Catégories
Politique universitaire Textes

Les enjeux de l'enseignement libéral bourgeois et de la recherche scientifique entre les intérêts du marché et ceux de la collectivité

Dans le nouvel environnement économique, caractérisé par les technologies de l’information et de la communication, les rapides et constants changements qui ont lieu au sein des entreprises du fait de la concurrence acharnée et de la course effrénée au profit, une nouvelle organisation du travail qui introduit davantage de précarité a vu le jour.

C’est ainsi qu’à partir de la fin des années 1980 – sous le prétexte de lutter contre la montée du chômage – le patronat ne raisonne plus en terme de main d’oeuvre qualifiée, mais d’employabilité permanente. Pendant les Trentes Glorieuses[ref]De l’après Seconde Guerre Mondiale au choc pétrolier des années 1973-74.[/ref] le patronat avait besoin de travailleur-euse-s doté-e-s d’un haut niveau de qualification et le hasard (!) a fait qu’à parti des années 1970, on a assisté à une prolongation des études et à l’ouverture de ces dernières à un plus large public, ce qui n’a abouti qu’à une massification des études. A partir des années 1980, dans un climat d’austérité budgétaire permanent et de restructurations industrielles continuelles, on observe l’importance grandissante de la formation continue “pour rester productif et employable” (OCDE[ref]Organisation pour le Commerce et le Développement Économique.[/ref], 1989). L’innovation constante nécessaire au système actuel de production se traduit sur le marché du travail par l’augmentation de la flexibilité du temps de travail imposée aux ouvriers et aux ouvrières qui mène à une précarisation des conditions de travail (salaires, sécurité de l’emploi) et de non-travail (assurances sociales). Cet ajustement du marché du travail implique des profondes réformes du système de scolarisation qui vise le remplacement des savoirs par des compétences[ref]Bien que la notion de compétence ne soit pas encore clairement établie, les pédagogues contemporains et les milieux patronaux semblent toutefois s’être accordés sur une définition commune. Selon eux, la compétence se conçoit comme la capacité de mobiliser des ressources et comme une ressource elle-même. Un large consensus est d’ailleurs établi à son sujet. En effet, elle est fortement – si elle ne l’est pas entièrement – dépendante du contexte auquel elle se réfère. Au sujet des compétences, il est intéressant de souligner, ce qui n’est d’ailleurs pas étonnant, que celles-ci ont fait leur première apparition dès les années 1980 simultanément chez les économistes et les entrepreneurs.[/ref].

Parallèlement à la soumission de l’école aux attentes de l’économie, les milieux patronaux et affairistes luttent entre eux depuis la fin des années 1970 pour avoir la mainmise sur le développement de la recherche appliquée à l’industrie. D’une parti parce qu’elle produit des connaissances nouvelles qui stimulent l’innovation et d’autre part à cause des bénéfices qui résulteraient de leur diffusion au sein des établissements d’enseignement et en dehors de ceux-ci (brevet, création de spin-off[ref]Ce sont des organes crées au sein des universités et dont les fonds sont d’origine à la fois étatique et privée.[/ref] pour les universités etc.). Encore une fois le hasard… fait que la formation supérieure subit depuis une décennie des attaques sans précédents visant à la privatisation-marchandisation de l’enseignement qui se traduit par la dérégulation et la décentralisation du système éducatif[ref]En ligne générale, ce processus est le même partout en Europe mais selon qu’il s’agit d’une République ou d’une Confédération par exemple, il est plus ou moins rapidement atteint en raison des différences de gestion et des rapports national-local.[/ref].  Après les télécommunications, la poste, les transports, les soins de santé, le système de formation reste l’un des derniers “marchés” à conquérir. Le système de formation est un marché potentiel qui est estimé à plus de 2000 milliards de dollars (OMC[ref]Organisation Mondiale du Commerce.[/ref], 2000) qui aujourd’hui sont encore dépensés en grande partie dans le domaine public et ne sont donc pas source de profit privé.

L’Accord Général sur le Commerce des Services (ACGS) – prôné par l’OMC – prévoit de mettre sur pied d’égalité les fournisseurs de services privés et publics, dans tous les domaines où il existe une concurrence entre fournisseurs. Cela implique que toute institution, d’origine publique ou privée, recevra une subvention étatique proportionnelle à sa taille et aux services qu’elle propose, d’où la nécessité pour les établissements de se mettre en réseau.

La chasse à ces subventions sera gérée par un organe ad hoc – étatique ou privé[ref]Il suffit d’observer le cas français, où l’Etat a chargé une entreprise totalement privée pour accomplir ce genre de tâche[/ref] – qui devra “assurer la qualité” des établissements en se référant aux seuls critères quantitatifs sus-mentionnés!

La déclaration d’intentions[ref]Cela n’a strictement rien à voir avec la déclaration de l’existence d’une situation de droit[/ref](!) de Bologne (1999) – est la formalisation des souhaits exprimés par l’OCDE dès la fin des années 1970. Parmi les objectifs-Bologne, on trouve notamment l’amélioration de “[…] la compétitivité du système européen à l’échelon mondial […]” afin que ce dernier “[…] exerce dans le monde entier un attrait à la hauteur de ses extraordinaires traditions culturelles et scientifiques” et la volonté de garantir que les “systèmes d’enseignement supérieurs et de recherchent [puissent] s’adapter en permanence à l’évolution des besoins, aux attentes de la société et aux progrès des connaissances scientifiques.

Sous le prétexte d'”encourager la mobilité des citoyens, favoriser leur intégration sur le marché du travail et promouvoir le développement de notre continent“, cette déclaration, qui introduira un cursus rallongé d’une année (3+2), contraindra la majorité des étudiantes et des étudiants à suivre constamment des cours de mise à jour afin d’améliorer et/ou d’assurer leur employabilité, et une minorité sera formée pour exploiter au mieux ces “ressources humaines” et décider des stratégies économiques et du contrôle social futurs.

