéissance civile, que les avancées sociales s’obtenaient. Il s’agit maintenant de s’en souvenir.

Quant à la lutte pour la conservation du droit des étudiantes suisses à bénéficier d’Erasmus, soit elle sera articulée avec la défense des intérêts de nos camarades qui viennent de l’étranger, soit elle se fera sans nous.


[1] Les termes au féminin s’entendent, bien sûr, aussi au masculin