Bonjour à touxtes,
Merci énormément d’être là pour ce rassemblement, on est vraiment très heureux.se.x.s d’avoir pu organiser quelque chose un délai si court alors même qu’on est en pleine rentrée universitaire. Aujourd’hui c’est la première étape de cette mobilisation.
Notre discours sera suivi d’une prise de parole d’Amnesty Unige, de l’AJP-Uni, de la CEP Unige ainsi que d’un collaborateur de l’UniGE.
Nous sommes là parce qu’il y a une semaine le Rectorat nous a interdit de distribuer nos agendas à l’université. Ces agendas, qu’on distribue tous les ans depuis 20 ans sont nécessaires pour les étudiant.e.x.s : il y a dedans 100 pages sur les droits des étudiant.e.x.s, toutes les dates académiques et les agendas permettent à énormément d’assos de se faire subventionner à l’aide des plaquettes qu’il y a dedans.
Alors pourquoi est-ce qu’on a plus le droit de distribuer ces agendas alors même qu’ils sont nécessaires pour les étudiant.e.x.s ? Pour un slogan et pour une date.
Le slogan, c’est le slogan « From the river to the sea », slogan qui était présent à l’occupation du semestre passé en solidarité avec le peuple palestinien et qui pour cette raison a été affiché dans l’agenda. En effet, tous les ans le flipbook de l’agenda revient sur la lutte qui plus a marqué l’année précédente. Évidemment cette année il s’agissait de l’occupation d’UniMail. Le slogan « From the river to the sea » demande la création d’un état démocratique entre la mer mediterranee et la rivière du Jourdain, où tout le monde – juifs et arabes, palestiniens et israëliens – puisse avoir les mêmes droits. Ce slogan ne fait que rappeler au respect du droit international et à la condamnation de l’état d’Israël par la cour internationale de justice du 19 juillet. Sa présence dans notre agenda met en lumière deux choses :
- Il met en lumière le soutien de milliers d’étudiant.e.x.s, en Suisse et ailleurs, envers le peuple palestinien et contre les crimes de l’état d’Israël ;
- Il met en lumière le silence de notre université face à cette catastrophe.
La date, c’est la date du 6 septembre. Le 6 septembre, c’est les 55 ans du triple détournement d’avions par le front populaire de libération de la palestine. On nous accuse aujourd’hui d’apologie du terrorisme en mettant cette date. On nous demande si on condamne ce détournement d’avion. Mais est-ce que lorsqu’on met les 2 ans de la grève féministe de 2023 on nous demande si on la condamne ou on la commémore ? Est-ce que lorsqu’on met les 10 ans de l’augmentation des taxes à l’IHEID on nous demande si on la condamne ou on la commémore ? Évidemment que non. Les personnes qui nous attaquent aujourd’hui essaie de nous faire dire des choses que nous n’avons jamais dites. Le détournement d’avion à Zarka est un évènement historique majeur et d’une ampleur unique à ce jour. Ce détournement dramatique, unique fois dans l’histoire où un avion suisse a été détourné, détournement où les personnes juives et non juives ont été séparées, détournement sans victimes, est aussi représentatif d’une tragédie majeure pour la résistance palestinienne. En effet, ce détournement a servi de prétexte au roi Hussein de Jordanie pour accomplir le massacre du « Septembre noir », soit environ 10’000 morts palestiniens, essentiellement des civils. Ce massacre a obligé les organisations politiques palestiniennes à fuir la Jordanie pour se regrouper au Liban. La direction politique du nationalisme palestinien en a été terriblement affaiblie. La portée historique du détournement de Zarka implique des éléments différents et contradictoires, qui s’emmêlent.
Le fait d’interdire le rappel d’un évènement aussi important et complexe qui a marqué l’histoire récente de l’humanité est complètement déraisonnable. Tout de même, jeudi passé nous avons proposé au rectorat d’insérer une fiche explicative dans les agendas pour contextualiser la date et le slogan et pour balayer tous les doutes quant à notre positionnement, qui d’ailleurs a toujours été clair, au moins pour ceux qui veulent l’entendre. Le rectorat n’a pas refusé cette contextualisation et notre proposition de médiation, il l’a tout simplement ignoré et nous a interdit toute distribution dans les bâtiments universitaires. D’ailleurs déjà mercredi, avant même de nous contacter, il avait publié un communiqué de presse qui nous condamnait. Cela va à l’encontre de toute règle démocratique, de tout vivre-ensemble et de tout respect de sa communauté.
On a alors respecté cette décision tout en distribuant les agendas en dehors de l’université, et comme réponse mardi matin le rectorat nous a reproché de le distribuer « a proximité des bâtiments universitaires» et nous menace maintenant de dissoudre la CUAE. Même si ce n’est pas notre faute s’ils ne savent pas écrire des décisions claires, hier nous avons quand même décidé d’interrompre la distribution devant l’université. Ils cherchent un prétexte pour nous dissoudre, on ne va pas leur en donner un : c’est leur position qui est intenable. Ils veulent utiliser ce scandale qui en n’est pas un pour se libérer de la force majeure qui est là pour défendre les intérêts des étudiantexs. On attend toujours des réponses de la part du rectorat. On a demandé une rencontre avec la rectrice, avec le secrétaire général du rectorat et avec le directeur de la communication. Et ça une première fois il y a une semaine et une deuxième fois il y a deux jours, quand on a déposé l’opposition à la décision d’interdire la distribution des agendas. Encore une fois le rectorat n’a même pas refusé, il nous a simplement ignoré.
Comme réponse, on a juste reçu une menace de dissolution de la CUAE. Ce rectorat aime bien les records : il a été le premier rectorat dans l’histoire de l’UNIGE à faire intervenir la police à l’intérieure de l’université , il a été le premier rectorat à censurer la publication d’une association, et maintenant il est le premier rectorat à menacer de dissolution l’association qui est le syndicat et la faîtière de son université. La situation est extrêmement grave. Notre rectorat se dit ouvert au dialogue, se dit grand défenseur du vivre-ensemble, mais visiblement pour bien vivre avec le rectorat il faut vivre selon ses conditions et ça, nous ne l’acceptons pas.
Avant de donner la parole à Amnesty Unige, nous voulons revenir sur une chose. Il y a des voix qui nous accusent d’antisémitisme. Depuis toujours, nous nous battons contre toute forme de discrimination, et le fait de dire « y compris l’antisémitisme » ne relève pas de la rhétorique. Seulement dans les dernier mois, nous avons invité Pierre Stamboul, juif et président de l’Union Juive Française pour la Paix, et Stephanie Fox, juive et directrice de Jewish Voices for Peace. L’antisémitisme dont vous parlez, il faut le chercher ailleurs, et pas chez nous. On aimerait rappeler une chose au rectorat : se battre contre l’antisémitisme, être horrifié par la situation à Gaza et en Palestine, être empathiques avec toutes les victimes, être pour l’inclusivité et la diversité et se battre contre les politiques de l’état d’Israël ne sont pas des choses mutuellement exclusives. A la CUAE, on fait ce travail. Au rectorat, on ne fait rien de tout ça.