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Retour sur l’occupation du Marx café

Lors du semestre d’automne 2021, une mobilisation marquante a été menée à l’UNIGE afin d’exiger le retour des repas à 3 CHF dans les cafétérias universitaires. Après leur suppression, un retour “à la normale” n’était pas une option envisageable pour nous. Cette mobilisation a atteint son paroxysme lorsqu’on, la CUAE, a occupé l’une des cafétérias d’Uni-mail. Ironie de l’histoire, l’espace qu’on a occupé jour et nuit pendant deux semaines porte le nom de “Marx Café”. L’occupation sans faim a été un événement fort dans l’histoire récente du syndicat étudiant et a été un tournant dans les luttes qu’on mène. Ce texte revient sur cette action majeure du semestre d’automne 2021 afin de retracer le déroulement des événements, d’illustrer que la mobilisation contre la précarité dépasse largement l’occupation, et d’offrir des pistes de réflexion quant à la portée d’une telle mobilisation – et la suite.

Petit historique
Depuis sa création en 1971, la CUAE lutte contre la précarité. En 2002, pour lutter contre le manque de logement pour les personnes en formation, elle occupe un hôtel aux Pâquis. En 2016, elle occupe le bureau du rectorat pour s’opposer au projet de mettre en place des frais d’inscription, et finit par faire plier les autorités universitaires.

En mai 2021, alors que le COVID ne cesse de toujours plus précariser les étudiant.e.x.s, la CUAE obtient la mise en place de repas à 3 CHF dans les cafétérias universitaires. Dès leur instauration, ces repas à bas prix ont littéralement changé la vie des étudiant.e.x.s, en témoignent les files d’attentes démesurées devant les cafétérias à l’heure du repas de midi. En pleine crise sanitaire, en pleine période de révisions et d’examens, cette mesure représentait une avancée significative dans la lutte contre la précarité estudiantine, une réalité de plus en plus tangible. Pourtant, à peine deux mois plus tard, cette offre est retirée.

Mais deux mois, c’était suffisant pour qu’on mette le pied dans la porte: les repas à 3 CHF avaient prouvé leur indiscutable nécessité et il était hors de question de les laisser disparaître. Les promesses vides de la part du rectorat et du conseil d’état étant de plus en plus insatisfaisantes. Lors de la rentrée de septembre 2021 les repas à 3CHF représentaient pour nous une mesure nécessaire pour faire face à la précarité et garantir des conditions d’étude dignes.

Alors, que faire ? Recommencer à payer au moins 8.90.- pour un repas complet, ou se mobiliser pour lutter pour nos droits ? Accepter docilement l’absence de politiques sociales, ou s’organiser collectivement pour porter une série de revendications menant à l’amélioration de la condition étudiante ? Les repas à 3CHF on les a obtenus, on ne les lâche plus !

Mais la question était donc : comment faire pour les récupérer ? Dès la rentrée, on s’est penché.e.x.s sur cette question. Dès septembre, lors de réunions avec des membres du rectorat, nous avons tenté, en vain, de créer des propositions concrètes pour les repas à 3CHF. En octobre, le comité de la CUAE a recommencé à écrire, publier et distribuer régulièrement les nouveaux numéros des “3 CHF critiques”, le petit journal éphémère des étudiant.e.x.s précaires. Le premier exemplaire, paru en mai, s’était intitulé “Eh mercé les caf’ ” et proposait une analyse critique de la mise en place des repas à 3CHF dans les cafétérias universitaires.

Celui-ci a été distribué dès la mise en place des repas. Après une pause estivale, la rédaction s’est remise à la plume pour écrire les numéros suivants du journal, qui se sont enchaînés toutes les deux semaines.

En parallèle, deux motions en faveur du retour des repas à 3CHF ont été adoptées lors de l’assemblée générale et l’assemblée des délégué.e.x.s de la CUAE. Celles-ci se positionnaient en faveur du retour des repas à 3CHF et d’un modèle radicalement différent de la restauration universitaire, chargeant le comité de la CUAE de mettre en œuvre tous les moyens qu’il jugeait nécessaire pour y parvenir.

Le travail de politique universitaire ne se limite pas aux salles de cours ou de réunion. Bien au contraire ! La politique institutionnelle a de bien trop grandes lacunes pour qu’on la laisse prendre nos assiettes en main. Preuve des limites du parlementarisme : pendant l’été 2021, une motion proposée par le parti socialiste a été adoptée par le grand conseil genevois (et donc légitimée par l’organe législatif cantonal!). Celle-ci invitait le conseil d’état à financer les repas à 3 CHF pour l’année académique 21-22. Mais surprise ! Cela n’a servi à rien car le DIP, en la personne d’Anne Emery-Torracinta – pourtant socialiste – a refusé de mettre en place une aide “qui couterait trop cher” et qui “arroserait tou[.te.x.]s les étudiant[.e.x.]s”. Encore une fois, les partis bourgeois nous rappelaient qu’on ne pouvait pas compter sur eux.Le rectorat, c’est à peu près pareil. On a beau aller les voir et leur demander de mettre en place des solutions à des problèmes dont tout le monde reconnait l’existence et l’importance, rien n’est mis en place pour lutter contre ces problèmes. Rien à faire, il fallait trouver autre chose pour qu’on soit considéré.e.x.

C’est ainsi que nous nous sommes mis.e.x.s au boulot: les deux derniers mardis d’octobre, on a organisé des bouffes pop prix libre sur le parvis d’uni mail. Ces repas étaient un succès: beaucoup de monde est venu manger (nous estimons à 200 assiettes servies la première fois et plus de 300 la seconde), plusieurs discours ont été prononcés et la presse a commencé à s’intéresser à la thématique de la précarité alimentaire.

On nous reproche souvent de ne pas être suffisamment ouvert.e.x.s au dialogue avec “les autorités”. Mais rappelons peut-être que lorsqu’on les invitait nominativement à nos bouffes pop’ pour qu’on puisse leur poser nos questions, aussi bien les membres de l’équipe rectorale qu’Anne Emery-Torracinta n’ont pas daigné venir. Il leur était sûrement plus facile de brasser du vent dans des réponses écrites par mail qu’à l’oral face à nous !La question des repas à prix abordable n’était plus négociable. La problématique de la précarité étudiante devait impérativement être traitée. Les repas à 3CHF devaient revenir !

Ainsi, au cours des deux semaines, de plus en plus de personnes ont commencé à s’impliquer dans l’organisation du mouvement: nous étions plus nombreux.se.s à cuisiner, à déplacer les canaps, à servir les repas, à faire la vaisselle… Et c’est grâce aux étudiant.e.x.s et bien d’autres qui ont décidé de s’impliquer et de faire face de manière collective à la précarité que les mobilisations ont pu être menées.

Ça s’accélère 
Ainsi, nous arrivons au 2 novembre. Au moment où on est rentré.e.x dans la caf avec la ferme ambition d’y rester, on avait plusieurs revendications:

  • le retour des repas à 3 CHF tout de suite, pour tout le monde et pour toujours
  • un modèle de cafétérias radicalement différent : des repas à prix libre, une réelle implication de la communauté étudiante dans la gestion des cafs et tout ça en garantissant les conditions d’emploi du personnel y travaillant alors
  • un soutien financier de la part de l’UNIGE à La Farce, une épicerie étudiante gratuite
  • une semaine de révision au semestre de printemps dans toutes les facultés

Le plan était donc d’élire domicile à la cafétéria le temps qu’il fallait pour que nos exigences soient entendues. Au cours de cette période, nous voulions faire régner un modèle de restauration alternatif qui soit inclusif et convivial. Nous voulions faire vivre, bien au-delà des heures de repas, un lieu qu’on a toujours connu froid et austère. En réalité, cette expérience était inédite pour la plupart d’entre nous et l’apprentissage collectif a pris la forme d’une improvisation plus ou moins de A à Z. 

Pendant deux semaines, entre le 2 et le 16 novembre, on a été au four et au moulin pour assurer le bon déroulement de cette occup. Il y avait de multiples réalités à prendre en compte : entre 600 et 800 repas de midi à préparer quotidiennement, des négociations à mener, une accessibilité de la lutte à touxtes à assurer, un lieu à maintenir propre et accueillant, des conflits internes à gérer, une visibilité médiatique à entretenir, etc. Et tout ça a dû se mettre en place assez rapidement sous réserve de nuire à la mobilisation et aux résultats qu’on visait.

Peut-être qu’on peut commencer par raconter la prise des lieux pour bien poser le décor. On avait annoncé la fameuse “grosse surprise” qui allait avoir lieu le 2 novembre dès 10h30, juste avant une troisième bouffe pop’. Malgré les efforts de mobilisation des semaines précédentes, nous étions moins que prévu et l’option de juste faire marche arrière et de ne même pas tenter de rentrer trottait dans la tête de certain.e.x.s d’entre nous. Mais finalement, on a décidé de foncer et bien nous en a pris !