Si la Suisse – qui a refusé d’adhérer à l’Espace Economique Européen en 1992 – a décidé d’appliquer les principes affirmés dans la déclaration, c’est clairement parce que le pouvoir politique suit fidèlement les directives exprimées par l’OCDE (dont elle est membre). Preuve en est le processus observé en Suisse, durant les années 1990, qui s’est traduit d’abord par une diminution des subventions pour la recherche fondamentale et l’augmentation pour celle qui s’applique à l’industrie (notamment pour les biotechnologies, les technologies de l’information et l’électronique) et d’autre part par une baisse généralisée des dépenses affectées à l’éducation et à la recherche[ref] Conseil fédéral. Message du 9 janvier 1991 concernant l’encouragement de la recherche scientifique durant les périodes de 1992 à 1995 et un programme d’actions concerté en microélectronique. (FF 1991 I 581), 1991.[/ref].

Cette thèse est une fois de plus renforcée par les déclarations de la dite organisation qui affirme, en 1995, qu’il faut “repenser les raisons qui justifient l’intervention de l’Etat et revoir l’efficacité par rapport aux couts des institutions[ref]OCDE, Les systèmes nationaux de financement de l’innovation, Paris: OCDE, 1995.[/ref].”

M. Charles Kleiber – secrétaire d’état à la science et à la recherche[ref]Nommé par le Conseil Fédéral en mai 1997. Le secrétariat d’état à la science et à la recherche scientifique dépend du Département de l’Intérieur, actuellement dirigé par le conseiller fédéral radical Pascal Couchepin qui, lors du débat parlementaire de 1982 sur le projet de loi sur la recherche (il était à l’époque rapporteur de la Commission du Conseil national) soulignait déjà que ” […] le but premier de la science est souvent moins la poursuite désintéressée de la connaissance que la poursuite de la connaissance à des fins industrielles et sociales, militaires, agricoles et médicales.” A ce sujet, lire la synthèse de Martin Benninghoff et Jean-Philippe Leresche, Vers la promotion d’une science “utile” 1970-1990, La recherche affaire d’Etat, Lausanne: Presses polytechniques et universitaires romandes, 2003.[/ref] et jusqu’à fin 2002 aussi président de la CUS[ref]La Conférence Universitaire Suisse (CUS) regroupe les directeurs des Départements de l’Instruction Publique (DIP) des cantons universitaires, deux des directeurs de l’instruction publique de cantons non-universitaires, le secrétaire d’état à la science et à la recherche et le président des écoles polytechniques fédérales (EPF). Ses bases légales sont la loi sur l’aide aux universités (LAU) du 8 octobre 1999 et le Concordat intercantonal de coordination universitaire du 9 décembre 1999.[/ref] – qui s’est autoproclamé conducteur de l’introduction de Bologne en Suisse – s’est probablement rappelé que les experts de l’OCDE affirmaient déjà dans leur rapport de 1989[ref]OCDE, Politique nationales de la science et de la technologie, Suisse. Paris: OCDE, 1989.[/ref] qu’en Suisse ” […] la liberté de la recherche, l’autonomie des universités et le fédéralisme restreignent considérablement les possibilités d’exercer une influence plus profonde.

Catégories
Actualités Politique universitaire Textes

Qu’est-ce que la vision capitaliste de la formation et de la recherche ?

Réponse au sujet de la récente modification des statuts de la CUAE

Dans le système de production capitaliste tel qu’il existe, principalement en Europe et aux Etats-Unis, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, les institutions scolaires, parmi lesquelles les universités, sont un des instruments de la distribution du capital culturel et du capital social, distribution qui fonde essentiellement celle des positions sociales. Ces institutions sont l’enjeu d’une lutte entre les agents les mieux pourvus en capital culturel et social qui entendent conserver le capital accumulé en restreignant l’accès aux degrés supérieurs d’enseignement et les agents nouvellement admis à ces niveaux, relativement dépourvus de capital social et culturel. Les événements de mai 68 en France furent sans doute la manifestation la plus spectaculaire de cette lutte [1]. Les tensions entre les aspirations contradictoires de ces deux classes d’agents ont produit des effets divers selon les structures propres des champs académiques dans les différents pays et les structures particulières des champs politiques de chaque Etat [2]. Les Etats ont été amené, comme dans bien d’autres domaines, à gérer pragmatiquement ces tensions. Les systèmes de bourses ont permis, notamment, de justifier la sélection dans l’accès aux degrés supérieurs d’enseignement. Dans les pays anglo-saxons, les institutions universitaires se sont ouvertes à des objets d’études nouveaux ou à des méthodologies nouvelles (gender studies, cultural studies) permettant aux nouveaux arrivants d’intégrer le système sans bouleverser par trop les hiérarchies antérieures [3].

Durant la même période, la recherche scientifique a largement été utilisée par les Etats pour gérer les contradictions du système de production capitaliste selon le principe de l’étatisation des coûts et de privatisation des profits. Pour simplifier, le développement de certaines technologies requérant des investissements élevés sans garanties de profits, les entrepreneurs laissent l’Etat engager des dépensent et déposent des brevets dans les phases finales de la recherche ou développent conjointement avec l’Etat des centres de recherches dont ils ne se dégagent que si la technologie développée ne tient pas ses promesses. Le cas de la recherche en physique nucléaire est certainement le plus révélateur de cette pratique pour les années 1950 à 1970 [4]. Le même mécanisme se reproduit, des années 1980 jusqu’à aujourd’hui avec la recherche en biologie médicale [5] ou la mise en place des instruments, des connaissances et des réseaux nécessaires à la pratique de l’audit et du conseil juridique et comptable [6].

Les chercheurs ont su tirer des profits substantiels de cette instrumentalisation de la recherche par les Etats ; profits financiers sous la forme de retombées indirectes pour leurs recherches propres, des programmes de recherche dirigées ou des collaborations avec des entrepreneurs, mais aussi profits symboliques  notamment auprès des instances publiques chargées d’administrer la recherche.

Plus marginalement [7], la recherche scientifique a pu servir une sorte de néo-impérialisme dans laquelle le nombre de brevets déposés et le nombre de chercheurs étrangers attirés sur le sol national tiennent lieu de gunboat [8].

