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Qu’est-ce que la vision capitaliste de la formation et de la recherche ?

Réponse au sujet de la récente modification des statuts de la CUAE

Dans le système de production capitaliste tel qu’il existe, principalement en Europe et aux Etats-Unis, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, les institutions scolaires, parmi lesquelles les universités, sont un des instruments de la distribution du capital culturel et du capital social, distribution qui fonde essentiellement celle des positions sociales. Ces institutions sont l’enjeu d’une lutte entre les agents les mieux pourvus en capital culturel et social qui entendent conserver le capital accumulé en restreignant l’accès aux degrés supérieurs d’enseignement et les agents nouvellement admis à ces niveaux, relativement dépourvus de capital social et culturel. Les événements de mai 68 en France furent sans doute la manifestation la plus spectaculaire de cette lutte [1]. Les tensions entre les aspirations contradictoires de ces deux classes d’agents ont produit des effets divers selon les structures propres des champs académiques dans les différents pays et les structures particulières des champs politiques de chaque Etat [2]. Les Etats ont été amené, comme dans bien d’autres domaines, à gérer pragmatiquement ces tensions. Les systèmes de bourses ont permis, notamment, de justifier la sélection dans l’accès aux degrés supérieurs d’enseignement. Dans les pays anglo-saxons, les institutions universitaires se sont ouvertes à des objets d’études nouveaux ou à des méthodologies nouvelles (gender studies, cultural studies) permettant aux nouveaux arrivants d’intégrer le système sans bouleverser par trop les hiérarchies antérieures [3].

Durant la même période, la recherche scientifique a largement été utilisée par les Etats pour gérer les contradictions du système de production capitaliste selon le principe de l’étatisation des coûts et de privatisation des profits. Pour simplifier, le développement de certaines technologies requérant des investissements élevés sans garanties de profits, les entrepreneurs laissent l’Etat engager des dépensent et déposent des brevets dans les phases finales de la recherche ou développent conjointement avec l’Etat des centres de recherches dont ils ne se dégagent que si la technologie développée ne tient pas ses promesses. Le cas de la recherche en physique nucléaire est certainement le plus révélateur de cette pratique pour les années 1950 à 1970 [4]. Le même mécanisme se reproduit, des années 1980 jusqu’à aujourd’hui avec la recherche en biologie médicale [5] ou la mise en place des instruments, des connaissances et des réseaux nécessaires à la pratique de l’audit et du conseil juridique et comptable [6].

Les chercheurs ont su tirer des profits substantiels de cette instrumentalisation de la recherche par les Etats ; profits financiers sous la forme de retombées indirectes pour leurs recherches propres, des programmes de recherche dirigées ou des collaborations avec des entrepreneurs, mais aussi profits symboliques  notamment auprès des instances publiques chargées d’administrer la recherche.

Plus marginalement [7], la recherche scientifique a pu servir une sorte de néo-impérialisme dans laquelle le nombre de brevets déposés et le nombre de chercheurs étrangers attirés sur le sol national tiennent lieu de gunboat [8].

Nous proposons ainsi d’appeler vision capitaliste de la formation et de la recherche scientifique les discours et les décisions qui visent d’une part à maintenir les institutions d’enseignement dans leur rôle d’instruments de la distribution du capital culturel et du capital social, en tant que cette distribution fonde essentiellement celle des positions sociales ; et qui visent d’autre part à poursuivre l’instrumentalisation de la recherche scientifique en vue de gérer les contradictions du système de production capitaliste selon le principe de l’étatisation des coûts et de privatisation des profits [9].

1. Voir le chapitre 5 « Le moment critique » dans Pierre BOURDIEU, Homo academicus, 1984.

2. Voir Cécile DEER, « La politique d’accès à l’enseignement supérieur : comparaison entre la France et la Grande-Bretagne » in Agone, sociologie, histoire & politique, n°29/30, pp. 99-120.

3. « En Angleterre, dans le cadre d’un enseignement supérieur dont les établissements pratiquent la sélection, on trouve au cœur du débat l’équité et la garantie pour la plus grande variété de gens possible d’accéder à l’enseignement supérieur. Cela implique, bien sûr, que l’on reconnaisse dès le départ l’idée de diversité ; ce qui explique, par exemple, le très grand nombre d’études portant sur l’ethnicité, les genders et les classes sociales dans l’université. » Cécile DEER, id.,  p.114 (soulignement de l’auteur)

4. Pour la Suisse, lire HUG Peter, « La genèse de la technologie nucléaire en Suisse » in Relatons internationales, n°68, 1991, pp.325-364.

5.  Nous appelons ici, faute d’en connaître le nom consacré, les domaines de la biologie dont les recherches sont orientées vers des applications en médecine ou en pharmacie, par opposition aux secteurs de la biologie qui s’occupent, par exemple, du classement des êtres vivants.

6. Yves DEZALAY, Marchands du droit : la restructuration de l’ordre juridique international par les multinationales du droit, Fayard, 1992. « A l’heure où ces nouvelles technologies juridico-financières […] contribuent à façonner les institutions et à remodeler le champ du pouvoir économique […] il n’est peut-être pas inutile de s’interroger sur la construction de cette nouvelle vision économiste du monde social que ces experts sont peu à peu en train d’imposer comme allant de soi. » id. p.12. Construction à laquelle les universités n’ont pas peu participé.

7. Paradoxalement, cet aspect semble mieux étudié que le précédent. Une explication triviale est sans doute l’impossibilité d’accéder aux archives privées des entreprises, de sorte qu’une étude ne peut se fonder que sur des sources administratives.

8. Voir par exemple Christophe CHARLE, « Les références étrangères des universitaires » in Actes de la recherche en sciences sociales n°148, juin 2003, pp-8-19 et, pour une discussion de cette question sur la base de données plus récentes : Yves GINGRAS, « Les formes spécifiques de l’internationalité du champ scientifique » in Actes de la recherche en sciences sociales, n°141-142, mars 2002, pp. 31-45. Pour la Suisse, le poste d’attaché scientifique à l’ambassade de Suisse aux USA est par exemple un poste clé dans la structure de l’administration de la recherche scientifique : voir BENNINGHOFF & LERESCHE, La recherche, une affaire d’Etat, Lausanne, 2003, notamment les pages 33 à 35 consacrées à Urs Hochstrasser, ancêtre de Charles Kleiber.

