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Manifeste du groupe genevois autonome « Education is NOT for $A£€ »

Le 22 octobre 2009, en occupant l’Académie des Beaux-Arts de Vienne, les étudiant-e-s autrichien-ne-s ont renforcé un mouvement de protestation international. En Autriche, ce mouvement s’est propagé à d’autres établissements d’études autrichiens dont les université de Vienne, Graz et Linz. Le mouvement continue encore et toujours à l’heure actuelle ! Au total, plusieurs milliers d’étudiant-e-s ont décidé de dire « NON ! » aux nouvelles réformes qu’entreprennent les différents rectorats.

Depuis le début des événements autrichiens, le mouvement étudiant international qui regroupe 70 groupes dans 30 pays différents, des États-Unis au Bangladesh, en passant par l’Italie, le Népal ou la Macédoine s’est renforcé. Ces différents groupes régionaux, tous unis pour une même cause – la lutte contre la marchandisation et la privatisation des études et pour un accès plus démocratique à l’université – se sont formés de manière spontanée et autonome. Ils ont mis sur pied une semaine d’action internationale du 9 au 18 novembre, qui a débuté avec le Warm-up day of United Action du 5 novembre, journée destinée à informer le public sur les différentes actions potentielles des semaines à venir.

Ce mouvement international lutte contre la marchandisation progressive des études supérieures et ses effets néfastes. En effet, l’introduction récente des réformes de Bologne vise à calquer l’organisation des études universitaires sur un modèle anglo-saxon. Ce modèle tend à mettre le savoir en concurrence, il permet au secteur privé d’avoir la main mise sur la recherche et il limite l’accès aux études par des stratégies de sélections élitistes. Ainsi c’est à la fois les conditions d’accès aux études et la qualité de ces dernières qui sont de plus en plus dégradées.

Ce phénomène peut être illustré par les différents classements d’universités, notamment celui de ShanghaÏ. Ce dernier est fondé sur des critères de compétitivité, tels le nombre de Prix Nobel obtenu par des chercheurs de l’université, le nombre d’articles publiés ou encore le nombre de citations obtenues. Il s’agit de critères purement quantitatifs. Il est aberrant d’évaluer la qualité d’une institution universitaire sur la base de ces seuls chiffres.

Genève connait aussi ses réformes. Avec l’introduction de la nouvelle Loi sur l’Université, et la réforme de Bologne déjà mise sur pied depuis plusieurs années, un changement certain des conditions d’études est en cours. Les exemples sont nombreux :

Au niveau de la démocratie universitaire, les organes participatifs, derniers lieux institutionnels où les étudiant-e-s avaient encore une voix consultative, ont progressivement disparus. De plus, l’adoption d’un nouveau règlement d’études en faculté de sciences économiques et sociales, ou tout simplement des changements de plans d’études, sont décidés sans consultation des principaux intéressées, c’est à dire les étudiant-e-s.

Au niveau des questions économiques, l’ouverture du financement de l’institution ou de recherches à des fonds privés engendre automatiquement une dépendance au milieu industriel qui implique l’adhésion à une logique de maximisation de profits. Pour des raisons de rationalisation économique, ou simplement parce que « c’est la vie ! », comme l’explique Charles Beer [1], les réformes menacent de supprimer certaines filières. C’est le cas du Département d’histoire économique et sociale dont la qualité de l’enseignement et de la recherche n’est pourtant pas mise en cause.

De plus, notamment en raison de la semestrialisation des enseignements et des modifications du calendrier académique, la qualité de l’encadrement des étudiants diminue. Les conditions de réussite deviennent de plus en plus sélectives, alors que les capacités d’enseignement ne sont pas augmentées par l’engagement de plus d’assistant-e-s ou de professeur-e-s. Finalement, les propositions du politique d’augmenter les taxes universitaires risquent de rendre inaccessibles les études à une tranche de la population déjà marginalisée par le nombre trop restreint de bourses et leur mauvaise redistribution et pourraient pousser les étudiants à un endettement précoce qui aurait comme conséquence une forme d’esclavagisme moderne à la sortie des études.

Face à cette situation, le groupe genevois autonome « Education is NOT for $A£€ », formé de manière spontanée face à l’évolution négative de la qualité des études de l’université de Genève et en solidarité aux étudiant-e-s viennois-e-s, revendique les points suivants :

Pour la gratuité des études !

Contre la fermeture des filières !

Pour une augmentation des bourses et un accès facilité !

Pour un enseignement et une recherche indépendants !

Contre la détérioration de l’encadrement des études !

Pour plus de logements étudiants !

Pour une codécision dans l’élaboration des cursus et la nomination des enseignant-e-s !

Pour des meilleures conditions de travail du personnel !

Pour des organes décisionnels paritaires avec un réel pouvoir (1 étudiant-e = 1 professeur-e)

Étudiant-e-s, face à la « privatisation » de l’université disons tou-te-s NON et luttons pour une université véritablement démocratique

[1] ARMANIOS, R. « Charles Beer, un obsédé de l’objectif », Le Courrier, 27 octobre 2009.

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Les dessous de l'université de Genève

Cette rubrique ne vise pas à lister de manière exhaustive les différentes institutions et organes de l’université ni à les présenter un à un, mais à dévoiler ce qui se cache sous les pierres quand on les retourne. Ne vous méprenez pas: pour saisir la dynamique de chaque organe une lecture des règlements ne suffit pas ! Si cette partie peut vous apporter des informations utiles sur les institutions et organes de l’université, elle ne saurait suffire à une compréhension des rapports de pouvoir qui les traversent. Elle présente bien sûr quelques informations formelles sur leur rôle et leurs prérogatives mais cherche surtout à dévoiler le (dys)fonctionnement de certains organes. A l’université comme ailleurs, les belles formules et les titres ronflants dissimulent assez mal l’absence de contenu des politiques menées.

Les informations données dans ce chapitre peuvent encore évoluer : en effet, l’université est aujourd’hui régie par une nouvelle loi entrée en vigueur en mars 2009, et par un règlement transitoire promulgué par le rectorat. Le Statut de l’université qui sera le règlement d’organisation de l’université succédera au règlement transitoire lorsqu’il aura été adopté par l’Assemblée de l’Université.

