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Les taxes à l'IHEID: Un avant-goût de l'autonomie dans la gestion? [Regard Critique n°36]

L’Insitut des Hautes Études Internationales est bien connu dans notre canton et voudrait l’être dans le monde. Il se glose, surtout en la personne de son directeur M. Philippe Burrin, d’être de « niveau international » et de prôner « l’excellence ». A ce titre, il pratique en toute illégalité des taxes de 3’000.- par an pour les étudiantes de Masters – 5’000.- pour les étudiantes étrangères, ce qui pourrait être interprété comme un manquement aux accords bilatéraux. Heureusement, une courageuse étudiante soutenue par la CUAE a fait recours.

Philippe Burrin suggère que les étudiantes ne peuvent pas comparer la qualité des enseignements entre les universités (« l’offre » dans le langage de M. Philippe Burrin) sans qu’une hausse massive (x 3 à x 5) soit instaurée.1 Au delà des inepties proférées par Philippe Burrin, aujourd’hui, plus de 3 mois après le dépôt du recours, force est de constater que la «Commission des oppositions » ainsi que le « Collège des professeur[e]s», à qui Philippe Burrin a transmis la lettre d’opposition, n’ont pas pris la peine d’étudier le cas ou, plus grave encore, n’ont pas pris la peine de communiquer une réponse à la recourante. Cette attitude est particulièrement significative du comportement que Phillipe Burrin a décidé d’adopter sur cette affaire, d’autant plus que l’IHEID a probablement les ressources nécessaires afin d’étudier la question puisque de nombreuses professeures y prodiguent des cours de droit. N’y a-t-il donc pas une juriste compétente à l’IHEID ?

Constatant un manquement à la loi (art. 63 al. 1), nous demandons au Conseil d’Etat (responsable de la surveillance suivant l’art 9 al. 1 et al. 3 de la loi sur l’université) de prendre ses responsabilités et que M. Charles Beer en tant responsable du Département de l’Instruction Publique veille à la bonne application de la loi. Dans l’attente de changements rapides dans la gestion de l’IHEID et de la réparation pécuniaire des personnes lésées, nous resterons vigilant à ce que M. Charles Beer prenne enfin la peine de s’occuper des affaires qui le concernent et nous espérons qu’il ne s’agisse pas là d’un avant goût de la nouvelle loi sur l’université tant au sujet des taxes que de la démission des responsables politiques.

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RENTRÉE 2008 : l’université flique les sans-papiers

Du fait de la présence de l’Office Cantonal de la Population (police des habitantes) lors des séances d’immatriculation, des étudiantes ont été empêchées de s’inscrire à l’université et n’ont par conséquent pas pu commencer leurs études à la rentrée.

L’université, en poussant des étudiantes dans ce traquenard, fait étalage de son zèle et de sa soumission à la politique d’expulsion de l’état policier. Depuis longtemps, la division administrative et “sociale” des étudiantes entretient des liens douteux avec l’office cantonal de la population. A l’occasion de cette rentrée, le rectorat a décidé de ne plus cacher sa collaboration avec la police des habitantes.

En assumant activement son rôle dans la politique de discrimination d’état, le rectorat met à jour sa duplicité et son hypocrisie, lui qui se flatte sans vergogne de sa politique d’égalité des chances et de démocratisation des études.

En faisant en son sein une place d’honneur à la police des habitantes, l’université a dépassé la limite du tolérable. Un palier a été franchi et chacune est concernée. Cette attaque ne passera pas.

L’université doit cesser immédiatement toute collaboration avec l’état policier et garantir l’accès à la formation pour toutes.

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Loi sur l’université: le référendum aboutit

Le référendum contre la nouvelle loi sur l’université a abouti. Plus de 8900 signatures ont été déposées lundi 4 août 2008, alors que seulement 7000 étaient nécessaires.

La nouvelle loi devra donc être soumise au vote populaire. Elle prévoit notamment de renforcer le pouvoir du rectorat au détriment des structures participatives, de supprimer montant maximal des taxes universitaires et de donner à l’université une autonomie de façade sur le modèle néolibéral déjà rejeté par la population dans le cadre des TPG, SIG et HUG.

La CUAE souhaite à cette occasion remercier chaleureusement tou-te-s les militant-e-s qui se sont engagées pour la récolte de signatures, en particulier les membres du collectif pour la démocratisation des études (CDE).