9. Cette définition répond aux deux catégories d’action de l’Etat en régime capitaliste que propose Sébastien Guex : «  […] les fonctions de l’Etat peuvent se regrouper en deux principales catégories. La première catégorie comprend la mise en place, dans la mesure où cela n’est pas garanti par l’activité privée des membres de la bourgeoisie, de ce que l’on peut appeler l’infrastructure technique et juridico-sociale de la production capitaliste […] Dans la seconde catégorie peut se ranger tout ce qui contribue à protéger le système sociopolitique existant contre les menaces qu’engendrent ses propres antinomies » GUEX, L’argent de l’Etat, Lausanne, 1998, p.43.

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« Non c’è più morale, Contessa … »

Après la déclaration de Bologne qui a pour but entre autres de rendre les porteurs de diplômes universitaires plus rapidement employables par l’économie, c’est au sujet du financement des études que les milieux économiques s’immiscent une nouvelle fois dans l’éducation. Récemment ils ont proposé par le biais d’économie suisse, d’Avenir suisse et du cercle d’étude capital et économie, d’augmenter les taxes universitaires à 5000 francs par année. Cette proposition émane d’un certain Xavier Comtesse directeur d’Avenir suisse, boîte à idées, qui regroupe les 14 multinationales les plus puissantes de Suisse.

Cette augmentation serait au bénéfice des étudiants puisqu’elle permettrait d’accroître le nombre de professeurs. L’argument avait déjà été utilisé en 1995 pour l’introduction des taxes universitaires, mais force est de constater avec huit ans de recul que bien au contraire le taux d’encadrement a diminué.

M. Comtesse pense aussi aux contribuables qui selon lui n’ont pas à supporter l’augmentation du nombre d’étudiants par leurs impôts, d’après lui la formation doit être envisagée comme un investissement, puisqu’elle permet de mieux gagner sa vie. Il omet de préciser qu’une large partie des étudiants paye des impôts, devant travailler pour prendre en charge les dépenses liées à leurs études et les taxes actuelles, qui ne sont d’ailleurs pas déductibles. M. Comtesse n’envisage pas non plus les conséquences sur ces mêmes contribuables. En effet, les porteurs de diplômes seront bien obligés de répercuter les coûts de leur formation sur leurs services par des tarifs plus importants, pénalisant ainsi la population, comme c’est déjà le cas dans les pays qui ont adopté ce modèle.

Malgré tout, Avenir suisse nous rassure, les bourses permettront aux étudiants de milieux défavorisés d’entreprendre quand même des études. Les étudiants issus de la classe moyenne ne peuvent pas bénéficier de ces bourses, puisque leurs parents gagneraient trop d’argent, mais comment ceux-ci pourront-ils financer les études de deux voir trois de leurs enfants ? Ce d’autant que la tendance actuelle vise à supprimer les bourses au profit de prêts remboursables au terme de la formation. Alors que cette proposition arrive au moment où les universités suisses se doivent d’introduire le modèle de Bologne (filière d’étude en 3 ans pour un bachelor, 2 ans supplémentaires pour un master), il semble évident, que les étudiants qui se sont déjà endettés pour obtenir leur bachelor seront réticents à poursuivre leurs études jusqu’à l’obtention du master. Il apparaît dès lors de façon évidente que ces deux réformes appliquées de manière quasiment simultanée auront pour effet d’introduire un système éducatif à deux vitesses : celle de ceux qui pourront se payer des études et obtenir un master et celle des autres qui n’auront pas les moyens d’aller au-delà du bachelor. Même si les universités romandes admettent que le master est le terme normal des études, la CUS (conférence universitaire suisse) précise que le bachelor est suffisant pour entrer dans le monde du travail. Tout en sachant que les exigences de l’économie fluctuent selon le marché du travail.

La vigilance s’impose face à cette proposition, puisqu’une fois le débat amorcé, la gratuité des études ne sera même plus discutée, la seule question sera à combien porter les taxes universitaires : M. Comtesse dit 5000.-, M. Kleiber propose 4000.-, M. Buschor parle dans un premier temps de doubler les taxes actuelles, qui dit mieux ?

L’éducation est un droit qui ne doit pas être soumis aux lois de l’économie. Ce n’est pas parce que la Confédération décide d’économiser 387 millions de francs sur l’éducation, que ce droit doit être balayé.

Texte paru dans la revue Arobase, mars 2004

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Alerte: Épidémie d'Avenir Suisse

Après le SRAS et la fièvre du poulet, un nouveau danger nous guette : le syndrome de l’AVis ENtièrement IRresponsable helvétique, mieux connu sous le nom de AV.EN.IR suisse.

Après la Reine des alpages, la vache, c’est au tour de la Comtesse de la Bahnhofstrasse de sombrer dans la folie. Une exposition prolongée à la Comtesse folle peut avoir des conséquences très graves. Il suffit d’ailleurs de regarder le premier porteur du virus en Suisse, encore inconnu de nos services et que nous allons donc appeler Comtesse X, pour s’en rendre compte.

Le syndrome AVENIR suisse semble être encore méconnu par le grand public. Le CUAE, Collectif Universitaire d’Autodéfense Écologique, tire la sonnette d’alarme et dénonce cette nouvelle forme de pollution intellectuelle.

Les symptômes du syndrome AVENIR suisse sont facilement détectables. Résultat d’une altération génétique des 14 plus puissantes multinationales helvétiques, AVENIR suisse sent l’argent à plein nez, est souvent recouvert d’or et se reconnaît par son arrogance.

Tout en ne jurant que par les dogmes de l’idéologie libérale, l’AVENIR suisse rechute régulièrement dans le « besoin d’Etat », quant il s’agit de sauver des compagnies aériennes ou de profiter de certaines structures de ce même Etat, le système éducatif par exemple.

Les conséquences d’une exposition prolongée à l’AVENIR suisse sont dramatiques et affectent sans distinction les hommes et les femmes, les jeunes comme les moins jeunes, les Suisses ou les étrangers. Seule possibilité d’immunité, un compte en banque bien fourni.

Parmi les multiples conséquences visibles de l’épidémie d’AVENIR suisse, difficulté à boucler les fins de mois et soumission à des horaires de travail impossibles, si ce n’est pas au chômage. Dernières victimes en date, les étudiant-e-s, qui seront empêchées de commencer ou de poursuivre des études faute de pouvoir se procurer le médicament anti-AVENIR suisse, en vente au prix de 25’000 à 30’000.- Fr. pour la simple admission au cursus d’études.