Alors que l’une de nous haranguait les étudiant.e.x.s au milieu d’uni mail avec un discours, d’autres prenaient des grilles d’exposition de l’université. Quelle ne fut pas la stupeur des employé.e.x.s de la cafétéria quand iels virent que les entrées et sorties du Marx café étaient soudain grillagées ou obstruées par des tables maintenues à l’aide de cordes et de gaffer. En même temps, le repas amoureusement préparé toute la journée de la veille (on avait même passé notre comité hebdomadaire à éplucher des patates douces) et cuit pendant toute la matinée était amené sur les lieux et posé sur des tables mises à l’arrache devant le comptoir. D’ailleurs, une table était largement branlante et ne tarda pas à céder sous le poids d’une de nos grosses marmites de ratatouille. Le nettoyage a été assez efficace et n’a pas entravé le service des premières assiettes qui commençait alors même que l’agitation provoquée par notre entreprise était à son apogée. Les premièr.e.x.s étudiant.e.x.s venu.e.x.s prendre leurs repas sont entré.e.x.s vers 11h30. La réaction des employé.e.x.s n’était pas unanime: certain.e.x.s avaient l’air plutôt de notre côté, d’autres nous injuriaient et menaçaient de “porter plainte” contre nous – ce qui n’a finalement pas été fait – et la plupart avaient surtout l’air de s’inquiéter de ce qu’il se passait. C’était quelque chose de difficile à gérer, et on aurait bien voulu que le contact se passe mieux avec elleux.

Il y avait également le patron des cafs d’uni mail, avec qui les relations sont restées tendues tout au long de l’occup, et les protectas qui étaient déboussolés par ce qu’ils voyaient. Ils ont tenté de nous convaincre de sortir tandis que certain.e.x.s d’entre nous menaient la négociation avec calme et fermeté. Mais tout ça ne changera rien au fait que la caf était à nous et qu’elle le resterait pendant plus de deux semaines !

Depuis, on appelle ce moment la “prise de la Bastille”. L’entrée dans la caf restera un moment fort, entre autres parce qu’on plongeait dans l’inconnu total et que tout allait tellement vite. Une fois que la bouffe pop à l’intérieur a été terminée et que l’adrénaline retombait un peu, on a pu se rendre compte que le lieu était immense et qu’on pouvait y faire des choses très diversifiées, qu’il fallait simplement définir collectivement. 

La routine
Une routine s’est très vite installée dans la caf’. Dès le premier jour en fait. Souvent, les dernièr.e.x.s à se coucher étaient également les premièr.e.x.s à se réveiller. En effet, celleux qui finissaient la soirée tard s’endormaient souvent dans la “partie comptoir”. Mais c’est aussi cette partie qu’on ouvrait le matin pour servir le petit-déjeuner et accueillir les personnes dès qu’uni mail ouvrait ses portes. A ce moment-là, on installait les tables avec le petit-déjeuner (pain, confitures et cie) et on passait un petit coup de ménage. Au fur et à mesure que les personnes se levaient, on pouvait commencer à couper les légumes pour préparer le repas de midi. A chaque fois, les repas qu’on préparait étaient végétariens et il y avait au moins une option végane et une option sans gluten pour celleux qui le désiraient. En plus de cela, au cours des deux semaines d’occupation, on a fait preuve de suffisamment d’inventivité et d’originalité pour qu’il n’y ait pas deux plats identiques. Généralement, on commençait la préparation vers 8h. On coupait les légumes et les fruits dans la caf ou dans le hall d’uni mail, assez visible pour que tout le monde puisse nous rejoindre. Puisqu’on avait pas la possibilité d’utiliser le matos de la cuisine professionnelle de la caf, on avait pas assez de plaques pour faire 600-800 repas et on faisait mijoter les plats dans pléthore de casseroles réparties dans les cuisines des membres de la CUAE qui étaient à proximité d’uni mail.

Ainsi, l’acheminement des repas était également quelque chose auquel il fallait veiller et il n’était pas rare de voir des caddies remplis de casseroles arriver en trombe dans la caf. D’habitude, on commençait le service vers 11h30 et celui-ci s’étendait jusqu’à 14h-14h30.

En plus des repas qu’on servait, il y avait en permanence une machine à café mise à disposition de tou.te.x.s à prix libre. Ainsi que, la plupart du temps, un grand stock de smoothies récupérés. Le moins qu’on puisse dire c’est qu’aussi bien les cafés que les smoothies ont eu un franc succès.
Un enjeu auquel on ne pense pas forcément directement avec toutes ces bouffes pop, c’est la vaisselle. Au début, tout le monde laissait sa vaisselle sale dans un caddie et on lavait tout nous-mêmes à la main, parce que les lave-vaisselles de la caf’ avaient été débranchés pour qu’on ne puisse pas les utiliser. C’était beaucoup de travail (vous avez déjà essayé de laver 800 assiettes?) et ça instaurait une dynamique où les personnes qui venaient manger étaient “servies”, alors qu’on voulait justement instaurer une participation étudiante plus générale pour dépasser les rapports marchands auxquels on est habitué.e.x.s. Du coup, on a tenté de mettre en place une vaisselle auto-gérée dans l’espace central de la salle du fond de la caf’.

Ça a pris du temps: au début, on avait quelques bacs qui faisaient office de stations de lavage, rinçage et séchage. Il fallait expliquer à chaque personne qui venait qu’on l’encourageait à faire sa propre vaisselle si elle en avait le temps. Mais au fil des jours, ça commençait à rouler plus fluidement, preuve que l’autogestion peut marcher. Les gens étaient plus impliqué.e.x.s et prenaient l’habitude de laver leur assiette et même celle des autres ; bientôt, on avait 5 stations de vaisselle en même temps et parfois, on avait juste besoin de jeter un œil de temps en temps à ce qui se passait. Ça prouve encore une fois qu’un système de restauration émancipé de la dichotomie client.e.x-serveur.euse.x est loin d’être utopique.

Il y avait aussi très régulièrement d’autres sollicitations auxquelles on devait répondre, comme des médias qui débarquaient, des personnes qui venaient nous poser des questions ou juste nous engueuler parce que ce qu’on faisait ne leur plaisait pas. Tout ça pour dire que les matinées et les débuts d’après-midi étaient chargés. Mais souvent les fins d’après-midi et les soirées l’étaient tout autant. Quand on arrivait gentiment à la fin du service, on se laissait un moment pour manger et souffler un peu. Mais pas trop longtemps.

Après la fin du service de midi, on enchaînait avec les plénières qui avaient lieu chaque jour. L’heure à laquelle la prochaine aurait lieu était indiquée sur un tableau blanc à l’entrée de la cafétéria (même si ça arrivait régulièrement qu’on ait du retard — beaucoup parfois). Tout le monde y était le.a bienvenu.e.x. Souvent on se posait dans les canapés qu’on avait ramenés dès le premier jour. Ils étaient disposés en cercle autour du tableau blanc que nous utilisions pour marquer toutes les informations nécessaires (ordre du jour, répartitions des tâches, listes de courses, …). Tout au long de l’occup, nous avons pris les décisions par consensus.

Les plénières, bien que très riches et indéniablement nécessaires, pouvaient aussi être longues et désorganisées.

Les points à l’ordre du jour étaient très diversifiés. Ça allait du menu prévu pour le lendemain aux dernières informations qu’on avait de la part du rectorat et quelle devait être notre réponse en passant par des débats plus profonds sur le rôle du syndicalisme classique (qui, nous le rappelons, est mou et collabo) dans les luttes étudiantes. Mais aussi de la gestion de conflits très concrets qu’on observait dans la cafétéria ou de savoir si on allait occuper la deuxième cafétéria d’uni mail ou pas et, le cas échéant, comment on s’y prenait. Finalement, on a décidé de ne pas le faire. Bref, quand c’était possible, les décisions importantes, qu’elles soient stratégiques ou organisationnelles, passaient par les plénières. Mais d’autres fois, la situation ne permettait pas de passer par les plénières pour prendre certaines décisions. Notamment quand un problème se posait et qu’une solution devait être trouvée dans l’urgence. Ou alors quand elle impliquait des informations véritablement sensibles. Dans ce cas, on se réunissait moins formellement entre les personnes qui étaient quotidiennement impliqué.e.x.s dans l’occup’.

Il nous arrivait souvent de finir les plénières assez tard. Ainsi, souvent, les personnes qui allaient faire les courses devaient partir avant la fin. Et quand on finissait pas aussi tard, elles devaient partir dès que la réunion était finie pour avoir le temps de faire les courses avant que les magasins ferment. Au tout début on faisait les courses avec l’argent de la CUAE. Mais assez vite, les courses ont été amorties par le prix libre et, dès le troisième jour, nous faisions les courses avec le prix libre de la veille. En fait c’était presque un modèle d’affaire compétitif ;).

Ces courses constituaient la base de ce qu’on servait pour les repas mais on fonctionnait aussi pas mal en faisant des récups. Il n’était pas rare que des personnes prêtent la voiture de leurs parents pour faire le tour des bons plans récup de Genève. On a aussi profité d’être à deux pas du marché de Plainpalais pour demander les invendus aux maréchèr.e.x.s. Certaines fois, on revenait quasiment les mains vides alors que d’autres fois, on pouvait remplir plusieurs caddies entiers.

Avec tout ça, on oubliait presque de se nourrir le soir. Mais il y avait tout le temps quelqu’un.e.x pour nous le rappeler. Quand il en restait, on mangeait les restes du repas de midi. Sinon, on faisait des plats qui ne demandaient pas trop de mains et d’efforts. Les repas du soir étaient des moments très conviviaux – parfois à beaucoup et parfois en (très) petit comité. Mais à chaque fois on installait une seule et longue table. C’étaient de super moments pour avoir des discussions plus informelles et pour échanger sur des sujets, qu’ils soient politiques ou non. Mais les soirées n’étaient pas tout le temps un moment de détente parce qu’il restait toujours quelque chose à faire et il n’était pas rare qu’on reste debout jusqu’à très tard pour finir d’écrire un texte à publier sur nos réseaux ou sur renverse.co.