Nous proposons ainsi d’appeler vision capitaliste de la formation et de la recherche scientifique les discours et les décisions qui visent d’une part à maintenir les institutions d’enseignement dans leur rôle d’instruments de la distribution du capital culturel et du capital social, en tant que cette distribution fonde essentiellement celle des positions sociales ; et qui visent d’autre part à poursuivre l’instrumentalisation de la recherche scientifique en vue de gérer les contradictions du système de production capitaliste selon le principe de l’étatisation des coûts et de privatisation des profits [9].

1. Voir le chapitre 5 « Le moment critique » dans Pierre BOURDIEU, Homo academicus, 1984.

2. Voir Cécile DEER, « La politique d’accès à l’enseignement supérieur : comparaison entre la France et la Grande-Bretagne » in Agone, sociologie, histoire & politique, n°29/30, pp. 99-120.

3. « En Angleterre, dans le cadre d’un enseignement supérieur dont les établissements pratiquent la sélection, on trouve au cœur du débat l’équité et la garantie pour la plus grande variété de gens possible d’accéder à l’enseignement supérieur. Cela implique, bien sûr, que l’on reconnaisse dès le départ l’idée de diversité ; ce qui explique, par exemple, le très grand nombre d’études portant sur l’ethnicité, les genders et les classes sociales dans l’université. » Cécile DEER, id.,  p.114 (soulignement de l’auteur)

4. Pour la Suisse, lire HUG Peter, « La genèse de la technologie nucléaire en Suisse » in Relatons internationales, n°68, 1991, pp.325-364.

5.  Nous appelons ici, faute d’en connaître le nom consacré, les domaines de la biologie dont les recherches sont orientées vers des applications en médecine ou en pharmacie, par opposition aux secteurs de la biologie qui s’occupent, par exemple, du classement des êtres vivants.

6. Yves DEZALAY, Marchands du droit : la restructuration de l’ordre juridique international par les multinationales du droit, Fayard, 1992. « A l’heure où ces nouvelles technologies juridico-financières […] contribuent à façonner les institutions et à remodeler le champ du pouvoir économique […] il n’est peut-être pas inutile de s’interroger sur la construction de cette nouvelle vision économiste du monde social que ces experts sont peu à peu en train d’imposer comme allant de soi. » id. p.12. Construction à laquelle les universités n’ont pas peu participé.

7. Paradoxalement, cet aspect semble mieux étudié que le précédent. Une explication triviale est sans doute l’impossibilité d’accéder aux archives privées des entreprises, de sorte qu’une étude ne peut se fonder que sur des sources administratives.

8. Voir par exemple Christophe CHARLE, « Les références étrangères des universitaires » in Actes de la recherche en sciences sociales n°148, juin 2003, pp-8-19 et, pour une discussion de cette question sur la base de données plus récentes : Yves GINGRAS, « Les formes spécifiques de l’internationalité du champ scientifique » in Actes de la recherche en sciences sociales, n°141-142, mars 2002, pp. 31-45. Pour la Suisse, le poste d’attaché scientifique à l’ambassade de Suisse aux USA est par exemple un poste clé dans la structure de l’administration de la recherche scientifique : voir BENNINGHOFF & LERESCHE, La recherche, une affaire d’Etat, Lausanne, 2003, notamment les pages 33 à 35 consacrées à Urs Hochstrasser, ancêtre de Charles Kleiber.

9. Cette définition répond aux deux catégories d’action de l’Etat en régime capitaliste que propose Sébastien Guex : «  […] les fonctions de l’Etat peuvent se regrouper en deux principales catégories. La première catégorie comprend la mise en place, dans la mesure où cela n’est pas garanti par l’activité privée des membres de la bourgeoisie, de ce que l’on peut appeler l’infrastructure technique et juridico-sociale de la production capitaliste […] Dans la seconde catégorie peut se ranger tout ce qui contribue à protéger le système sociopolitique existant contre les menaces qu’engendrent ses propres antinomies » GUEX, L’argent de l’Etat, Lausanne, 1998, p.43.

Catégories
Regard Critique

Regard Critique – N°28 – Mai 2004

Attention danger travail !

A télécharger en PDF : Attention : danger, travail ! Réflexions sur le revenu de base.

Regard Critique – N°28 – Mai 2004

Catégories
Actualités Politique universitaire Textes

« Non c’è più morale, Contessa … »

Après la déclaration de Bologne qui a pour but entre autres de rendre les porteurs de diplômes universitaires plus rapidement employables par l’économie, c’est au sujet du financement des études que les milieux économiques s’immiscent une nouvelle fois dans l’éducation. Récemment ils ont proposé par le biais d’économie suisse, d’Avenir suisse et du cercle d’étude capital et économie, d’augmenter les taxes universitaires à 5000 francs par année. Cette proposition émane d’un certain Xavier Comtesse directeur d’Avenir suisse, boîte à idées, qui regroupe les 14 multinationales les plus puissantes de Suisse.

Cette augmentation serait au bénéfice des étudiants puisqu’elle permettrait d’accroître le nombre de professeurs. L’argument avait déjà été utilisé en 1995 pour l’introduction des taxes universitaires, mais force est de constater avec huit ans de recul que bien au contraire le taux d’encadrement a diminué.

M. Comtesse pense aussi aux contribuables qui selon lui n’ont pas à supporter l’augmentation du nombre d’étudiants par leurs impôts, d’après lui la formation doit être envisagée comme un investissement, puisqu’elle permet de mieux gagner sa vie. Il omet de préciser qu’une large partie des étudiants paye des impôts, devant travailler pour prendre en charge les dépenses liées à leurs études et les taxes actuelles, qui ne sont d’ailleurs pas déductibles. M. Comtesse n’envisage pas non plus les conséquences sur ces mêmes contribuables. En effet, les porteurs de diplômes seront bien obligés de répercuter les coûts de leur formation sur leurs services par des tarifs plus importants, pénalisant ainsi la population, comme c’est déjà le cas dans les pays qui ont adopté ce modèle.