La CUAE, informée cette dernière semaine d’une épidémie médiatique de AVENIR suisse, propose des contre-mesures pour en empêcher la propagation. Dans un premier temps :

  • Isoler les porteurs du virus AVENIR suisse de l’arène politique et de la scène médiatique, et les remettre à leur place en les obligeant à écrire 1000 fois : « Je n’ai pas à me mêler des affaires qui ne me concernent pas. Il faut que je m’occupe de ma multinationale car je cause déjà assez d’emmerdements comme ça sans en rajouter d’autres dans des domaines qui relèvent du bien commun tels que l’éducation.»
  • Le premier porteur du virus, le prénommé Comtesse X, a dégénéré lors des ses dernières déclarations et doit donc immédiatement être mis en quarantaine et renvoyé dans les sous-sols de la Swiss House of Boston in the United States of America.
  • Isoler aussi immédiatement les principales victimes du virus qui, ces dernières semaines, ont montré les mêmes symptômes que le porteur Comtesse X. Des mesures d’urgence seront donc adoptées à l’encontre du député et sociologue Pierre Weiss, qui sera fermé dans une salle remplie de serpents de type zapatiste, et à l’encontre du secrétaire d’État à la science et la recherche Charles Kleiber qui sera sommé de s’enfoncer dans le container le plus proche.

Sur le moyen-long terme, il faudra aussi, pour éviter une nouvelle épidémie :

  • Combattre tous les foyers de naissance et transmission du virus. En particulier, seront combattus tout think-thank, boîte à idée ou container de ce type. Les idées ordurières en provenance de ces dépôts sont de nature à rependre le fléau néoliberaliste du haut d’une légitimité auto-proclamée qui ne repose sur aucune base autre que celle du poids économique.
  • Combattre toute personne ou institution atteinte du virus. Ces personnes acceptent et donc reconnaissent comme partenaires ces mêmes containers à idées. La réflexion « créative et révolutionnaire » telle que celle prônée par le porteur Comtesse X est de nature à permettre à d’autres acteurs de se cacher derrière elle et à rebondir sur ces idées absurdes en les nuançant pour les rendre plus présentables. Par exemple, quant un porteur du virus balance 5000.- pour des taxes universitaire, il y aura toujours une victime consentante du virus, qui du haut de son rôle de secrétaire d’Etat à la science et la recherche, est prêt à rebondir sur 4000.-

Pour réussir dans cette lourde tâche, le CUAE se propose d’isoler tout porteur du virus AVENIR suisse de façon à ce que personne ne soit plus soumis à son exposition.

Selon les dernières recherches du CUAE, le virus se transmet par voie orale, il ne faut donc pas que des porteurs puissent s’exprimer en public.

Pour cause d’urgence sanitaire la conférence d’aujourd’hui est donc annulée, nous prions toutes les personnes présentes dans cette salle de la quitter sur-le-champ.

Nous demandons en plus au porteur du virus, M. Comtesse X, de ne plus l’ouvrir jusqu’à la fin de son traitement et de rester à Boston à la fin de celui-ci.

Le CUAE, Collectif Universitaire d’Autodéfense Ecologique, contre la pollution intellectuelle.

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Les milieux économiques suisses et leurs intérêts sur l’enseignement supérieur

Nous y voilà : les milieux économiques dévoilent officiellement leurs plans, et proposent d’instaurer des taxes universitaires de 5’000.-. Ceci signifierait une augmentation de 500% pour l’UNIGE.

Arrogance et méprise ! Les tenants du grand capital continuent dans leur projet de privatisation de l’éducation. Après l’adoption de la Déclaration de Bologne, voilà l’augmentation des taxes qui empêcheront les milieux défavorisés et les classes moyennes d’entreprendre des études supérieures. Moins d’étudiant-e-s signifie moins de frais, et donc plus de rentabilité : c’est la stratégie du licenciement préventif !

Le monde économique, avec ses fers de lance que sont le groupe d’intérêt patronal Economiesuisse et la boîte à idée Avenir Suisse (qui regroupe les 14 multinationales les plus puissantes de Suisse), nous fait part de ses propositions dans le document « de nouvelles pistes pour le financement des hautes écoles ».

L’augmentation de taxes permettra d’augmenter le nombre de professeur : FAUX ! Le même argument a été utilisé en 1995 pour l’introduction des taxes à Genève en 1995, et depuis le taux d’encadrement a diminué.

Le système de bourses aidera les étudiant-e-s ayant des difficultés financières : FOUTAISES ! Les projets à l’étude prévoient une diminution nette des financements de bourses d’études et d’allocations. Et les prêts hypothèquent à l’avance le futur de l’étudiant en l’obligeant à arrêter ses études à l’obtention du premier diplôme (le bachelor) car il faut les rembourser au plus vite !

Les citoyens ne doivent pas subir l’augmentation des coûts engendrés par l’augmentation du nombre d’étudiant-e-s : RIDICULE ! Avec des taxes multipliées par 5 couplées à un système de prêts comme proposé, l’étudiant-e récupérera les frais supplémentaires pour éponger sa dette avec des tarifs plus importants dans son domaine de travail, ce qui aura comme effet de répercuter les coûts sur le citoyen, comme c’est déjà le cas dans d’autres pays ayant adopté le même modèle (Etats Unis et Australie notamment).

Le but du projet est celui d’améliorer la qualité de l’enseignement : CONNERIES ! Le tant décrié système dit de Bologne aura comme effet la réduction de la durée des études, donc la diminution des cours dispensés, donc la baisse de la qualité de l’enseignement.

L’état n’a plus suffisamment de moyens, l’université se doit de s’autofinancer : IDIOTIES ! Le parlement fédéral vient de voter des coupures de 387 millions de francs dans le budget de la formation, et ceci pendant que des projets de réductions fiscales sont à l’étude pour les grosses fortunes. On fait des cadeaux au riches mais on taxe les étudiant-e-s, quelle que soit leur origine sociale. Outre les mensonges, la MAUVAISE FOI : les seuls représentants du monde politique et du monde académique à avoir soutenu ce projet sont les membres de la même droite qui a proposé et soutenu ces coupures, monsieur le professeur Weiss en premier !

L’Université est aujourd’hui soumise aux mêmes attaques portées par les milieux économiques dans d’autres secteurs du feu service public. Les mêmes critères de rentabilité sont base de discussions et les mêmes acteurs se partagent les différents rôles.

L’économie privée lance des idées qualifiées d’innovatrices et révolutionnaires, comme M. XAVIER COMTESSE le fait sans répit depuis son retour de Boston.

Des représentants de ces mêmes milieux se pressent pour rebondir sur ces propositions pour en chanter les mérites, comme M. PIERRE WEISS, professeur de sociologie et député libéral au grand conseil genevois l’a fait cette semaine.