La réappropriation des lieux occupait elle aussi une partie du temps qu’il nous restait. Un groupe de travail a même été créé dans ce but. Des plantes ont été amenés, des tableaux recouverts de couleurs, des canapés disposés de manière accueillante et confortable. L’extérieur n’a pas été en reste non plus! Nous avons tout.e.x.s pu constater l’apparition d’une “terrasse” dans le hall d’uni-mail où il était possible de manger. Bref, nous voulions nous éloigner de ces lieux aseptisés qu’on nous a toujours proposé jusqu’alors pour enfin en avoir un qui nous ressemble. Un bel endroit où chacun.e.x pourrait apporter sa touche personnelle.

Une plante aux nombreuses racines
Cette occupation a aussi beaucoup fait parler d’elle à Genève et dans ses environs. On a reçu un grand nombre de retours positifs et il y a également beaucoup de personnes et de collectifs qui sont venus sur place pour nous rendre de grands services.

Ainsi, assez vite, certaines tâches étaient prises en charge par des personnes externes à la CUAE, ce qui nous déchargeait vraiment beaucoup. Les services qu’on nous a rendus étaient de plus ou moins grande ampleur mais ils ont tous été appréciés à leur juste valeur.

C’était la cantine du Silure qui venait faire à manger un midi. C’était le collectif Frites qui s’installait à l’entrée d’uni mail pour faire des frites. C’était le Nadir qui s’arrêtait totalement de fonctionner pour venir en aide à l’occup’ et qui nous prêta tout son mobilier et ses forces. C’était la Julienne qui faisait des repas avec sa cuisine transportable. C’était Semance de pays qui nous donnait des courges fraîchement récoltées. C’était le restaurant “Le portugais” qui nous filait ses casseroles. C’était le réseau d’appartements de Plainpalais qui nous ouvrait ses portes pour y faire à manger. C’était des cuisiniers qui venaient nous expliquer comment utiliser les différents accessoires des cuisines professionnelles. C’était Momo qui cuisinait des repas marocains en totale indépendance pour plusieurs centaines de personnes. Et c’était aussi bien d’autres choses.
Vous l’avez compris, cette mobilisation a été possible grâce à une constellation de services rendus par un grand nombre de personnes. Mais la caf occupée a aussi pu être un lieu de rencontre et où des activités chouettes pouvaient se dérouler. Le Silure a eu l’occasion d’y animer son infokiosque. Plusieurs séances de peinture de banderoles ont pu s’y tenir.

La cafétéria était vaste et certaines parties étaient tout à fait propices à des réunions ou des activités de groupe. Par exemple, les cafés solidaires (des associations étudiantes qui échangent avec des personnes réfugiées, tous les mercredis matins) y ont trouvé un cadre idéal. Le GT genre de la CUAE a aussi eu l’occasion d’y tenir une réunion. Et bien évidemment, le comité hebdomadaire de la CUAE a eu lieu au fond de la caf, la veille du jour où on a tout nettoyé et quitté les lieux. 

Négociations avec le rectorat: une brève chronologie
L’occupation de la caf’, même si elle a pris beaucoup d’ampleur et a donné lieu à beaucoup de choses imprévues, était à la base un moyen de pression pour forcer le rectorat à nous donner ce qu’on revendiquait. Si on a décidé d’occuper, c’est parce que les négociations avec les autorités universitaires ne menaient nulle part. Le plan initial était de faire pression sur le rectorat en empêchant le prestataire privé, Novae, de tourner. Le rectorat devait à son tour entrer en discussion sérieuse avec ses partenaires (que ce soit le conseil d’état ou des entreprises/fondations privées) afin que celles-ci débloquent des fonds pour lutter contre la précarité alimentaire.Ça a plutôt marché, dans le sens qu’au moins, d’un coup, on nous écoutait. Le rectorat a essayé de la jouer ami-ami avec nous, il nous a bien fait comprendre qu’il était déçu qu’on brise le rapport de confiance qui nous liait à lui et nous a menacé.e.x.s à demi-mot, mais au moins, le dialogue pouvait être constructif parce qu’on avait réussi à imposer un petit rapport de force. Dès le premier jour – presque dès la première heure – il est venu nous voir pour discuter. La situation était assez comique: deux d’entre nous négociaient tant bien que mal avec la délégation rectorale tandis que le reste d’entre nous n’entendait rien et les entouraient passivement en portant une banderole. Pour celleux-là, il était difficile de ne pas rigoler devant le ridicule des petits chefs de l’uni. En plus, on voyait qu’au même moment, à côté de nous, tout le monde s’agitait pour s’assurer du bon déroulement du service. Un point positif tout de même à cette première entrevue : il était désormais clair que la police n’interviendrait pas pour nous virer. On s’en doutait pas mal mais la confirmation nous a rassuré.e.x.s et on a pu sérieusement se projeter dans une lutte qui était là pour durer, au moins un petit peu. Le rectorat avait compris qu’on allait pas bouger. Leur stratégie a alors été d’insister sur la sécurité: c’est dangereux de rester dans l’uni la nuit, il faut tout encadrer pour s’assurer qu’on ne se blesse pas, d’ailleurs ils ne tolèrent pas la violence et il y a eu une blessée durant la prise de la caf’ (une employée nous a balancé une table dessus qui a rebondi et l’a légèrement blessée), attention, il pourrait y avoir des suites pénales – leur paternalisme et leur fausse inquiétude se mêlaient assez souvent à des menaces. On a rapidement reçu une liste de conditions à respecter à tout prix si on voulait que notre occupation nocturne soit “tolérée”: limitation du nombre de personnes (30 personnes max), interdiction des allers-venues entre la caf’ et le reste du bâtiment pendant la nuit, non-consommation d’alcool et de drogues, absence de dispositifs sonores, interdiction d’aller dans les cuisines et derrière le comptoir, interdiction de dégrader le matériel. Au début, on était pas hyper au clair quant à ce qu’on devait faire ou pas: leurs exigences nous soûlaient et on avait pas envie de les laisser encadrer notre action pour la rendre la moins dérangeante possible. En même temps, on ne se rendait pas compte si on pouvait réellement désobéir sans conséquences. Finalement, on a tâté le terrain et tout s’est fait petit à petit.

Après ces premières discussions sur les modalités de l’occupation, ça a longtemps été le silence radio de la part du rectorat. Dès le lendemain, on est allé.e.x.s toquer pour avoir des nouvelles mais il y avait personne. Après deux jours, on a perdu patience et un petit groupe est de nouveau allé directement toquer à la porte de Flücki (et est entré sans même attendre sa réponse;)). Il y avait également Raboud et, pris au dépourvu, ils ont mis un petit moment avant de comprendre de quoi il s’agissait. Au début, ils avaient presque pas l’air de savoir qu’il y avait une occupation en cours. Mais après quelques minutes, ils ont mis le moulin à blabla en marche. Ils n’avaient simplement rien d’important à nous dire, mais ils ont quand même tenu à nous gratifier de leur définition de la démocratie et de comment notre action était fondamentalement anti-démocratique. On les a écoutés pendant près d’une heure (qu’est-ce que c’était long) et on était pas plus avancé.e.x.s. On savait seulement qu’ils allaient voir Torracinta le lundi d’après (5 jours plus tard). On était prévenu.e.x.s : ils jouaient la montre.

Pendant ce temps, l’occupation s’installait. De plus en plus de collectifs, internes ou externes à l’uni, soutenaient publiquement l’occupation (les revendications ET l’action) et il devenait de plus en plus dur pour le rectorat et le conseil d’état de simplement ignorer ce qu’on exigeait. 

Après leur réunion avec Torracinta, ils sont venus nous voir pour faire un retour. Ils lui avaient fait trois propositions : des repas à 5 chf pour tou.te.x.s les étudiant.e.x.s (de l’UNIGE et des HES-SO); des repas à 3 chf ciblés pour les étudiant.e.x.s éxonéré.e.x.s des taxes universitaires; des repas à 3chf ciblés pour les étudiant.e.x.s qui bénéficient d’aides financières. Une de ces trois propositions pourrait être mise en place jusqu’à la fin de l’année académique puisque dès le mois d’août 2022 des repas à 5 chf allaient de toute manière être fournis par le nouveau prestataire de la cafétéria. Le conseil d’état se réunissait mercredi 10 novembre et devait discuter de ces trois propositions. Le rectorat nous a également dit qu’il pourrait trouver des fonds ailleurs pour compléter les budgets débloqués par l’état.

On sentait de plus en plus le décalage entre la temporalité de notre lutte et la temporalité des négociations de parlementaires. On commençait donc à envisager d’autres options. L’une d’elle était d’augmenter la pression d’un cran en allant occuper le rectorat. C’est lorsqu’on discutait de cette option à la plénière du mercredi que le rectorat a débarqué pour nous anoncer à demi-mot que le conseil d’état allait mettre en place des repas à 5 chf, tout en nous mettant en garde qu’il ne fallait pas trop l’ébruiter au risque de mettre en péril leur mise en place.

