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La fin d'un mythe – Les étudiant-e-s n'habitent pas dans les bibliothèques

La CUAE a comme tâche de défendre les intérêts des étudiant-e-s. En ce sens, nous ne voulons pas nous limiter au plan strictement académique, car nous considérons que la formation comporte plusieurs aspects et que ses composantes sociales y occupent une grande place. De ce fait, la lutte pour trouver et choisir son toit nous apparaît comme essentielle et étroitement liée à notre revendication de réelle démocratisation de la formation.

La CUAE s’est attaquée à la question du logement depuis environ deux ans. Nous avons toujours estimé que nos actions et revendications s’inscrivent dans la lutte générale pour le droit au logement. En effet, nous sommes bien conscients que la crise ne concerne de loin pas uniquement les personnes en formation, mais de par sa condition d’association d’étudiants la CUAE s’est concentrée sur cette catégorie de la population, sans pour autant perdre de vue la problématique dans son ensemble.

La CUAE a attiré l’attention du rectorat sur la pénurie croissante de logement pour les personnes en formation. L’Université a mis un certain temps à réagir, puisque la première campagne, qui demandait à la population genevoise de loger des étudiant-e-s, n’a démarré qu’en été 2002. Si environ 300 étudiant-e-s ont pu être ainsi logé-e-s chez des particuliers, le mode de logement proposé par cette campagne n’est pas très heureux. En effet, non seulement c’est une solution à court terme, mais c’est surtout un type de logement qui fonctionne sur le principe de la sélection basée sur des critères définis par le logeur.

En outre, malgré cette campagne, à la rentrée 2002 de nombreuses personnes se sont vues obligées d’abandonner leurs projets d’études à Genève, faute de logement ; et d’autres, déjà sur place, ont continué à affluer dans nos bureaux et ceux de la Ciguë (coopérative de logement pour personnes en formation) pour demander de l’aide dans leur vaine recherche de logement. Face à ce malheureux constat nous avons décidé d’agir de manière directe : entre octobre et novembre 2002 nous avons lancé deux occupations d’immeubles. Celles-ci ont permis à la Ciguë d’obtenir des contrats de prêt à usage (dont ont pu bénéficier près de 100 personnes) pour l’année académique en cours. Par ailleurs, dès le début de nos actions, nous avons interpellé le politique pour dénoncer le caractère spéculatif de la crise et pour rappeler le Conseil d’Etat à ses obligations, soit l’application de la LDTR1 (qui serait le minimum qu’il puisse faire !)

A l’heure actuelle, des discussions se poursuivent avec les régisseurs et/ou propriétaires. Mais face à leur mauvaise volonté, il n’y pas grand espoir de solution concrète. Quelques constructions sont envisagées mais n’aboutiront pas avant 4-5 ans et les immeubles vides (et il y en a !) le sont toujours. Un projet de loi2 est également à l’étude à la commission logement du Grand Conseil qui demande la mise en place d’un fond spécifique au logement pour personnes en formation, ainsi que la création d’une structure officielle de coordination. La CUAE a été auditionnée par la Commission ; nous avons réaffirmé l’urgence de la situation et à nouveau attiré l’attention des député-e-s sur la non-application des articles 26 à 31 de la LDTR.

Toutes ces démarches nous semblent largement insuffisantes. En effet, les personnes ayant besoin d’un logement n’ont pas disparu comme par enchantement. D’ici peu nous nous retrouverons à nouveau avec des centaines de personnes à la rue : certains contrats de prêts à usage qui ont été signés par la Ciguë vont prendre fin, de nouveaux/elles étudiant-e-s vont arriver à Genève, et sans compter les personnes qui sont toujours en quête d’un logement digne de ce nom…

Jusqu’ici aucune mesure sérieuse n’a été prise ; c’est pourquoi le Comité de la CUAE va passer à nouveau à l’action et certainement reprendre ses travaux pratiques… pour réclamer une politique de logement réellement démocratique et en solidarité avec les personnes qui revendiquent le droit de choisir leur toit ! La suite… au prochain épisode.