Les représentants de l’État enfin interviennent pour adoucir le ton tout en appuyant les propositions, avec des remaniements de façade. M. CHARLES KLEIBER, Secrétaire d’État à la Science et la Recherche, vient à son tour de proposer une augmentation de taxes, de « seulement » 4’000.- cette fois ci !

L’éducation est un droit inaliénable pour toutes et tous, indépendamment du sexe, de l’âge ou de l’origine géographique ou sociale. Ce droit ne doit pas être rediscuté selon des spéculations économiques soumises aux aléas du marché.

L’éducation est un bien commun et doit être défendu. L’accès aux études ainsi que les possibilités de réussite des mêmes études doivent être garanties à toutes et tous.

A ce sujet, M. Xavier Comtesse tiendra une conférence ce vendredi 30 janvier à 17h45, à l’auditoire Jacques Freymond, à l’IUHEI, (Rue de Lausanne 132)

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Proposition d’augmentation des taxes universitaires du Cercle d’Etude Capital et Economie – Le container à idées Avenir Suisse déverse ses ordures

 

En ce jour de grâce, dans la joie et l’émotion, le comité de la CUAE est heureux d’annoncer la naissance de l’enfant prodige. Les terres des Palestine étant inaccessibles pour cause de mur de séparation, la divine providence a fait naître l’enfant sur les rives du Léman. Malgré les problèmes de santé du nouveau né, la CUAE tient à féliciter les parents et les autres acteurs de cet heureux événement.

Tout d’abord, félicitations au papa Xavier Comtesse qui nous fait ici, avec ses camarades de jeux d’Avenir Suisse, d’Economiesuisse et du Cercle d’Étude Capital et Économie, un énorme cadeau. Papa Comtesse se sentait si bien dans le nid douillet de la Suisse House from Boston in the United States of America (J’apprécie leur [des américains] esprit positif, leur façon de voir le bon côté des choses. Chez eux, le verre est toujours à moitié plein, quoi qu’il arrive [ref]Interview de Xavier Comtesse in http://www.construire.ch/SOMMAIRE/0234/34entre.htm[/ref]), pourtant il décida de rentrer dans sa Suisse natale avec l’espoir de répandre sa bonne parole ([Je me considère] comme celui qui pense en dehors du cadre, qui amène dans le débat public de la surprise, de la créativité et de la générosité. Je suis un agitateur d’idées [ref]ibid[/ref]]

Après plusieurs essais, Xavier a finalement réussi à s’accoupler avec son nouveau partenaire, l’État suisse. Les martyres Charles Kleiber, Secrétaire d’État à la Science et la Recherche, et Bernhard Weber, du Secrétariat d’État à l’Économie, ont finalement baissé leur pantalon devant les avances passionnées de Xavier et ses acolytes.

Malheureusement ce rapport incestueux entre les intérêts du grand capital privé et les gouvernements bourgeois ne pouvait que donner naissance à un enfant problématique. Pour le grand désespoir des parents, la Comtesse et son Kleibard de secrétaire d’État, le petit enfant, nommé « de nouvelles pistes pour le financement des hautes écoles [ref]http://www.economiesuisse.ch/f/[/ref]», est mal formé, inutile, mensonger, irrespectueux, nuisible et il sent mauvais ! Par respect pour la famille, nous nous abstiendrons de faire d’autres commentaires sur le bébé. D’ailleurs, le mariage entre les deux parents n’ayant pas été officialisé, nous considérons ce couple illégitime, et notre culture calviniste nous empêche d’entrer en discussion sur le résultat de leurs ébats amoureux.

Malgré les problèmes de santé du nourrisson, la fête célébrant la naissance fut belle, et l’arrivée des Rois mages particulièrement émouvante.

Le premier mage, le parlement fédéral, s’est présenté avec son cadeau traditionnel, l’or : 387 millions de coupures budgétaires au budget de la formation votés le 19 décembre 2003. Quelle meilleur cadeau que des coupes dans le budget pour justifier la nécessités de nouvelles ressources …

Le deuxième mage, la Conférence Universitaire Suisse, a aussi fait part de ses vœux avec un présent traditionnel, l’encens. Celui-ci devait probablement servir à cacher l’odeur provoquée par le gros caca nerveux du 4 décembre dernier. Ce jour-là, en effet, malgré les proclamations de résistance au projet de marchandisation de la formation émises par certains conseillers d’État, les directives contraignantes pour l’application de la déclaration de Bologne ont été votées à l’unanimité …

Troisième et dernier mage, L’Union des Étudiants de Suisse. Présence inattendue jusqu’à la dernière minute, l’UNES est venue apporter son cadeau sous forme de soutien indirect des étudiants, qui acceptent de dialoguer avec les acteurs de rapports incestueux entre État et intérêts privés. Cela va sans dire, l’arrivée des représentants étudiants a réjoui au plus haut point la famille, comme le tonton Pierre Weiss a pu le souligner sur les ondes de la Radio Suisse Romande hier soir.

En étant particulièrement sensibles à la participation des étudiants de la nation suisse à la fête pour la naissance du petit « de nouvelles pistes pour le financement des hautes écoles », la CUAE tient à dédicacer une petite fable au nourrisson : la fable du Baron et de la Comtesse.

Le Baron et la Comtesse

Grâce à l’Union des étudiants de Suisse (UNES), le container à idées usagées Avenir Suisse a réussi son coup. Il aura suffi que la Comtesse ponde un de ses innombrables tas de papier sur l’augmentation des taxes universitaires, pour que l’UNES accepte de participer à une parodie de débat radiodiffusé (RSR, Forum, hier soir) et gâche notre apéritif.

Opposée au Baron de Soral Pierre Weiss, invité permanent du journal vespéral de la radio suisse romande, la co-présidente de l’UNES a par exemple jugé utile de souligner que la formation supérieure est, pour l’Etat, un « investissement qui rapporte ». Elle reprenait ainsi, sans le savoir espérons-le, la rengaine favorite de Barbara Polla, ancienne députée libérale au Conseil national.

Alors que le petit Baron barbu prétendait vouloir tout mettre en œuvre pour favoriser l’accès aux études de ceux qui ne pourraient même pas en payer les taxes, Caroline Gissiger a opportunément oublié de rappeler que le parti libéral soutient le paquet fiscal de la Confédération, des baisses d’impôts tous azimuts et surtout, la nouvelle péréquation fédérale (NPF) qui prévoit des coupes claires dans… le financement fédéral des bourses d’études !

