Communiqué de presse – 20 novembre 2007
Genève, le 20 novembre 2007
La CUAE – syndicat étudiant de l’Université de Genève – lance aujourd’hui son initiative populaire cantonale « Pour la démocratisation de l’Université », en collaboration avec des membres du corps intermédiaire. Cette démarche vise la concrétisation des différentes propositions émises dans le cadre de la consultation concernant la révision de la loi sur l’Université. Notre initiative réitère et renforce deux principes inaliénables: celui d’une université démocratique et accessible, et celui de la stabilité des contrats et de la
qualité des conditions de travail des personnes qui assurent le fonctionnement de l’université.
La pseudocrise de l’Université de Genève du printemps 2006 a débouché sur la désignation par le Conseil d’État d’une commission d’« experts » placée sous la présidence de Ruth Dreifuss.
Les conclusions de cette commission ont abouti sans surprise à un avant-projet de loi proposant une vision néolibérale et hiérarchique de l’Université, débouchant à court ou moyen terme sur:
- une augmentation massive des taxes pour les étudiantes;
- une discrimination accentuée des étudiantes migrantes;
- la destruction sournoise des structures participatives (qui n’ont été maintenues formellement que pour être mieux vidées de leur substance);
- un désengagement progressif de l’État dans le financement des activités de l’université;
- la flexibilisation et la précarisation du personnel qui travaille à l’université (actuellement certains membres du corps intermédiaire et du personnel administratif et technique touchent un salaire les plaçant au dessous du seuil de pauvreté (!) alors que parallèlement on envisage de porter à 150 % le salaire de certains professeures, pourtant déjà grassement rémunérés).
En revanche, la commission externe s’est bien gardée de résoudre aucun des problèmes soulevés lors de la « crise ». En particulier, la rétrocession des gains accessoires est laissée à la libre appréciation de l’Université. Cette disposition prête à sourire pour quiconque connaît l’écrasante domination du corps professoral dans les structures décisionnelles.
Malgré l’absence de réelle consultation de la part des différentes
acteurtricespolitiques (consultation de la commission sous forme de relations publiques, puis consultation du Conseil d’État dans un délai
inexplicablement court et placée sous le contrôle du rectorat de l’Université !), une importante mobilisation regroupant tous les corps de l’Université a eu lieu. Différentes propositions ont alors été formulées par un groupe de travail ad hoc (GTLU), que notre initiative reprend pour en concrétiser la substance.
L’initiative se compose de trois volets principaux :
- l’accès à l’Université, notamment via la gratuité des études;
- l’instauration d’une véritable démocratie interne;
- les conditions de travail du personnel.
La gratuité des études est une condition nécessaire, bien qu’insuffisante, de toute tentative de démocratisation d’accès aux études supérieurs. Si les taxes ne constituent pas, et de loin, la seule restriction d’accès à l’Université, leur abolition constitue un premier pas indispensable, qui doit être complété par un système de bourses (i.e. allocations d’études) en adéquation avec la réalité des études universitaires (i.e. le coût de la vie), par la suppression de toute forme de numerus clausus et des obstacles administratifs entravant
l’accès aux étudiantes non porteusers de maturité.
Afin de régler les problèmes structurels récurrents de l’Université, il est essentiel que les prérogatives décisionnelles soient attribuées à des instances participatives et paritaires élues démocratiquement et rassemblant les quatre corps de l’Université (étudiantes,
corps intermédiaire, personnel administratif et technique et corps professoral). Aux antipodes du modèle d’un rectorat fort voulu par les réformes successives depuis les années 90 (malgré des échecs répétés et la trop grande fragilité d’un système concentrant les responsabilités sur quelques personnalités) la réaffirmation et le renforcement de l’organisation démocratique s’avère indispensable pour assurer un large contrôle par la base des activités de l’Université.
Enfin, la stabilité des contrats et de bonnes conditions de travail sont seules à même de garantir l’indépendance et la continuité de la recherche académique sur le long terme. La qualité de l’encadrement des étudiantes est également directement liée aux conditions de travail du personnel enseignant. Il est aussi primordial d’assurer les conditions de travail de la fonction publique au personnel administratif et technique, garant du bon fonctionnement de l’Université.
Ces conditions doivent naturellement s’appliquer à toutes les institutions délivrant des formations de type universitaire sur le territoire genevois, afin d’éviter que ne se répètent des situations telles que celle de l’Institut des Hautes Études Internationales, qui viole la loi sur l’Université en fixant des taxes d’études à 1500 francs et plus par semestre.