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Position de la CUAE concernant les directives de la CRUS sur la mise en œuvre de la Déclaration de Bologne

De manière générale, nous avons trouvé la qualité du document assez mauvaise. Nous ne savons pas si cela est dû à la traduction, mais il nous a été difficile de comprendre certaines formulations, même si les phrases étaient grammaticalement justes.

Pour en venir au document même, nous sommes étonnés de lire que le document a été rédigé « en accord étroit avec les universités concernées, les étudiants (…) ». N’ayant pas eu vent de pareil accord, nous serions intéressés de savoir quels ont été les étudiants impliqués dans la rédaction de ce document. Il en est de même pour « les Journées-Bologne » : peut-être suivies par « un important public », mais si celui-ci était composé des habituels académiciens nous doutons de l’impact que ces réunions auront eu sur les étudiants et le personnel de l’université. Nous avons aussi semble-t-il une notion différente du terme « public », nous exigeons que les débats soient véritablement publics et non réservés au mandarinat universitaire.

Nous tenons à réaffirmer notre opposition à l’application de la déclaration de Bologne telle qu’elle a été discutée préalablement à la Sorbonne, à Bologne, Lisbonne et Prague. Nous pensons toujours que des réformes imposées par le haut, sans consultation des étudiants et du personnel des hautes écoles ne peuvent qu’avoir des effets négatifs sur le long terme.

Concernant les points sur lesquels la CRUS attire notre attention dès la deuxième page, nous tenons à signaler la chose suivante : lorsque vous insistez sur le fait que l’introduction de la déclaration de Bologne entraînera des coûts supplémentaires, nous pensons qu’il s’agit certainement de coûts d’ordre administratif. Nous pensons qu’il ne faut en aucun cas lier l’augmentation des conditions d’encadrement à la déclaration de Bologne. Il s’agit là de deux domaines différents : une augmentation du taux d’encadrement n’est en aucun cas dépendante de l’application de la déclaration de Bologne. Il s’agit là de mesures budgétaires relevant des autorités universitaires en lien avec leur Canton respectif et la Confédération. Si nos autorités universitaires n’ont pas pu obtenir de fonds supplémentaires pour pallier au problème réel de l’insuffisance de l’encadrement, ne tentons pas de faire passer la pilule sous couvert d’une déclaration vague qui n’explique en aucun cas les raisons de l’insuffisance du taux d’encadrement. Nous serions par ailleurs intéressés de savoir ce que vous entendez par « standards minimaux » dans le domaine, nous n’en connaissons malheureusement pas jusqu’aujourd’hui (nous parlons ici de standards unifiés bien sûr).

Lorsque vous parlez de la nécessité de maintenir les bourses pour les deux niveaux (Ba/Ma), nous tenons à vous exprimer notre inquiétude quant à la séparation de niveaux dans le cadre d’octroi de bourses. Dans tous les cas, il est nécessaire que, les conditions d’octroi de bourse et d’allocations d’études s’appliquent jusqu’au Master.

Nous nous réjouissons de savoir que les discussions portant sur les passerelles entre les deux types de hautes écoles sont en cours et se passent bien. Pourrions-nous en connaître le contenu et les acteurs ? Nous tenons à rappeler qu’il est selon nous essentiel de maintenir le système de formation dual en Suisse. La formation proposée dans les HES concerne pour la plus grande part, des domaines considérés comme prioritaires par l’économie. Il n’en va pas de même pour les universités. Mettre en place un système d’équivalence des titres reviendrait à offrir sur un plateau une position hégémonique de l’économie sur la formation supérieure. Il est par contre nécessaire de valoriser la formation en HES non pas seulement en termes de nécessité imposée par le marché, mais aussi en terme de formation individuelle. : l’uniformité des titres renforce la position des employeurs sur le marché de l’emploi. A l’inverse, le maintien d’une diversité des formations et de leur reconnaissance par l’Etat donne à celui-ci la possibilité d’imposer les structures de l’offre en jouant notamment sur les conditions d’accès aux titres.

