Soutien au Collectif pour un campus solidaire et égalitaire et condamnation du sexisme et harcèlement sexuel

La CUAE exprime son soutien avec le Collectif pour un campus solidaire et égalitaire et dénonce avec lui la politique appliquée concernant la « punition » d’un professeur harceleur par une simple mutation dans un autre département. La CUAE soutient également les revendications du collectif qui demande un travail plus approfondi en matière de lutte contre le sexisme structurel.

Ci-joint, nous transmettons la lettre ouverte écrite par le collectif adressée aux membres de la direction de l’université de Lausanne ainsi qu’aux membres de la Faculté de Biologie, et du Bureau de l’égalité :

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Lausanne, le 1 septembre 2016
Madame la Rectrice,
Mesdames et Messieurs les Membres de la Direction,
Mesdames et Messieurs les Membres de la Faculté de Biologie,
Mesdames et Messieurs les Membres du Bureau de l’égalité,

Jeudi vingt-huit juillet, nous avons appris par le journal 20 minutes la mutation d’un professeur du Centre intégratif de génomique (CIG) suite à un comportement inadéquat avec des membres de son équipe. Cette nouvelle a suscité un lot de questionnements, d’incompréhensions et de déception pour certain·e·s d’entre nous, membres de la communauté universitaire. En effet, le harcèlement semble avoir été dénoncé il y a de ça plusieurs mois et, nous, étudiant·e·s et assistant·e·s de l’Unil, apprenons les faits maintenant via un journal “d’info-divertissement” et ce que nous lisons est scandaleux. Le harcèlement au travail, tout comme les agressions sexuelles sur le campus méritent une attention toute particulière de la part de l’Université de Lausanne.

Tout d’abord, la manière dont cette affaire a été réglée nous interpelle au plus haut point. D’après nos informations, un organisme indépendant mais “rattaché administrativement à la Chancellerie d’État et fonctionnellement au président du Conseil d’Etat” , le Groupe Impact a été chargé de mener une enquête et fournir un rapport sur le cas. Mais c’est l’Université de Lausanne qui a pris la décision finale sur les mesures à adopter. Cette affaire a donc été réglée à l’interne, entraînant la mutation du coupable dans un autre département. Cela soulève la question de la légitimité de la solution manageriale choisie ici, au dépit d’une résolution via un organe de justice. Le harcèlement sexuel au travail participe d’un problème plus large et est une manifestation du sexisme structurel. Or, la façon dont l’affaire a été gérée et résolue à l’interne, semble en fait participer à réduire et traiter le harcèlement et les agressions sexuelles à de simples conflits relationnels au travail. En effet, l’agresseur/harceleur a pu conserver la plupart de ses prérogatives. Ce glissement, tant sémantique que politique, nous apparait clairement discutable, surtout dans un contexte où l’Université de Lausanne tente de se démarquer et affirme lutter pour l’égalité des genres dans le milieu académique.

De plus, la solution choisie par l’Université nous parait peu pertinente et nonproportionnelle. En effet, la mutation dans un autre département suffit-elle pour protéger les potentielles victimes ou est-ce juste une manière de déplacer le problème ? Dans l’article du 20minutes, il est spécifié que cette personne n’a plus le droit de diriger un groupe de recherche, mais il lui est donné l’opportunité d’enseigner. Il nous semble complètement contre-indiqué de continuer de donner à un agresseur/harceleur sexuel une autorité morale et éducative sur des étudiant·e·s et des assistant·e·s. Plus fondamentalement, nous nous demandons quel est le message que l’Unil veut faire passer en continuant à soutenir dans son travail et sa carrière un agresseur/harceleur. L’Université de Lausanne se doit de tenir une politique claire et homogène dans de tels cas, et s’autoriser à licencier pour de justes motifs, comme cela a déjà été le cas, les personnes se rendant coupables de harcèlement.

Comme souvent, les abus ont été révélés à la direction car une victime a brisé le silence. Or, il est vraisemblable que d’autres victimes n’ont pas osé ou pas trouvé les moyens de parler; et leur souffrance restera dans l’ombre. Jusqu’à quand tolèrerons-nous cela? Combien de victimes d’abus à l’UNIL restent silencieuses? Si cette affaire met en lumière une chose, c’est bien le manque de moyens et d’espaces de parole disponibles pour les victimes et la protection accordée aux agresseur·euse·s/harceleur·euse·s. La communauté universitaire dans son ensemble gagnerait à ce que les moyens alloués à prévenir et gérer les agressions et le mobbing sur le campus soient renforcés. Par exemple, grâce à des programmes de sensibilisation au harcèlement, pour mieux (re)connaître les situations problématiques et les dénoncer, rendre plus visible les solutions d’accompagnement des victimes d’abus, offrant soutien et conseils juridiques systématiques. Le plus urgent étant de créer des espaces d’écoute encourageant les personnes victimes à parler de leur situation et sortir de l’isolement.

En conclusion, ce qui s’est passé au Centre intégratif de génomique (CIG) n’est qu’un triste exemple de ce que subissent quotidiennement les femmes et les minorités de genre dans la société. Les milieux académiques ne sont pas épargnés: le sexisme, la misogynie et la transphobie sont des maux contre lesquels il faut lutter collectivement. Sans cela, les principes inscrits dans la Charte de l’Université resteront des voeux pieux. L’Université de Lausanne, de par son statut institutionnel d’exception devrait répondre au devoir d’exemplarité dans de tels cas. Car c’est seulement en adoptant une politique forte, intransigeante et exemplaire que l’Unil et la communauté dans son ensemble peuvent réellement prétendre entamer les changement nécessaires en matière d’égalité.

En espérant que cette lettre retienne toute votre attention, veuillez croire, Madame la Rectrice, Mesdames et Messieurs les membres de la direction, Mesdames et Messieurs les Membres de la Faculté de Biologie, Mesdames et Messieurs les membres du Bureau de l’égalité, en l’expression de nos sentiments distingués.

Collectif pour un campus solidaire et égalitaire