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Référendum contre la nouvelle loi sur l’université

La CUAE, le Syndicat des Services Publics (SSP), solidaritéS, le Collectif pour la Démocratisation des Etudes (CDE) et la Communauté Genevoise d’Action Syndicale (CGAS) lancent ensemble un référendum contre la nouvelle loi sur l’université.

Le dernier délai pour renvoyer les feuilles signées est fixé au 2 août et il nous faut 7000 signatures !

Un exemplaire se trouve en pièce jointe, merci de l’imprimer et/ou de le faire circuler parmi vos contacts !

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Loi sur l’université: Le vendredi 13 ne porte pas chance ou comment le PS et les Vertes servent de vaseline à un projet néo libéral

Vendredi dernier était votée la future nouvelle loi sur l’université de Genève. C’était un vendredi 13. Un de ceux qui confirment les superstitions sur cette date maudite et nous font languir du retour des zombies.

Si le parlement ne s’est malheureusement pas transformé en Ghostshouse mais presque (72 votants sur 100 avec une voix contre, mais pas celle de Jean Rossiaud [1] qui n’a toujours pas réussi à prendre part au vote). Nous avons eu droit à un véritable massacre à la tronçonneuse. Avec Pierre Weiss dans le rôle de Jason, et Charles Beer comme réalisateur converti à la théologie d’un rectorat fort. Un scénario probablement co-écrit par la grande main invisible, si on se fie à son odeur néo- libérale : En vrac, désengagement de la classe politique, hiérarchisation accrue sans contrôle démocratique, ouverture au secteur privé au détriment de l’indépendance de la recherche et statut du personnel calqué sur le modèle du privé. Sans oublier la fin d’un plafond pour les taxes universitaires – mais où sont passés les engagements socialistes ? [2]

Si l’on regrettera au passage la docilité des parlementaires de gauche au sujet des taxes universitaires, que dire de leur franc soutien au reste de la loi ? Ni les vertes ni les socialistes n’ont proposé d’amendements sur un texte qui en nécessitait tant [3]

En d’autres termes, le scénario était parfaitement lubrifié, pas la moindre grain de sable sous le capot, pas la moindre trace d’opposition inscrite au PV (même pas un rapport de minorité de la commission, même pas un amendement refusé). La nouvelle loi est le fruit d’un consensus politicard et permet une nouvelle gouvernance concrétisant la cosmogonie du rectorat fort. En somme, il s’agit d’une conversion de la classe politique à une religion qui semble faire des émules au-delà des rangs de la droite classique (c’est-à-dire sans le PS et les Verts). Cela arrange tout le monde. Les députées n’ont plus de compte à rendre sur leur désintérêt quant au fonctionnement de l’institution et le rectorat, en plus d’être libéré des contingences de la démocratie interne, a les mains totalement libres pour mener la barque à sa guise. L’érection en dogme d’un rectorat surpuissant ne souffre d’aucune résistance. Puisqu’il est accepté de toutes, seules des folles peuvent nier sa supériorité. Et puisque ce sont des folles, il n’est pas nécessaire de répondre à leurs critiques, contrer leurs arguments ou prendre en compte leurs remarques. Il n’est plus nécessaire au rectorat de justifier ses propres actes ou même de les discuter. Et cela, ni devant les pouvoirs politiques ni devant des organes de démocratie interne. Seule une Assemblée, dénuée de tout pouvoir, servira de moyen de légitimation à la politique rectorale et de pseudo-organe consultatif.