Le Baron avait dès lors le champ libre pour exposer son idéal : les taxes payées par les uns permettraient de financer les études des autres. Est-il nécessaire de dire ici l’imbécillité du système qui, au prétexte d’atténuer les inégalités sociales, les renforce en stigmatisant les étudiants boursiers ? L’entier du discours politique du Baron de Soral est fondé sur l’axiome « qui paye commande ». Son objectif est donc clair ; justifier financièrement l’existence de deux catégories d’étudiants : ceux qui payent et qui ont des droits, les autres qui ont des devoirs (devoir d’étudier vite, devoir de rembourser, devoir de travailler, devoir d’être utiles et de s’écraser).

Le plus grave n’est pas le discours réactionnaire du Baron et de la Comtesse ; le plus grave est qu’en acceptant de prendre part à des pseudo-débats l’UNES contribue à accréditer de fausses problématiques. Aussi longtemps qu’on parlera de la formation en terme d’investissement, la question de la discrimination sociale dans l’accès à la connaissance et à l’information ne trouvera aucune solution valable.

« Que craignez-vous ? » demandait le disc-jockey en préambule à l’intervention de la co-présidente de l’UNES. Nous ne craignons rien ! Ce sont les deux aristocrates qui craignent pour leurs privilèges, pour leurs rentes. Nous, nous ne craignons ni le chômage qu’ils créent, ni les pénuries de logement qu’ils organisent, ni les médias qu’ils monopolisent : nous les combattons.

Longue vie, santé et prospérité au nouveau-né, à papa et maman et à toute la famille. Nos meilleurs vœux,

Le comité de la CUAE

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L’offensive idéologique de l’économie privée contre la formation: Les citations parlent d’elles-mêmes…

« Le Conseil de Finanz und Wirtschaft s’est penché sur cette problématique [celle de la formation]. Le fait qu’il s’y soit intéressé, indépendamment d’autres groupements mais presque en même temps que des partis et organisations économiques renommées, est un indice de l’actualité et du poids de ce thème. »

Finanz und Wirtschaft, 20 mai 1995 (notamment Heinz Allspach, conseiller national ancien président du Vorort, Gerold Bührer, de Georg Fisher, Melk Lehner, de Saurer Gruppe Holding AG, Henri Meier, de Hoffmann-La Roche, Rudolf Staub Winterthur Versicherung, Hans-Dieter Vontobel, de la banque Vontobel)

FNRS : crédit de 15 millions pour une « analyse du système suisse de formation, de ses méthodes de financement et pour le développement de propositions de changement » (PNR33), 1991-1996

Conseil suisse de la science : Grandes orientations pour le développement des universités de suisse, 1993

Parti radical démocratique : 12 thèses sur la formation, mars 1995

Finanz und Wirtschaft : 6 thèses sur l’avenir de la formation, mai 1995

LE MONDE EN MOUVEMENT PERPETUEL

« Le développement technique et industriel des entreprises européennes exige une rénovation accélérée des systèmes d’enseignement [afin que ceux-ci] puissent suivre le rythme d’un environnement en perpétuel changement. »

Table ronde européenne des industriels (ERT), Education et compétence en Europe, février 1989 (entre autres Giovanni Testa (Fiat), Herbert Oberhänsli (Nestlé), Bernard Delapalme (Lyonnaise des eaux), Damien de Callatay (Petrofina)

Critère proposé en 1997 pour une convention d’objectif liant l’Uni de Zurich et le canton : « Le taux d’engagement des licenciés et l’utilisation effective du savoir universitaire sur le marché du travail »

Bericht der Regierungsrates [ZH] über den Voranschlag 1998, 10 septembre 1997.

« Les écoles ne pourront répondre aux nouvelles attentes de la société que si elle sont à même d’y occuper une place centrale, en devenant des institutions plus ouvertes, au service d’intérêts très divers et d’une très large clientèle. »

OCDE, Analyse des politiques d’éducation, 1998.

« […] l’indépendance et l’autonomie des universités sont garantes des capacités des systèmes d’enseignement supérieur et de recherche de s’adapter en permanence à l’évolution des besoins, aux attentes de la société et aux progrès de la connaissance scientifique. »

Déclaration de Bologne, 1999

INDIVIDUS, ETATS, ETABLISSEMENTS EN CONCURRENCE

« […] la modification des attitudes et le renforcement de la motivation impliquent qu’on prenne davantage conscience du fait que l’individu a l’obligation de faire preuve de souplesse […] il est indispensable que les jeunes acquièrent au moins une année d’expérience pratique en entreprise. »

ERT, Les marchés du travail en Europe, Bruxelles, 1993.

« Dans le monde, 80% des étudiants en MBA sont inscrits dans des établissements anglo-saxons. La France, avec son système de grandes écoles est présente sur ce marché, avec l’Insead de Fontainebleau. L’Allemagne, elle, est totalement absente. Nous n’offrons pas de formation courte de haut niveau. Le retard à rattraper est considérable. »

Hans J. Tümmers, discours à l’occasion de l’ouverture du SIMT, 1998.

L’enseignement supérieur français « devrait accepter une compétition maîtrisée, une émulation scientifique et pédagogique entre établissements […] »

Jacques Attali, Pour un modèle européen d’enseignement supérieur, Stock, Paris, 1998, pp.17-18.

« Nous devons faire en sorte que le système européen d’enseignement supérieur exerce dans le monde entier un attrait à la hauteur de ses extraordinaires traditions culturelles et scientifiques. » « […] améliorer la compétitivité du système d’enseignement supérieur européen à l’échelon mondial »

Déclaration de Bologne, 1999

EVALUER L’EFFICACITE

Les Etats doivent « repenser les raisons qui justifient [leur] intervention et revoir l’efficacité par rapport aux coûts des institutions, bref, doivent s’employer à mieux faire en utilisant moins de ressources, et surtout en agissant différemment. »

OCDE, La gestion publique en mutation. Les réformes dans les pays de l’OCDE, 1995.

« […] Les secteurs en plaine essor de la santé, de l’enseignement et de l’assurance étant aux mains d’entreprises privées, les contraintes budgétaires du secteur public devraient diminuer, d’où une baisse des taux d’intérêts et, de ce fait, des charges financières moindres pour les investisseurs privés. »

Christian Morrisson, « La faisabilité politique de l’ajustement », Cahiers de politique économique, n°13, OCDE, 1996.