ASSOCIATIONS

Les étudiantes qui s’organisent en association directement rattachée à une subdivision (département, faculté, section, institut) peuvent se faire reconnaître par le rectorat. Cela leur donne des droits en matière d’affichage, d’utilisation des locaux de l’université et de subventions. Toutes les associations reconnues ont le droit à 4 francs par étudiante inscrite (c’est ce qu’on appelle la subvention ordinaire). Il existe aussi des associations non-reconnues mais simplement enregistrées parce qu’elles ne sont rattachées à aucune subdivision. Ainsi, elles ne bénéficient pas d’une subvention ordinaire liée au nombre de leurs membres. Par contre, comme les associations reconnues, elles peuvent demander des subventions extraordinaires pour des projets à la Commission de Gestion des Taxes Fixes (CGTF).
Le rectorat a le droit d’exiger une preuve de représentativité des associations (10% du corps intéressé) mais cela ne l’oblige en rien à les consulter sur les projets qui les concernent. En effet, malgré l’entrée en vigueur en 2009 d’une loi qui souligne l’importance de la consultation au sein de l’université, dans la pratique le rectorat et les doyennes ne s’intéressent guère à l’avis des associations sur les enjeux importants. Le plus souvent elles sont ignorées. Parfois, on les consulte sans pour autant prendre leur avis en compte. Ça s’appelle la participation. Le rôle des associations dans la défense des intérêts des étudiantes n’étant pas concevable comme un rôle de consultant, il revient aux associations – et in fine aux étudiantes – de déterminer quels moyens d’actions sont les plus adéquats pour parvenir à leurs buts.

ORGANES CENTRAUX

Dans cette sous-partie nous traitons de différents organes qui se situent au niveau central de l’université (par opposition à ceux qui se situent au niveau des facultés).

Rectorat
Le rectorat est composé d’une rectrice et de trois à cinq vice-rectrices. En plus, il y a une secrétaire générale qui assume un rôle non négligeable dans le traitement des dossiers rectoraux.
La loi sur l’université (LU) du vendredi 13 juin 2008, entrée en vigueur en 2009, consacre un rectorat au pouvoir encore élargi (art. 27 à 29 LU pour les détails de ses prérogatives). Il s’occupe de « représenter » l’université auprès des instances politiques. Il nomme les doyennes et peut supprimer ou créer ce qu’il veut ou presque. Comme l’a jadis résumé une journaliste d’un quotidien régional : le recteur est « le patron de l’uni » et il n’est dès lors pas étonnant qu’il se comporte de manière archaïque comme les patronnes savent le faire : unilatéralisme, pression accrue sur les collaboratrices (assistantes en tête), volonté de tout contrôler et hiérarchisation extrême. En résumé, le rectorat possède des pouvoirs considérables et il n’hésite pas à s’immiscer dans les affaires des facultés et des associations d’étudiantes. Quand l’université est devenue plus « autonome » avec la nouvelle loi, c’est surtout vis-à-vis des personnes qui travaillent et/ou étudient à l’université que le rectorat a gagné en autonomie, mais il est toujours soumis à la volonté du gouvernement et des lobbies économiques.
Pour seconder officiellement le rectorat dans son travail, il existe également douze commissions permanentes. Les membres en sont désignées par le rectorat dont un ou plusieurs membres y participent directement. Ces commissions n’ont qu’une fonction consultative. On ne reviendra pas ici sur l’intégralité de ces dernières, mais simplement sur deux d’entre elles qui illustrent bien la logique qui sous-tend le fonctionnement de l’université : la commission sociale (COSOC) et la commission de l’égalité (CODEG).

Commission sociale
La COSOC est la commission « sociale » de l’université de Genève. Ses membres sont désignées par le rectorat. Elle n’a de social que le nom. En effet, le bilan social de cette commission est nul. Elle a renoncé a soutenir les étudiantes en difficulté, prétextant un manque de moyens. Parallèlement, elle ne parvient pas à dépenser le maigre budget attribué aux activités sociales de l’université par le rectorat, préférant saboter ou censurer les projets qui lui sont soumis, comme par exemple l’agenda-guide que vous tenez entre les mains.

Commission de l’égalité
La CODEG est une commission consultative du rectorat qui a pour but de réduire les inégalités entre femmes et hommes au sein de l’université. En fait, les seules politiques d’égalité mises en place se réduisent à la promotion des carrières féminines. La commission ne se soucie pas du tout des inégalités que subissent les étudiantes et le personnel administratif et technique.
A la haute école de Lucerne, la politique d’égalité a abouti à la création d’une garderie ouverte à l’ensemble de la communauté universitaire (y compris aux étudiantes). Au même moment, à Genève, des directives sont données pour réserver les places de crèches universitaires aux seules doctorantes… On comprend bien la logique qui sous-tend le fonctionnement de ces commissions : sous le couvert d’une quelconque politique d’égalité ou autre, on cherche surtout à améliorer l’image de l’université et la diminution voire la suppression des inégalités passent à l’ass(!). On notera également que les subventions fédérales attribuées aux postes occupés par des femmes ne sont pas étrangères à l’intérêt de l’université pour les politiques d’égalité.

Assemblée de l’Université
L’Assemblée de l’Université (AU) remplace désavantageusement le conseil de l’université, organe participatif qui existait avec l’ancienne loi. Aujourd’hui, l’AU n’a plus aucun poids décisionnel. Et même si les étudiantes sont moins sous-représentées (10 places sur 45), elles restent deux fois moins nombreuses que les professeures. L’AU est censée être un organe que le rectorat consulte, sans pour autant que son avis compte.
La seule réelle prérogative de l’AU sera donc de proposer une rectrice que le Conseil d’État devra nommer. L’actuel recteur, Jean-Dominique Vassali a récemment été réélu. Enfin, la première AU (celle qui siège actuellement) aura pour mission de voter le Statut de l’université qui constituera le règlement d’organisation de l’université. Le rapport de force étant ce qu’il est, rien ne nous permet d’espérer que le Statut constituera un quelconque progrès pour les étudiantes. Les séances du l’AU sont en principe publiques.

Conseil d’orientation stratégique
Un conseil d’orientation stratégique, euphémisme pour conseil d’administration, a été instauré avec la nouvelle loi sur l’université. Son rôle reste obscur mais, à priori, le conseil d’orientation stratégique devrait surtout servir de placard doré pour laquais méritant, ainsi que de relais pour les revendications de la « société civile », c’est-à-dire les lobbies économiques.

Comité d’éthique et de déontologie
Comme d’autres institutions, le comité d’éthique et de déontologie a un rôle vague. Il peut être saisi de tout sujet concernant l’éthique ou la déontologie par le rectorat, ou s’en saisir lui-même. En règle générale, il couvre comme il le peut les professeures mises en cause et tente d’étouffer les affaires gênantes, comme ce fût le cas lors de l’affaire Windisch.

FACULTÉS

Nous traitons ici des différents organes présents au niveau des facultés, ou selon la nouvelle loi, les UPER (unités principales d’enseignement et de recherche). À noter que les pratiques peuvent être passablement différentes suivant les facultés.

Décanat
De la même manière que la nouvelle loi a renforcé les pouvoirs du rectorat au niveau central, elle a également concentré pratiquement tous les pouvoirs entre les mains des décanats des facultés, composés d’une doyenne et de plusieurs vice-doyennes. L’absence de dispositions légales implique que les prérogatives des décanats soient précisées par le Statut et les règlements d’organisation des facultés.