Nous regretterons également l’indépendance de la recherche et ne croyons pas une demi-seconde que le conseil d’éthique et de déontologie [4] n’aura d’autres utilité que d’étouffer les futures affaires Rylander [5] Fini le temps où l’on investissait dans la recherche fondamentale et où l’on publiait ses découvertes consciente du caractère public du savoir et des débouchés futurs de cette même recherche fondamentale. Niant le caractère aléatoire ou hasardeux de la recherche scientifique dont on ne peut par définition savoir à l’avance les découvertes, on veut désormais des recherches orientées, permettant des débouchés rapides pour le secteur privé (un euphémisme bien laid pour dire les entreprises, et pas n’importe lesquelles, les plus grosses, celles qui rétribuent le mieux les actionnaires, c’est-à-dire le capital). Il en est donc fini du temps de la liberté académique et des recherches en sciences humaines pointant là où ça ne va pas ! Qui financera des recherches sur des questions comme le rôle des banques suisses dans la Deuxième Guerre mondiale, la quantification de l’écart des salaires entre les femmes et les hommes ou sur les violences policières et étatiques ? Les chercheuses deviendront des laquais au service du capital. Pour les entreprises, et donc les actionnaires, c’est « tout bénéf » : comment profiter du savoir faire et des infrastructures de l’université à moindres frais pour produire une quantité de savoir directement utilisable. Le contribuable ne pourra plus se plaindre de financer des « branleuses en étude » ou « des chercheuses trop bien payées », il financera directement les recherches des grandes firmes suisses (merci Serono pour cette chair en endocrinologie !) et la formation des futures servantes du capital (il ne faut pas chercher plus loin la demande d’inscription dans la convention d’objectifs (euphémisme pour contrat de prestations) de la création d’un pôle d’excellence en finance). Avec le recours accru au financement privé, c’est la fin de la mise à mort des dernières zombies comme la pensée critique à l’université mais aussi l’entrée dans un nouvelle ère : celle de la créativité productrice de richesse. Traduction : c’est le moment d’apprendre à faire toujours plus avec toujours moins (c’est ça être créatif) et c’est fini l’époque où l’on avait le temps de se poser des questions sur le pourquoi de faire toujours plus ? le pourquoi de devoir faire avec toujours moins ?

En bonnes jésuites, les parlementaires imposent une réforme qui n’est qu’un retour en arrière. Après avoir fabriqué une « crise de l’université » montée de toutes pièces, elles prétendent résoudre les problèmes actuels avec les recettes d’hier : fin de l’indépendance académique pour se conformer au diktat de l’économie, autorité du recteur sur une université hiérarchisée à outrance, et réaffirmation de son rôle essentiel de reproduction sociale des élites bourgeoises. La gauche parlementaire ne s’y est pas trompée et a su lire le jeu de la droite comme la direction du vent dominant. En sachant taire ses divisions pour accepter prudemment ce compromis qui vaut à ses autrices de jouir des félicitations de l’extrême-droite [6], ils ont su oublier leurs programmes nationaux concernant la gratuité des études supérieures ou l’université démocratique. Nul doute que ce pragmatisme leur vaudra la reconnaissance fugace de leurs partenaires de droite. Et le mépris des zombies et des autres.

[1] Jean Rossiaud était absent lors du vote final de la commission de l’enseignement supérieur et n’a donc pas pu jouir du droit à rédiger un rapport de minorité.

[2] Nous vous renvoyons à l’interview de Beer dans Le Courrier du 19 avril 2008 ainsi qu’au programme politique du Parti Socialiste Suisse.

[3] Bien que nous ne les regrettions pas, nous nous étions habitués à ce que l’on propose des amendements cosmétiques. Cette fois-ci, mêmes ces amendements de façade n’ont pas été proposés. Pour celles qui désirent plus d’information sur le sujet, nous les renvoyons à la proposition d’amendements du Groupe de Travail sur la Loi sur l’Université (qui a été réactualisée après les modifications apportées par la commission sur l’enseignement supérieur, c’est-à-dire quasiment rien malgré plus d’un semestre de tergiversation. A ce sujet, nous en concluons que les travaux et auditions de la commission n’ont servi qu’à augmenter la légitimation du texte de loi qui avait jusqu’à lors été rédigé que part des expertes auto-proclamées).

[4] Suite à l’affirmation de son innocence quant aux accusations de plagiat qui planait sur son travail, nous ne pouvons que suggérer la candidature du Professeur ordinaire d’éthique Monsieur François Dermange.

[5] Ragnar Rylander, un prof de la fac de médecine a été pris la main dans le sac : il collaborait depuis 30 ans avec Philip Morris et publiait des études conformes aux intérêts de l’industrie du tabac à savoir de faire croire que le tabac ne cause aucun dommage ! Voir notamment S. MALKA et M. GREGORI, Infiltration, une taupe à la solde de Philip. Morris, Genève, Editions Georg, 2005.

[6] Ainsi Eric Bertinat, membre UDC de la commission, a félicité Ruth Dreifuss et Charles Beer pour le travail accompli autour de cette loi.