Nous sommes finalement heureux de constater que vous considérez que les réformes qu’implique l’application de la Déclaration de Bologne ne sont pas uniquement d’ordre structurel : cela fait deux ans au moins que nous tenons cette position. Nous sommes d’accord avec vous lorsque vous parlez en termes de réforme substantielle. Pourriez-vous cependant nous indiquer quelle serait, selon vous, la direction que prendrait cette réforme ? Il apparaît comme évident que l’application de la DB est le prétexte à des réformes substantielles, notamment en matière de contenu et de diversité des enseignements. C’est la première raison qui rend cette application contestable.

Passons maintenant aux directives elles-mêmes :

Puisque de nombreux articles ne peuvent être interprétés sans les commentaires qui y sont ajoutés, nous traiterons des deux à la fois.

Les normes proposées pour l’application du système Ba/Ma, notamment la distinction introduite entre degré et diplôme, constituent une véritable fiction juridique : d’un côté on prétend garantir une autonomie aux universités dans le choix de la division des filières (possibilité de faire une filière menant uniquement au Master) ; de l’autre l’obligation pour les étudiant-e-s de posséder un diplôme intermédiaire pour pouvoir accéder au Master dans d’autres universités. Un langage précieux ne masque pas pour nous l’obligation in fine pour toutes les universités de se plier au modèle Ba/Ma (ou modèle 3-5). Nous sommes par ailleurs étonnés de voir l’insistance avec laquelle on répète la possibilité offerte aux universités de déterminer elles-mêmes les conditions d’accès au Master alors que le texte stipule que le premier degré représente 180 crédits dans toutes les universités européennes. À quoi servirait-il d’unifier un système de valeurs s’il ne peut-être normatif ? Nous avons là un exemple flagrant du fait que l’exaltation de la mobilité à travers l’unification de structures n’est que le cheval de Troie pour accentuer la sélection au deuxième cycle. Il nous semble donc que les articles 1 et 4 des directives sont ou en contradiction, ou l’article premier est le gant de velours et le quatrième la main de fer. Nous reviendrons plus tard sur les différentes variantes proposées dans l’article quatre.

L’article 2 et son explicatif déterminent l’attribution des crédits. Nous poserons peut-être d’abord une question sémantique : qu’entendez-vous véritablement par « prestations d’études » s’agit-il d’un contrat de prestation individuel entre l’étudiant-e et son unité ? Nous comprenons la nécessité de normaliser les systèmes de crédits, mais il nous semble qu’un peu plus de précisions seraient nécessaires.

Nous ne pouvons que nous insurger contre l’article trois qui postule que la durée des études est déterminante quant à l’obtention d’un diplôme. L’annulation des crédits obtenus en cas de dépassement des délais est totalement arbitraire : l’acquis de crédits est un travail accompli qui doit être reconnu de manière définitive et non pouvoir être remis en question en fonction de l’humeur des autorités universitaires. De même pour les exceptions faites à la règle : qui décide si la raison de prolongation de délai est valide ? Qu’entend-on par délai adéquat ?

Venons en finalement au dernier article, le premier alinéa stipule qu’il n’y aura pas de normes concernant les conditions d’accès au deuxième diplôme. Quelle utilité y aurait-il à appliquer une déclaration promouvant la mobilité tout en accentuant la sélection ? Les deux variantes autorisent les établissements à fixer des pré-requis spécifiques pour tout changement de discipline ou d’établissement dans le cadre de l’obtention d’un diplôme… bel encouragement au développement intellectuel ! L’alinéa 3 pose le problème de l’équivalence des diplômes de premier degré (non obligatoire pour toutes les universités semble-t-il) alors que l’article 1 stipule que les diplômes de premier cycle correspondent à 180 crédits. Ainsi, l’alinéa 3 reconnaît implicitement que les correspondances entre diplômes ne s’établissent pas que sur la base des crédits y relatifs, mais aussi sur des appréciations de qualité distinguant les établissements. Les crédits se voient donc attribuer une valeur implicite dépendante de la position de tel établissement par rapport aux autres établissements dispensant la même formation. C’est ce qu’exprime avec une étonnante brutalité le commentaire de l’article 4 alinéa 2. Mais il est vrai que l’égalité des chances quant à l’accès à un diplôme supérieur n’est pas compatible avec le principe de concurrence et de compétitivité tel qu’énoncé dans le texte de la déclaration de Bologne.