Parallèlement à ces sombres négociations, on a décidé d’utiliser l’assemblée de l’université (AU), la vitrine démocratique de l’uni pour parvenir à nos fins. Nos infiltré.e.x.s avaient songé à soumettre au vote une motion demandant la mise en place de repas à 3 chf, l’internalisation des cafétérias d’uni mail et un soutien financier à La Farce à l’AU ce jour-là. Mais on n’était pas dans les délais. On s’est finalement retourné.e.x.s vers l’AU plus tard.

L’idée de ne pas faire trop trainer l’occupation et de choisir stratégiquement le moment où on quittait le lieu a été l’objet de longues discussions. Finalement, on a décidé de quitter la cafétéria au début de la semaine du 15 novembre. Dans cette optique, on a convoqué une réunion avec le rectorat le vendredi 12. L’idée de cette réunion était de voir où en étaient nos quatre revendications principales. On a obtenu des avancées et l’ouverture de chantiers. Mais toutes nos revendications n’ont pas été acceptées. Pour ce qui est du financement de La Farce, le rectorat nous a certifié qu’il aiderait l’épicerie mais qu’il voulait en parler directement avec leur comité. Des repas à 5 chf devaient être mis en place dès le 6 décembre, il ne restait plus que les modalités de financement qui restaient à définir. Le rectorat a également accepté de mettre en place deux groupes de travail : l’un sur l’accessibilité des espaces des cafétérias et l’usage que les étudiant.e.x.s pourraient en faire, l’autre sur la question de l’internalisation des services de restauration universitaire.

Toutes les bonnes choses ont une fin
On a donc passé un dernier week-end dans la caf. Celui-ci s’est conclu par une grande tablée fondue qui a réuni bon nombre de personnes qui avaient passé du temps dans la caf occupée. La soirée a ensuite virée sur une session jam.

Lundi était le dernier jour où on a servi de la nourriture à midi. Il nous tenait à coeur de marquer le coup. Ainsi, on a organisé une conférence de presse et on a prononcé un discours pour expliquer où les choses en étaient et pourquoi on quittait le lieu. On a également installé toutes les tables dans le hall d’uni mail. L’objectif était d’offrir un repas dans un cadre différent que les autres fois, plus convivial. Cela nous a égalemet permis de commencer à bien nettoyer l’intérieur de la cafétéria. En effet, on a encore récuré le lieu jusqu’au lendemain midi. Lundi soir était véritablement la dernière soirée qu’on a passée dans la caf et on l’a passée occupé.e.x.s par notre comité. Finalement, on est définitivement parti.e.x.s le mardi aux alentours de midi, après un état des lieux.

On n’était plus dans la cafétéria mais ce n’est pas pour autant que le travail s’arrêtait. Dès le soir-même, certaines associations remettaient en question notre mode d’action et notre représentativité de la population étudiante ; s’en suivit une remise en cause de notre position dans la vie associative universitaire. Les retours positifs restant toutefois majoritaires. Il y avait ce même jour, les premières réunions avec des associations qui étaient en faveur de notre occupation et qui envisageaient de s’en inspirer. Et puis, l’occupation avait permis l’ouverture de chantiers qu’il fallait à présent prendre en main, sans quoi tous les bienfaits de l’occupation du marx café pourraient retomber.

Depuis la sortie de la cafétéria, le travail qu’on fait est beaucoup moins glamour. C’est beaucoup de réunions, souvent longues et pénibles. C’est essayer de convaincre. C’est trouver des soutiens là où on peut. C’est être soumis.e.x.s à des temporalités qu’on ne maîtrise pas. C’est aussi du travail de parlementariste.

Par exemple, on a rédigé une motion soutenant l’internalisation avant de préparer le terrain et de la soumettre au vote à l’AU. Celle-ci a été largement approuvée avec 17 oui pour 8 non et 9 abstentions.

Et aujourd’hui, on en est où ?
Depuis le 6 décembre, les étudiant.e.x.s de l’uni, de l’IHEID et des HES-SO bénéficient de repas à 5 chf dans les cafs universitaires. Ces repas ont un grand succès auprès des étudiant.e.x.s. Les deux GT qui ont été créés pour parler de la gestion des cafs – l’un à court terme, l’autre pour réfléchir au modèle des cafétérias à moyen-long terme – sont actifs. C’est pas pour autant qu’ils sont efficaces. Ils se renvoient constamment la balle et s’attardent sur des points de moindre importance au détriment de points cruciaux. Ils remettent en cause des choix déjà actés, ce qui nous empêche de véritablement avancer de réunion en réunion. La CUAE est toujours bien active dans ces GT et met tout en œuvre pour qu’ils ne restent pas de simples commissions bureaucratiques.

Bien que la vice-rectrice se soit engagée à soutenir financièrement La Farce à la mi-novembre, le soutien se fait toujours douloureusement attendre. On se demande même si le rectorat n’est pas en train de changer de plan. C’est évidemment un dossier qu’on va suivre de très près au cours des prochaines semaines. Une chose est sûre : on va pas lâcher le rectorat là-dessus.

Bilan
Cette courte période de deux semaines a été très intense et a beaucoup enrichi la CUAE. De toute évidence, elle a nourri beaucoup de discussions et de réflexions au cours des deux semaines d’occupation. Il y avait énormément de choses auxquelles on n’avait pas pensé au moment d’entrer dans la cafétéria. En témoigne la façon avec laquelle nos revendications et notre discours ont évolué concernant les conditions de travail du personnel des cafétérias ou l’importance qu’a pris la thématique de l’internalisation au cours de l’action.

Cette action est indéniablement une étape marquante du passage à la CUAE pour chacun.e.x d’entre nous. Cependant, on en garde pas tou.te.x.s des souvenirs semblables et on y associe des significations différentes. Au sein du comité, quand on creuse un petit peu, on se rend compte qu’on n’est pas d’accord sur pas mal de point qui concernent cette occupation et sa portée.

Évidemment, il est difficile d’avoir un regard réellement objectif sur une lutte qui est aussi récente mais surtout sur une action dans laquelle on s’est très intensément impliqué.e.x. Ainsi, quand on pense à l’occup de la caf on doit forcément composer avec une forme d’idéalisation et une attache émotionnelle forte.

La question autour de laquelle se sont cristallisées beaucoup de discussions depuis le 16 novembre est celle de savoir si on considère l’occupation comme une victoire ou non. C’est une question toute bête en apparence mais dans laquelle s’entremêlent beaucoup de réflexions sur le sens de nos luttes et leur efficacité.

Par exemple, on parle souvent d’organisation collective. Pour certain.e.x.s d’entre nous, l’occupation de la caf était une occasion privilégiée pour expérimenter de nouvelles formes d’organisation collective. Laisser la possibilité à de nouvelles personnes d’intégrer pleinement l’occupation et sa gestion stratégique et politique devenait un des objectifs de cette mobilisation. Alors que d’autres considèrent que l’occupation était un moment de forte charge de travail (souvent fait dans l’urgence) et que l’environnement n’était pas propice pour fournir un effort supplémentaire (dont l’importance n’est en aucun cas relativisée) afin de rendre nos luttes accessibles.

De manière plus abstraite, ces discussions nous poussent à réfléchir aux rapports entre les moyens et les buts de nos luttes. Les moyens et les buts sont-ils indissociables, se complètent-ils mutuellement ? Les moyens (par exemple l’organisation collective) sont-ils une fin en soi ? Ou alors sont-ils uniquement et simplement au service des fins ? Les moyens sont-ils compris dans les fins ? A la CUAE, le débat reste ouvert!
Si ces discussions sur la portée et le sens de l’occup sont très enrichissantes, elles sont également là pour nous rappeler que la CUAE n’est pas une organisation idéologiquement homogène. C’est sans doute une de ses faiblesses mais c’est également une de ses grandes forces.

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Regard critique n°51

Le dernier numéro du journal du comité est sorti!

Il est disponible en version papier au bureau de la CUAE et dans les caissettes à journaux rouges dans les bâtiments de l’Unige, ici en version pdf :

Regard critique n° 51 – pdf

Au sommaire : dossier sur le néolibéralisme à l’unige ; retour sur l’occupation de la cafétéria ; mixité choisie ; retour sur la pandémie ; mot croisé et bien plus encore.

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Réaction de la CUAE face à la levée des mesures sanitaires à l’UNIGE

Pourquoi s’attarder maintenant à faire l’évaluation d’une pandémie qui donne l’impression de lentement être derrière nous? Il y a peu, nous avons expérimenté la levée des mesures sanitaires avec son lot de grands changements qui y sont liés. Ainsi, il nous semble important de réagir à cette période charnière que nous vivons et émettre un regard critique sur celle-ci.


Ces deux dernières années, nous pouvons toutexs dire que nos quotidiens ont été bouleversés. En effet, nous avons dû intégrer la variable covid dans nos habitudes. Ainsi, elle s’est très vite imposée sous la forme de gestes barrières et de mesures sanitaires et leurs multiples formes. Après le semi-confinement, les quarantaines, les cas contacts, la désinfection, les masques et les checks de coudes, nous arrivons dans une nouvelle période, celle de la levée des mesures. Cette période, ce fameux “retour à la normale”, nous l’attendions toutexs. Pourtant, maintenant que nous y sommes, que faut-il en penser, comment le vivons-nous et surtout qu’est ce que cette pandémie nous a appris?


