Manifeste du groupe genevois autonome « Education is NOT for $A£€ »

Le 22 octobre 2009, en occupant l’Académie des Beaux-Arts de Vienne, les étudiant-e-s autrichien-ne-s ont renforcé un mouvement de protestation international. En Autriche, ce mouvement s’est propagé à d’autres établissements d’études autrichiens dont les université de Vienne, Graz et Linz. Le mouvement continue encore et toujours à l’heure actuelle ! Au total, plusieurs milliers d’étudiant-e-s ont décidé de dire « NON ! » aux nouvelles réformes qu’entreprennent les différents rectorats.

Depuis le début des événements autrichiens, le mouvement étudiant international qui regroupe 70 groupes dans 30 pays différents, des États-Unis au Bangladesh, en passant par l’Italie, le Népal ou la Macédoine s’est renforcé. Ces différents groupes régionaux, tous unis pour une même cause – la lutte contre la marchandisation et la privatisation des études et pour un accès plus démocratique à l’université – se sont formés de manière spontanée et autonome. Ils ont mis sur pied une semaine d’action internationale du 9 au 18 novembre, qui a débuté avec le Warm-up day of United Action du 5 novembre, journée destinée à informer le public sur les différentes actions potentielles des semaines à venir.

Ce mouvement international lutte contre la marchandisation progressive des études supérieures et ses effets néfastes. En effet, l’introduction récente des réformes de Bologne vise à calquer l’organisation des études universitaires sur un modèle anglo-saxon. Ce modèle tend à mettre le savoir en concurrence, il permet au secteur privé d’avoir la main mise sur la recherche et il limite l’accès aux études par des stratégies de sélections élitistes. Ainsi c’est à la fois les conditions d’accès aux études et la qualité de ces dernières qui sont de plus en plus dégradées.

Ce phénomène peut être illustré par les différents classements d’universités, notamment celui de ShanghaÏ. Ce dernier est fondé sur des critères de compétitivité, tels le nombre de Prix Nobel obtenu par des chercheurs de l’université, le nombre d’articles publiés ou encore le nombre de citations obtenues. Il s’agit de critères purement quantitatifs. Il est aberrant d’évaluer la qualité d’une institution universitaire sur la base de ces seuls chiffres.

Genève connait aussi ses réformes. Avec l’introduction de la nouvelle Loi sur l’Université, et la réforme de Bologne déjà mise sur pied depuis plusieurs années, un changement certain des conditions d’études est en cours. Les exemples sont nombreux :

Au niveau de la démocratie universitaire, les organes participatifs, derniers lieux institutionnels où les étudiant-e-s avaient encore une voix consultative, ont progressivement disparus. De plus, l’adoption d’un nouveau règlement d’études en faculté de sciences économiques et sociales, ou tout simplement des changements de plans d’études, sont décidés sans consultation des principaux intéressées, c’est à dire les étudiant-e-s.

Au niveau des questions économiques, l’ouverture du financement de l’institution ou de recherches à des fonds privés engendre automatiquement une dépendance au milieu industriel qui implique l’adhésion à une logique de maximisation de profits. Pour des raisons de rationalisation économique, ou simplement parce que « c’est la vie ! », comme l’explique Charles Beer [1], les réformes menacent de supprimer certaines filières. C’est le cas du Département d’histoire économique et sociale dont la qualité de l’enseignement et de la recherche n’est pourtant pas mise en cause.

De plus, notamment en raison de la semestrialisation des enseignements et des modifications du calendrier académique, la qualité de l’encadrement des étudiants diminue. Les conditions de réussite deviennent de plus en plus sélectives, alors que les capacités d’enseignement ne sont pas augmentées par l’engagement de plus d’assistant-e-s ou de professeur-e-s. Finalement, les propositions du politique d’augmenter les taxes universitaires risquent de rendre inaccessibles les études à une tranche de la population déjà marginalisée par le nombre trop restreint de bourses et leur mauvaise redistribution et pourraient pousser les étudiants à un endettement précoce qui aurait comme conséquence une forme d’esclavagisme moderne à la sortie des études.

Face à cette situation, le groupe genevois autonome « Education is NOT for $A£€ », formé de manière spontanée face à l’évolution négative de la qualité des études de l’université de Genève et en solidarité aux étudiant-e-s viennois-e-s, revendique les points suivants :

Pour la gratuité des études !

Contre la fermeture des filières !

Pour une augmentation des bourses et un accès facilité !

Pour un enseignement et une recherche indépendants !

Contre la détérioration de l’encadrement des études !

Pour plus de logements étudiants !

Pour une codécision dans l’élaboration des cursus et la nomination des enseignant-e-s !

Pour des meilleures conditions de travail du personnel !

Pour des organes décisionnels paritaires avec un réel pouvoir (1 étudiant-e = 1 professeur-e)

Étudiant-e-s, face à la « privatisation » de l’université disons tou-te-s NON et luttons pour une université véritablement démocratique

[1] ARMANIOS, R. « Charles Beer, un obsédé de l’objectif », Le Courrier, 27 octobre 2009.