Nous estimons que l’application de la déclaration de Bologne est la plus grande réforme de l’enseignement supérieur depuis mai 68. Or il nous apparaît que les réformes introduites depuis, telles que l’introduction embryonnaire d’une forme de démocratie ainsi que de l’égalité d’accès, sont remises en question par la déclaration de Bologne. Nous ne pouvons dès lors plus parler en termes de réforme mais de contre-réforme imposée autoritairement par le haut. Nous remarquons par ailleurs que le document que vous nous proposez ne tient en aucun cas compte des points évoqués dans le document signé en janvier 2002 par les Rectorats de Genève, Lausanne et Neuchâtel. Acte manqué ?

Il est évident que nous ne pouvons en aucun cas souscrire aux propositions émises dans le document de la CRUS qui, sous couvert de mobilité et d’ouverture, sacrifie les étudiant-e-s sur l’autel de la sélection, concurrence et compétitivité.

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Appel au débat sur les principes de la déclaration de Bologne [Groupe Arrabiata]

Face aux mesures visant à l’application de la déclarations de Bologne en Suisse, nous tenons à ouvrir un débat public de fond sur cette déclaration et ses conséquences sur les études universitaires.

Comme toute mesure d’origine technocratique, la déclaration de Bologne tend à susciter des réponses techniques. Cependant il est de notre devoir d’universitaires que d’y répondre sur d’autres terrains, aussi nous avons délibérément choisi dans le texte qui suit de prendre la déclaration de Bologne comme occasion pour introduire certaines idées qui nous le pensons offrent un cadre théorique fondamentalement antagoniste au développement de l’université à la sauce bolognaise. Luis J. Prieto offrait, en ce sens, il y a encore quelques années au sein de l’université de Genève une réflexion ” à l’arriabata indigeste à toute forme d’allégeance au pouvoir…

La déclaration de Bologne est une déclaration commune sur l’enseignement supérieur sans aspect contraignant, cosignée par les Ministres européens de l’Éducation, réunis à Bologne en juin 1999.

Mais, paradoxalement, c’est au nom de cette déclaration d’intentions que la conférence suisse des recteurs ainsi que certains doyens de faculté entendent contraindre toute la communauté universitaire à s’adapter à une norme qui n’en est pas une.

La déclaration de Bologne incite à introduire plus de compétitivité, de sélection, de par à l’intensification et la plus grande ” scolarisation ” des cursus des études supérieures. En effet un cursus basé sur le système anglo-saxon du bachelor-master-doctorat (3 ans pour le bachelor, 5 ans pour le master et 8 ans pour le doctorat) auraient des conséquences profondes pour les étudiants : il remettrait en cause la possibilité d’effectuer des études à temps partiel, et entraînerait une redéfinition des bourses d’étude (qui se limiterait alors au premier cycle de trois ans). Cela a pour conséquence de restreindre l’accès à l’entrée ou à la poursuite (après le bachelor) des études pour toutes les personnes qui ne peuvent ou ne veulent assumer des études à temps complet. On peut penser aux personnes qui ont des enfants à charge ou qui doivent simplement travailler à côté de leurs études.

Ce point, parmi d’autres que l’on pourrait critiquer en profondeur dans la déclaration de Bologne, est extrêmement important. En effet les études à temps partiel sont fondamentalement liée à l’idée, essentielle selon nous, que les études se basent sur un aller et retour entre théories et réalités sociales, entre apprentissage et praxis.

La déclaration de Bologne est selon nous par bien des aspects discutable or elle n’est, de façon délibérée, pas discutée. Ce n’est pas là notre principale critique mais notre principal grief. Vous l’aurez compris notre critique porte sur l’idéologie néo-libérale déjà présente au sein de l’Université, nos griefs, par contre, sont adressés aux responsables académiques, politiques et administratifs qui au jour le jour travaillent à la standardisation et à la ” rationalisation ” des services publics tel que l’Université. En effet comment vouloir penser le futur de l’enseignement sans donner la parole à ses acteurs, comment percevoir ces besoins sans permettre un débat large et ouvert, comment penser demain sans prendre en compte les difficultés, les conflits, les luttes d’aujourd’hui ?