« Promotion de la coopération européenne en matière d’évaluation de la qualité, dans la perspective de l’élaboration de critères et de méthodologies comparables » Déclaration de Bologne, 1999

« Le Conseil d’Etat entend encore remplir son rôle dans les domaines de l’éducation et de la formation. […] notre canton se doit d’être présent dans tous les dossiers traités sur le plan fédéral et intercantonal. Pour les institutions de formation genevoises – université ou hautes écoles spécialisées – il s’agira de répondre aux exigences indispensables pour obtenir l’accréditation et la reconnaissance officielles. » Micheline Calmy-Rey, Discours de Saint-Pierre, décembre 2001. UNE PERSPECTIVE ANTI-DEMOCRATIQUE

« Avec les progrès de l’éducation, beaucoup ont maintenant de plus hautes visée, et espèrent trouver un emploi et faire une carrière dans laquelle ils pourront utiliser leurs connaissances et trouver davantage de possibilités de satisfaction et d’épanouissement personnel. Mais la structure de l’emploi dans l’économie et le contenu de la plupart des tâches ne correspondent plus à ce niveau supérieur d’instruction et d’aspirations. »

OCDE, Education et vie active, 1977.

« Les produits actuels des universités sont en sur-nombre et en sous-qualité. Il ne fait aucun doute pour moi que près de la moitié des diplômés universitaires auraient plus à gagner d’une formation purement axée sur les applications. »

Aloys Schwietert, Le Mois, mensuel de la SBS, mai 1994.

« Premièrement, il faudrait clarifier que l’école a pour mission de préparer à la vie et de transmettre des capacités professionnelles, mais qu’elle ne peut et ne doit pas réaliser l’égalité sociale. »

Rolf Dubs à la journée du PRD sur la formation, 1995 (prof. de pédagogie à HEC Saint-Gall CA de Bär Holding et de la banque Bär (ZH), Schindler AG, Siemens Integra AG)

« Les nouvelles techniques de financement servent à réguler le nombre d’étudiants »

Ernst Buschor, NZZ, 7 novembre 2000.

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Contribution à la réflexion sur la formation supérieure en marge du Forum Social Européen à Paris – L'école comme reproducteur des inégalités sociales

L’ÉCOLE COMME REPRODUCTEUR DES INÉGALITÉS SOCIALES ?

Depuis la création des premières universités, la fréquentation des écoles supérieures a toujours été réservée aux classes aisées. Les milieux paysans ou les milieux ouvriers par exemple ont toujours rencontré des difficultés sociales, économiques et culturelles pour accéder à ces études. Avec l’essor de l’après-guerre et tout au long des années ’50 et ’60 le nombre d’étudiantes a sensiblement augmenté, dans un phénomène indéniable de massification. Malgré cela, la représentation sociale n’a pas évolué, les classes bourgeoises étant toujours sur-représentées. Encore aujourd’hui, le fait de provenir d’une famille de cadres ou de professions libérales facilite l’accès aux études et leur bon déroulement.

Cette constatation confirme que la massification, n’est pas le résultat d’un processus de démocratisation, notamment en ce qui concerne l’accès à l’éducation. L’accès indiscriminé des classes sociales et de genre est-il forcément lié à l’application d’un système politique démocratique ? Aucune des mesures proposées par les gouvernements, de droite ou de gauches quels qu’ils soient, n’a jamais réellement visé à une démocratisation totale de l’accès aux études. En outre le phénomène de massification semble très lié à la transformation des modes de production (passage du secondaire au tertiaire). L’introduction de taxes d’admission ou encore la réduction des financements pour le système de bourses n’ont fait que rendre la situation toujours plus inacceptable.

Un des exemples les plus frappants, sur lequel nous nous proposons de réfléchir, est celui dit de la “ chasse aux titres ”. L’acquisition d’un titre universitaire, qui est considéré comme couronnement d’une période d’études, est souvent recherché comme un sésame ouvrant les portes à une ascension sociale et à une reconnaissance conséquente. Or la massification des études a permis à un nombre toujours plus important de personnes d’obtenir des diplômes, et malgré l’absence d’une réelle démocratisation, ces titres aussi accessibles aux classes sociales plus défavorisées. La sauvegarde de la reproduction sociale à l’intérieur des structures d’enseignement est donc remise en question, mais la volonté des gouvernements bourgeois de continuer à reproduire le même système est évidente. Nous constatons cela dans l’attitude qui consiste à ajouter toujours plus de barrières pour l’obtention des diplômes les plus reconnus socialement et financièrement. L’objectif est donc de réduire l’importance des titres au fur et à mesure que ceux-ci deviennent plus accessibles en créant des titres supérieurs, tout en accompagnent ces modifications par la créations de barrières supplémentaires. Dans cette optique l’application de la Déclaration de Bologne peut être inscrite dans cette dynamique, avec la création d’un diplôme intermédiaire professionnalisant (le bachelor) et celle d’un titre supérieur (le master) qui prévoit un prolongement des études, sans aucune mesure d’accompagnement qui garantisse l’accès au deuxième niveau d’étude après l’achèvement du premier.

Mais cette discussion ne peut pas se réduire à l’analyse des effets de la non démocratisation du système éducatif mais se doit d’aborder le fond du problème. Nous nous proposons donc de réfléchir aux alternatives à proposer à ce processus de monétarisation de l’éducation qui consiste a considérer l’apprentissage du savoir comme un investissement. La réduction effective des possibilités d’accès à des titres universitaires n’est en effet qu’un aspect d’un processus qui veut que le savoir soit considéré comme une marchandise quantifiable. Les études sont donc considérées comme un investissement que l’étudiante se doit de rembourser, après mais aussi pendant son cursus. La connaissance devient donc une plus-value qui sera quantifiée pour permettre à l’étudiante de s’acquitter de sa dette. La situation d’aliénation dans laquelle elle se retrouvera après ce processus n’est évidemment pas quantifiable mais force est de constater qu’elle sera toujours perdante, ce qui fait que le rapport de force est biaisé et complètement à l’avantage des forces du capital. Il est donc absolument nécessaire de réfléchir à une alternative qui permette de sortir du cercle vicieux qui réduit l’étudiante à être un simple engrenage d’un système qui a pour but d’annuler ses possibilités d’autonomie intellectuelle, culturelle et sociale.

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Contribution à la réflexion sur la formation supérieure en marge du Forum Social Européen à Paris – Financer l'enseignement supérieur?

FINANCER L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ?

