Les dessous de l'université de Genève

Cette rubrique ne vise pas à lister de manière exhaustive les différentes institutions et organes de l’université ni à les présenter un à un, mais à dévoiler ce qui se cache sous les pierres quand on les retourne. Ne vous méprenez pas: pour saisir la dynamique de chaque organe une lecture des règlements ne suffit pas ! Si cette partie peut vous apporter des informations utiles sur les institutions et organes de l’université, elle ne saurait suffire à une compréhension des rapports de pouvoir qui les traversent. Elle présente bien sûr quelques informations formelles sur leur rôle et leurs prérogatives mais cherche surtout à dévoiler le (dys)fonctionnement de certains organes. A l’université comme ailleurs, les belles formules et les titres ronflants dissimulent assez mal l’absence de contenu des politiques menées.

Les informations données dans ce chapitre peuvent encore évoluer : en effet, l’université est aujourd’hui régie par une nouvelle loi entrée en vigueur en mars 2009, et par un règlement transitoire promulgué par le rectorat. Le Statut de l’université qui sera le règlement d’organisation de l’université succédera au règlement transitoire lorsqu’il aura été adopté par l’Assemblée de l’Université.

ASSOCIATIONS

Les étudiantes qui s’organisent en association directement rattachée à une subdivision (département, faculté, section, institut) peuvent se faire reconnaître par le rectorat. Cela leur donne des droits en matière d’affichage, d’utilisation des locaux de l’université et de subventions. Toutes les associations reconnues ont le droit à 4 francs par étudiante inscrite (c’est ce qu’on appelle la subvention ordinaire). Il existe aussi des associations non-reconnues mais simplement enregistrées parce qu’elles ne sont rattachées à aucune subdivision. Ainsi, elles ne bénéficient pas d’une subvention ordinaire liée au nombre de leurs membres. Par contre, comme les associations reconnues, elles peuvent demander des subventions extraordinaires pour des projets à la Commission de Gestion des Taxes Fixes (CGTF).
Le rectorat a le droit d’exiger une preuve de représentativité des associations (10% du corps intéressé) mais cela ne l’oblige en rien à les consulter sur les projets qui les concernent. En effet, malgré l’entrée en vigueur en 2009 d’une loi qui souligne l’importance de la consultation au sein de l’université, dans la pratique le rectorat et les doyennes ne s’intéressent guère à l’avis des associations sur les enjeux importants. Le plus souvent elles sont ignorées. Parfois, on les consulte sans pour autant prendre leur avis en compte. Ça s’appelle la participation. Le rôle des associations dans la défense des intérêts des étudiantes n’étant pas concevable comme un rôle de consultant, il revient aux associations – et in fine aux étudiantes – de déterminer quels moyens d’actions sont les plus adéquats pour parvenir à leurs buts.

ORGANES CENTRAUX

Dans cette sous-partie nous traitons de différents organes qui se situent au niveau central de l’université (par opposition à ceux qui se situent au niveau des facultés).

Rectorat
Le rectorat est composé d’une rectrice et de trois à cinq vice-rectrices. En plus, il y a une secrétaire générale qui assume un rôle non négligeable dans le traitement des dossiers rectoraux.
La loi sur l’université (LU) du vendredi 13 juin 2008, entrée en vigueur en 2009, consacre un rectorat au pouvoir encore élargi (art. 27 à 29 LU pour les détails de ses prérogatives). Il s’occupe de « représenter » l’université auprès des instances politiques. Il nomme les doyennes et peut supprimer ou créer ce qu’il veut ou presque. Comme l’a jadis résumé une journaliste d’un quotidien régional : le recteur est « le patron de l’uni » et il n’est dès lors pas étonnant qu’il se comporte de manière archaïque comme les patronnes savent le faire : unilatéralisme, pression accrue sur les collaboratrices (assistantes en tête), volonté de tout contrôler et hiérarchisation extrême. En résumé, le rectorat possède des pouvoirs considérables et il n’hésite pas à s’immiscer dans les affaires des facultés et des associations d’étudiantes. Quand l’université est devenue plus « autonome » avec la nouvelle loi, c’est surtout vis-à-vis des personnes qui travaillent et/ou étudient à l’université que le rectorat a gagné en autonomie, mais il est toujours soumis à la volonté du gouvernement et des lobbies économiques.
Pour seconder officiellement le rectorat dans son travail, il existe également douze commissions permanentes. Les membres en sont désignées par le rectorat dont un ou plusieurs membres y participent directement. Ces commissions n’ont qu’une fonction consultative. On ne reviendra pas ici sur l’intégralité de ces dernières, mais simplement sur deux d’entre elles qui illustrent bien la logique qui sous-tend le fonctionnement de l’université : la commission sociale (COSOC) et la commission de l’égalité (CODEG).