Malgré tout, Avenir suisse nous rassure, les bourses permettront aux étudiants de milieux défavorisés d’entreprendre quand même des études. Les étudiants issus de la classe moyenne ne peuvent pas bénéficier de ces bourses, puisque leurs parents gagneraient trop d’argent, mais comment ceux-ci pourront-ils financer les études de deux voir trois de leurs enfants ? Ce d’autant que la tendance actuelle vise à supprimer les bourses au profit de prêts remboursables au terme de la formation. Alors que cette proposition arrive au moment où les universités suisses se doivent d’introduire le modèle de Bologne (filière d’étude en 3 ans pour un bachelor, 2 ans supplémentaires pour un master), il semble évident, que les étudiants qui se sont déjà endettés pour obtenir leur bachelor seront réticents à poursuivre leurs études jusqu’à l’obtention du master. Il apparaît dès lors de façon évidente que ces deux réformes appliquées de manière quasiment simultanée auront pour effet d’introduire un système éducatif à deux vitesses : celle de ceux qui pourront se payer des études et obtenir un master et celle des autres qui n’auront pas les moyens d’aller au-delà du bachelor. Même si les universités romandes admettent que le master est le terme normal des études, la CUS (conférence universitaire suisse) précise que le bachelor est suffisant pour entrer dans le monde du travail. Tout en sachant que les exigences de l’économie fluctuent selon le marché du travail.

La vigilance s’impose face à cette proposition, puisqu’une fois le débat amorcé, la gratuité des études ne sera même plus discutée, la seule question sera à combien porter les taxes universitaires : M. Comtesse dit 5000.-, M. Kleiber propose 4000.-, M. Buschor parle dans un premier temps de doubler les taxes actuelles, qui dit mieux ?

L’éducation est un droit qui ne doit pas être soumis aux lois de l’économie. Ce n’est pas parce que la Confédération décide d’économiser 387 millions de francs sur l’éducation, que ce droit doit être balayé.

Texte paru dans la revue Arobase, mars 2004

Catégories
Actualités Communiqués de presse Politique universitaire

Alerte: Épidémie d'Avenir Suisse

Après le SRAS et la fièvre du poulet, un nouveau danger nous guette : le syndrome de l’AVis ENtièrement IRresponsable helvétique, mieux connu sous le nom de AV.EN.IR suisse.

Après la Reine des alpages, la vache, c’est au tour de la Comtesse de la Bahnhofstrasse de sombrer dans la folie. Une exposition prolongée à la Comtesse folle peut avoir des conséquences très graves. Il suffit d’ailleurs de regarder le premier porteur du virus en Suisse, encore inconnu de nos services et que nous allons donc appeler Comtesse X, pour s’en rendre compte.

Le syndrome AVENIR suisse semble être encore méconnu par le grand public. Le CUAE, Collectif Universitaire d’Autodéfense Écologique, tire la sonnette d’alarme et dénonce cette nouvelle forme de pollution intellectuelle.

Les symptômes du syndrome AVENIR suisse sont facilement détectables. Résultat d’une altération génétique des 14 plus puissantes multinationales helvétiques, AVENIR suisse sent l’argent à plein nez, est souvent recouvert d’or et se reconnaît par son arrogance.

Tout en ne jurant que par les dogmes de l’idéologie libérale, l’AVENIR suisse rechute régulièrement dans le « besoin d’Etat », quant il s’agit de sauver des compagnies aériennes ou de profiter de certaines structures de ce même Etat, le système éducatif par exemple.

Les conséquences d’une exposition prolongée à l’AVENIR suisse sont dramatiques et affectent sans distinction les hommes et les femmes, les jeunes comme les moins jeunes, les Suisses ou les étrangers. Seule possibilité d’immunité, un compte en banque bien fourni.

Parmi les multiples conséquences visibles de l’épidémie d’AVENIR suisse, difficulté à boucler les fins de mois et soumission à des horaires de travail impossibles, si ce n’est pas au chômage. Dernières victimes en date, les étudiant-e-s, qui seront empêchées de commencer ou de poursuivre des études faute de pouvoir se procurer le médicament anti-AVENIR suisse, en vente au prix de 25’000 à 30’000.- Fr. pour la simple admission au cursus d’études.

La CUAE, informée cette dernière semaine d’une épidémie médiatique de AVENIR suisse, propose des contre-mesures pour en empêcher la propagation. Dans un premier temps :

  • Isoler les porteurs du virus AVENIR suisse de l’arène politique et de la scène médiatique, et les remettre à leur place en les obligeant à écrire 1000 fois : « Je n’ai pas à me mêler des affaires qui ne me concernent pas. Il faut que je m’occupe de ma multinationale car je cause déjà assez d’emmerdements comme ça sans en rajouter d’autres dans des domaines qui relèvent du bien commun tels que l’éducation.»
  • Le premier porteur du virus, le prénommé Comtesse X, a dégénéré lors des ses dernières déclarations et doit donc immédiatement être mis en quarantaine et renvoyé dans les sous-sols de la Swiss House of Boston in the United States of America.
  • Isoler aussi immédiatement les principales victimes du virus qui, ces dernières semaines, ont montré les mêmes symptômes que le porteur Comtesse X. Des mesures d’urgence seront donc adoptées à l’encontre du député et sociologue Pierre Weiss, qui sera fermé dans une salle remplie de serpents de type zapatiste, et à l’encontre du secrétaire d’État à la science et la recherche Charles Kleiber qui sera sommé de s’enfoncer dans le container le plus proche.

Sur le moyen-long terme, il faudra aussi, pour éviter une nouvelle épidémie :

  • Combattre tous les foyers de naissance et transmission du virus. En particulier, seront combattus tout think-thank, boîte à idée ou container de ce type. Les idées ordurières en provenance de ces dépôts sont de nature à rependre le fléau néoliberaliste du haut d’une légitimité auto-proclamée qui ne repose sur aucune base autre que celle du poids économique.
  • Combattre toute personne ou institution atteinte du virus. Ces personnes acceptent et donc reconnaissent comme partenaires ces mêmes containers à idées. La réflexion « créative et révolutionnaire » telle que celle prônée par le porteur Comtesse X est de nature à permettre à d’autres acteurs de se cacher derrière elle et à rebondir sur ces idées absurdes en les nuançant pour les rendre plus présentables. Par exemple, quant un porteur du virus balance 5000.- pour des taxes universitaire, il y aura toujours une victime consentante du virus, qui du haut de son rôle de secrétaire d’Etat à la science et la recherche, est prêt à rebondir sur 4000.-

Pour réussir dans cette lourde tâche, le CUAE se propose d’isoler tout porteur du virus AVENIR suisse de façon à ce que personne ne soit plus soumis à son exposition.