Tout d’abord, ces deux années ont mis en lumière le type de réponse que nos sociétés sont en mesure d’apporter face à une pandémie de cette envergure. Ces réponses influencées par les logiques capitalistes ont par ailleurs vite montré leurs limites et  contradictions face aux recommendations sanitaires des scientifiques. En effet, alors que tout le monde s’entendait sur la nécessité d’atteindre une immunité collective, nous avons pu voir les lobby de la pharma s’opposer à la levée des brevets des vaccins et ce, jusqu’à ce jour. Ainsi, alors que certains pays commençaient déjà leurs campagnes vaccinales pour une deuxième dose, certains pays parmi les moins favorisés, n’avaient toujours pas accès au moindre vaccin pour leur population. Certains scandales ont ainsi éclaté, révélant des enveloppes conséquentes proposées par des pays occidentaux pour obtenir des passes-droits sur les doses disponibles. Comme quoi, la théorie du ruissellement se retrouve partout et ne fonctionne nulle part.
L’économie a ainsi façonné nombre des mesures sanitaires qui nous ont été présentées. Or, nous pensons qu’il faut plutôt des mesures sociales pour protéger les personnes les plus vulnérabilisées face aux fluctuations de l’économie. Cependant, les mesures sanitaires qui en résultent sont à prendre en connaissance de cette influence. Elles sont en effet relativement généralisées au niveau national et il est insensé de penser qu’elles soient applicables telles quelles au cas par cas. Ainsi, si l’université de Genève devait les mettre en application, il est important de rappeler qu’elles ne fixaient que le minimum de ce qui devait être fait. Car, nous avons pu le voir, cette crise sanitaire a révélé bien d’autres besoins et détresses chez les étudiantexs que les mesures du conseil fédéral seules, ne pouvaient régler. Nous pouvons entre autres citer une augmentation des précarités et de la détresse psychologique engendrée à la fois par la pandémie directement et par l’absence de considération pour ces réalités que vivent les étudiantexs. 


Ensuite, il est important de rappeler que cette crise n’est pas encore terminée. En effet, nous pouvons observer depuis la levée de la majorité des mesures sanitaires le 16 février 2022, une certaine euphorie parfois teintée d’une insouciance depuis longtemps désirée. Or, bien que la nature du virus actuel permette un allégement des mesures, il n’a pas disparu pour autant. De nombreuses personnes vivent encore isolées car ayant des personnes à risque dans leur entourage. De plus, les conséquences psychologiques qu’a laissé cette pandémie ne se lèveront pas du jours au lendemain comme de simples mesures sanitaires. C’est pourquoi, il est nécessaire que certains services comme les tests gratuits à l’université par exemple, restent d’actualité. Ainsi, nous nous positionnons en faveur d’une université qui permet un suivi des cours en présentiel mais tenons à appuyer la nécessité de garder certains services comme cités précédemment ainsi que des bornes de désinfections, masques, etc.. à dispostion.


Comme évoqué précédemment, un autre élément nous semble important à traiter. Finalement, ce que cette pandémie nous a appris et qu’est ce qui peut/doit être préservé et assuré pour la suite à l’université. Si nous abordons ceci ici, c’est parce que depuis la levée des mesures, nous pouvons observer une forte volonté de retrouver “la vie d’avant” ou plutôt la vie sans covid. Des signes de cette volonté se retrouvent à la fois au sein des étudiantexs mais également auprès des organes décisionnels de l’université. Or, comme nous l’avons dit précédemment le covid n’est pas à proprement dit “parti”. Ses conséquences directes comme la précarité étudiante sont toujours bien présentes. Pourtant, le rectorat n’a eu aucun scrupule à supprimer les repas à 3.- qui étaient pourtant une avancée significative pour lutter contre les nombreuses retombées de la crise. Nous avons du par ailleurs nous battre pour qu’il mette en place des repas à 5.- de manière anticipée. Leur arrivée a été acceuillis très positivement par les étudiantexs qui ont été nombreusexs à exprimer le soulagement qu’apportent ces repas et à quel points ces initiatives sociales sont nécessaires de manière générale et plus particulièrement en ces temps de crise. De plus, de nombreuses études montrent qu’avec l’évolution de la situation climatique, le cycle pandémique, c’est à dire le nombre d’années entre chaque pandémie, tend à drastiquement se raccourcir. Ainsi, cette situation exceptionnelle que nous venons de traverser ne sera pas un cas isolé. Il est donc important de tirer aujourd’hui, les apprentissages qui nous serons utiles pour affronter les crises de demain. 


Dans cette optique, il est impensable de désirer un retour à un statut quo d’avant pandémie dans une réalité qui est tout autre. En effet, certains outils mis à disposition durant cette période ont su montrer leur utilité voire même leur nécessité. Les cours de toutes les facultés par exemple étaient soudains enregistrés et mis à disposition des étudiantexs durant l’année entière. Cet outil a été acceuilli de manière très positive chez les étudiantexs qui pouvaient dès lors rattraper une leçon ou simplement revoir un passage d’un cours lors de leurs révisions. Or, tout aussi subitement que leur apparition, certains cours ont, depuis la rentrée, cessé d’être enregistrés. Rappellons de plus que deux volées entières d’étudiantexs ont vu leurs deux premières années d’université se dérouler quasiment exclusivement en ligne. Un tel retour en arrière vers une situation inconnue pour toutexs ces étudiantexs a de quoi être plus que déstabilisant surtout que, rappellons le encore, la crise sanitaire n’est pas terminée.


Toujours dans la même lignée, la nature des évaluations à l’université a montré ses limites quand il a soudain fallu les passer en ligne. Les modalités d’examens ont dû être improvisées et plusieurs sessions qui se sont déroulées pendant cette période ont démontré leur nature de projet pilote. Nous ne pouvons certes pas blâmer toutes les décisions qui ont été prises à ce sujet au tout début de la crise car, effectivement, tout restait à définir et nous ne possédions aucun recul sur cette situation. Cependant, cette pandémie à tout de même duré 2 ans (pour le moment) et pourtant une évolution des mesures, des initiatives ainsi que d’une évaluation pensées pour les étudiantexs n’ont pas fait leur apparition pour autant. La préoccupation première de l’université restant la préservation coûte que coûte de la “valeur” des papiers qu’elle fournit. Ainsi, une fois de plus nous avons dû nous mobiliser. Que ce soit pour pour une session d’examens extraordinaire supplémentaire au plus haut du pic de contaminations ou encore contre un logiciel de surveillance intolérable. Cela pour quel résultat? Un rectorat qui fait la sourde oreille et persévère à placer leurs priorités avant celles des étudiantexs. Mais en cette période de sortie de crise, les temps ont changé. Nous possédons maintenant le recul et les bases pour construire des réponses appropriées aux futures situations similaires que nous devrons traverser. Ainsi, repenser les modalité de l’évaluation est donc nécessaire pour pouvoir cette fois réagir de manière réfléchies et organisée tout en assurant la sécurité, la santé physique et mentale ainsi que l’égalité des chances de toutexs.


Les organes décisionnels de l’université n’ont évidemment pas à assumer la charge réflexive de tous les apprentissages de cette pandémie seuls.  En effet, il est impératif de chercher les informations là où elles sont les plus pertinentes, c’est-à-dire auprès des personnexs directement concernéexs, autrement dit, nous, les étudiantexs. Qu’ils ne s’inquiètent donc surtout pas, nous sommes là pour les aider dans cette lourde besogne.

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Résumé des mois de janvier et février 2022

Pour la CUAE, l’année 2022 s’est ouverte avec la gestion d’une session d’examens très controversée. Le nombre de cas de covid atteignait un chiffre mirobolant lorsque la session d’examens a débuté et engendrait une angoisse très prononcée chez beaucoup d’étudiant.e.x.s. Une angoisse qui n’était pas prise en compte pour la gestion de la session. La CUAE était en négociations presque constantes avec le rectorat avant et pendant la session d’examens pour que sa gestion génère le moins de stress superflu possible. Cela devait passer par des mesures de luttes contre la circulation du virus sur le lieu des examens, par une communication claire des mesures mises en place mais aussi par des aménagements plus larges (non comptabilisation comme une tentative, mise en place d’une session de rattrapage exceptionnelle, …) qui prennent en compte la situation exceptionnelle dans laquelle se déroule la session. Aucune mesure forte n’a été mise en place par le rectorat mais ces échanges ont permis d’ajuster les mesures de lutte contre le coronavirus sur les lieux où les sessions d’examens se déroulaient.

Cette situation a encore une fois révélé le manque de consultation des étudiant.e.x.s et de leurs associations dans les décisions qui les concernent. Ce qui a poussé la CUAE à rédiger un texte (Examens universitaires: quand est-ce que les étudiant.e.x.s seront écouté.e.x.s ?), publié sur son site le 25 janvier.


On a aussi été en contact avec le service de sécurité de l’uni par rapport à la politique qu’ils mettent en place.


Les questions autours de l’internalisation des services de restaurations de l’université mis en avant lors de l’occupation de la cafétéria du Marx café à Uni-mail n’ont pas été laissées de côté non plus. Les deux groupes de travail mis en place suite à cette occupation ont poursuivis leur travail de lien avec plusieurs syndicats et le travail de revendications auprès du rectorat. La thématique de la précarité étudiante de manière plus large n’a pas non plus été laissé à l’abandon et de futures actions sont en cours d’organisation.


