ÉtudiantE, tes papiers! [Regard Critique N°39]

Réunie en plénière les 1 et 2 septembre 2010 à Berne, la mafia rectorale regroupée sous le doux nom de CRUS (Conférence des recteurs des universités suisses) a annoncé qu’elle comptait limiter drastiquement le nombre d’étudiantes étrangères en masters dans les universités suisses. Les médias de masse relayèrent avec intérêt cette logorrhée accusant pêle-mêle les migrantes de ne « pas avoir les capacités requises », de « baisser le niveau général » des diplômes et de dangereusement concurrencer les étudiantes bien de chez nous. Trop heureuses de ces nouveaux soutiens, les responsables politiques tels que la sinistre Doris Fiala ont renchéri sur ce thème en alignant clichés et rhétorique xénophobes dans l’indifférence générale.

En guise d’opposition, seuls les rectorats de Genève et Lausanne ont critiqué à demi-mot leurs collègues tout en excusant leur virulence par la « différence de contexte » et les particularités des établissements alémaniques, ceux-ci étant chaque année assiégés par une horde d’étudiantes allemandes.

Les engagements pris par les recteurs et l’infâme Kleiber lors des directives de Bologne en 2003 resteront donc là où on les avait laissées, c’est-à-dire dans le caniveau. La « mobilité » qu’on nous a rabâchée jusqu’à la nausée a bel et bien des effets à géométrie variable selon le pays inscrit sur les papiers que l’État donne à la naissance et le niveau social des parents. À moins de gagner au loto, il paraît en effet hautement improbable qu’une étudiante précaire parte étudier un an à Aberdeen ou Harvard.

Le projet d’augmenter les taxes universitaires des étudiantes migrantes a été répété par la présidente de la CDIP (Conférence des directeurs de l’instruction publique) Isabelle Chassot le 12 septembre : à Fribourg, Saint-Gall et Zürich, cette décision est déjà prise et l’EPFZ la mettra en pratique l’année prochaine. La Suisse romande minaude un peu, mais suivra également le pas afin de maintenir l’« excellence » de ses universités.

La Suisse ne veut pas payer pour les étudiantes des classes inférieures, d’autant plus si elles sont étrangères. La destruction systématique des vies des migrantes par les « renvois » semble étonnamment être mieux placée dans l’agenda de la caste politique que le droit aux études pour toutes.

Rappelons aux politiciens qui ont la mémoire courte que la révolte viennoise de l’automne 2009 était en partie due à l’introduction d’un numerus clausus à l’université de Vienne, spécialement conçu pour écarter les étudiantes étrangères des filières les plus demandées. La rhétorique de l’« excellence » et de la « mobilité » ne semble pas rencontrer en pratique le succès escompté. Face à ces attaques contre le droit aux études des migrantes, opérons un retour aux fondamentaux : revendiquons la gratuité et luttons pour un accès aux études pour toutes par tous les moyens à notre disposition.