Collège des professeures
Le collège des professeures regroupe toutes les professeures d’une faculté. Cet organe ne devrait plus exister, puisque la nouvelle loi a consacré sa suppression. Toutefois, selon une certaine interprétation de la loi, il serait possible de le réintroduire dans le statut de l’université à condition qu’il ne soit pas considéré comme un organe ayant des prérogatives qui chevauchent sur celles du conseil participatif. C’est à quoi s’attèlent les professeures avec le soutien indéfectible du rectorat qui l’avait déjà inscrit dans le règlement transitoire.

Conseil participatif
Le conseil participatif (anciennement conseil de faculté) regroupe les quatre corps d’une faculté (étudiantes, corps intermédiaire, personnel administratif et technique, professeures) avec un rapport de forces très favorable aux professeures. Il est théoriquement chargé d’approuver le règlement d’organisation et les règlements d’études; en pratique, il est très souvent confiné dans un rôle de chambre d’enregistrement des décisions prises au collège des professeures. Les séances des conseil participatifs sont en principe publiques.

Commission de l’égalité dans les facultés
Il y en a dans chaque faculté. Leur fonctionnement est opaque. Quand un jour on a demandé à la commission d’une faculté de se saisir du cas d’un professeur qui avait découragé une étudiante à suivre un master en système d’information en invoquant le prétexte selon lequel « les femmes ont des capacités d’abstraction inférieures (sic!)», la commission a répondu que ceci ne faisait pas partie des ses compétences.

POUR FINIR
Commissions alibis, dénominations creuses, pouvoir décisionnel concentré dans les mains du corps professoral, inégalités, infiltration des lobbies économiques… le tableau dressé ici peut sembler très sombre. Pourtant, l’université c’est aussi ça. Ce constat n’est pas l’expression d’une imagination débordante ou le fruit d’une analyse machiavélienne de la situation, mais un aperçu des expériences que certaines ont pu faire. En effet, ce bilan est basé sur les témoignages d’étudiantes, d’assistantes et de membres du PAT faisant partie de ces différents organes ou ayant été confrontées à ces derniers.
Enfin, comme vous avez pu le comprendre, la terminologie utilisée par l’université est parfois ambiguë, voire déplacée. Les dénominations des différentes organes n’ont ainsi pas toujours de lien explicite avec leurs réelles activités. On peut ici penser à des appellations telles que la commission « sociale » du rectorat, la commission de l’ « égalité » ou encore le conseil « participatif ». Plus encore, un nom abstrait tel qu’ « unités principales d’enseignement et de recherche » laisse libre cours aux interprétations les plus variées. Une apparente complexité permet d’envisager tout et n’importe quoi. Ainsi, plus obscur, le contenu est plus facilement malléable et l’on oublie parfois qu’il touche, bien réellement, les personnes travaillant et/ou étudiant à l’université.

Voir aussi: Regard Critique, n°37 sur la participation, mai 2009

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Dies academicus : la consécration du « rectorat fort » soumis aux intérêts privés

Le dies academicus est aujourd’hui l’occasion pour l’Université de Genève de mettre un point d’orgue aux festivités du soi-disant 450e anniversaire. Entre les petits fours et les accoutrements grotesques, on se congratule entre socialistes de droite – quand on a vendu l’uni au privé, on ne peut qu’admirer le camarade invité d’honneur qui dirige l’OMC – et on bavarde sur l’excellence. Et surtout, il importe que personne ne vienne troubler la vaste fumisterie publicitaire du rectorat. La dérive autoritaire mise en place avec la nouvelle loi sur l’université déploie à présent tous ses effets. Le rectorat n’a plus aucune vergogne et écarte de son chemin toute opposition. Alors qu’il ne se donne même plus la peine de procéder aux consultations (certes purement formelles) des membres de l’université, les 13’000 étudiantes [1] ne méritent pas à ses yeux une possibilité de s’exprimer lors du dies academicus comme il était d’usage les années précédentes. Comme quoi on peut très bien se gausser d’être l’héritier de quatre siècles et demi d’ouverture et d’excellence, et écarter du revers de la main une tradition qui pourrait déranger. Car on ne peut que louer la prudence du rectorat et de ses sbires du service de presse à cette occasion : l’attitude contraire les exposait au risque d’un éclairage sur la situation réelle des étudiantes, victimes des coupes financières brutales, d’un sous-encadrement chronique, de l’absence d’un système de bourses digne de ce nom, ou, en résumé, de la négligence des autorités universitaires. Mais avec une date tombant en plein milieu des examens pour cette auto-célébration évidemment passionnante, on pouvait déjà douter que la cérémonie s’adresse aux étudiantes, quand bien même elles y seraient les bienvenues. Tout n’est pas si « open » au pays de la formation néolibérale…

Cette exclusion des étudiantes du dies academicus est emblématique du refus de toute gestion démocratique de la part des autorités universitaires. L’organisation des élections à l’assemblée de l’université s’est faite en catimini et la participation y a été dérisoire. Il est vrai que toutes les conditions avaient été réunies pour cet échec programmé : durée d’ouverture du scrutin insuffisante, locaux de vote pas indiqués, et désintérêt total des étudiantes (et des autres) pour cette parodie de démocratie.

En revanche, on trouve sans problème les moyens nécessaires pour mettre sur pied une association d’anciennes étudiantes (alumni) aux ordres, et en faire la promotion acharnée. On peut même recycler à cette occasion un ancien président du conseil de l’université, qui peut continuer ainsi à obéir au rectorat avec la même servilité qu’auparavant, malgré la disparition de son poste. Dans le même temps, les activités indépendantes des associations d’étudiantes sont jugées non prioritaires par le rectorat, qui envisage tranquillement leur déclassement dans un pavillon préfabriqué où il pourra s’assurer qu’elles n’aient plus aucune visibilité. Et comme en plus ces associations avaient parfois l’audace de douter du génie du rectorat, on ne va pas pleurer sur leur sort : ce bâtiment, farci d’amiante selon les occupantes précédentes, leur conviendra très bien. Il est vrai que le logement ou les conditions de vie des personnes en formation ne sont que de moindre importance au regard du bénéfice publicitaire que retirera l’université en offrant à ses « alumnis » un rabais sur leur prochaine assurance complémentaire.