“ Le maintien d’un contrôle public sur l’enseignement supérieur n’est […] en rien la garantie immunitaire contre une dérive “marchande“ ou strictement utilitariste. Sans doute parce que tous les acteurs de la société partagent peu ou prou aujourd’hui cette vision : les parents d’élèves comme les étudiants cherchent la formation qui maximisera leurs chances sur le marché du travail ; les entreprises privées […] exigent un personnel directement opérationnel et se plaignent des insuffisances du système d’enseignement supérieur ; les hommes politiques […] considèrent la maximisation de la performance économique comme le seul objectif [1]. ”

C’est en ces termes que Jean-Luc de Meulemeester renvoie dos-à-dos les positions respectives de l’Etat et des entreprises privées en matière d’enseignement supérieur. Parallèlement, de nombreux mouvements qui s’affirment à la gauche de la gauche, de nombreux syndicats actifs dans le domaine de l’enseignement, posent comme centrale la revendication d’un retour de l’Etat sur le terrain qu’il a laissé au capital. Cette revendication ne revient-elle pas à oublier les liens qui unissent l’Etat au grand capital ? Plus largement, si l’enseignement ne doit pas être soumis au marché, le contrôle de l’Etat est-il l’unique alternative ou une alternative transitoire ? faut-il lutter pour un autre rapport entre l’Etat et les institutions d’enseignement – c’est-à-dire s’engager, à un titre ou à un autre dans le processus parlementaire – ou changer l’Etat lui-même ? Enfin, l’enseignement doit-il forcément être financé ?

Partant de ces questions, il s’agirait de réfléchir aux moyens de faire échapper l’enseignement à l’évaluation monétaire (prix des enseignements, salaires, “ investissement ” de la part des étudiants, etc.) Une telle perspective pourrait sans doute mener à des réflexions utopiques propres à donner l’impression – mais l’impression seulement – de la radicalité. Pour éviter ce travers, nous proposons, dans le cadre exposé ci-dessus, d’examiner des problématiques concrètes : Que signifie la notion de contrôle public sur les institutions d’enseignement supérieur et sur l’organisation de celles-ci ? Quelles alternatives à l’adage “ qui paie contrôle ” ?

Concrètement, quels modes d’organisation basés sur l’autonomie des étudiants dans leur propre formation souhaitons-nous ? Ces modes alternatifs d’organisation sont-ils de nature à éliminer ou à réduire l’évaluation monétaire de l’enseignement ?

[1] “ Education et capital humain ”, in Agone, sociologie, histoire & politique, n°29/30, septembre 2003, p. 190

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Les vrais casseurs de l'éducation

APPEL

PROTEGEONS L’UNIVERSITE CONTRE LES CASSEURS DE L’EDUCATION

Mobilisation contre la réunion de la CUS, Conférence Universitaire Suisse

Malgré le calme apparent dû à la période d’examens, l’Université de Genève va être bientôt plongée dans le chaos. Malgré les températures extraordinaires de ces dernières semaines, ça va chauffer encore plus dans les bâtiments universitaires. Malgré l’acharnement sécuritaire du rectorat, l’université sera prise pour cible par une dangereuse bande de casseurs !

Des appels circulent déjà : le CUS-Block (sigle qui semble cacher le Collectif des Universitaires Sanguinaires) invite ses membres à se réunir le vendredi 27 juin dans le bâtiment d’Uni Mail pour sa conférence annuelle. De plus, il semblerait que des casseurs étrangers de l’OCDE (Organisation des Casseurs D’Education) vont se joindre aux représentants du CUS. Ces personnages, particulièrement dangereux, ont pour but de continuer la mise en œuvre de leurs plans de destruction du système d’éducation.

L’ennemi déclaré de ces barbares est le service public. La formation supérieure est parmi les objectifs les plus convoités par l’Organisation Mondiale des Casseurs. Les attaques subies pendant cette dernière décennie ont déjà sérieusement endommagé l’Université ; pensons notamment à l’introduction du numerus clausus et des taxes semestrielles, à la diminution du taux d’encadrement, à la diminution du financement public, à la diminution quantitative et qualitative de l’offre d’enseignement. Le dernier projet des casseurs, connu sous le nom de Déclaration de Bologne, va rendre irréversible la disparition de l’enseignement comme service public.

Grâce a son travail d’investigation la CUAE a pu se procurer une première liste des casseurs qui se réuniront à Genève. Parmi eux, plusieurs représentants des organisations citées seront présents. Par exemple, les professeurs Teichler et Hoffert sont signalés comme faisant partie du groupe d’examinateurs de l’OCDE et sont donc parmi les auteurs de l’accablant “examen de la politique suisse de l’enseignement tertiaire”, une décortication du système d’éducation supérieure helvétique selon les critères chers aux casseurs (meilleure rentabilité, mise en concurrence des établissement, ouverture d’un marché de l’éducation…)

Parmi les éléments locaux les plus radicaux nous signalons la présence du chef de l’instruction publique bernoise Mario Annoni, promoteur des projets d’augmentation des taxes universitaires à l’Université de Berne. Sera aussi de la partie Jean-Marc Rapp, recteur de l’Université de Lausanne, qui a réussi l’exploit sans précédent de kidnapper la faculté des Sciences Economiques à l’Université de Neuchâtel, qui languit depuis, exsangue sur ses décombres. La présence d’un des responsables de la section genevoise des casseurs, le recteur de l’Uni de Genève Maurice Bourquin, est aussi signalé, mais de par sa carrure politique nous considérons qu’il aura un simple rôle de poisson pilote lors des actions prévues par la CUS. D’ailleurs, son intervention se limitera comme d’habitude à une brève allocution de bienvenue.

Bien plus préoccupante est la rumeur, confirmée par des sources sûres, concernant la présence de l’idéologue des casseurs, Charles Kleiber. Secrétaire d’Etat à la Science et à la Recherche, M. Kleiber est sous le coup d’un mandat de recherche délivré par le service de sécurité des étudiant-e-s genevois/es depuis sa signature des accords de Bologne. La CUAE est atterrée d’apprendre que, malgré les nombreuses interventions de ses services spéciaux, notamment lors de la réunion de la CUS du 4 avril 2002, M. Kleiber ait décidé de se rendre à Genève. Malgré son arrogance, les étudiant-e-s de l’Université de Genève ont décidé d’attendre de pied ferme M. Kleiber sur le seuil du bâtiment visé par les casseurs !

Vu l’extrême dangerosité des participants, la CUAE lance un appel à ses courageux/euses militant-e-s en vue d’empêcher la tenue de la réunion prévue. Des palissades jaunes seront érigées tout autours du bâtiment et les étudiant-e-s feront écran avec leurs corps pour en protéger l’accès. Un contrôle d’identité filtrant sera organisé, pour permettre aux membres de la communauté universitaire de se rendre normalement dans leurs lieux d’études et de travail.