Cette déclaration et ces mises en œuvre nous apparaissent, de ce fait, dénués de légitimité et contraire aux valeurs même sur lesquels se fondent l’enseignement supérieur.

Ouvrons donc le débat afin de nous donner les moyens d’intervenir sur l’ordre des choses, qui, faute de quoi, nous sera imposé par des décisions prises en notre nom.

Nous aimerions, après avoir posé les termes du débat, revenir le cas bien particulier des sciences humaines qui par leur identité se posent au cœur de la problématique introduite par la déclaration de Bologne.

Nous nous appuierons pour cela sur la pensée de Luis J. Prieto et plus particulièrement sur celle développer dans son livre ” Pertinence et Pratique ” paru en 1975 aux éditions de Minuit.

Les sciences de l’homme permettent, selon lui, de découvrir l’historicité de toute connaissance et ainsi de poser ces connaissances comme toujours significatives, c’est-à-dire fondées par le point de vue d’un sujet social, qui en définit, alors, la pertinence. De plus comme le point de vue, ainsi mis à jour, ” n’est pas acceptable par tous puisqu’il avantage une partie au détriment des autres, les privilégiés ont évidemment intérêt à dissimuler ce point de vue et à faire apparaître une connaissance de la réalité matérielle comme imposés par la réalité matérielle elle-même “. On retrouve ici certains traits induits et effectifs dans les mises en application de la déclaration de Bologne.

Les sciences de l’homme de ce fait s’opposent à tout type d’idéologie, entendue comme ” tout discours se référant à une connaissance de la réalité matérielle qui vise à ” naturaliser ” cette connaissance “, et qui voudrait donc dissimuler ” l’historicité des façons de connaître la réalité matérielle d’où résultent les privilèges “.

Les sciences de l’ ” homme ” constituent, ainsi, la connaissance de toutes les connaissances, scientifiques ou non, de la réalité matérielle, et elles nécessitent de par ce fait, pour leur élaboration, toutes les garanties d’espace et d’autonomie de pensée.

Voilà pourquoi, selon nous, l’université et les sciences de l’” homme ” en particulier, ont un rôle important d’espace de réflexion et de réflexivité à jouer au sein de la société. Elles exigent, pour cela, certaines conditions pour pouvoir s’y déployer. Or, ces conditions déjà précaires (cf les critères de sélection des recherches du Fond National…), doivent être défendues et améliorées en opposition à des directives comme celles émanant de la mise en application de la déclaration de Bologne ou bien du prochain volet de libéralisation des services décidé à l’OMC (AGCS).

Il y a, de plus, une raison supplémentaire, comme l’a très bien noté Prieto, pour que les sciences de l’” homme ” soient au centre de luttes politiques et sociales et donc sujettes aux attaques.

En effet elles permettent par les connaissances des connaissances de la réalité matérielle c’est-à-dire par les connaissances de la réalité historique, l’exercice d’une praxis sociale, visant à substituer une façon de connaître la réalité matérielle à une autre. Elles détiennent, en se sens, un potentiel démonstratif important, et selon nous essentiel, qui est susceptible de lever des lièvres et de donner prise aux forces sociales sur la réalité historique dans laquelle elles vivent et permettre ainsi le changement. Cette capacité à démontrer la construction historique de l’ordre établi s’oppose bien évidemment aux détenteurs de privilèges et de pouvoir.

Notre société se définirait ainsi au travers des luttes et des actions comme un terrain, non pas où ” les choses sont comme elles sont “, mais bien comme on le sait depuis Ferdinand De Saussure, où c’est ” le point de vue qui fait l’objet ” et de façon plus explicite depuis Prieto, où c’est ” le point de vue qui est l’objet “.

