Le Nationalisme Scientifique

Ce texte est paru dans le Courrier le 2 avril dernier et nous le reproduisons ci-dessous.

 

Ça y est, les premières étudiantes[1] ont vu leur demande Erasmus acceptée et déjà la colère retombe. C’est le moment de faire le bilan d’un mois et demi de mobilisation forcenée dans les universités et de l’ambiguïté de certaines réactions quant aux conséquences de l’initiative UDC sur l’immigration «de masse».

 

La presse a relayé un certain discours étudiant partiel et victimaire. A entendre l’union des étudiant-e-s de Suisse (l’Unes), l’initiative de l’UDC se résume à une initiative anti-Erasmus. Or, présenter les étudiantes suisses comme des victimes innocentes de la mauvaise humeur exprimée par la Commission européenne depuis le vote du 9 février occulte les répercussions les plus graves de l’initiative. Il y a là un grave problème de priorités. La question n’est pas dans la poursuite ou non du programme Erasmus mais dans une prise de conscience plus large afin de recentrer le débat sur les conditions de vie et d’études de chacun. Lors de la manifestation étudiante du 5 mars, la CUAE avec des dizaines d’associations d’étudiantes ont explicitement revendiqué la fin des discriminations envers les étudiantes étrangères, bien que la presse se soit contentée de décrire un cortège d’étudiantes désorientées et apeurées pour la perte d’Erasmus

En revanche, ce n’est pas en co-signant le manifeste « pour un espace européen des hautes écoles ouvert » avec des politiciennes et des recteurs (comme Antonio Loprieno ou Patrick Aebischer) qui soutiennent ouvertement l’augmentation des taxes d’études pour les étudiantes étrangères qu’on pourra s’opposer à des initiatives xénophobes et nuisibles comme celle du 9 février. C’est notamment le parti socialiste, qui aimerait se présenter comme porte parole des universités, qui a trahi les étudiantes des EPF en votant le triplement des taxes d’études pour les non suisses le 7 mars dernier au conseil national.

 

Il serait aussi erroné de réduire les termes du débat actuel à une confrontation entre «isolationnistes» et «pro-européens». L’Union Européenne est souvent représentée comme un symbole d’ouverture sur le monde et un antidote aux chauvinismes locaux. Cette analyse représente une grossière erreur d’appréciation car la nature même de cette institution se résume aujourd’hui à la somme arithmétique de tous les nationalismes politiques qui la compose.

 

Le désert des luttes sociales en Suisse romande nous indique qu’il faut partir de la situation présente, sur nos campus. Par exemple, dans les faits, les étrangères non-ressortissantes de l’UE qui étudient à l’Université de Genève peuvent à tout moment se faire renvoyer par avion dans leur pays d’origine par l’Office cantonal de la population, conformément à la Loi sur les étrangers. Notre objectif est clair: comme nous l’avons exprimé dans vos colonnes le 21 février dernier, nous continuerons à nous battre pour empêcher en pratique le renvoi policier des étudiantes étrangères dans leur pays d’origine.

 

Le comité de la Conférence Universitaire des Associations d’ÉtudiantEs (CUAE)



[1] Les termes au féminin s’entendent, bien sûr, aussi au masculin