De plus, ElDora ayant quitté la cafétéria du bâtiment des Bastions, celle-ci est, pour une durée limitée, à disposition des étudiant.e.x.s et des associations pour organiser divers événements et proposer d’autres modèles de restauration. 


La CUAE s’implique également dans l’organisation d’une manifestation contre les violences policières qui se déroulera dans le cadre du procès des policiers qui ont abattu Nzoy en août 2021 à Morges. Cette manifestation aura lieu le 2 avril à Lausanne.


Durant la dernière semaine des vacances de février, s’est également tenu le camp d’hiver de la CUAE. Ce camp a pour vocation la formation des membres de la CUAE ainsi que l’aménagement de périodes de travail collectif prolongées. Par exemple, une majeure partie de l’organisation du semestre de printemps a pu être faite durant cette période.


Par ailleurs, les cours universitaires ayant repris le 21 février, ouvrant pour la CUAE une période rythmée par les appels d’auditoires de présentation à effectuer.


La rentrée a également été marquée par des réunions de bienvenue pour deux des groupes de travail de la CUAE que sont les ateliers de français et le GT genre. Tous deux ont rencontré un franc succès. Le premier avec près d’une soixantaine d’élèves ainsi que plusieurs dizaines de nouve.lle.au.x.s profs bénévoles. Le GT genre a quant à lui, accueilli près d’une trentaine de nouvelles personnes.


Le comité de la CUAE a également été occupé au cours des mois de janvier et de février à rédiger et relire le 51ème numéro du Regard Critique, le journal écrit et édité par la CUAE.

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Offre d’emploi – secrétaire permanent.e.x – 40%

1er mars 2022

La Conférence Universitaire des Associations d’Étudiant.e.x.s (CUAE) cherche un.e.x secrétaire permanente.x à 40%.
Entrée en fonction: 1er juillet 2022 (ou à convenir)

Profil souhaité:
– Être étudiant.e.x immatriculé.e.x à l’Université de Genève.
– En raison des statuts de la CUAE fixant la mixité au sein du secrétariat, seul les dossiers d’hommes ou personnes non-binaires seront retenus
– Être disponible pour deux ans au minimum.
– Avoir une bonne expérience des milieux associatifs de l’université.
– Aisance orale et communicationnelle nécessaire.
– Être motivé.e.x par les activités politiques et syndicales de la CUAE.
– Être en accord avec les valeurs de la CUAE (cf. les statuts).
– Être à l’aise avec les outils informatiques courants.
– Être disponible (horaires irréguliers, souvent le soir).
– Capacité à travailler de façon autonome et en équipe ; avec deux autres secrétaires permanent.e.x.s et en coordination avec le comité de l’association.
– Des connaissances d’autres langues que le français seront valorisées
– Des bonnes connaissances des institutions académiques genevoises ainsi que de la politique universitaire suisse sont un sérieux atout.
– La connaissance et/ou l’intérêt pour les réseaux associatifs et militants de Genève est fortement valorisé.

Les secrétaires permanent.e.x.s sont chargé.e.x.s de tenir des permanences d’aide aux étudiant.e.x.s, d’assurer le fonctionnement quotidien de l’association, et d’apporter un soutien aux projets en cours.

Vous trouverez plus d’infos sur les activités de l’association sur notre site internet: www.cuae.ch
Pour toute question ou renseignement nécessaire sur le poste, n’hésitez pas à nous solliciter.
Les dossiers (lettre de motivation + CV) sont à envoyer jusqu’au 1er avril 2022 à l’attention d’El Shaddai Abebe :

par e-mail à cuae@unige.ch
ou par voie postale à:
CUAE – c/o Uni Mail, 40 boulevard du Pont-d’Arve – 1205 GENÈVE

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Examens universitaires : quand est-ce que les étudiant.e.x.s seront écouté.e.x.s ?

Ça ne vous aura pas échappé : la session d’examen a commencé dans des conditions qui sont particulièrement angoissantes pour une bonne partie de la communauté étudiante. Loin d’être anodine, cette session d’examens est un marqueur d’une question éminemment structurelle qui pousse à réfléchir au modèle d’université que nous voulons.


On a beau savoir que l’université est une structure autoritaire, on reste toutefois surpris.e.x.s du manque de complexes de la part des autorités académiques. Et ce tyranisme est souvent à géométrie variable, comme nous le prouve encore une fois cette session d’examens. Quand la CUAE et d’autres associations étudiantes interpellent le rectorat ou les facultés, ces dernières se renvoient perpétuellement la balle et n’assument pas leurs responsabilités dans la majorité des cas. C’est un des mécanismes qui leur sert à maintenir le statut quo, chose d’autant plus problématique dans un contexte d’angoisse généralisée où les décisions prises impliquent parfois de prolonger ses études d’une année entière. Cela peut avoir des conséquences désastreuses comme ne plus entrer dans les critères d’obtention des bourses d’études ou bien simplement repousser l’entrée dans le monde professionnel et ne pas être rémunéré.e.x pendant une année de plus, ce qui touche les personnes déjà précarisées en premier lieu.


La peur d’être contaminé.e.x  par le covid-19 en passant ses examens est un facteur d’angoisse important. D’autant plus que dans la majorité des cas cela impliquerait de ne pas pouvoir passer le reste des examens et d’être obligé.e.x de s’y présenter au beau milieu de l’été. En coulisses, le rectorat nous a sorti la carte de la blouse blanche, en la personne d’un professeur de médecine qui est venu estampiller du label scientifique la tenue des examens et les décisions prises, ainsi que les risques (supposément ?) minimes de contracter le covid-19 lors du passage des examens. Mais alors que dire des énormes attroupements dans les couloirs de Palexpo, du manque de désinfectant, des surfaces que personne ne désinfectait ? Le rectorat a bien vu que la mise en place concrète de ses décisions laissait à désirer et a promis d’améliorer ces problèmes, mais les préoccupations tardives ont bien peu de valeur face aux contaminations et le stress engendrés. Il semble pourtant assez évident qu’avec un peu de souci et de considération, ces rectifications auraient pu être mises en place bien plus rapidement après les premiers retours, mais surtout préalablement à la session d’examens.


Mais l’angoisse provoquée ne dépend pas uniquement des mesures concrètes vécues sur le moment par tou.te.x.s les étudiant.e.x.s, mais aussi de la communication qui est faite à son égard avant les sessions d’examens. Par exemple, il parait que Palexpo dispose d’un système d’aération très sophistiqué et à la hauteur de la situation sanitaire. Au-delà des mesures elles-mêmes, ce genre d’informations aurait dû être communiqué publiquement et clairement dès que la décision de passer des examens en présentiel a été prise. Une fois de plus, le rectorat nous prouve qu’il ne considère pas l’angoisse que ces décisions peuvent engendrer. Et une fois de plus, il nous fourni des preuves abondantes du confort de la tour d’ivoire dans laquelle il vit.


La peur de contracter le virus au cours de la période d’examens mais en dehors des passages de ceux-ci est également un grand facteur de stress. Et ce stress a des conséquences directes sur la manière avec laquelle on vit cette période. Tout d’abord, il nous empêche souvent de nous concentrer sur nos cours et nos révisions. On se demande aussi en permanence : est-ce que je pourrai me rendre à mon prochain examen ? Et cette peur modifie incontestablement l’attitude de beaucoup d’étudiant.e.x.s et leur façon d’affronter la période. Nombreu.se.x.s sont celleux qui ne se sont pas rendu.e.x.s à la bibliothèque de peur d’y attraper le virus. Nombreu.se.x.s sont celleux qui n’ont pas voulu voir leurs ami.e.x.s (chose ô combien importante pour décompresser). Nombreu.se.x.s sont celleux qui n’ont pas osé se faire tester de peur que la question de se rendre à un examen en étant porteureuse du virus se pose. En somme, la question du coronavirus et le stress qu’elle suscite étaient omniprésents dans nos pensées tout au long de la période.


En considérant ces éléments, nous trouvons très questionnant que le rectorat s’entête à organiser la session d’examens sur le même modèle que d’habitude, sans prendre en compte le caractère extraordinaire de la situation actuelle. La modification des réglements facultaires qui prolongent les études dans le cas d’une absence à un examen, la non-comptabilisation des échecs lors de cette session et surtout une session extraordinaire de rattrapage au printemps sont autant de mesures nécessaires qui montrent qu’une session d’examens sereine en pleine pandémie ne se réduit pas à la question sanitaire. Pourtant, le rectorat refuse frontalement d’entrer en discussion pour la mise en place de ces mesures. Il a beau nous assurer qu’il prend à bras le corps la gestion de la situation et de l’angoisse collective qu’elle engendre, ce n’est pas pour autant qu’il prendra des mesures qui pourraient, ne serait-ce qu’un peu, soulager notre angoisse.