La récente nomination des membres du conseil d’orientation stratégique est emblématique de la nouvelle vision de l’université que partagent le Conseil d’État et le rectorat. Directrice de l’éducation à l’OCDE, organisation qui milite pour la privatisation de l’éducation et secrétaire général de la fédération des entreprises romandes : tout le gratin est au rendez-vous. Pour le reste, on oscille entre la recherche éhontée de couverture médiatique et le placard doré pour un ancien Conseiller d’État ou l’ex-président du feu conseil de l’université déjà cité. Mais de quelle compétence en matière académique peut bien se targuer, par exemple, le directeur de la TSR ? Pas de quoi donner le moindre crédit à cet organe consultatif qui ressemble plus à un rassemblement de lobbyistes néolibérales qu’à une institution universitaire, et dont on n’a par conséquent aucune peine à deviner quelle « stratégie » il proposera. Quant aux étudiantes et au personnel, qu’ils aillent se faire entendre ailleurs…

À peine entrée en vigueur, la nouvelle loi déploie pleinement ses effets : la rectature – pour reprendre l’expression d’un professeur honoraire – a mis au pas toute tentative d’opposition à l’intérieur de l’université et se distingue par sa soumission aux décideuses politiques ou économiques. On n’est toutefois pas dupes de cette mascarade, ni de l’indigence d’une direction de l’université qui se réduit à faire la promotion de ses salades, tentant à grand-peine de masquer une absence de contenu criante derrière les drapeaux roses du 450e.

[1] Les termes contenus au féminin se comprennent aussi au masculin

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Une participation faible pour des organes sans poids décisionnel

La CUAE prend acte des résultats des élections à l’assemblée de l’université. Nous félicitons les étudiantes élues et espérons qu’elles défendront les intérêts des étudiantes et de l’université indépendamment de leur faculté d’origine. Le taux de participation a été très faible, comme chaque année, ce qui n’est pas très étonnant. On peut trouver tout un tas d’hypothèses pour expliquer ce désintérêt des étudiantes à élire des candidates dans des organes sans poids décisionnel, avec un rôle consultatif et de « diffusion de l’information » (sic !). Ce que nous avons constaté, c’est que rien n’a été fait du côté du rectorat pour faire de cet élection un évènement, trop occupé qu’il était par son 450e : l’organisation a été déficiente, le personnel en nombre mais absolument pas au fait des modalités de vote, etc.. Il devient dès lors de plus en plus difficile d’imaginer, même en étant optimiste et créative, que le rectorat accorde une quelconque importance à cette assemblée de l’uni et à l’avis qu’elle pourra émettre.

Maintenant que l’assemblée est élue, nous pourrions espérer qu’elle se mette au travail dans un esprit d’échange constructif où tous les avis peuvent être exprimés, écoutés et pris en compte, et non pas seulement entendus d’une oreille distraite. Mais le souvenir d’un conseil de l’université qui, malgré des prérogatives plus importantes, était téléguidé dans son travail par le rectorat ne nous laisse toutefois que très peu d’espoir sur les « dysfonctionnements » prévisibles du futur organe. Il appartient donc aux membres élues de démontrer la capacité (toute théorique) de l’assemblée à prendre des décisions indépendantes du rectorat et du conseil d’état, pour mener à bien l’élaboration du statut qui servira de loi d’organisation générale de l’université. Ce statut pourrait refléter mieux que ces élections l’esprit démocratique qui devrait être celui d’une université « autonome » qui prend avant tout en compte l’avis de celles et ceux qui y travaillent et y étudient. Mais qui y croit encore ?

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Édito: Participons, sans illusions [Regard Critique n°37]

Électrices, électeurs, étudiant-e-s,

La tenue d’élections universitaires nous pousse à sortir un numéro spécial de Regard Critique sur la participation. On y abordera des thèmes aussi variés que la non-participation de la CUAE dans l’UNES, la suppression du collège des professeurs par les députées, les dernières frasques du rectorat en matière de directives fédérales ainsi que quelques exemples de luttes passées. Tout cela pour rappeler à celles qui ne s’en souviennent plus et informer celles qui n’étaient pas encore à l’université aux moments de ces faits que participation et consultation ne veut pas dire décision et que, parfois, seule la confrontation nous a permis de faire entendre raison. Vous l’aurez compris, ce numéro ne vise pas à promouvoir aveuglément les organes participatifs de notre université. Mais alors pourquoi participer ? Nous restons  évidemment bien conscientes des limites de l’exercice : dans une période comme celle-ci, il s’agira avant tout de se défendre !

Se défendre face aux projets rectoraux qui sont relayés par les doyennes au niveau des facultés. A l’image de l’économie privée en période de crise : ça sent les restructurations ! Au niveau de l’université, ça se traduit par la suppression de filières, d’enseignements et la diminution de la qualité de l’encadrement. Le rectorat semble décidé à couper là où ça fait mal !

Avec un rapport de force aussi peu favorable, se défendre passe nécessairement par l’union des étudiantes des différentes facultés mais aussi, sur certains points, par l’alliance avec le corps intermédiaire. Face à l’oligarchie professorale qui considère comme normal d’être surreprésentée, il faudra se serrer les coudes pour passer des projets et s’assurer de l’enterrement du collège des professeurs que le rectorat veut ressusciter.

Ainsi, la participation de la CUAE à ces élections est une des réactions possibles pour contrer des projets qui remettent en cause le caractère généraliste de l’université que le recteur garantissait vouloir maintenir il y a quelques mois encore.

L’évolution de l’université et sa transformation en une usine de reproduction sociale n’est pas irréversible. Cela dépendra de nous les étudiantes. Ne nous laissons pas faire, faisons entendre nos voix. Nous sommes plus nombreuses ! Participons au moins pour la seule prérogative de cette assemblée : elle votera le statut, règlement d’organisation général de l’université.

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La CUAE et la politique nationale [Regard Critique n°37]

Pendant de longues années, la politique extra-genevoise de la CUAE s’est confondue avec celle de l’Union des étudiant-e-s suisses (UNES), dont elle était membre depuis sa création en 1973. En 2002, la CUAE a démissionné de l’UNES suite à l’absence de débat dans l’association. En particulier, une majorité des sections membres refusaient systématiquement l’entrée en matière sur les propositions présentées par la CUAE lors des assemblées des délégué-e-s. Plutôt que de continuer à cautionner cette absence de vision et de continuité politique, la CUAE a alors choisi d’assumer elle-même son activité aux niveaux national ou international, en œuvrant à la création d’un réseau alternatif aux organisations existantes. Depuis, la situation au niveau national a également évolué, et nous nous proposons de faire ici un premier bilan du mouvement étudiant au niveau national, en étudiant les structures et les activités respectives de l’UNES et de la CUAE.

Actuellement, l’UNES travaille en collaboration totale avec les organes concernés par la politique de l’éducation, ce qui rend impossible toute réflexion indépendante sur le système. Ainsi, elle participe activement à la procédure d’évaluation des hautes écoles suisses, en collaboration avec l’Organe d’accréditation et d’assurance qualité (OAQ), fournissant et formatant les étudiantes-expertes dont il a besoin [1]. Il va de soit que toute critique sur le principe même de l’assurance qualité et autres artifices de la nouvelle gestion publique n’est naturellement pas la bienvenue… Visiblement, le flicage des étudiantes par les étudiantes reste la forme de contrôle la plus efficace et la plus économique. Proposer des postes “d’expertes” aux représentantes du mouvement étudiant permet curieusement d’empêcher toute contestation. L’UNES est même allée plus loin dans la voie de son intégration aux structures dominantes en demandant de devenir un organe de la politique suisse des hautes écoles [2]. La CUAE refuse de cautionner ce virage dirigiste et corporatiste, et entend conserver pour toutes les étudiantes la liberté de faire partie ou non d’une ou plusieurs associations, sans obligation d’être représentées par quiconque [3].