Commission sociale
La COSOC est la commission « sociale » de l’université de Genève. Ses membres sont désignées par le rectorat. Elle n’a de social que le nom. En effet, le bilan social de cette commission est nul. Elle a renoncé a soutenir les étudiantes en difficulté, prétextant un manque de moyens. Parallèlement, elle ne parvient pas à dépenser le maigre budget attribué aux activités sociales de l’université par le rectorat, préférant saboter ou censurer les projets qui lui sont soumis, comme par exemple l’agenda-guide que vous tenez entre les mains.

Commission de l’égalité
La CODEG est une commission consultative du rectorat qui a pour but de réduire les inégalités entre femmes et hommes au sein de l’université. En fait, les seules politiques d’égalité mises en place se réduisent à la promotion des carrières féminines. La commission ne se soucie pas du tout des inégalités que subissent les étudiantes et le personnel administratif et technique.
A la haute école de Lucerne, la politique d’égalité a abouti à la création d’une garderie ouverte à l’ensemble de la communauté universitaire (y compris aux étudiantes). Au même moment, à Genève, des directives sont données pour réserver les places de crèches universitaires aux seules doctorantes… On comprend bien la logique qui sous-tend le fonctionnement de ces commissions : sous le couvert d’une quelconque politique d’égalité ou autre, on cherche surtout à améliorer l’image de l’université et la diminution voire la suppression des inégalités passent à l’ass(!). On notera également que les subventions fédérales attribuées aux postes occupés par des femmes ne sont pas étrangères à l’intérêt de l’université pour les politiques d’égalité.

Assemblée de l’Université
L’Assemblée de l’Université (AU) remplace désavantageusement le conseil de l’université, organe participatif qui existait avec l’ancienne loi. Aujourd’hui, l’AU n’a plus aucun poids décisionnel. Et même si les étudiantes sont moins sous-représentées (10 places sur 45), elles restent deux fois moins nombreuses que les professeures. L’AU est censée être un organe que le rectorat consulte, sans pour autant que son avis compte.
La seule réelle prérogative de l’AU sera donc de proposer une rectrice que le Conseil d’État devra nommer. L’actuel recteur, Jean-Dominique Vassali a récemment été réélu. Enfin, la première AU (celle qui siège actuellement) aura pour mission de voter le Statut de l’université qui constituera le règlement d’organisation de l’université. Le rapport de force étant ce qu’il est, rien ne nous permet d’espérer que le Statut constituera un quelconque progrès pour les étudiantes. Les séances du l’AU sont en principe publiques.

Conseil d’orientation stratégique
Un conseil d’orientation stratégique, euphémisme pour conseil d’administration, a été instauré avec la nouvelle loi sur l’université. Son rôle reste obscur mais, à priori, le conseil d’orientation stratégique devrait surtout servir de placard doré pour laquais méritant, ainsi que de relais pour les revendications de la « société civile », c’est-à-dire les lobbies économiques.