Le rectorat nous assure que le mot d’ordre pour gérer la session sera “compréhesion” et que des mesures individuelles adaptées seront prises a posteriori pour régler les problèmes survenus pendant la session. Encore une fois, ces informations sont données lors de réunions en comité réduit alors que ce sont des informations qui concernent et aideraient beaucoup d’étudiant.e.x.s. On reconnait ici la frilosité habituelle du rectorat à prendre des positions engageantes. C’est à peu près la même chose en ce qui concerne le taux d’absentéisme. Le rectorat nous indique qu’il surveille très attentivement ce taux pour vérifier qu’il ne dépasse pas trop le seuil habituel d’environ 5%. Mais la manière d’analyser ce taux est problématique. Elle ne reconnaît pas les différences majeures entre une session d’examen “normale” et celle qu’on est en train de vivre. Elle ne reconnaît pas que le taux d’absentéisme serait encore plus haut si des mesures adaptées avaient été prises. Par exemple, si une session d’examen extraordinaire avait été mise en place, le nombre d’étudiant.e.x.s qui ne se seraient pas rendu.e.x.s à leur examen parce qu’iels étaient contaminé.e.x.s aurait augmenté, le taux d’absentéisme avec. Surtout, le taux d’absentéisme ne prend pas en compte l’angoisse que la session a procurée. Quand bien même le taux d’absentéisme serait resté stable, cela n’aurait en aucun cas voulu dire que les mesures étaient adaptées. 


Rappelons peut-être que depuis le début de la pandémie, chaque session d’examen a été l’objet de négociations, parfois féroces, avec le rectorat. Pour la session de printemps 2020, nous demandions la validation de tous les crédits pour une gestion de crise solidaire (1,2,3). Lorsque les examens se déroulaient en ligne, nous nous opposions à la surveillance vidéo (4). Pourtant, quasiment tout ce que nous proposions était refusé par le rectorat. Schématiquement, les décisions se sont à chaque fois prises comme ça : le rectorat, du haut de ses pleins pouvoirs, nous impose des mesures inadaptées; nous le rappelons à l’ordre et proposons des mesures plus adéquates pour la sérénité de nos études; le rectorat “entend et considère” nos inquiétudes mais ne change pas de ligne de conduite; la session d’examens se déroule et confirme une bonne partie de nos inquiétudes. 


La gestion des dernières sessions d’examens révèle des problèmes de fond dans le fonctionnement de l’université. Celle-ci est absolument anti-démocratique malgré ce qu’elle annonce avec toute la prétention qu’on lui connait. Les examens universitaires impactent très directement les étudiant.e.x.s. Dès lors, il est nécessaire que les étudiant.e.x.s soient sérieusement pri.se.x.s en compte dans les processus décisionnels sur ce sujet. Les associations étudiantes doivent être incluses dans les négociations au sein des décanats facultaires en amont de la décision. Il est temps que notre consultation ne se résume pas à une validation (ou quelques modifications mineures) de décisions déjà entérinées bien avant qu’elles ne nous soient soumises. Il est temps que les associations étudiantes ne servent plus uniquement de faire-valoir démocratique aux autorités universitaires. Bref, il est temps que les étudiant.e.x.s aient un réel pouvoir politique au sein de leur institution.

Notes :
(1) https://cuae.ch/prise-de-position-de-la-cuae-sur-les-examens/
(2) https://cuae.ch/coup-de-gueule-a-propos-des-examens/
(3) https://cuae.ch/le-rectorat-a-repondu-a-nos-questions-et-on-en-est-pas-plus-avance-e-x-s/
(4) https://cuae.ch/unige-is-watching-you/

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Résumé du mois de décembre 2021

En ce début de mois de décembre, la CUAE a tenu son finissage de l’exposition des 50 ans de la CUAE. Le 3 décembre donc a eu lieu ce dernier évènement qui a clôturé l’exposition itinérante, dans les locaux du Silure. Après avoir fait le tour des différents bâtiments universitaires, l’idée de faire le finissage en dehors des murs de l’université était pour illustrer les liens importants que la CUAE entretient avec le réseau militant genevois extra-universitaire. 

La CUAE est en outre apparue dans les médias, au sujet de la mobilisation menée pour le retour des repas à 3 CHF et l’internalisation des services de restauration universitaire. Ainsi, la CUAE a été interviewée le 7 décembre à RadioLac et à la RTS.

La même semaine, la CUAE a été sollicitée par deux autres médias (TDG et 20 minutes, cette fois-ci par rapport à la décision du rectorat de maintenir les examens en présentiel. A ce sujet, la CUAE a publié une prise de position.

Suite à notre mobilisation dans la cafétéria d’Uni-Mail, des étudiant.e.x.s de l’IHEID (Institut des hautes études internationales et du développement) ont décidé d’occuper le 7 décembre la cafétéria du campus dudit institut, afin d’exiger la prise en compte de l’avis étudiant lors de la prise des décisions, une enquête sur des cas d’harcèlement sexuel qui ont eu lieu, et une meilleure rémunération des assistant.e.x.s, ainsi qu’une véritable équité entre étudiant.e.x.s suisses et étranger.e.x.s.

Le 9 décembre, nous avons participé aux ateliers organisés par la Tragédie autour de la thématique des espaces. Nous avons animé un atelier qui avait comme thématique les occupations, dans un sens large, auquel des personnes du collectif Porteous ont participé aussi. Des chercheurs de sciences sociales sur les espaces ont aussi intervenu à cette occasion. Cet évènement a connu un franc succès et de nombreuses personnes se sont rendues à l’ancien bâtiment de la Comédie pour participer à cet atelier. Ça a été l’occasion d’avoir de discussions très enrichissantes, un retour rétrospectif sur l’occupation de la cafétéria, et ouvrir de nouvelles perspectives de lutte.

Le 9 décembre aussi, nous étions présent.e.x.s à la manifestation des services publics, en menant un bloc étudiant. La solidarité avec le personnel des services publics apparaît plus que jamais comme une nécessité, et s’inscrit dans nos revendications d’internalisation et de modèle alternatif de la restauration universitaire. À cette occasion, nous avons pris la parole et prononcé un bref discours pour thématiser l’internalisation et montrer notre solidarité avec le personnel qui se mobilise.

La CUAE a en outre organisé un évènement au sujet de l’internalisation du service des cafétérias. Dès 16h nous étions devant l’université pour distribuer du vin chaud et tracter pour la discussion qui a eu lieu le soir même. Cette discussion s’est organisée en deux temps : d’abord les syndicats SIT et Unia nous ont présenté les enjeux d’une internalisation du service de restauration de l’université, les avantages, les exemples existants, etc. Cette petite présentation a été suivie d’une discussion collective à ce sujet, et plus largement à propos de la gestion des espaces.

La CUAE s’est en outre réunie avec l’AEL (association des étudiant.e.x.s en Lettres) au sujet de la cafétéria des Bastions pour constituer un groupe de travail. Le prestataire en charge de la cafétéria des Bastions a résilié le contrat 6 mois avant la fin de celui-ci, et par conséquent les Bastions se retrouveront dès janvier sans cafétéria qui fournisse un service minimal de restauration. Cette rencontre a été fructueuse et a permis de pouvoir faire remonter les préoccupations estudiantines auprès des responsables de l’université. 

Enfin, le jeudi 16 décembre la CUAE a co-organisé une conférence autour du livre “Nous vous écrivons depuis la révolution – récits de femmes internationalistes au Rojava” en présence de deux des autrices. Ce livre, écrit par 12 militantes parties au Rojava, présente leur ressenti et leur expérience de cette révolution en tant que de femmes internationalistes et les différentes structures autonomes des femmes au Rojava. Car si l’on a souvent entendu parlé du rôle militaire que jouent les combattantes kurdes ou internationalistes des YPJ (unités de défense des femmes), on connaît souvent malheureusement moins le rôle de premier plan que joue aussi le mouvement autonome des femmes dans la société et dans les structures civiles du Rojava. Cette rencontre a connu un franc succès, et des échanges pertinents et constructifs ont pu avoir lieu à la fin de cette conférence.

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Prise de position de la CUAE sur les examens de janvier

Les examens en temps de pandémie ne sont pas une mince affaire. Lors des dernières sessions, on a fait l’expérience des conditions déplorables des exas en ligne: qui a oublié les 30 secondes pour répondre à une question, l’impossibilité de retour en arrière, les points négatifs, les bugs de wifi et, cerise sur le gâteau, la surveillance par zoom ou par testwe? Voilà pourquoi nos cœurs se sont initialement gonflés de joie lorsque l’on a appris que la session de janvier se déroulerait en présentiel. Après plus d’un an et demi de crise sanitaire, ça semblait rimer avec un semblant de retour à l’avant-pandémie. Le rectorat avait d’abord annoncé une capacité à 2/3 des salles d’examens afin de limiter les risques de contamination. Lundi, le conseil fédéral ayant adopté de nouvelles mesures, le rectorat a annoncé que l’accès aux examens en présentiel nécessiterait la présentation d’un passe sanitaire. Plus le temps avance et plus la situation sanitaire se (re)déteriore, plus nous sommes critiques avec la façon dont cette pandémie est gérée. Les mesures pour restreindre la circulation du virus prises par le rectorat pour la prochaine session d’examens ne nous semblent ni adéquates, ni suffisantes.


Nous ne réclamons cependant pas des examens en ligne : certes, ils ont un avantage sanitaire certain que nous reconnaissons. Cependant, trop de désavantages leur sont liés. Tout d’abord, ils engendrent de trop grandes disparités entre les étudiant.e.x.s et empêchent beaucoup d’entre nous de passer les examens sereinement. Comment faire pour celleux qui n’ont pas un environnement calme et silencieux ? Comment assurer à tou.te.x.s une connexion Internet stable ? Ensuite, puisque les professeur.e.x.s disposent d’une grande marge de manoeuvre pour fixer les modalités des examens, celles-ci sont souvent délétères car elles provoquent une angoisse et un stress accrus.