Depuis 2003, la CUAE n’est toutefois pas restée inactive. En Suisse, elle a été à l’origine de la création du comité unitaire contre les réformes constitutionnelles dans le domaine de l’éducation “Non le 21 mai !”, où d’intéressants liens ont pu être créés, notamment avec le SISA (syndicat indépendant des apprenties et étudiantes tessinoises) et avec la FAE [4] (notre homologue à l’université de Lausanne). La CUAE a également rédigé une prise de position concernant la loi sur les hautes écoles. Elle suit également de près les développements actuels sur les bourses d’études, ainsi que les conséquences de la nouvelle loi sur le chômage pour les étudiantes. En 2007, une rencontre informelle a également eu lieu à Zurich, avec la participation de toutes les associations d’étudiantes des universités suisses et des EPF (y compris la CUAE) en dehors des structures nationales existantes. Au niveau international, nous avons participé à une rencontre à Dijon rassemblant des étudiantes venant de Belgique, du Bénin, de France, de Grande-Bretagne, d’Italie, du Québec et de Suisse. Des contacts ont également été établis avec une association d’étudiantes québécoise, l’ASSÉ [5].

Le bilan de la représentation autonome des intérêts des étudiantes genevoises au niveau national est donc globalement bon. Malheureusement, le projet de constituer un réseau national et international alternatif a dû être mis en veilleuse, principalement en raison de la charge de travail impliquée par la mise en place de la nouvelle loi sur l’université. Ces difficultés n’ont toutefois pas empêché la CUAE d’être présente sur les principaux dossiers nationaux depuis qu’elle a quitté l’UNES, et d’y apporter un éclairage original et proche des préoccupation des étudiantes plutôt que des tactiques politiciennes. L’approche actuelle, basée sur la création de coordinations ponctuelles sur un sujet précis, est donc la meilleure manière de défendre les intérêts des étudiantes genevoises sur les projets d’importance nationale ou internationale.

[1] On lira à ce sujet l’affligeante brochure La participation des étudiant-e-s, UNES. http://www.vss-unes.ch/typo3/index.php?id=19&L=1.

[2] Prise de position de l’UNES dans le cadre de la procédure de consultation concernant le projet de Loi fédérale sur l’aide aux hautes écoles, 2008. http://www.vss-unes.ch/typo3/index.php?id=23&L=1.

[3] Ainsi, la CUAE n’a pas donné suite aux propositions émanant de l’UNES de devenir une corporation de droit public dans le cadre de la nouvelle loi sur l’université de Genève. Voir à ce sujet la réponse à la consultation de l’UNES.

[4] La FAE s’opposait par ailleurs sur cet enjeu d’importance nationale à l’UNES dont elle est et reste membre. Rien n’est simple…

[5] Association pour une solidarité syndicale étudiante (Québec). http://www.asse-solidarite.qc.ca.

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Le rectorat et les directives bernoises [Regard Critique n°37]

Le respect ça change la vie
Le rectorat et les directives bernoises

Durant la campagne autour de la loi sur l’université, le recteur a sous-entendu dans un débat organisé par la Tribune que la CUAE ne défendait pas correctement les étudiantes parce qu’elle avait quitté l’Union Nationale des Étudiantes Suisses (UNES). Ce départ l’empêcherait d’être en contact avec les instances nationales. Et de nous suggérer d’aller à Berne voir ce qui s’y passait. Cette charge n’avait rien à faire dans le cadre du débat sur la nouvelle loi – genevoise – sur l’université. Pourtant elle a été reprise ailleurs. Le vice-recteur Flückiger expliquait le 1er décembre dans un courrier adressé à l’ensemble des associations d’étudiantes qu’il espérait que l’énergie de la CUAE serait investie dans les affaires de l’UNES plutôt que dans celles de l’université de Genève. La CUAE a toujours pour vocation de défendre les étudiantes à tous les niveaux et notre non-participation dans l’UNES est expliquée dans l’article La CUAE et la politique nationale dans ce même numéro.

Cette ingérence du rectorat dans les affaires des associations est certes scandaleuse en soi, mais c’est seulement à la lumière des décisions prises actuellement au sujet des assistantes qu’on se rend compte que le rectorat serait plus inspiré de prendre pour lui ses critiques et de suivre la politique nationale.

Le rectorat ne respecte pas la décision de la CUS

Comme le révèle bulletin n° 9 d’unige-info1, le rectorat fait une différence entre les assistantes détentrices de licence et celles détentrices de master. Cette différenciation est illégitime. La Conférence des Universités Suisses (CUS) a émis une directive le 1er décembre 2005 qui stipule “l’équivalence de la licence et du diplôme de master”. Cette décision est entrée en vigueur depuis le 1er février 2006 soit depuis plus de 2 ans. L’article 6 vise justement à permettre l’égalité de traitement entre les titulaires des deux titres. Égalité sur le “marché du travail” : les détentrices d’une licence sont autorisées à mentionner qu’elles détiennent un master. Égalité dans le “monde académique” : les formations disponibles pour les détentrices de master doivent également l’être pour les détentrices de licence.

La décision de la CUS a un caractère contraignant : “Elle oblige les collectivités en charge des universités (à savoir la Confédération et les cantons) à adapter leur droit interne en conséquence.”

Quelle interprétation donner au fait que le rectorat ne respecte pas cette directive ?

Le rectorat qui est devenu “le patron” de l’université viole donc les directives auxquelles il est soumis. Il ne manquera pas de justifier cette nouvelle différenciation entre assistantes comme une nécessité économique. On n’oubliera pas qu’une telle décision relève d’une politique délibérée. Mais comment interpréter cette attitude ? Différentes pistes sont plausibles :

1. Entré en fonction seulement en 2007, soit après la mise en place de cette norme, et étant submergé par le travail induit par la nouvelle loi genevoise, le rectorat n’a pas encore eu le temps de consulter les anciennes directives fédérales.

2. Le rectorat est au courant de cette norme et de son caractère contraignant mais il s’en fout.

3. Le rectorat ne sait pas qu’on peut faire recours contre ses décisions.

4. Malgré son injonction nous invitant à réintégrer l’UNES et à participer à ses côtés en tant qu’étudiante-alibi dans des institutions de promotion du new public managment, le rectorat  ne va lui-même pas à Berne.

5. Autre(s) explication(s) : votre avis nous intéresse ! Vous pouvez envoyer votre interprétation à cuae@unige.ch. L’auteure de l’interprétation la plus originale gagnera une bouteille de rouge et une photo dédicacée.

