Enfin un effet positif de l'austérité!

Le Département de l’instruction publique (DIP) a annoncé il y a quelques semaines qu’il renonçait à l’organisation des tests d’aptitudes aux études de médecine.

Ces tests, destinés aux futures étudiantes de première année, étaient organisés au beau milieu de l’été et avaient pour but de décourager le plus grand nombre à entamer des études dans ce domaine. En 2010 déjà, la CUAE et l’AEMG avaient protesté contre l’introduction de ce dispositif inutile et coûteux qui prenait la forme d’un numerus clausus déguisé. Les autorités avaient alors balayé ces prises de position d’un revers de main. Il est à ce titre exemplaire que le principal responsable de la suppression de ce test soit le contexte d’austérité budgétaire qui prévaut actuellement dans l’État. Au lieu de jouer aux apprenties régulatrices de la population étudiante, les personnes dont la fonction consiste à décider pour les autres auraient été bien inspirées de prendre en considération l’avis des principales intéressées sur la question.

Voici notre prise de position datée février 2010

Position de la CUAE au sujet de l’examen obligatoire mais non-éliminatoire en médecine.

La CUAE est opposée à l’introduction d’un examen obligatoire pour toutes les personnes s’inscrivant au bachelor de la faculté de médecine de l’université de Genève. Dans cette prise de position, nous revenons sur quelques arguments contre l’introduction de cet examen.

Nous regrettons la mise en place d’une mesure particulièrement paternaliste. L’état renie la capacité des étudiantes qui ont fraîchement décroché leur maturité à choisir par elles-même leur formation en les guidant vers ce qu’il considère être le mieux pour elles. Cela contrevient à la conception qui n’avait jusqu’à lors pas été remis en cause qui veut qu’une personne atteint l’âge adulte à 18 ans et qu’elle est libre de déterminer par elle même son parcours de vie ainsi que le choix de sa formation.
Nous considérons également qu’il s’agit d’un premier pas déguisé vers un numerus clausus. Nous sommes opposés au numerus clausus et regrettons que, une fois de plus, tout soit fait pour occulter cet aspect du débat et qu’on présente une telle mesure comme une aide pour les étudiantes.
Au delà de la sélection déguisée, c’est une attaque contre le libre choix de formation. En cherchant à aiguiller les étudiantes selon leur capacité, on renie le fait que chaque personne détenant une maturité peut s’inscrire dans le bachelor de son choix sans examen préalable. De plus, exiger un examen avant le début des études revient à renier l’aspect formateur de ces dernières : avant même qu’on vous enseigne la matière on vous suggère déjà que vous n’êtes pas capable de l’assimiler. Cela ne fera qu’augmenter le clivage social existant entre les différentes facultés, les étudiantes des classes inférieures côtoieront les étudiantes des classes supérieures que si elles sont « méritantes » alors que les plus riches continueront de bénéficier d’un environnement favorable et des moyens financiers de leurs parents pour s’assurer les services de répétiteurs. Les autres, les étudiantes des classes inférieures moins « méritantes », iront côtoyer les gueux dans d’autres facultés.
Il est également nécessaire de souligner l’incroyable violence symbolique infligée aux étudiantes qui n’atteindraient pas des résultats convenables à cet examen : une lettre leur sera envoyée et elles seront guidées vers une orientatrice dont le seul but sera de décourager l’étudiante en prétendant, sur la base du résultat à l’examen qu’elle n’a pas les capacités intellectuelles suffisantes pour réussir médecine. Se pose dès lors la question de l’aptitude de quiconque de préjuger à l’aide d’un seul examen qui n’a pas été conçu pour cela de l’intelligence d’un individu. Les dégâts sur la confiance en soi des étudiantes qu’un tel jugement engendre et ses conséquences sur la suite de la formation de l’étudiante ne sont évidemment pas digne de considération pour les promoteurs de la mesure.
En plus de ces éléments qui constituent le noyau de notre argumentaire contre cette mesure, il convient de rappeler des arguments pragmatiques pour celles qui ne seraient pas encore convaincues de l’absurdité d’une telle mesure. Premièrement, on peut douter de l’opportunité de faire passer un examen pendant les vacances d’été. Il se murmure que le fait de faire passer cet examen en plein été aurait comme prétendue ambition de tester « la motivation » des futurs étudiants à faire médecine, en obligeant certains à repousser un voyage ou à prendre congé d’un travail d’été le 9 juillet. Rappelons aussi que quant il s’agit de tester la motivation, la faculté de médecine est la seule qui exige une préinscription dès le mois de février sans droit à l’erreur. Si la faculté prétend qu’aucune connaissance scientifique n’est nécessaire pour la réussite de cet examen non sanctionnel, on peut sérieusement en douter. En effet, pour avoir vu quelques exemples, de nombreuses questions font références à des notions médicales et scientifiques, donnant quasi nécessairement un avantage à des étudiants ayant choisi une filière scientifique au collège. La valeur indicative d’un tel examen est donc nulle en ce qui concerne les capacités d’apprentissage et de travail des futures étudiantes en médecine. Secondement, nous rappelons que cet examen a un coût. Selon nos informations, il revient entièrement à la faculté de médecine de financer ces examens. L’argent ne poussant malheureusement pas sur les arbres du parc des Bastions, cette réallocation des ressources se fera inévitablement sur le dos de l’enseignement et de la recherche de la faculté.
Finalement, en guise de conclusion, il nous importe d’affirmer qu’il s’agit d’une fausse solution à un vrai problème. On cherche à limiter l’entrée d’étudiantes en faculté de médecine par un manque de place dans les auditoires, par des taux d’échecs trop important aux examens de première année et le manque de place en clinique. Or, les examens de première année sélectionnent les étudiantes non pas uniquement sur la base de leur capacité mais sur la base des places disponibles en deuxième année. Il s’agit d’une injustice grave. Selon que vous êtes dans une volée importante ou peu pourvue en étudiante, le taux de réussite requis sera différent. De plus, à l’heure où la Suisse s’inquiète sur une future pénurie de médecins, où elle est déjà obligée d’aller chercher des internes dans les pays voisins pour remplir ses hôpitaux il est absurde de chercher à limiter par de telles mesures l’accès aux études de médecine.
La CUAE considère l’instauration d’un tel examen comme une attaque au libre choix de formation auquel nous restons attachées. A quand l’obligation de suivre certaines options spécifiques au collège pour pouvoir s’inscrire dans certaines facultés ? A quand l’instauration d’examen éliminatoire avant que le moindre enseignement ne soit dispensé ? A quand l’abolition du libre choix de la formation ?