Selon les dernières recherches du CUAE, le virus se transmet par voie orale, il ne faut donc pas que des porteurs puissent s’exprimer en public.

Pour cause d’urgence sanitaire la conférence d’aujourd’hui est donc annulée, nous prions toutes les personnes présentes dans cette salle de la quitter sur-le-champ.

Nous demandons en plus au porteur du virus, M. Comtesse X, de ne plus l’ouvrir jusqu’à la fin de son traitement et de rester à Boston à la fin de celui-ci.

Le CUAE, Collectif Universitaire d’Autodéfense Ecologique, contre la pollution intellectuelle.

Catégories
Actualités Politique universitaire Textes

Les milieux économiques suisses et leurs intérêts sur l’enseignement supérieur

Nous y voilà : les milieux économiques dévoilent officiellement leurs plans, et proposent d’instaurer des taxes universitaires de 5’000.-. Ceci signifierait une augmentation de 500% pour l’UNIGE.

Arrogance et méprise ! Les tenants du grand capital continuent dans leur projet de privatisation de l’éducation. Après l’adoption de la Déclaration de Bologne, voilà l’augmentation des taxes qui empêcheront les milieux défavorisés et les classes moyennes d’entreprendre des études supérieures. Moins d’étudiant-e-s signifie moins de frais, et donc plus de rentabilité : c’est la stratégie du licenciement préventif !

Le monde économique, avec ses fers de lance que sont le groupe d’intérêt patronal Economiesuisse et la boîte à idée Avenir Suisse (qui regroupe les 14 multinationales les plus puissantes de Suisse), nous fait part de ses propositions dans le document « de nouvelles pistes pour le financement des hautes écoles ».

L’augmentation de taxes permettra d’augmenter le nombre de professeur : FAUX ! Le même argument a été utilisé en 1995 pour l’introduction des taxes à Genève en 1995, et depuis le taux d’encadrement a diminué.

Le système de bourses aidera les étudiant-e-s ayant des difficultés financières : FOUTAISES ! Les projets à l’étude prévoient une diminution nette des financements de bourses d’études et d’allocations. Et les prêts hypothèquent à l’avance le futur de l’étudiant en l’obligeant à arrêter ses études à l’obtention du premier diplôme (le bachelor) car il faut les rembourser au plus vite !

Les citoyens ne doivent pas subir l’augmentation des coûts engendrés par l’augmentation du nombre d’étudiant-e-s : RIDICULE ! Avec des taxes multipliées par 5 couplées à un système de prêts comme proposé, l’étudiant-e récupérera les frais supplémentaires pour éponger sa dette avec des tarifs plus importants dans son domaine de travail, ce qui aura comme effet de répercuter les coûts sur le citoyen, comme c’est déjà le cas dans d’autres pays ayant adopté le même modèle (Etats Unis et Australie notamment).

Le but du projet est celui d’améliorer la qualité de l’enseignement : CONNERIES ! Le tant décrié système dit de Bologne aura comme effet la réduction de la durée des études, donc la diminution des cours dispensés, donc la baisse de la qualité de l’enseignement.

L’état n’a plus suffisamment de moyens, l’université se doit de s’autofinancer : IDIOTIES ! Le parlement fédéral vient de voter des coupures de 387 millions de francs dans le budget de la formation, et ceci pendant que des projets de réductions fiscales sont à l’étude pour les grosses fortunes. On fait des cadeaux au riches mais on taxe les étudiant-e-s, quelle que soit leur origine sociale. Outre les mensonges, la MAUVAISE FOI : les seuls représentants du monde politique et du monde académique à avoir soutenu ce projet sont les membres de la même droite qui a proposé et soutenu ces coupures, monsieur le professeur Weiss en premier !

L’Université est aujourd’hui soumise aux mêmes attaques portées par les milieux économiques dans d’autres secteurs du feu service public. Les mêmes critères de rentabilité sont base de discussions et les mêmes acteurs se partagent les différents rôles.

L’économie privée lance des idées qualifiées d’innovatrices et révolutionnaires, comme M. XAVIER COMTESSE le fait sans répit depuis son retour de Boston.

Des représentants de ces mêmes milieux se pressent pour rebondir sur ces propositions pour en chanter les mérites, comme M. PIERRE WEISS, professeur de sociologie et député libéral au grand conseil genevois l’a fait cette semaine.

Les représentants de l’État enfin interviennent pour adoucir le ton tout en appuyant les propositions, avec des remaniements de façade. M. CHARLES KLEIBER, Secrétaire d’État à la Science et la Recherche, vient à son tour de proposer une augmentation de taxes, de « seulement » 4’000.- cette fois ci !

L’éducation est un droit inaliénable pour toutes et tous, indépendamment du sexe, de l’âge ou de l’origine géographique ou sociale. Ce droit ne doit pas être rediscuté selon des spéculations économiques soumises aux aléas du marché.

L’éducation est un bien commun et doit être défendu. L’accès aux études ainsi que les possibilités de réussite des mêmes études doivent être garanties à toutes et tous.

A ce sujet, M. Xavier Comtesse tiendra une conférence ce vendredi 30 janvier à 17h45, à l’auditoire Jacques Freymond, à l’IUHEI, (Rue de Lausanne 132)

Catégories
Actualités Communiqués de presse Politique universitaire Textes

Proposition d’augmentation des taxes universitaires du Cercle d’Etude Capital et Economie – Le container à idées Avenir Suisse déverse ses ordures

 

En ce jour de grâce, dans la joie et l’émotion, le comité de la CUAE est heureux d’annoncer la naissance de l’enfant prodige. Les terres des Palestine étant inaccessibles pour cause de mur de séparation, la divine providence a fait naître l’enfant sur les rives du Léman. Malgré les problèmes de santé du nouveau né, la CUAE tient à féliciter les parents et les autres acteurs de cet heureux événement.

