Hier, mercredi 25 mars 2020, nous avons appris les décisions du rectorat concernant les examens. Le même jour, le recteur a publié une vidéo de lui qui salue le « tour de force » réussi par l’Université de Genève en maintenant les enseignements en ligne dès le lundi 16 mars et donc sans aucune interruption.
Les intentions sont louables : maintien de la valeur des diplômes décernés et interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement.
La méthode, elle, questionne. Et plus, elle déçoit. Car cette crise oblige en effet chaque institution à repenser sa manière de fonctionner. Elle voit naître partout des solidarités fondées sur l’écoute et l’implication inclusive. Là où la période actuelle aurait pu être un renouveau démocratique amenant plus d’horizontalité et de participation étudiante, elle a au contraire fait ressortir la verticalité abrupte de notre Université. Le canal de la décision ? Une directive du Rectorat. La consultation étudiante ? Inexistante. Pas une seule personne membre du corps étudiant n’a participé, de près ou de loin, aux réunions décisionnelles. Nous appelons à l’inverse à un fonctionnement plus participatif, plus inclusif et plus démocratique. Des solutions qui nous apparaissent bien plus progressistes, solidaires et innovantes que le « top-down » vu et revu. Nous savons qu’écouter la voix des étudiant.e.x.s, c’est riche, mais c’est surtout essentiel.
Il y avait un tournant à prendre, une occasion à saisir. Une manière de faire mentir un rapport de gérance peu reluisant sorti récemment. La réponse apportée a plus été celle d’un chef d’entreprise que celle d’une institution soucieuse d’augmenter la consultation de la voix des étudiant.e.x.s. Car l’Université sert en effet à « s’engager activement dans la recherche de pointe »[1]. Mais cet engagement académique n’a de sens que s’il se prolonge dans la vie civile. L’Université sert aussi à proposer de nouveaux modes de fonctionnements sociétaux et à repenser notre système démocratique. Elle doit être le lieu où l’on apprend non pas à courir toujours après la performance et le profit, mais à prendre le temps de se pencher à tête reposée sur des problèmes complexes. C’est pourquoi la solution qui nous a été proposée nous apparaît infantilisante et digne d’un autre temps. Nous pensons vraiment que le rectorat avait une opportunité de faire rayonner notre Université en faisant participer tous les corps à sa décision. Il ne l’a pas fait.
Nous appelons aujourd’hui à l’inclusion immédiate des associations d’étudiant.e.x.s facultaires et du syndicat étudiant dans les cellules de décisions des décanats facultaires qui se pencheront sur les modalités d’examens. Nous invitons les associations facultaires à adresser cette demande à leur décanat. Une pétition allant dans ce sens sera bienôt lancée.
La voix des étudiant.e.x.s ne doit plus être écartée !
La vitesse avec laquelle la transition vers le télétravail a été opérée soulève aussi des questions. Plutôt que de suivre l’appel appréciable de l’ACIL à la « sortie d’un discours donnant la priorité absolue au maintien de la performance dans une période d’extrême difficulté mondiale qui doit être l’occasion de penser à ralentir. »[2] et de donner le temps à tou.te.x.s de s’organiser, de peser ses priorités, de se préparer aux mois de confinement à venir et de se procurer éventuellement du matériel informatique, il a fallu remettre sans attendre l’ouvrage sur le métier. Nous savons aujourd’hui le Pôle Santé Social engorgé de demandes d’étudiant.e.x.s en situation de précarité, peut-être eut-il été judicieux de lui accorder des forces supplémentaires pour gérer cette crise. Peut-être eut-il été judicieux d’accorder à tout le monde une période de congé successive à la fermeture de l’Université pour donner le temps de commencer ces démarches financières, pesantes et chronophages. Peut-être eut-il été judicieux de ne pas contraindre la machine à continuer sur son rythme (en s’en félicitant après coup) mais de plutôt tenir pleinement compte d’un mal-être du corps étudiant et du corps intermédiaire déjà dénoncé en temps de non-crise (comme en témoignent un rapport à paraître sur la santé étudiante effectué par l’Observatoire de la vie étudiante ainsi que cet article de la Tribune de Genève)[3].
Il s’agit justement maintenant de penser aux personnes les plus précaires parmi nous. Comme le rappelait à juste titre Alain Berset : « la force d’une société se mesure à l’attention qui est portée aux plus faibles de ses membres ».
La solution du rectorat oblige un grand nombre de personnes à effectuer une année universitaire de plus. Que peuvent faire les personnes bénéficiant de bourses censées s’arrêter à une période précise ? Que peuvent faire les personnes dont le permis de séjour se termine ? Vers qui peuvent se tourner les personnes dans l’incapacité de se payer une année académique de plus ? Que peuvent faire les personnes qui ont des enfants à charge et ne peuvent pas suivre les cours ? Comment cela se passe-t-il pour les personnes admises à titre conditionnel ? Que faire si l’un.e.x de nos proches, nous-mêmes ou nos enseignant.e.x.s tombons malades ?
De notre côté, nous allons continuer à jouer notre rôle de syndicat dans cette crise. Nous allons continuer à organiser et à défendre les intérêts collectifs de la communauté étudiante. Nous ne laisserons personne de côté.
[1]Rapport de gestion de 2018 de l’université : https://www.unige.ch/universite/rapport-de-gestion/, consulté le 26 mars 2020.
[2]Communiqué de l’Association du Corps Intermédiaire des Lettres, 17 mars 2020
[3]La Tribune de Genève, 7 janvier 2020. https://www.tdg.ch/geneve/actu-genevoise/burnout-serie-chercheurs-genevois/story/10365762, consulté le 26 mars 2020.