On ne s’attendait pas à mieux de leur part

Quand le rectorat se permet de suggérer à la CUAE de réintégrer l’UNES, il s’agit d’une ingérence inadmissible. Cependant, elle reste anecdotique en comparaison des conséquences de l’orientation de sa politique. Le rectorat confirme là les différentes “craintes” et “peurs” que les journalistes assignaient au comité référendaire au sujet d’un rectorat tout-puissant. Et nous voilà rassurées quant à notre santé mentale : nous ne sommes pas paranoïaques ! Nos critiques quant à la volonté réformatrice d’un rectorat qui ne souffre plus aucune opposition étaient bien fondées. Le rectorat est décidé à trancher dans le vif et a déjà choisi ses cibles. Il précarise les collaboratrices de l’enseignement et de la recherche en commençant par les assistantes. Bientôt il n’hésitera pas à supprimer filières d’études et unités de recherche et d’enseignement en fonction de ses priorités. Sa politique ressemble à celle d’un manager ne se souciant guère de son personnel et gérant l’université comme une entreprise privée prête à se restructurer pour “privilégier des domaines de recherche prioritaires” [2 ].

Il peut tenter tant qu’il veut de diviser les étudiantes et les assistantes en distillant sa propagande ou en créant des statuts différents [3], nous resterons déterminées à lutter contre ce que nous dénonons comme une politique captive d’intérêts privés et d’une logique économiciste. Après les premières réformes s’en suivront d’autres et personne ne peut se considérer à l’abri face à la déferlante rectorale.

1] Disponible à cette adresse : http://www.unige-info.ch/Bulletin-no-9.html. L’article 6 des directives des la CUS est disponible à cette adresse : http://www.cus.ch/wFranzoesisch/publikationen/richtlinien/Disp._transit._1.2.pdf.

[2] http://www.unige.ch/rectorat/home.html.

[3] Comme à Lausanne où un super-directeur gère l’université depuis plusieurs années et où il existe déjà 40 types de contrats différents pour les collaboratrices de l’enseignement et de la recherche.

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Collège des professeurs? [Regard Critique n°37]

Petite surprise dans le règlement transitoire qui est entré en vigueur en même temps que la nouvelle loi sur l’université : le rectorat a ressuscité le collège de professeurs. Cet organe existait dans l’ancienne loi mais les députées ont souhaité le supprimer. Alors, les professeures au dessus des lois ?

Comme son nom l’indique, le collège des professeurs est composé uniquement de professeures. Il y avait un collège des professeurs par faculté. Sa composition et ses compétences étaient définies dans le règlement d’organisation de la faculté. C’était un peu l’équivalent du Sénat au niveau des facultés… Voilà pour les éléments formels [1]. Dans la pratique, le collège des professeurs était l’organe décisionnel de chaque faculté après la doyenne. Avant chaque décision, chaque modification de règlement comme des plans d’études, les collèges des professeurs étaient consultés et seules les propositions du collège des professeurs étaient présentées aux conseils de faculté. Avant chaque décision des conseils de faculté – où les 4 corps siégeaient- le collège des professeurs avait déjà émis une recommandation. C’était le collège des professeurs qui imposait…. euh proposait une doyenne aux membres du conseil de faculté qui, devant l’absence d’alternative dans ce qu’on ne peut qu’appeler un non-choix, se contentaient souvent de lever le bras au moment où on le leur demandait. C’était le collège des professeurs qui imposait… euh proposait un règlement d’étude au conseil de faculté où les étudiantes, le personnel administratif et technique et les membres du corps intermédiaire étaient, dans la majorité des cas, minorisées par les professeures. Ainsi, ces dernières années dans différentes facultés des projets ont été adoptés malgré l’opposition de la majorité des étudiantes, du corps intermédiaire et du PAT.

On constate aisément que le collège des professeurs était un organe très puissant qui donnait le ton dans les différentes facultés. Notamment à cause de son poids démesuré vis-à-vis du conseil de faculté, la disparition du collège des professeurs est une bonne chose. Les personnes qui ont eu le malheur de participer au conseil de leur faculté ont pu constater à quel point l’existence d’un organe non représentatif qui décide de tout en amont – comme le collège des professeurs – est nuisible au fonctionnement des institutions pseudo-participatives et pseudo-démocratiques de l’université.

Qui peut croire un instant que les professeures – majoritairement des hommes blancs de plus de 50 ans aux salaires démesurés – comprennent quelque chose aux conditions d’études actuelles et aux étudiantes en général ?

Même les députées n’en ont pas voulu !

La commission de l’enseignement supérieur a bien décidé de supprimer le Sénat, soit l’équivalent du collège des professeurs au niveau de l’université, et ce malgré les efforts grotesques de certaines pendant la consultation. Le passage suivant est extrait du rapport de la commission de l’enseignement supérieur chargée d’étudier le projet de loi du conseil d’Etat :

Discussion sur l’art. 26, al. 2
Le député libéral propo%&/ç)!!!!!
erreur fatale : message non conforme
cause = politicard chiant
[2]

Comme vous pouvez le lire dans le rapport, le débat a bien eu lieu et c’est donc en toute conscience que les députées ont supprimé le Sénat. Bien qu’un député libéral ait essayé au travers d’un amendement de réintroduire le Sénat, les membres de la commission ont enterré tout nouvel organe donnant des prérogatives aux professeures. L’argument avancé par les députées socialistes et PDC est clair : si on crée un Sénat pour les professeures, on doit également créer un organe semblable pour les autres corps avec les mêmes prérogatives. Cet argument est énoncé au sujet du Sénat et donc au niveau central de l’université mais est applicable par analogie aux facultés. Créer un organe supplémentaire pour les professeures revient à leur attribuer un poids trop important dans les décisions de l’université. Les députées l’ont bien compris et l’argument de la double représentation avancé par la députée socialiste tient également au niveau des facultés. Il ne s’agit pas d’un oubli des députées, ni d’une marge de manœuvre laissée au rectorat. La décision est argumentée et le résultat du vote le fruit d’un rapport de force. Apparemment le rectorat et les professeures semblent ne pas en tenir compte.

Action = Réaction ?

C’est un principe connu de nos amies physiciennes : toute action entraîne une réaction. Parfois la réaction est plus visible que l’action comme quand des émeutes surviennent suite à des bavures policières. Parfois c’est l’inverse.