C’est dans cette perspective, qui vise à garantir l’élaboration d’une réelle pensée scientifique conjointement à l’exercice des luttes politiques et sociales susceptibles de donner sens à nos actions quotidiennes, que nous lançons cette appel à la prise de position collective ou individuelle, et plus si affinités…

Ce texte ne se veut pas unitaire ni encore moins unique, au contraire nous espérons que d’autres sur la base d’autres auteurs ou concepts entameront une démarche similaire. Celles-ci pourraient déboucher sur un événement public au début de l’année prochaine. Nous attendons vos textes, remarques et propositions…

Groupe ARRABIATA, Genève 26-05-02

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Occupation de la CUS

LE MOUVEMENT ETUDIANT REMUE ENCORE !

LasséEs d’être entenduEs sans être écoutéEs ; lasséEs de voir les options politiques en matière de formation supérieure échapper systématiquement au débat démocratique ; lasséEs d’assister à la vente à l’encan de leurs universités ; lasséEs de constater le désengagement des cantons et de la Confédération dans le financement de la formation ; lasséEs d’entendre à longueur de cours et de séminaires des professeurs à la botte des dominants ; lasséEs de la docilité des rectorats ; lasséEs d’entendre les parlementaires s’abriter derrière leur statut de miliciens pour excuser leur méconnaissance du dossier de la formation supérieure ; lasséEs d’être les spectateurs/trices passifs/ives des décisions irresponsables de l’administration fédérale, les étudiantEs genevoisEs ont décidé, lors de l’assemblée générale du 20 mars dernier, d’autoriser leur association faîtière, la CUAE, à quitter l’Union Nationale des ÉtudiantEs de Suisse.

Par cette décision, les étudiantEs genevoisEs ont souhaité s’engager dans des formes d’actions plus radicales que celles menées jusqu’ici. L’action de ce jour est le point de départ d’un mouvement étudiant qui ne laissera pas de répit aux ennemis d’une véritable démocratisation de la formation supérieure. Les revendications de ce mouvement sont notamment les suivantes :

Gratuité totale des études et instauration d’un revenu étudiant ; Réengagement massif et inconditionnel des collectivités publiques dans le financement des universités et interdiction du financement privé ; Réforme profonde des structures administratives et politiques qui régissent la formation supérieure en Suisse (notamment avec l’instauration d’un contrôle démocratique) ; Introduction du principe de co-gestion dans les universités ; Annulation totale de l’ensemble des dettes publiques ; Abandon des démarches visant à introduire la Déclaration de Bologne et désaveu publique de la signature de ce document par le secrétaire d’État autocrate Kleiber ; Dissolution de l’Organe d’Accréditation et d’Assurance Qualité ; Démission dans les plus brefs délais du secrétaire d’État autocrate Kleiber

Pour atteindre ces objectifs, la CUAE entend s’associer au mouvement anti-capitaliste mondial. Elle développera une critique radicale des structures sociales de la production scientifique et parallèlement mènera des actions visant à stigmatiser ceux qui s’opposent, dans leurs actes ou dans leurs discours, aux objectifs mentionnés ci-dessus. Genève – Bern, le 4 avril 2002.

Communiqué de presse

Le mouvement étudiant remue encore !

(les noms de fonction s’entendent au féminin et au masculin)

Ce jeudi 4 avril 2002, la Conférence Universitaire Suisse (CUS) se réunit à Berne pour entériner et présenter à la presse les plus importantes réformes de ces dix dernières années en matière de formation supérieure. La Conférence Universitaire des Associations d’Etudiants (CUAE), association faîtière des étudiants genevois, manifestera sa présence lors de cette séance et fera entendre la voix des étudiants. La CUAE donne donc rendez-vous à la presse dès 9h devant le bâtiment de la CUS (Sennweg 2, 3012 Berne) pour y suivre l’ensemble de l’action ou dès 11h au même endroit pour la conférence de presse.

Qu’est-ce que la CUS et que va-t-elle décider ce jeudi ?