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L’incurie au pouvoir : les députéEs flinguent l’université

Communiqué de presse de la CUAE du 10 juin 2008

Dans une atmosphère qui tient à la fois du départ en vacances et des jeux du cirque footballistique, le Grand Conseil genevois s’apprête à voter la nouvelle loi sur l’Université. Le projet, accepté à l’unanimité en commission de l’enseignement supérieur, fait la part belle aux thèses néolibérales et constitue un pas supplémentaire dans la direction d’une marchandisation de l’enseignement et de la recherche. À l’occasion de ce vote, la CUAE souhaite rappeler les principaux enjeux du processus d’autonomisation en cours.

La pseudo-crise de l’université du printemps 2006, montée en épingle à dessein par une classe politique déterminée à solder ce qui pourrait rester de l’indépendance académique, sert de prétexte à une réforme des structures. Le modèle appliqué n’est qu’une énième variante de la théologie du « rectorat fort » en vigueur depuis les années 90, et responsable des dérives constatées. Pour nos tribuns, de gauche comme de droite, toute l’institution doit être sous la coupe d’un recteur tout puissant coopté par le corps professoral, et à qui il revient d’être le « sauveur suprême » de l’université. En guise de contrôle, la novlangue néolibérale marque une évolution supplémentaire et tient compte des réticences formelles d’un monde académique qui a encore besoin de croire à son indépendance : pas de contrat de prestation mais une convention d’objectif, et un conseil d’orientation stratégique plutôt qu’un bête conseil d’administration. Visiblement, les méthodes mises en œuvre aux TPG, SIG et HUG et responsables des multiples dérives dans ces organismes ont toujours de nombreux émules, et le refus lors des dernières votations cantonales du désengagement politique de la gestion de ces institutions ne semble pas avoir bouleversé des député·e·s plus soucieux d’imposer leur modèle de gouvernance que du respect de la volonté populaire. On sait également les conséquences que ces réformes structurelles ont sur le statut du personnel, et une généralisation des contrats de droit privé est à attendre, à la fois pour exploiter le petit personnel à titre temporaire et pour verser des salaires indécents à de prétendues sommités.

Autre face de ce désengagement des représentant·e·s politiques : l’absence dans le projet de loi de la question des taxes universitaires, reléguée à une « loi spéciale ». La pratique actuelle (et illégale !) de l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID) laisse augurer de ce qui attend les étudiant·e·s, c’est-à-dire un montant qui passe brusquement de 1000 à 5000 francs par année. Quant aux améliorations du système de bourses promises à chaque réforme, tout indique qu’il faudra les attendre encore longtemps, le sujet n’ayant tout simplement pas été abordé, quand il n’est pas renvoyé à une hypothétique harmonisation fédérale en la matière, remède qui sera à coup sûr pire que le mal. Tout est donc fait pour que l’université retrouve son rôle d’instrument de sélection sociale en en écartant ceux et celles qui ne pourront subvenir à ses exigences financières. Dans ce contexte, et sans renoncer à notre exigence de gratuité des études supérieures, la loi actuelle qui impose le plafond des taxes à 500 francs par semestre apparaît comme un acquis minimal (bien que très insuffisant) en faveur d’un accès à l’université sans distinction de classe sociale.

Pour ces raisons, la CUAE exige des député·e·s qu’ils refusent ou amendent en profondeur le projet de loi actuel, inepte, inefficace et antisocial. Elle lance également un appel à toutes les forces prêtes à combattre par tous les moyens cette vision d’une université soumise aux intérêts de l’économie et aux fantaisies d’expert·e·s autoproclamé·e·s, en rejoignant le comité référendaire en cours de constitution, en suivant l’appel à manifester du Collectif pour la démocratisation des études (16h00 aux Bastions, puis devant le Grand Conseil), ou par toute autre méthode.

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Regard Critique

Regard Critique – N°35 – Mai 2008

Spécial 1er mai

Édition PDF consacrée à la mainmise de l’économie privée sur l’éducation, en particulier dans le cadre du projet de loi sur l’université.

Regard Critique – N°35 – Mai 2008

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Des taxes à 46’000 francs, ça vous tente ? Ou pourquoi ne pas prendre les députéEs au sérieux ?!

Vous trouverez les liens internet des projets de loi déposés qui en disent long sur la “démocratisation” de l’accès aux études selon les éluEs du Grand Conseil. L’utopie de réserver les études aux riches est en construction au parlement genevois.

Pour celles et ceux qui croient encore que les députéEs prennent des décisions sérieuses et réfléchies, voici les références de projets de loi effrayants aux sensations fortes garanties. Accrochez-vous à vos chaises !