Tout d’abord, félicitations au papa Xavier Comtesse qui nous fait ici, avec ses camarades de jeux d’Avenir Suisse, d’Economiesuisse et du Cercle d’Étude Capital et Économie, un énorme cadeau. Papa Comtesse se sentait si bien dans le nid douillet de la Suisse House from Boston in the United States of America (J’apprécie leur [des américains] esprit positif, leur façon de voir le bon côté des choses. Chez eux, le verre est toujours à moitié plein, quoi qu’il arrive [ref]Interview de Xavier Comtesse in http://www.construire.ch/SOMMAIRE/0234/34entre.htm[/ref]), pourtant il décida de rentrer dans sa Suisse natale avec l’espoir de répandre sa bonne parole ([Je me considère] comme celui qui pense en dehors du cadre, qui amène dans le débat public de la surprise, de la créativité et de la générosité. Je suis un agitateur d’idées [ref]ibid[/ref]]

Après plusieurs essais, Xavier a finalement réussi à s’accoupler avec son nouveau partenaire, l’État suisse. Les martyres Charles Kleiber, Secrétaire d’État à la Science et la Recherche, et Bernhard Weber, du Secrétariat d’État à l’Économie, ont finalement baissé leur pantalon devant les avances passionnées de Xavier et ses acolytes.

Malheureusement ce rapport incestueux entre les intérêts du grand capital privé et les gouvernements bourgeois ne pouvait que donner naissance à un enfant problématique. Pour le grand désespoir des parents, la Comtesse et son Kleibard de secrétaire d’État, le petit enfant, nommé « de nouvelles pistes pour le financement des hautes écoles [ref]http://www.economiesuisse.ch/f/[/ref]», est mal formé, inutile, mensonger, irrespectueux, nuisible et il sent mauvais ! Par respect pour la famille, nous nous abstiendrons de faire d’autres commentaires sur le bébé. D’ailleurs, le mariage entre les deux parents n’ayant pas été officialisé, nous considérons ce couple illégitime, et notre culture calviniste nous empêche d’entrer en discussion sur le résultat de leurs ébats amoureux.

Malgré les problèmes de santé du nourrisson, la fête célébrant la naissance fut belle, et l’arrivée des Rois mages particulièrement émouvante.

Le premier mage, le parlement fédéral, s’est présenté avec son cadeau traditionnel, l’or : 387 millions de coupures budgétaires au budget de la formation votés le 19 décembre 2003. Quelle meilleur cadeau que des coupes dans le budget pour justifier la nécessités de nouvelles ressources …

Le deuxième mage, la Conférence Universitaire Suisse, a aussi fait part de ses vœux avec un présent traditionnel, l’encens. Celui-ci devait probablement servir à cacher l’odeur provoquée par le gros caca nerveux du 4 décembre dernier. Ce jour-là, en effet, malgré les proclamations de résistance au projet de marchandisation de la formation émises par certains conseillers d’État, les directives contraignantes pour l’application de la déclaration de Bologne ont été votées à l’unanimité …

Troisième et dernier mage, L’Union des Étudiants de Suisse. Présence inattendue jusqu’à la dernière minute, l’UNES est venue apporter son cadeau sous forme de soutien indirect des étudiants, qui acceptent de dialoguer avec les acteurs de rapports incestueux entre État et intérêts privés. Cela va sans dire, l’arrivée des représentants étudiants a réjoui au plus haut point la famille, comme le tonton Pierre Weiss a pu le souligner sur les ondes de la Radio Suisse Romande hier soir.

En étant particulièrement sensibles à la participation des étudiants de la nation suisse à la fête pour la naissance du petit « de nouvelles pistes pour le financement des hautes écoles », la CUAE tient à dédicacer une petite fable au nourrisson : la fable du Baron et de la Comtesse.

Le Baron et la Comtesse

Grâce à l’Union des étudiants de Suisse (UNES), le container à idées usagées Avenir Suisse a réussi son coup. Il aura suffi que la Comtesse ponde un de ses innombrables tas de papier sur l’augmentation des taxes universitaires, pour que l’UNES accepte de participer à une parodie de débat radiodiffusé (RSR, Forum, hier soir) et gâche notre apéritif.

Opposée au Baron de Soral Pierre Weiss, invité permanent du journal vespéral de la radio suisse romande, la co-présidente de l’UNES a par exemple jugé utile de souligner que la formation supérieure est, pour l’Etat, un « investissement qui rapporte ». Elle reprenait ainsi, sans le savoir espérons-le, la rengaine favorite de Barbara Polla, ancienne députée libérale au Conseil national.

Alors que le petit Baron barbu prétendait vouloir tout mettre en œuvre pour favoriser l’accès aux études de ceux qui ne pourraient même pas en payer les taxes, Caroline Gissiger a opportunément oublié de rappeler que le parti libéral soutient le paquet fiscal de la Confédération, des baisses d’impôts tous azimuts et surtout, la nouvelle péréquation fédérale (NPF) qui prévoit des coupes claires dans… le financement fédéral des bourses d’études !

Le Baron avait dès lors le champ libre pour exposer son idéal : les taxes payées par les uns permettraient de financer les études des autres. Est-il nécessaire de dire ici l’imbécillité du système qui, au prétexte d’atténuer les inégalités sociales, les renforce en stigmatisant les étudiants boursiers ? L’entier du discours politique du Baron de Soral est fondé sur l’axiome « qui paye commande ». Son objectif est donc clair ; justifier financièrement l’existence de deux catégories d’étudiants : ceux qui payent et qui ont des droits, les autres qui ont des devoirs (devoir d’étudier vite, devoir de rembourser, devoir de travailler, devoir d’être utiles et de s’écraser).

Le plus grave n’est pas le discours réactionnaire du Baron et de la Comtesse ; le plus grave est qu’en acceptant de prendre part à des pseudo-débats l’UNES contribue à accréditer de fausses problématiques. Aussi longtemps qu’on parlera de la formation en terme d’investissement, la question de la discrimination sociale dans l’accès à la connaissance et à l’information ne trouvera aucune solution valable.