Ici, ni l’action ni la réaction n’ont été visibles. Malgré les incantations de la CUAE aux associations les invitants à ausculter de près le règlement transitoire, il n’a probablement été consulté que par quelques illuminées amoureuses de la procédure. En terme de visibilité on aurait pu mieux faire. Le rectorat est resté discret, il n’a pas crié sur les toits qu’il venait de créer par voie réglementaire un organe supprimé par voie législative quatre mois auparavant. Quant à la réaction, elle se fait peut-être attendre. En l’état, seule une lettre d’intention a été adressée par la CUAE au rectorat. En faisant référence à la loi et au règlement transitoire, elle exige du rectorat qu’il revienne sur ce point dans le futur statut de l’université. La CUAE a décidé de ne pas faire recours contre ce règlement. Le recours ne pouvant être déposé que devant le Tribunal Fédéral, il aurait exigé des ressources importantes en énergie et en temps et il aurait pris un temps certain à être examiné sur le fond. Ainsi, les potentielles retombées positives se seraient faites attendre très longtemps. Le règlement transitoire n’est que transitoire, c’est le règlement final qui comptera en définitive. C’est ce règlement que la CUAE attaquera si elle estime qu’il ne respecte pas la loi. Mais plus que tout, ce n’est pas sur le plan juridique que la CUAE souhaite porter le combat. C’est aux étudiantes et aux autres membres de la communauté universitaire de s’emparer du débat et de se mobiliser afin que le collège de professeurs soit bel et bien enterré. En ce sens, une victoire juridique n’apporterait rien d’autre que le rétablissement du droit alors que nous nourrissons l’espoir de susciter la défiance et surtout le débat en mettant à jour le jeu antidémocratique du rectorat et des professeures.

[1] Celles qui désireraient plus de détail peuvent se référer à l’article 84 de l’ancienne loi sur l’université.

[2] Plutôt que de vous infliger la retranscription intégrale du débat sur l’article 26, al 2,  nous vous renvoyons à l’adresse suivante où vous trouverez le rapport de la commission dans son intégralité : http://www.geneve.ch/grandconseil/data/texte/PL10103A.pdf.

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Participation et consultations au pays de Candy [Regard Critique n°37]

Participation et consultations au pays de Candy
ou pourquoi chat échaudé craint l’eau froide

La nouvelle loi sur l’université consacre un rectorat encore plus fort qu’il ne l’était déjà. Cette concentration des pouvoirs se fait également au profit des doyennes qui sont appelées à avoir un rôle clé dans les projets rectoraux.

Il existe un certain nombre d’arguments “pragmatiques” contre la concentration des pouvoirs dans les mains d’un seul homme, même en faisant abstraction de toute critique de la conception de la démocratie qu’un tel processus reproduit. Vous les connaissez certainement : de Saddam à Staline, les exemples ne manquent pas. Aussi, plutôt que de produire un long texte théorique chiant sur l’absurdité de la délégation politique et les avantages de l’autogestion, nous préférons vous donner quelques exemples d’abus qui se produisent ici et maintenant dans l’université de Genève du XXIème siècle1…

La possibilité de lutter…

Dans l’ancienne loi sur l’université, le pouvoir des doyennes et du rectorat était contrebalancé mollement par les conseils de faculté et le conseil de l’université qui, s’ils n’étaient pas représentatifs, avaient encore des prérogatives relativement importantes notamment en matière de filières, de règlements et de programmes d’études. Toutefois, la plupart du temps, la participation des étudiantes n’a pas suffit à contrer le pouvoir des doyennes. Cela a amené à certains faits d’armes. Ne pouvant pas les retranscrire tous ici, nous rappellerons en guise d’exemple l’épisode de la suppression de la session d’examen de septembre en Lettres2 puis l’épisode du plan d’étude du Bachelor en Relations Internationales (BARI).

Le doyen des lettres a décidé au cours du semestre de printemps 2008 de supprimer la session de septembre pour la transformer en session de rattrapage. Pour ce faire, il avait besoin de l’aval du conseil de faculté. Le conseil de faculté a refusé son projet. L’histoire se serait arrêtée là si le doyen avait été respectueux des procédures et de l’avis du conseil de faculté. Au lieu de cela, fort du soutien du corps professoral, il a maintenu son projet et promulgué la suppression de la session de septembre. Heureusement, une étudiante a osé contredire le doyen et saisir le tribunal administratif dans une procédure d’opposition. Se sachant en tort, le doyen a retiré son projet pour éviter un jugement embarrassant.

Même s’il est regrettable de passer par une procédure juridique pour faire entendre le bon droit des étudiantes, il a été possible d’annuler cette décision. En passant outre le vote du conseil de faculté et une pétition largement signée par les étudiantes, le doyen s’est mis dans une position intenable, mais qui indique bien quel poids les autorités universitaires souhaitent donner au organes participatifs. Si ce genre d’épisodes bénéficiait de plus de publicité dans l’université, on entendrait sans aucun doute moins souvent des étudiantes demander à la CUAE de renforcer sa collaboration avec le rectorat et les doyennes. Il y aurait probablement une défiance légitime face aux surpuissantes doyennes et rectorat.

Une autre fois, c’est la mobilisation des étudiantes qui a permis d’obtenir ce qu’il leur était dû. Au printemps 2006, la première volée du BARI ne connaissait pas le plan d’étude de la deuxième partie du BARI (soit les deuxième et troisième année) alors même que les examens de fin de première année approchaient ! En d’autres termes, cela revenait à se lancer dans des études sans en connaître le contenu… Les étudiantes, par le biais de leur association l’AESPRI, ont alors demandé gentiment aux responsables du BARI de présenter rapidement le plan d’études pour les années suivantes de leur parcours académique. Ni les responsables du BARI, ni le doyennes, ni les professeures qui avaient toutes en leur possession le projet du plan d’étude n’ont accepté de le transmettre aux étudiantes. Fort du constat qu’on se foutait de leur gueule, les étudiantes décidèrent en assemblée d’organiser un sit-in de protestation tôt le matin devant le bureau du doyen de SES afin d’obtenir leur dû. La mobilisation a payé puisque les étudiantes ont alors obtenu en moins d’une demi-heure ce que la voie “diplomatique” n’avait pas réussi à obtenir en plusieurs semaines. La veille encore le projet du plan d’étude du BARI était soi disant classé top secret…

…Et la nouvelle loi…

Dire que les doyennes ne font pas toujours preuve d’une connaissance poussée des règlements relève donc de l’euphémisme. Sans parler de leur “bonne volonté” ou de leur “clairvoyance”… Pourtant la nouvelle loi sur l’université renforce le pouvoir de celles qui seront amenées, parce qu’elles sont désignées par le rectorat, à devenir les chevilles ouvrières des changements à venir dans l’université. L’exemple de la session de septembre en Lettres illustre bien l’accroissement de leur pouvoir : si le statut de l’uni que  la première Assemblée de l’Université votera s’inspire des rapports de pouvoir au niveau de l’université pour les transposer aux facultés, le doyen de Lettres n’aura même plus besoin de l’aval du conseil de faculté pour supprimer la session de septembre!