5000 francs par semestre pour le projet de loi 9856 présentés par les députéEs Guy Mettan, Anne-Marie von Arx-Vernon, Véronique Schmied, Béatrice Hirsch Aellen, Luc Barthassat, Jacques Baudit, Guillaume Barazzone, Mario Cavaleri, Michel Forni, François Gillet, Pascal Pétroz et Pierre-Louis Portier.

de 9’500 à 46’000 francs (suivant la faculté choisie) pour les étrangers pour le projet de loi 9818 présenté par les députéEs Pierre Kunz, Pierre Weiss, Jacques Follonier, Frédéric Hohl, Jean-Marc Odier, Olivier Jornot, Françis Walpen, Edouard Cuendet, Eric Bertinat, Philippe Guénat et Henry Rappaz.

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Initiative "pour la démocratisation de l'université": la récolte continue

La récolte de signatures pour l’initiative de la CUAE “Pour la démocratisation de l’université” a commencé mercredi 5 décembre 2007 et s’achèvera le 7 avril 2008.

Vous trouverez ci-dessous la feuille de récoltes de signatures avec le texte de l’initiative, ainsi que l’exposé des motifs et le communiqué de presse publié à l’occasion du lancement de l’initiative.

L’initiative vise trois aspects principaux :

  • un accès démocratique à l’université, notamment en instaurant la gratuité des études ;
  • l’instauration d’une véritable démocratie interne dans des conseils paritaires ;
  • des garanties pour les conditions de travail du personnel, notamment par des contrats stables.
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Les fondements moraux de la gratuité des études

Derrière les taxes universitaires se cache un principe farfelu : marchander le Savoir. En effet, demander de l’argent en échange d’une transmission de Savoir s’assimile à un échange marchand. Une brève réflexion sur les propriétés du savoir permet de montrer à quel point il est absurde de vouloir mettre un prix aux connaissances. C’est ce que nous nous proposons d’entreprendre dans ce texte.