« Que craignez-vous ? » demandait le disc-jockey en préambule à l’intervention de la co-présidente de l’UNES. Nous ne craignons rien ! Ce sont les deux aristocrates qui craignent pour leurs privilèges, pour leurs rentes. Nous, nous ne craignons ni le chômage qu’ils créent, ni les pénuries de logement qu’ils organisent, ni les médias qu’ils monopolisent : nous les combattons.

Longue vie, santé et prospérité au nouveau-né, à papa et maman et à toute la famille. Nos meilleurs vœux,

Le comité de la CUAE

Catégories
Regard Critique

Regard Critique – N°27 – Janvier 2004

2004: Uni barricadée, il faut la libérer!

Retour sur le 2003 genevois.

Une tour d’ivoire en planches de coffrage

Non-exonération des taxes universitaires: Lettre à Charles Beer

RC n°27 – pdf

Catégories
Politique universitaire

L’offensive idéologique de l’économie privée contre la formation: Les citations parlent d’elles-mêmes…

« Le Conseil de Finanz und Wirtschaft s’est penché sur cette problématique [celle de la formation]. Le fait qu’il s’y soit intéressé, indépendamment d’autres groupements mais presque en même temps que des partis et organisations économiques renommées, est un indice de l’actualité et du poids de ce thème. »

Finanz und Wirtschaft, 20 mai 1995 (notamment Heinz Allspach, conseiller national ancien président du Vorort, Gerold Bührer, de Georg Fisher, Melk Lehner, de Saurer Gruppe Holding AG, Henri Meier, de Hoffmann-La Roche, Rudolf Staub Winterthur Versicherung, Hans-Dieter Vontobel, de la banque Vontobel)

FNRS : crédit de 15 millions pour une « analyse du système suisse de formation, de ses méthodes de financement et pour le développement de propositions de changement » (PNR33), 1991-1996

Conseil suisse de la science : Grandes orientations pour le développement des universités de suisse, 1993

Parti radical démocratique : 12 thèses sur la formation, mars 1995

Finanz und Wirtschaft : 6 thèses sur l’avenir de la formation, mai 1995

LE MONDE EN MOUVEMENT PERPETUEL

« Le développement technique et industriel des entreprises européennes exige une rénovation accélérée des systèmes d’enseignement [afin que ceux-ci] puissent suivre le rythme d’un environnement en perpétuel changement. »

Table ronde européenne des industriels (ERT), Education et compétence en Europe, février 1989 (entre autres Giovanni Testa (Fiat), Herbert Oberhänsli (Nestlé), Bernard Delapalme (Lyonnaise des eaux), Damien de Callatay (Petrofina)

Critère proposé en 1997 pour une convention d’objectif liant l’Uni de Zurich et le canton : « Le taux d’engagement des licenciés et l’utilisation effective du savoir universitaire sur le marché du travail »

Bericht der Regierungsrates [ZH] über den Voranschlag 1998, 10 septembre 1997.

« Les écoles ne pourront répondre aux nouvelles attentes de la société que si elle sont à même d’y occuper une place centrale, en devenant des institutions plus ouvertes, au service d’intérêts très divers et d’une très large clientèle. »

OCDE, Analyse des politiques d’éducation, 1998.

« […] l’indépendance et l’autonomie des universités sont garantes des capacités des systèmes d’enseignement supérieur et de recherche de s’adapter en permanence à l’évolution des besoins, aux attentes de la société et aux progrès de la connaissance scientifique. »

Déclaration de Bologne, 1999

INDIVIDUS, ETATS, ETABLISSEMENTS EN CONCURRENCE

« […] la modification des attitudes et le renforcement de la motivation impliquent qu’on prenne davantage conscience du fait que l’individu a l’obligation de faire preuve de souplesse […] il est indispensable que les jeunes acquièrent au moins une année d’expérience pratique en entreprise. »

ERT, Les marchés du travail en Europe, Bruxelles, 1993.

« Dans le monde, 80% des étudiants en MBA sont inscrits dans des établissements anglo-saxons. La France, avec son système de grandes écoles est présente sur ce marché, avec l’Insead de Fontainebleau. L’Allemagne, elle, est totalement absente. Nous n’offrons pas de formation courte de haut niveau. Le retard à rattraper est considérable. »

Hans J. Tümmers, discours à l’occasion de l’ouverture du SIMT, 1998.

L’enseignement supérieur français « devrait accepter une compétition maîtrisée, une émulation scientifique et pédagogique entre établissements […] »

Jacques Attali, Pour un modèle européen d’enseignement supérieur, Stock, Paris, 1998, pp.17-18.

« Nous devons faire en sorte que le système européen d’enseignement supérieur exerce dans le monde entier un attrait à la hauteur de ses extraordinaires traditions culturelles et scientifiques. » « […] améliorer la compétitivité du système d’enseignement supérieur européen à l’échelon mondial »

Déclaration de Bologne, 1999

EVALUER L’EFFICACITE

Les Etats doivent « repenser les raisons qui justifient [leur] intervention et revoir l’efficacité par rapport aux coûts des institutions, bref, doivent s’employer à mieux faire en utilisant moins de ressources, et surtout en agissant différemment. »

OCDE, La gestion publique en mutation. Les réformes dans les pays de l’OCDE, 1995.

« […] Les secteurs en plaine essor de la santé, de l’enseignement et de l’assurance étant aux mains d’entreprises privées, les contraintes budgétaires du secteur public devraient diminuer, d’où une baisse des taux d’intérêts et, de ce fait, des charges financières moindres pour les investisseurs privés. »

Christian Morrisson, « La faisabilité politique de l’ajustement », Cahiers de politique économique, n°13, OCDE, 1996.