Confiant en leur nouveau pouvoir, les doyennes n’ont pas attendu l’entrée en vigueur de la nouvelle loi pour faire des projets, dont la mise en oeuvre n’est rendue possible que par la suppression du pouvoir décisionnel du conseil de faculté. L’actuel projet de restructuration de la faculté SES est un exemple. Le doyen a déjà prévu sa toute-puissance et il ne s’est même pas embêté à prendre en considération l’avis des associations d’étudiantes sur ce projet. C’est un avant-goût de ce qui sera une pratique généralisée dans un futur proche.

Demain est un autre jour

On le voit, la situation est aujourd’hui différente. Les armes aussi. Il ne nous sera plus possible de lutter à l’aide des règlements qui nous assuraient une protection, même faible. Nos pouvoirs étant extrêmement limités dans l’enceinte des conseils, il nous faudra probablement en sortir pour faire valoir le poids du nombre. Nous, les étudiantes, sommes les plus nombreuses. Il faudra peut-être le rappeler et cela  peut passer par la confrontation et non uniquement, comme certaines aiment à l’affirmer, par une collaboration docile avec le rectorat au travers des procédures de «consultations». Rappelons au passage que la Datcha a été obtenu par l’occupation du local par des étudiantes en sciences…Qui a vu les pratiques de «consultations» du rectorat à l’oeuvre sait ce que ce terme recouvre. Dans la majorité des cas, le rectorat consulte largement pour profiter des avis divergents. Ainsi, face à la multitude de positions exprimées, le rectorat a tout loisir de choisir celle qui lui convient. Et s’il n’en existe pas… il invoquera l’impossibilité du consensus pour passer es projets en force. Mais le plus souvent il ne consulte tout simplement pas. A l’intérieur des conseils comme à l’extérieur, pour la session de septembre en lettres comme pour les plans d’études successifs, l’avis des étudiantes qui sont les premières concernées n’est jamais pris en compte.

La CUAE qui cherche a mener une politique cohérente et indépendante des pressions rectorales ne peut se satisfaire d’un rôle d’étudiante alibi dans des organes dépourvues de poids décisionnel. Notre participation aux élections de la première Assemblée de l’Université peut se comprendre comme la volonté de donner un poids décisionnel à ces organes. En effet, c’est le statut que cette assemblée devra entériner en moins de 20 mois qui définira le poids des organes participatifs au niveau des facultés [3]. Ce sont également des espaces propices à la propagande, à la révélation de scandales en tout genre et souvent des sources d’informations privilégiées. Mais même avec un poids décisionnel ces organes ne seront ni représentatifs ni démocratiques. Les professeures resteront surreprésentées et empêcheront toute initiative autre que les leurs. Aussi, nous restons déterminées à agir sur les terrains que nous jugerons adéquats. Si les conseils participatifs deviennent des coquilles vides, seul restera la mobilisation du nombre ou la détermination de certaines pour que des décisions illégitimes soient combattues. Nous restons déterminées à atteindre nos objectifs de démocratisation des instances internes de l’université. Nous continuerons à lutter pour que les personnes concernées par les choix soient également celles qui décident. Nous continuerons à nous opposer à ce que les professeures ordinaires constituées en une bande d’oligarques cessent d’avoir un poids prépondérant dans les décisions de l’université. Et finalement, nous continuerons à lutter pour tout cela quelle que soit la méthode qu’ils nous laisseront à disposition.

[1] Pour un texte court et pas chiant sur l’absurdité de la délégation en politique lire «Autogestion et hiérarchie» extrait de Le contenu du socialisme de Cornelius Castoriadis. La brochure Autogestion et hiérarchie est disponible à cette adresse :  http://infokiosques.net/spip.php?article247 ainsi qu’auprès de la CUAE.

[2] Contrairement à d’autres facultés la faculté de Lettres permet de choisir entre la session de juin et celle de septembre. Ainsi, celle de septembre n’est pas seulement réservée aux rattrapages et chaque étudiante peut choisir de passer son premier essai en septembre sous réserve du respect du délai d’étude.

[3] Cela constitue un des enjeux principal de l’Assemblée de l’Université qui aura un rôle consultatif contrairement au feu Conseil de l’Université.

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Loi sur l’université: la fin du début

Sans surprise, la minorité votante a préféré faire confiance aux « autorités ».

En s’engageant dans la campagne contre la loi sur l’université, la CUAE ne se faisait pas d’illusions sur le résultat de cette votation. Il faut dire que les poids lourds ont mis la gomme : Ruth Dreifuss en page centrale dans les clés de l’école (organe de propagande de Charles Beer) juste au moment où les bonnes Genevoises recevaient leur enveloppe de vote à la maison, loi du silence imposée par le rectorat à l’intérieur de l’université et insistance sur « l’unanimité » qui a prévalu lors de l’adoption du texte au Grand Conseil.

On retiendra la méconnaissance du sujet affichée par les députées, qui semblaient défendre des aspects contradictoires d’une loi qui apporterait à la fois l’autonomie et le contrôle, la démocratie et la concentration des pouvoirs, la flexibilité et la sécurité pour le personnel, l’indépendance de la recherche et le financement privé.

On retiendra également l’énième désengagement de la gauche institutionnelle, qui a préféré suivre Charles Beer sur le terrain miné de l’excellence néolibérale plutôt que de soutenir les étudiantes et les employées de l’université qui en subissent chaque jour les conséquences sur leurs conditions d’études et de vie. On devrait donc faire confiance à un Conseiller d’État qui n’a pas hésité à écorner l’autonomie de l’université (prétendument le point fort d’une loi indispensable) au soir même de la votation en refusant la rétrocession des gains accessoires alors que la loi permet cette possibilité et laisse à l’assemblée de l’université le soin d’en décider.

Car il faut rappeler que si au parlement on a levé la patte « à l’unanimité », souvent sans même s’informer sur la loi, à l’université, les personnes concernées (le personnel administratif et technique, l’association pour le corps intermédiaire et les étudiantes via leur faîtière) se sont engagées contre la loi.

Enfin, la CUAE prend note que pendant cette campagne, comme si les « autorités » étaient en position de faiblesse, la presse semble leur avoir été particulièrement docile. Là encore, en connaissant à peine le sujet, on s’est permis de faire des résumés qui occultent une partie de la réalité. Par exemple, en ne retenant que nos prétendus arguments phare, le « grand débat Tribune » a complètement passé sous silence le statut du personnel. Effectivement, cela ferait ombrage aux velléités d’excellence venues d’en haut et il est plus simple de prétendre que nos arguments sont hors sujet.

La CUAE tient à remercier ici l’ensemble des militantes qui ont soutenu le comité référendaire durant la campagne. Grâce à leur engagement, l’unanimité de la classe politique ne s’est pas trouvée confirmée par le choix des votantes. Enfin, la CUAE réaffirme ici sa volonté de lutter dans la rue, dans l’université, aux côtés des étudiantes et de toutes celles qui, à juste titre, ne se contentent pas des promesses politiciennes.