Quelques considérations sur l'exercice de la liberté d'expression à l'université

Les dirigeants de l’université de Genève aiment à décrire leur institution comme un lieu de savoir libre et critique. Pourtant, ces déclarations d’intentions permettent difficilement de se faire une idée des rapports économiques et des relations de pouvoir qui traversent quotidiennement l’université marchande. Soucieux de préserver son pouvoir au sein de l’institution, le rectorat est prêt à faire à peu près tout (et n’importe quoi) pour défendre l’image qu’il se fait de l’université. Ce court texte ne prétend bien sûr pas à l’exhaustivité. Il vise plutôt à mettre en lumière deux événements symptomatiques du contexte politique et social de répression étatique qui ont frappé les mouvements sociaux ces dernières années.

1. Au fond, les principes abstraits contenus dans la charte d’éthique et de déontologie de l’université s’accommodent plutôt bien des magouilles foireuses du rectorat dans la gestion des locaux. L’association Génération Palestine en fait les frais en janvier 2010 après s’être vue résilier la réservation d’un auditoire à Uni-Mail à quelques jours seulement d’une conférence sur l’offensive meurtrière de l’armée israëlienne à Gaza. Le rectorat s’était alors pitoyablement empêtré dans ses explications en arguant d’abord que seuls les « débats politiques nationaux » étaient tolérés dans les locaux universitaires avant de finalement déclarer que seuls ceux qui permettaient un « réel échange d’opinions » étaient autorisés. Le comble est atteint quand l’on sait qu’Ur Shlonsky, l’un des intervenants de cette soirée, occupe le poste de professeur à la Faculté des Lettres. Quelques mois plus tard lors d’un débat à l’assemblée de l’université, le rectorat a reconnu l’impossibilité de fixer des critères précis sur la mise à disposition des locaux universitaires à des tiers. Notons enfin que l’interdiction faite à GP de s’exprimer à l’université s’est faite dans l’indifférence générale, les seules membres de la « communauté universitaire » ayant décidé de manifester publiquement leur soutien à cette dernière étant les associations d’étudiantes.

2. Le 14 octobre 2010, une dizaine d’étudiantes avait décidé de manifester leur désaccord durant la cérémonie du Dies academicus où le président de la Commission européenne José Manuel Barroso allait recevoir un doctorat honoris causa. Alors que celles-ci avaient à peine pris place dans un auditoire bondé, le directeur de la communication de l’UNIGE a estimé judicieux de les dénoncer aux flics en civil présents dans la salle. Après une manifestation bruyante contre cette tribune accordée à Barroso, les dangereuses contestataires ont été soumises à un contrôle d’identité à leur sortie d’Uni-Dufour. Par la suite, le rectorat a refusé de reconnaître le rôle du directeur de la communication dans la répression qui a touché les étudiantes. Reste que le rectorat, non content de faire taire les voix discordantes, les a ce jour-là dénoncé aux flics.

NOTE: Ce texte paraîtra dans la brochure du Forum Social Lémanique (prochainement disponible) dans le cadre de la campagne contre la loi 10615 sur les manifestations sur le domaine public mise au vote à Genève le 11 mars prochain.