Le prix de l'aspirant requin

Le 18 octobre 2006, la CUAE a réagi au sein de l’Université à la censure dont a fait l’objet son site internet en interrompant la séance du Conseil de l’Université. L’occasion nous a semblé propice non seulement pour récompenser la nouvelle équipe rectorale pour le zèle avec lequel elle s’adonne sans relâche depuis désormais un mois à accomplir la mission pour laquelle le Conseil d’État l’a choisi, mais également en exiger la démission.

Un mois à peine après son entrée en fonction, le nouveau recteur de l’Université de Genève se distingue en obtenant le très convoité prix de l’aspirant requin.

Après le prix Comtesse [ref] c.f. Xavier Comtesse, du groupe de pression Avenir Suisse [/ref] – alloué par la CUAE à la personnalité académique qui s’est le plus distinguée dans le combat pour l’affirmation idéologique des principes marchands au sein de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique – il était temps d’établir un nouveau concours. Il ne s’agit pas du prix du meilleur enseignant, cet enjeu ne faisant pas le poids face au prix pour l’aspirant requin. Cette récompense symbolique a été conçue pour distinguer la personnalité qui incarne le plus fidèlement l’esprit de la Nouvelle Gestion publique en matière de formation supérieure.

En ces temps de déperdition collective au sein des administrations étatiques, plusieurs candidats se sont déjà mis en évidence pour leur zèle quant à l’introduction du NPM. Parmi eux nous ne citerons que J.-M. Rapp (ancien recteur de l’Université de Lausanne), Martine Brunschwig Graf (ancienne conseillère d’état genevoise) ainsi que la plupart des membres de la commission externe chargée de l’élaboration d’un projet de loi sur l’université. Puisque les deux premiers noms que nous avons cités ont déjà réussi, tout ou en partie, à réaliser leur projet dans les institutions respectives (ils représentent en ce sens des modèles, sorte de divinités en la matière), il nous a donc semblé nécessaire d’allouer le prix de l’aspirant requin à des figures émergentes…

La censure de notre site internet de la part du nouveau rectorat nous a rappelé le scénario allégorique décrit par Bertold Brecht dans Wenn die Haifische Menschen wären et plus particulièrement la partie que nous vous invitons à lire concernant l’éducation dans « ce monde sous-marin »…

Es gäbe natürlich auch Schulen in den großen Kästen. In diesen Schulen würden die Fischlein lernen, wie man in den Rachen der Haifische schwimmt. Sie würden z.B. Geographie brauchen, damit sie die großen Haifische, die faul irgendwo rumliegen, finden könnten. Die Hauptsache wäre natürlich die moralische Ausbildung der Fischlein. Sie würden unterrichtet werden, dass es das Größte und Schönste sei, wenn ein Fischlein sich freiwillig aufopfert, und sie alle an die Haifische glauben müssten, vor allem, wenn sie sagten, sie würden für eine schöne Zukunft sorgen. Man würde den Fischlein beibringen, dass diese Zukunft nur gesichert sei, wenn sie Gehorsam lernten. Vor allen niedrigen, materialistischen, egoistischen und marxistischen Neigungen müssten sich die Fischlein hüten, und es sofort melden, wenn eines von ihnen solche Neigungen verriete.