La CUS est l’organe concordataire fédéral pour l’enseignement supérieur. Elle réunit donc l’ensemble des chefs des départements cantonaux de l’instruction publique, notamment Mme Brunschwig Graf pour Genève, M. Buschor pour Zürich, Mme Jeanprêtre pour le canton de Vaud, etc. La CUS est donc un organe politique réservé aux représentants des exécutifs. Curieusement, la CUS n’est pas présidée par un représentant du pouvoir exécutif, mais par un haut fonctionnaire, Charles Kleiber, par ailleurs secrétaire d’Etat à la Science et à la Recherche et directeur du Groupement de la Science et de la Recherche (GSR). Exceptionnellement, la CUS a invité à sa séance de jeudi des recteurs des universités de Suisse. C’est qu’elle a de grandes décisions à prendre : émettre des directives contraignantes pour l’application de la Déclaration de Bologne approuver les statuts et les compétences de l’Organe fédéral d’Accréditation et d’Assurance Qualité (OAQ).

Il vaut la peine d’examiner ces deux points à l’ordre du jour de la réunion de la CUS.

La Déclaration de Bologne

Ce document a été signé, en juin 1999, par les ministres de l’éducation de 28 pays européens et pour la Suisse, par le secrétaire d’Etat Charles Kleiber !! Outre le fait que la signature de ce texte par un secrétaire d’Etat et non par la conseillère fédérale chargée du dossier constitue un abus de pouvoir, la Déclaration de Bologne n’est pas un traité international. Il s’agit seulement d’une déclaration d’intention. Son application relève donc du bon vouloir des autorités politiques et académiques. Si la Suisse, alors qu’elle n’est pas membre de la communauté européenne, a décidé d’appliquer au plus vite les principes affirmés dans la déclaration, c’est que l’influence de l’OCDE est immense en ce qui concerne la politique de formation : sous la pression des organisations patronales, le pouvoir politique s’empresse depuis 20 ans d’appliquer toutes les recommandations de l’OCDE en matière d’éducation. Or, la déclaration n’est que la formalisation, plus ou moins juridique, des intentions exprimées par l’organisation1. [Organe fédéral d’Accréditation et d’Assurance Qualité

L’objectif de cet organe est d’accréditer les universités sur le modèle des accréditations distribuées par la Société Générale de Surveillance par exemple. Sur la base de cette accréditation, les autorités fédérales choisiront de maintenir ou non les subventions fédérales pour l’établissement ou la filière évalués (voir nouvelle LAU). Les critères retenus pour l’accréditation sont pour l’heure encore très flous. On y trouve pêle-mêle la taille des salles de cours, « l’existence d’un plan d’étude [sic] », le ratio enseignants – étudiants, etc. Evidemment, après 20 ans de politique de restriction budgétaire au profit des créanciers de l’Etat, seules les écoles polytechniques, la HEC de Saint-Gall [Ces deux réformes viennent porter le coup de grâce aux institutions de formation supérieure misent à mal depuis les années 80 pour cause de déficit budgétaire généralisé. Elles s’inscrivent dans le processus de démantèlement des services publics qui marque la politique fédérale actuelle. Du reste, M. Buschor, qui sera présent ce jeudi, ne s’en cachait pas lorsqu’il déclarait à la NZZ : « les nouvelles techniques de financement servent à réguler le nombre d’étudiants » [A réforme, réforme et demi ! Du changement dans le mouvement étudiant.

Face à ces attaques, la CUAE estime que le mouvement étudiant doit se doter de véritables moyens d’actions. Pour ce faire, son assemblée générale a décidé de se retirer de l’Union des Etudiants de Suisse (VSS-UNES) jugée trop consensuelle et trop portée à la participation. L’action qui aura lieu ce jeudi à Berne marque donc aussi la naissance d’un nouveau réseau national de lutte pour la défense d’une formation et d’une recherche académique, libres des pressions du monde économique et véritablement soutenues par les Etats. Ce réseau mettra en lien des groupes d’étudiants qui sont prêts à produire une critique radicale des structures sociales de la production scientifique autant qu’à combattre efficacement les ennemis d’une véritable démocratisation de la formation supérieure.

Pour plus d’informations, prière de s’adresser à la CUAE ou de nous rejoindre demain à Berne…

Genève, le 3 avril 2002.