Comité d’éthique et de déontologie
Comme d’autres institutions, le comité d’éthique et de déontologie a un rôle vague. Il peut être saisi de tout sujet concernant l’éthique ou la déontologie par le rectorat, ou s’en saisir lui-même. En règle générale, il couvre comme il le peut les professeures mises en cause et tente d’étouffer les affaires gênantes, comme ce fût le cas lors de l’affaire Windisch.

FACULTÉS

Nous traitons ici des différents organes présents au niveau des facultés, ou selon la nouvelle loi, les UPER (unités principales d’enseignement et de recherche). À noter que les pratiques peuvent être passablement différentes suivant les facultés.

Décanat
De la même manière que la nouvelle loi a renforcé les pouvoirs du rectorat au niveau central, elle a également concentré pratiquement tous les pouvoirs entre les mains des décanats des facultés, composés d’une doyenne et de plusieurs vice-doyennes. L’absence de dispositions légales implique que les prérogatives des décanats soient précisées par le Statut et les règlements d’organisation des facultés.

Collège des professeures
Le collège des professeures regroupe toutes les professeures d’une faculté. Cet organe ne devrait plus exister, puisque la nouvelle loi a consacré sa suppression. Toutefois, selon une certaine interprétation de la loi, il serait possible de le réintroduire dans le statut de l’université à condition qu’il ne soit pas considéré comme un organe ayant des prérogatives qui chevauchent sur celles du conseil participatif. C’est à quoi s’attèlent les professeures avec le soutien indéfectible du rectorat qui l’avait déjà inscrit dans le règlement transitoire.

Conseil participatif
Le conseil participatif (anciennement conseil de faculté) regroupe les quatre corps d’une faculté (étudiantes, corps intermédiaire, personnel administratif et technique, professeures) avec un rapport de forces très favorable aux professeures. Il est théoriquement chargé d’approuver le règlement d’organisation et les règlements d’études; en pratique, il est très souvent confiné dans un rôle de chambre d’enregistrement des décisions prises au collège des professeures. Les séances des conseil participatifs sont en principe publiques.

Commission de l’égalité dans les facultés
Il y en a dans chaque faculté. Leur fonctionnement est opaque. Quand un jour on a demandé à la commission d’une faculté de se saisir du cas d’un professeur qui avait découragé une étudiante à suivre un master en système d’information en invoquant le prétexte selon lequel « les femmes ont des capacités d’abstraction inférieures (sic!)», la commission a répondu que ceci ne faisait pas partie des ses compétences.

POUR FINIR
Commissions alibis, dénominations creuses, pouvoir décisionnel concentré dans les mains du corps professoral, inégalités, infiltration des lobbies économiques… le tableau dressé ici peut sembler très sombre. Pourtant, l’université c’est aussi ça. Ce constat n’est pas l’expression d’une imagination débordante ou le fruit d’une analyse machiavélienne de la situation, mais un aperçu des expériences que certaines ont pu faire. En effet, ce bilan est basé sur les témoignages d’étudiantes, d’assistantes et de membres du PAT faisant partie de ces différents organes ou ayant été confrontées à ces derniers.
Enfin, comme vous avez pu le comprendre, la terminologie utilisée par l’université est parfois ambiguë, voire déplacée. Les dénominations des différentes organes n’ont ainsi pas toujours de lien explicite avec leurs réelles activités. On peut ici penser à des appellations telles que la commission « sociale » du rectorat, la commission de l’ « égalité » ou encore le conseil « participatif ». Plus encore, un nom abstrait tel qu’ « unités principales d’enseignement et de recherche » laisse libre cours aux interprétations les plus variées. Une apparente complexité permet d’envisager tout et n’importe quoi. Ainsi, plus obscur, le contenu est plus facilement malléable et l’on oublie parfois qu’il touche, bien réellement, les personnes travaillant et/ou étudiant à l’université.

Voir aussi: Regard Critique, n°37 sur la participation, mai 2009