« Promotion de la coopération européenne en matière d’évaluation de la qualité, dans la perspective de l’élaboration de critères et de méthodologies comparables » Déclaration de Bologne, 1999

« Le Conseil d’Etat entend encore remplir son rôle dans les domaines de l’éducation et de la formation. […] notre canton se doit d’être présent dans tous les dossiers traités sur le plan fédéral et intercantonal. Pour les institutions de formation genevoises – université ou hautes écoles spécialisées – il s’agira de répondre aux exigences indispensables pour obtenir l’accréditation et la reconnaissance officielles. » Micheline Calmy-Rey, Discours de Saint-Pierre, décembre 2001. UNE PERSPECTIVE ANTI-DEMOCRATIQUE

« Avec les progrès de l’éducation, beaucoup ont maintenant de plus hautes visée, et espèrent trouver un emploi et faire une carrière dans laquelle ils pourront utiliser leurs connaissances et trouver davantage de possibilités de satisfaction et d’épanouissement personnel. Mais la structure de l’emploi dans l’économie et le contenu de la plupart des tâches ne correspondent plus à ce niveau supérieur d’instruction et d’aspirations. »

OCDE, Education et vie active, 1977.

« Les produits actuels des universités sont en sur-nombre et en sous-qualité. Il ne fait aucun doute pour moi que près de la moitié des diplômés universitaires auraient plus à gagner d’une formation purement axée sur les applications. »

Aloys Schwietert, Le Mois, mensuel de la SBS, mai 1994.

« Premièrement, il faudrait clarifier que l’école a pour mission de préparer à la vie et de transmettre des capacités professionnelles, mais qu’elle ne peut et ne doit pas réaliser l’égalité sociale. »

Rolf Dubs à la journée du PRD sur la formation, 1995 (prof. de pédagogie à HEC Saint-Gall CA de Bär Holding et de la banque Bär (ZH), Schindler AG, Siemens Integra AG)

« Les nouvelles techniques de financement servent à réguler le nombre d’étudiants »

Ernst Buschor, NZZ, 7 novembre 2000.

Catégories
Actualités Politique universitaire Textes

Contribution à la réflexion sur la formation supérieure en marge du Forum Social Européen à Paris – L'école comme reproducteur des inégalités sociales

L’ÉCOLE COMME REPRODUCTEUR DES INÉGALITÉS SOCIALES ?

Depuis la création des premières universités, la fréquentation des écoles supérieures a toujours été réservée aux classes aisées. Les milieux paysans ou les milieux ouvriers par exemple ont toujours rencontré des difficultés sociales, économiques et culturelles pour accéder à ces études. Avec l’essor de l’après-guerre et tout au long des années ’50 et ’60 le nombre d’étudiantes a sensiblement augmenté, dans un phénomène indéniable de massification. Malgré cela, la représentation sociale n’a pas évolué, les classes bourgeoises étant toujours sur-représentées. Encore aujourd’hui, le fait de provenir d’une famille de cadres ou de professions libérales facilite l’accès aux études et leur bon déroulement.

Cette constatation confirme que la massification, n’est pas le résultat d’un processus de démocratisation, notamment en ce qui concerne l’accès à l’éducation. L’accès indiscriminé des classes sociales et de genre est-il forcément lié à l’application d’un système politique démocratique ? Aucune des mesures proposées par les gouvernements, de droite ou de gauches quels qu’ils soient, n’a jamais réellement visé à une démocratisation totale de l’accès aux études. En outre le phénomène de massification semble très lié à la transformation des modes de production (passage du secondaire au tertiaire). L’introduction de taxes d’admission ou encore la réduction des financements pour le système de bourses n’ont fait que rendre la situation toujours plus inacceptable.

Un des exemples les plus frappants, sur lequel nous nous proposons de réfléchir, est celui dit de la “ chasse aux titres ”. L’acquisition d’un titre universitaire, qui est considéré comme couronnement d’une période d’études, est souvent recherché comme un sésame ouvrant les portes à une ascension sociale et à une reconnaissance conséquente. Or la massification des études a permis à un nombre toujours plus important de personnes d’obtenir des diplômes, et malgré l’absence d’une réelle démocratisation, ces titres aussi accessibles aux classes sociales plus défavorisées. La sauvegarde de la reproduction sociale à l’intérieur des structures d’enseignement est donc remise en question, mais la volonté des gouvernements bourgeois de continuer à reproduire le même système est évidente. Nous constatons cela dans l’attitude qui consiste à ajouter toujours plus de barrières pour l’obtention des diplômes les plus reconnus socialement et financièrement. L’objectif est donc de réduire l’importance des titres au fur et à mesure que ceux-ci deviennent plus accessibles en créant des titres supérieurs, tout en accompagnent ces modifications par la créations de barrières supplémentaires. Dans cette optique l’application de la Déclaration de Bologne peut être inscrite dans cette dynamique, avec la création d’un diplôme intermédiaire professionnalisant (le bachelor) et celle d’un titre supérieur (le master) qui prévoit un prolongement des études, sans aucune mesure d’accompagnement qui garantisse l’accès au deuxième niveau d’étude après l’achèvement du premier.

Mais cette discussion ne peut pas se réduire à l’analyse des effets de la non démocratisation du système éducatif mais se doit d’aborder le fond du problème. Nous nous proposons donc de réfléchir aux alternatives à proposer à ce processus de monétarisation de l’éducation qui consiste a considérer l’apprentissage du savoir comme un investissement. La réduction effective des possibilités d’accès à des titres universitaires n’est en effet qu’un aspect d’un processus qui veut que le savoir soit considéré comme une marchandise quantifiable. Les études sont donc considérées comme un investissement que l’étudiante se doit de rembourser, après mais aussi pendant son cursus. La connaissance devient donc une plus-value qui sera quantifiée pour permettre à l’étudiante de s’acquitter de sa dette. La situation d’aliénation dans laquelle elle se retrouvera après ce processus n’est évidemment pas quantifiable mais force est de constater qu’elle sera toujours perdante, ce qui fait que le rapport de force est biaisé et complètement à l’avantage des forces du capital. Il est donc absolument nécessaire de réfléchir à une alternative qui permette de sortir du cercle vicieux qui réduit l’étudiante à être un simple engrenage d’un système qui a pour but d’annuler ses possibilités d’autonomie intellectuelle, culturelle et sociale.