La CUAE se réjouit d’apporter avec cette initiative sa contribution au débat nécessaire sur la loi sur l’Université. Les solutions proposées, novatrices mais pragmatiques, vont à l’encontre de celles proposées jusqu’ici et qui constituaient de simples reprises des mesures déjà mises en oeuvre depuis plusieurs années et ayant largement prouvé leur inefficacité pour une bonne gouvernance de l’Université. Nous ambitionnons au contraire de donner par notre initiative une solution durable, efficace car démocratique, aux difficiles questions de l’accès et de la structure de l’enseignement supérieur.
Texte de l’Initiative populaire
«Pour la démocratisation de l’université»
La Conférence universitaire des associations d’étudiantEs, Collectif pour la démocratisation des études**, soutient le lancement de l’initiative populaire cantonale intitulée “Pour la démocratisation de l’université”.
Les citoyennes et citoyens soussignés, électrices et électeurs dans le canton de Genève, en vertu des articles 64 et 65A de la constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, et des articles 86 à 93 de la loi sur l’exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, appuient la présente initiative non formulée qui demande au Grand Conseil de légiférer aux fins de démocratiser l’Université notamment en modifiant les dispositions relatives à :
1. Accès à l’université
Une université démocratique doit être accessible au plus grand nombre sans restriction, notamment d’ordre financier. Dans ce but, les études universitaires doivent être gratuites.
2. Démocratie interne
L’université s’organise selon les principes démocratiques de la représentation et de la séparation des pouvoirs. L’organe suprême de l’université est une assemblée législative dans laquelle les quatre corps siègent de façon paritaire.
3. Statut du personnel
L’Etat garantit la qualité des conditions de travail et la stabilité des contrats de travail des personnes qui travaillent à l’université et qui en assurent le fonctionnement.
4. Champ d’application
Afin de garantir l’application de ces dispositions, toutes les institutions délivrant des formations de type universitaire sur le territoire genevois et recevant des subventions cantonales doivent y être soumises.
(*) Echéance du délai de récolte des signatures: 7 avril 2008.
Exposé des motifs
La qualité de l’enseignement et de la recherche à l’Université de Genève est reconnue au niveau national comme international. Le maintien de cette qualité dans le futur dépend d’une véritable application des principes démocratiques qui sont à la base de son activité, soient l’accessibilité garantie aux étudiants, la qualité et la stabilité de l’encadrement et le haut degré de participation interne. Ce sont précisément ces valeurs fortes que la présente initiative veut réaffirmer et renforcer.
Taxes universitaires
Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, élaboré sous l’égide de l’UNESCO et ratifié par la Suisse, garantit l’accès à l’enseignement supérieur à chacun en fonction de ses capacités. A cette fin, les États parties s’engagent à instaurer la gratuité des études.
Les taxes ne représentent actuellement qu’un montant de 12 millions sur les 627 du budget de l’Université de Genève. En revanche, les 1000 francs à débourser pèsent lourd sur le budget de la majorité des étudiant-e-s, qui travaillent pour financer leurs études. L’Université se doit de favoriser l’intégration des diverses catégories sociales, et de garantir l’égalité d’accès aux études. La suppression des taxes universitaires constitue à cet égard un premier pas modeste, nécessaire bien qu’insuffisant.
Statut du personnel
Une université démocratique est un établissement assurant un taux d’encadrement propice aux apprentissages tout en garantissant la qualité des conditions de travail et la stabilité des contrats de toutes les personnes qui y collaborent. En ce sens, il est crucial que les membres du corps intermédiaire bénéficient de conditions favorables à la réalisation de leur thèse et que le personnel administratif et technique ne voie pas son statut et son activité régulièrement remis en discussion.
Démocratie interne
Une forte participation des quatre corps de l’Université (personnel administratif et technique, étudiant-e-s, corps intermédiaire et professeur-e-s) est également indispensable à son bon fonctionnement. Les décisions doivent donc être prises à tous les niveaux (filières d’études, facultés et niveau central) par des conseils élus au suffrage universel direct au sein de l’Université, et avec une représentation paritaire des quatre corps. Ils doivent en particulier être compétents sur les points suivants : budget et comptes, création, transformation et suppression de filières, élection des membres des commissions, du rectorat et des décanats, ratification des accords avec d’autres institutions ou avec le secteur privé, règlements, plans d’études et nomination du corps enseignant.
Le passage par les différents conseils participatifs garantit une plus forte légitimité aux décisions prises. Afin de ne pas surcharger les conseils et de ne pas ralentir les procédures, il est souhaitable que ceux-ci puissent déléguer les décisions de peu d’importance à des commissions ou aux organes exécutifs.