Ce que nous appelons le Savoir, ce sont ces formes particulières de connaissances théoriques qui s’établissent dans un rapport d’extériorité [ref]Le Savoir se distingue du savoir-faire qui, lui, est complètement pris dans la pratique.[/ref]. Le Savoir désigne la connaissance de proposition vraie, ou plutôt qualifiée de vérité dans un espace social [ref]Car comme le rappel Bourdieu, s’il y a une vérité, c’est que la vérité est enjeu de lutte.[/ref] En Occident, le Savoir est donc intimement lié à la science, qui, en tant que processus reconnu, permet de formuler des propositions considérées légitimement comme vraies. Il est la forme de connaissance dominante, celle qui procure les profits (économiques et symboliques) les plus importants. A l’opposé, la connaissance pratique, le savoir-faire, est largement dévalué. L’université s’est construite comme le lieu idéal-typique de production et de transmission de Savoirs où les seuls savoir-faire qui sont enseignés et pratiqués (techniques expérimentales, d’enquête, de recherche, d’analyse) ne sont que des moyens pour créer un Savoir nouveau. L’université est donc le lieu de définition des Savoirs dominants et de constitution de vérité légitime. Elle occupe de ce fait une place très importante dans le champ du pouvoir qui l’expose à des tentatives d’ingérence. Pour que la logique du champ scientifique soit celle du discours rationnel, il faut créer les conditions d’autonomisation du champ, c’est-à-dire mettre des barrières suffisamment élevées pour « exclure l’importation d’armes non spécifiques, politique et économique notamment, dans les luttes internes » [ref]Bourdieu Pierre (2003), Méditations pascaliennes, Seuil, Paris, [1997], p.161.[/ref] pour ne conserver que les armes scientifiques dans le processus de création de Savoir. L’université est donc le lieu que notre société s’est donnée pour créer du Savoir en garantissant des conditions de production du travail scientifique. Le but y est d’améliorer notre compréhension du monde au profit de la collectivité. Elle est donc essentiellement collectiviste. Dans cette optique, il est essentiel qu’elle reste financée par la collectivité, afin de ne pas être récupérée par des intérêts privés. L’enseignement et la recherche scientifiques sont donc tiraillés par une nécessité d’autonomisation vis-à-vis des enjeux de pouvoir de la société et un objectif collectiviste au service de la communauté. Ils doivent s’extraire de la société, tout en y restant fondamentalement ancrés.Il découle de ce double mouvement à la fois d’autonomie et de collectivisme [ref]Les camarades de tout bord apprécieront le rapprochement.[/ref] que la production scientifique est un bien commun qui se place idéalement au-dessus des clivages sociaux. Il convient alors de toujours veiller à ce que les conditions du travail scientifique soient garanties (autonomie) et que le Savoir soit collectif (collectivisme), donc public, au profit de tous les membres de la communauté. Autrement dit, puisque les conditions de création du Savoir sont produites par la collectivité, le Savoir lui-même est un bien commun. Le Savoir étant un bien commun, qui peut prétendre vouloir le vendre ? Il appartient déjà à l’ensemble de la collectivité. Il est complètement absurde de vouloir le marchander. D’autant plus que c’est un bien non exclusif[ref]C’est-à-dire que la consommation de ce bien (pour autant que l’on puisse parler de consommation de Savoir), ne prive pas la consommation d’autres agents (contrairement à une pomme, par exemple, qui ne peut être mangée deux fois.)[/ref]. Il faut, au contraire, poser la question de sa diffusion aussi large que possible et des moyens pour le rendre accessible au plus grand nombre.
Non seulement les conditions de création de Savoir sont produites par la collectivité, mais le Savoir lui-même est le fruit d’un processus collectif. D’abord, l’énorme majorité de notre Savoir est constitué de l’héritage universel laissé par les générations précédentes depuis des millénaires. Il existe bien évidemment un intérêt général à ce que cette accumulation de Savoir continue d’être transmise de génération en génération. La propagation de ces connaissances ne doit pas être privatisée et mise au profit d’une seule classe, d’une part parce que la diversité des Savoirs acquis serait mise en danger (par élimination des Savoirs ne représentant aucun intérêt pour cette classe), d’autre part, parce que ces Savoirs ont été élaborés grâce à un long travail socio-historique qui leur confère le statut de propriété universelle. Autrement dit, la valeur des Savoirs ne peut pas se réduire au travail personnel d’accumulation des connaissances. Ne serait-ce que parce que, sans le monde social, ce travail d’accumulation n’aurait pas été possible. C’est pourquoi, les connaissances mêmes incorporées dans un individu ou accumulées dans un livre conservent toute la valeur de ce long travail socio-historique, c’est-à-dire une valeur sociale, commune à l’ensemble de la société et inestimable. L’héritage des Savoirs acquis est donc une valeur commune, mais la production d’un Savoir nouveau est également le fruit d’un travail collectif même s’il se concrétise dans le travail d’une seule personne. En effet, l’individu qui crée un nouveau savoir est lui même le fruit de sa socialisation. Il a été construit par une langue, une culture et par l’interaction permanente avec la collectivité (c’est-à-dire l’ensemble des membres de la société, soit directement, soit indirectement). Il a été construit par la société qui l’entoure. Il a bénéficié également du long travail social d’accumulation des connaissances. Ce sont la construction sociale dont il est le fruit et ces Savoirs hérités qui produisent un Savoir nouveau. La production de Savoir est l’aboutissement d’un travail social qui engage l’ensemble de la société et qui, même s’il se formalise finalement à travers un seul, est donc la propriété de l’ensemble de la collectivité[ref]A l’image d’un sport d’équipe, l’auteur du but (le créateur de Savoir) est un individu précis mais le but est le fruit d’un travail collectif, et a ce titre il appartient à l’équipe (la société) dans son ensemble (ce n’est pas le joueur qui gagne un point ou un but mais toute son équipe.)[/ref].
Le Savoir lui-même est une production sociale, collective. Il est également totalement absurde de prétendre qu’il peut être approprié individuellement. Le Savoir, en tant que production sociale, est un bien social. Là encore, il convient de se demander comment sa répartition peut être élargie au maximum.

Tant les conditions de production des savoirs, que la production du Savoir elle-même sont le résultat d’un investissement et d’un travail collectifs. L’université, comme lieu de création et de transmission du Savoir, est un bien commun. Elle est une propriété collective, un bien public au sens fort. Puisqu’elle est la propriété de tou.te.s, tout le monde doit pouvoir y avoir accès, sans restriction aucune et en particulier d’ordre financière. La gratuité est donc au fondement de l’université. Introduire des taxes, c’est détruire l’université en niant son universalité.