Un rendez-vous est donc fixé devant l’entrée d’Uni Mail

vendredi 27 juin à 8 heures :

pour dénoncer la présence de casseurs qui veulent détruire l’éducation,
pour défendre le service public,
pour dénoncer les accords de Bologne et leur application,
pour dénoncer l’OCDE et ses études,
pour demander la démission du Secrétaire d’Etat autocrate Charles Kleiber,
pour empêcher la tenue de la réunion annuelle de la CUS, la Conférence Universitaire Suisse.

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Les étudiant-e-s au salon des ressources humaines…

Article partu dans Regard Critique n°35 – Mai 2003

Dans le cadre du salon du livre, Swiss-Up organise un salon de l’étudiant auquel la CUAE s’invite pour dénoncer cette mascarade.

Un salon des étudiants sans étudiant-e-s avec la présence d’universités qui n’en sont pas (du moins selon l’idée de « lieux d’études public dispensant des enseignements généralistes »), et qui organise des débats sans la présence d’un seul contradicteur ; tout ça parrainé par Charles Kleiber, plénipotentiaire du monde de l’enseignement supérieur, à la conception du débat démocratique très douteuse …

Mais alors, quels sont les vrais intérêts des organisateurs du salon ? Pour Swiss-up, obscure boîte à idée qui s’arroge le droit de classer les enseignements dispensés dans les hautes écoles sur des ranking arbitraires selon des critères farfelus, l’intérêt principal réside dans le contrôle des futurs agents du marché du travail. « La formation, garante de la qualité de nos ressources humaines », peut-on lire sur le site de Swiss-up ! Cette déclaration, qui résume bien l’intérêt que le monde de l’économie porte à l’éducation, appartient à M. De Luca, patron de Logitech, et l’un des principaux donateurs de Swiss-Up avec le Credit Suisse, le groupe Bobst, la fondation Sandoz, la Rentenanstalt (voilà où est passée votre retraite…) et les immanquables Novartis et Nestlé.

En effet, il semblerait que « l’école a pour mission de préparer à la vie et de transmettre des capacités professionnelles, mais elle ne peut et ne doit pas réaliser l’égalité sociale », comme l’a si bien dit le professeur Rolf Dubs, président de la Commission fédérale des Hautes Ecoles Spécialisées (CFHES), lors d’une journée sur la formation organisée par le PRD en 1995. Mais alors, s’agit-il toujours d’un système éducatif basé sur le partage des connaissances et visant le bien commun ? Car là réside à notre avis le véritable intérêt des étudiant-e-s.

« L’allocation des aides (de la part de la Confédération) se fera en fonction des caractéristiques de la qualité du travail (car) de la compétition résultent des chances de développement égales ». Beaucoup de choses peuvent être reprochées à M. Kleiber, secrétaire d’Etat à la Science et à la Recherche, directeur du Groupement de la science et de la Recherche et vice président de la Conférence Universitaire Suisse, mais certainement pas sa clarté et sa franchise. Dans son pamphlet « Inventer l’avenir grâce à la formation et à la recherche (août 2000) », M. le Secrétaire d’Etat défend comme les autres une perspective de compétitivité dans le monde de l’éducation, une compétitivité qui profite seulement au monde de l’économie et qui a des conséquences très lourdes pour les hautes écoles (coupes dans les budgets, réorganisation des plan d’études et baisse de l’offre de cours, diminution conséquente de la qualité de l’enseignement, entre autres).

Une logique transparaît donc des propos de tous ces personnages qui sont présents (certains à titre personnel, d’autres par le biais de leurs organisations ou hautes écoles respectives) au salon des ressources humaines. Il faut transformer le monde de l’éducation en une jungle dans laquelle seuls les meilleurs (donc les plus rentables) survivront et, comme dans la meilleure tradition sportive, avant même le début de cette compétition les arbitres ont déjà été choisi. La Confédération s’occupera du volet économique, car le financement à la carte qui se profile primera celles et ceux qui se soumettront au diktat des autorités (Secrétariat d’Etat, Organe d’Accréditation et d’Assurance de la Qualité, …). Le secteur privé définira quant à lui les meilleures branches et les enseignements les plus utiles (on avait dit rentables ?) et en cela Swiss-Up excelle déjà avec son jeux du ranking !

Nous retrouvons cette même logique dans le texte de référence de tous nos visionnaires locaux : la Déclaration de Bologne. Déclaration d’intention floue et imprécise, l’application de ses principes est désormais considérée la condition sine qua non pour la survie du système de formation suisse. L’idée centrale de la Déclaration résume la vision de M. Kleiber et de ses acolytes : pour n’en citer qu’un seul passage, Bologne veut « favoriser l’intégration des citoyens européens sur le marché du travail et améliorer la compétitivité du système d’enseignement » !

Quant aux arguments « académiques » avancés par les partisans du système Bologne (amélioration de la mobilité, reconnaissance mutuelle des diplômes, …) ils peuvent être facilement démontés ou remis à leur juste place, mais malheureusement cela ne sera pas possible au salon des ressources humaines car les organisateurs, malgré leur souci de toucher et d’intéresser les étudiant-e-s, n’ont pas pensé judicieux de les inviter à participer au débat prévu sur ce thème jeudi 1er mai.

Dans un tel cadre, nous nous étonnons du fait que la première apparition publique de Charles Beer, nouveau chef du Département de l’Instruction Publique, concernant les sujets universitaires, sera sa présence dans ce salon. Ce dernier veut-il ainsi, annoncer la couleur de ses projets quant à la formation supérieure ?

Dans la course aux réformes du système éducatif, les réflexions critiques des étudiant-e-s et des autres citoyen-ne-s concerné-e-s par ce sujet sont considérées comme de dangereux ralentisseurs d’un processus qui doit aboutir coûte que coûte. Car le marché de l’éducation, comme celui de la santé et tant d’autres actuellement visés par les accords supranationaux tels que l’AGCS, est un marché trop lucratif pour y renoncer sur l’autel de la démocratie et de la consultation.

Pour cette raison la CUAE, Conférence Universitaire des Associations d’Etudiant-e-s, a décidé de s’inviter au salon des ressources humaines. Par notre présence nous revendiquons :

  • Une justification des liens entre la Confédération, Swiss-Up et autres entreprises privées qui s’immiscent dans le domaine de l’éducation ;
  • L’abandon de la participation incompréhensible de Charles Beer à ce salon ;
  • Une réforme profonde des structures administratives et politiques qui régissent la formation supérieure en Suisse (notamment avec l’instauration d’un contrôle démocratique) ;
  • L’abandon des démarches visant à introduire la Déclaration de Bologne ;
  • La démission dans les plus brefs délais du secrétaire d’Etat autocrate Charles Kleiber