La CUAE se positionne contre la RFFA

La réforme fiscale et financement de l’AVS (RFFA) se place dans la lignée des projets de la troisième réforme de l’imposition des entreprises (RIE III) et de la réforme Prévoyance vieillesse 2020), toutes deux rejetés en 2017.

Selon ses défenseureuses, elle vise à maintenir l’attrait et la compétitivité de la Suisse, tout en augmentant les recettes de l’AVS. « Mais ce qui n’est pas dit derrière cette langue de bois politicienne c’est que la RFFA vise à baisser massivement l’imposition des bénéfices des entreprises, ceci alors que la plupart des PME ne voient pas leur bénéfice imposé car il n’est pas « suffisamment élevé ». Ce sont donc principalement les multinationales et leurs actionnaires qui bénéficieraient de la RFFA », explique Aven, membre de la CUAE.

Actuellement, le taux d’imposition des entreprises en Suisse est déjà un des plus bas d’Europe. Si la RFFA est acceptée, le taux d’imposition moyen à Genève chuterait de 24,2% à 13,99%[1]. A titre de comparaison, le taux de taxation français est de 34,4% et de 31% en Allemagne[2].

Cette mesure serait en outre complétée par une série de mécanismes qui permettraient de soustraire jusqu’à 70% du bénéfice (comme par exemple des déductions pour les dépenses de recherche et de développement).

« La Suisse pratique donc déjà le dumping fiscal et n’a pas besoin d’augmenter sa « compétitivité ». Si la RFFA est acceptée, cela renforcerait le rôle d’échappatoire fiscal de la Suisse. On assisterait à une race to the bottom poussant les entreprises à délocaliser leurs sièges pour échapper aux impôts de leur pays d’origine. Dans une perspective de solidarité internationale, nous trouvons injuste de soutenir cette réforme » ajoute Gahla, co-secrétaire permanente de la CUAE.

 

Il est difficile de prévoir combien la RFFA coûterait, mais on l’estime à plus de 4 milliards de francs de pertes fiscales chaque année pour les collectivités publiques. Ce qui est certain, c’est qu’elle entraînerait des plans d’austérité brutaux tout en permettant aux entreprises de faire toujours plus de bénéfices. « Il n’est pas possible de soutenir le mythe du ruissellement quand on voit la qualité des services publics se dégrader au fur et à mesure que les grandes entreprises accèdent à des avantages fiscaux » rappelle Sébastien, membre du comité de la CUAE.

La baisse d’imposition signifierait également une diminution des recettes fiscales qui devrait être compensée ailleurs. La RFFA ne permettrait pas non plus de freiner la volonté du patronat ni de la droite d’augmenter l’âge de la retraite si la réforme passe. Car le Conseil fédéral vient de déposer un projet de réforme de l’AVS centré sur la hausse de l’âge de la retraite des femmes* à 65 ans. De plus, un plan d’augmentation de la TVA est pensé. A nouveau, ce sera à nous de payer les cadeaux fiscaux faits aux entreprises.

Si ce projet est accepté, les services publics seraient touchés de plein fouet à travers des coupes budgétaires. Le budget de l’éducation, déjà sous pression, se verrait directement affecté. Les conséquences concrètes de cette diminution des fonds se feraient vite sentir. La réduction des prestations de l’enseignement et de la formation engendrerait un moins bon suivi des personnes en formation, il y aura plus d’étudiant.x.s pour moins de professeureuses, de plus grands amphithéâtres, moins de contrats d’assistanat. « Une fois encore, les étudiant.e.x.s et personnes en formation sont menacé.e.x.s par une possible augmentation des taxes qui limitent pourtant déjà l’accès aux études », ajoute Leonhard, co-secrétaire permanent de la CUAE.

Une telle réforme rendrait l’Université encore plus dépendante du secteur privé, pourtant déjà bien présent dans la formation et dans l’éducation. Certains savoirs et formations seront ainsi valorisées au détriment d’autres. « Cette dépendance, contribue, via les partenariats public/privé au développement d’un savoir marchand, ceci contrairement à celui qui permettrait de questionner et de repenser les structures au vu des crises climatique, économique et sociale » note Hélène, membre de la CUAE.

 

Le Comité de la CUAE estime donc qu’il est primordial de lutter contre cette arnaque fiscale dont les effets concrets se feraient durement ressentir.

 

 

[1] République et canton de Genève, « Taux unique d’imposition du bénéfice de 13,99% », https://www.ge.ch/dossier/reforme-imposition-entreprises/taux-unique-imposition-du-benefice-1399

[2] Commission européenne, Rapport 2019 « Effective Tax Levels Using the Devereux/Griffith Methodology », https://ec.europa.eu/taxation_customs/sites/taxation/files/docs/body/etr_company_tax.pdf