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Rendez-vous le 17 décembre à 18h pour l’examen du rectorat !

Nous refusons la surveillance numérique décidée par la directive du rectorat le 24 novembre et communiquée par mail le jeudi 26 novembre. Nous appelons tou.te.x.s les étudiant.e.x.s à faire de même.   

Une telle mesure est révoltante.   

La directive indique pourtant avoir pour but d’assurer que les examens se déroulent dans les meilleures conditions possibles. Mais les meilleures conditions pour qui? Pas pour les étudiant.e.x.s en tout cas.    

La surveillance numérique est une atteinte claire au droit au respect à la vie privée, garanti à l’article 13 de la Constitution fédérale et à l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme. Contrairement aux cours à distance où nous pouvons décider d’apparaître ou non à l’écran et contrôler la façon dont nous nous présentons, les directives relatives aux examens à distance nous dépossèdent de cette maîtrise de notre image. En effet, la présentation de notre personne et de notre environnement est un impératif des examens numériques. Tolérer une telle intrusion dans notre sphère privée est hors de question.
Dans la pratique, cet espionnage numérique pose de nombreuses questions. En effet, des comportements quotidiens et justifiés impliquent une absence du champ de la caméra et pourront donc être confondus avec une tentative de fraude. Aller aux toilettes en cas de règles, se pencher pour ramasser un stylo, s’étirer, ouvrir la fenêtre, détourner le regard, avoir une interaction imprévue… Qui sera chargé.e.x de faire la différence? Qui sanctionnera?

Mais ce n’est pas tout, cette inspection numérique provoque incontestablement un stress accru avant et pendant l’examen chez les étudiant.e.x.s. Quelles que soient nos intentions, nous sommes tou.te.x.s considéré.e.x.s comme de potentiel.le.x.s  fraudeur.euse.x.s. Alors que les examens en lignes sont déjà très anxiogènes, la peur de déroger à un protocole numérique difficile à tenir dans la pratique ne permet pas aux étudiant.e.x.s de passer leurs examens dans des conditions favorables.
De plus, la directive n’exclut pas d’autres outils numériques, encore plus intrusifs que Zoom.Le logiciel utilisé en GSEM (Geneva School of Economics and Management) est à nouveau TestWe et ce, alors qu’il a déjà posé de nombreux problèmes le semestre passé.    TestWe, startup privée française, implique une surveillance audio-visuelle accrue et encore plus inacceptable : le système d’exploitation de l’ordinateur sur lequel a lieu l’examen est totalement bloqué et contrôlé par le logiciel. Ce qui signifie que la start-up contrôle les données présentes sur les fichiers bloqués. TestWe prend des photos de manière aléatoire, augmentant l’angoisse de l’examen. Mais il ne se contente pas d’utiliser la caméra puisqu’il est aussi à l’affût de tout “son suspect”. Pour parfaire le tableau, le stockage des captations photographiques et des sons est effectué dans des serveurs appartant à AWS, propriété d’Amazon.

Nous connaissons déjà les justifications avancées par l’Université pour justifier cette pratique. “De quoi vous plaignez-vous? En présence aussi, vous êtes surveillé.e.x.s.” et “Il faut préserver la valeur des diplômes”. Nous ne les acceptons pas. Oui, en présentiel, nous sommes observé.e.x.s, de loin, dans un auditoire rempli de centaines de personnes. Mais cela n’équivaut pas du tout à une surveillance numérique et individualisée, avec enregistrement et stockage de données à la clé. Les mesures mises en place et l’atteinte à la vie privée qu’elles représentent sont complètement disproportionnées par rapport aux réels risques de fraude. Quant aux préoccupations relatives à la valeur des diplômes soit disant en péril, elles en disent long sur les priorités et le manque de bonne volonté du rectorat. Le rectorat ne voit apparemment qu’une seule façon d’accorder de la valeur aux diplômes qu’il décerne : les examens. Pour lui, il est donc normal de payer n’importe quel prix, aux frais des étudiant.e.x.s, afin de conserver son rôle de garant de la valeur de bouts de papier tamponnés qui ne trouvent preneur que sur un marché du travail absurde. Car c’est bien de cette valeur-là dont parle le rectorat. Mais la valeur d’un apprentissage ne se fonde pas que sur son évaluation, et encore moins sur sa forme numérique actuelle. Il serait temps que l’Université le comprenne et se montre pour une fois “en avance sur son temps”. Rappelons-le : demain, la valeur de nos examens se révèlera d’abord dans les indices boursiers de Facebook ou d’Amazon.
Et quand bien même les examens devraient garder leur importance actuelle, il existe de nombreuses autres manières de les imaginer ne nécessitant pas ce type de surveillance. L’Université avait une occasion d’innover, de se montrer pionnière en inventant des solutions qui ne se feraient pas aux dépens des intérêts étudiants.
A la place, elle a préféré s’inscrire dans un contexte global d’augmentation de la surveillance et du développement d’outils numériques la permettant. Alors que les caméras se multiplient avec l’assentiment des gouvernements (sauf en France où diffuser des images de violences policières est désormais pénalement répréhensible), l’Université de Genève aurait pu s’opposer à ce courant en refusant d’imposer cette pratique violant la vie privée des étudiant.e.x.s et en refusant de les présumer coupables. Elle aurait pu se montrer créative en imaginant de nouvelles manières de tester les connaissances. Plus que tout, elle aurait pu envoyer un message de confiance et de compréhension face au mal-être étudiant en cette période. Elle ne l’a pas fait et c’est grave.