Comme nous l’avons déjà dit par le passé, “[l]a CUAE a toujours été partisane du présentiel, et s’oppose à une numérisation marchande et sans réflexion pour l’encadrer. Bien que le numérique puisse apporter certains outils pédagogiques pertinents à l’université, les dynamiques marchandes et néolibérales sont étroitement liées au processus de numérisation qui a lieu au sein de l’université.” (Vers le dépassement du débat distanciel/présentiel – 22 avril 2021). On en a eu une preuve formelle lors des dernières sessions d’examens avec l’usage du logiciel testwe, développé par une  entreprise privée néomanagériale qui cherche à dématérialiser et déshumaniser les processus d’évaluation afin d’encore plus accélérer l’austérité en cours dans nos formations. Avec une conséquence simple et terrible : détériorer inlassablement nos conditions d’études. Mettre en place de pareilles possibilités délétères dans une situation de crise sanitaire n’est rien d’autre qu’une porte ouverte vers de futurs abus. Même si retourner passer ses examens en présentiel fait peur à beaucoup d’entre nous qui n’avons pas ou peu connu des examens “papier”, les examens en ligne présentent trop d’inconvénients au court terme et au long terme pour être une solution (en)viable. 


D’autant que nous sommes convaincu.e.x.s qu’il est possible de passer des examens en présentiel dans des conditions sanitaires soutenables. Mais pour cela, il faut concevoir une session d’examens pas comme les autres. Cela nécessite une volonté politique ferme de garantir à la fois la sécurité sanitaire de toute.e.x.s (en particulier des personnes à risques) et une tenue des examens favorables à tou.te.x.s. Nous demandons donc à l’université de mettre massivement des tests à la disposition de sa population pendant toute la durée des examens. Au vu de la fiabilité réduite des tests antigéniques pour les personnes vaccinées, nous affirmons la nécessité de mettre en place des tests PCR à grande échelle, avec des résultats obtenus dans des délais convenables. A cela s’ajouteraient bien évidemment toutes les mesures sanitaires habituelles, à savoir la distanciation physique, le port du masque, une désinfection régulière (des mains et des surfaces) et une aération maximale des salles d’examens. Ces conditions permettraient réellement à beaucoup d’entre nous de se rendre plus sereinement à nos examens. Il s’agirait également d’une occasion en or pour casser les chaînes de transmission du virus parmi la population universitaire en cette période saturée par le COVID. L’université remplirait ainsi son rôle minimal de responsabilité sanitaire envers les étudiant.e.x.s et la société. 


Pour les personnes qui seraient malades et/ou en quarantaine pendant la session d’examens, nous demandons qu’une session supplémentaire soit agendée avant la rentrée de février afin qu’elles puissent passer leurs examens dans des conditions sanitaires soutenables sans accumuler de retard dans leurs études. Chose à laquelle le rectorat devrait porter une attention toute particulière s’il veut (comme il le prétend) garantir un semblant d’égalité d’accès à la formation et d’égalité des chances. En effet, pour beaucoup d’étudiant.e.x.s (encore et toujours les plus précaires), devoir rester une année de plus à l’université aurait des conséquences déplorables.Nous pensons que cette session différée est primordiale et doit être mise en place à tout prix, quitte à rallonger les vacances et à commencer le semestre plus tard. Cette session extraordinaire ne doit pas compter comme un rattrapage et les personnes qui sont dans l’incapacité de passer leurs examens aux dates initialement prévues doivent disposer de deux tentatives, comme tout le monde. 


Nous ne voulons sacrifier ni notre santé et notre sécurité, ni nos conditions d’examens et d’études. En cette période particulièrement angoissante, l’université se doit de prendre des mesures sanitaires adéquates et efficaces ainsi que de mettre en place des modalités d’examens qui prennent en compte la situation exceptionnelle et qui permettent de suivre sereinement ces derniers. Gérer une situation pandémique catastrophique sans y voir une occasion supplémentaire pour attaquer les conditions d’études de tou.te.x.s demande une autre manière de concevoir les examens, des moyens extraordinaires et une volonté politique tenace. Après bientôt deux ans de crise sanitaire et sociale, il est temps que l’université le comprenne.

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Activités Actualités Résumé du mois

Résumé des mois d’octobre et novembre

Au cours des mois d’octobre et novembre, la CUAE a pris part à de nombreux événements et actions.

Le 5 octobre a eu lieu la première Assemblée des Délégué.e.x.s du semestre, suivi d’un moment d’échange informel entre les associations.

Le 7 octobre, après uni Mail et Bastions, nous avons plié une dernière fois l’exposition itinérante sur les 50 ans de notre association dans le bâtiment de Sciences 2.

Le 11 octobre, nous avons co-organisé une conférence sur la gauche indépendantiste en Catalogne avec l’Atelier Histoire en Mouvement., qui a connu un vif succès

Notre Assemblée générale a eu lieu le 13 octobre. Ensuite nous avons concentré notre énergie sur la lutte pour des repas à 3 francs. Nous avons organisé des repas prix libre sur le parvis d’UniMail afin de sensibiliser la communauté académique à la thématique de la précarité alimentaire (voir notre discours). Notre but était de voir des repas à 3chf pour tout le monde et pour toujours être réinstaurés tout de suite.

Le 19 octobre nous avons servi le premier repas, une ratatouille, a été suivi d’une conférence de presse (lien vers presse). Nous avons servi environ 150 personnes. Nous avions invité le rectorat et le conseil d’état à se joindre à nous pour expliquer publiquement les raisons du retard de la non-mise en place des repas accessibles. Malheureusement iels ne nous ont pas fait cet honneur.

Le 26 octobre a été un succès encore plus grand puisque plus de 300 repas ont été servis, grâce à l’engagement de nombreuses personnes qui ont coupé des légumes, porté des tables et fait la vaisselle s’en souviennent. Suite à la lenteur et au refus des autorités de fournir le financement nécessaire aux repas bon marché, nous avons promis une grosse surprise la semaine suivante.

La surprise, c’était l’occupation de la cafétéria d’UniMail qui a commencé le mardi 2 novembre à 10h30 (https://cuae.ch/repas-a-3-chf/). On ne s’en doutait pas encore, mais nous allions rester deux semaines, nuit et jour, dans la cafétéria. Nous avons servi en moyenne entre 600 et 800 repas chaque jour, créé de nouveaux espaces d’organisation collective et construit un mouvement militant et inclusif.

Lorsque nous avons enfin vu nos revendications être entendues par le rectorat qui a commencé à s’engager (communiqué officiel), nous avons pris la décision de partir de la cafétéria le mardi 16 novembre.

Fin novembre, l’université a annoncé la mise en place de repas à 5 francs dès la semaine du lundi 6 décembre, ainsi que la création d’un Groupe de Travail, dans lequel est CUAE, visant à améliorer concrètement l’aménagement et l’accessibilité des espaces de la cafétéria. De plus, un autre groupe de travail a été annoncé par le rectorat pour envisager une possibilité d’internalisation du service de restauration universitaire, faisant suite à une lettre co-écrite par la CUAE et divers syndicats (SIT, UNIA, SSP).

Le 16 novembre, le lendemain de la levée de l’occupation, nous avons tenu notre deuxième AD du semestre. Plusieurs points ont été abordés, dont la mobilisation pour le retour des repas à 3CHF. Un échange constructif a pu avoir lieu, et les associations présentes ont pu s’exprimer ouvertement à ce sujet.

De plus, la CUAE a participé à la coordination antifasciste qui a organisé la manifestation contre la venu d’Eric Zemmour à Genève. Celle-ci a eu lieu le 26 novembre, et plus de 2’000 personnes ont défilé pour s’opposer au pré-candidat d’extrême droite aux élections françaises. Cette coordination continue à travailler sur l’antifascisme sur Genève et environs dans une optique plus large, dans laquelle la CUAE fait toujours part.

Enfin, la CUAE accueille une nouvelle secrétaire en la personne d’Aline Chapuis. Dès le 1er janvier, elle remplacera Hugo Molineaux que nous remercions infiniment pour son engagement constant et sans faille.

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Activités Actualités Féminisme Textes

La mixité choisie comme outil de lutte

Au cours de plusieurs textes, le comité de la CUAE propose d’explorer des thématiques de lutte qui forment les bases théoriques de ses actions. Le premier de cette série est dédié à l’antisexisme.


La CUAE, en plus d’être un syndicat étudiant anticapitaliste, est un collectif antisexiste. Un outil parmi d’autres employé par le féminisme que nous défendons est celui de la mixité choisie sans mecs cis.
Mais en fait, c’est quoi la mixité choisie ?Nous vivons de facto dans un monde pourri par des rapports de dominations qui s’immiscent dans tous les recoins de nos vies jusqu’à devenir invisibles tant ils sont communs, ancrés en nous tou.te.x.s, qu’on soit dominé.e.x.s ou dominants. La mixité choisie est employée lors d’événements spécifiques, circonscrits dans le temps et l’espace (au contraire des dominations systémiques), pour permettre à des personnes appartenant à des groupes sociaux discriminés de se réunir entre elles. Cela leur offre un espace loin du regard, de la présence, du contrôle, du mansplain etc. du groupe social dominant. C’est un outil d’empouvoirement qui permet de se libérer ponctuellement des oppressions quotidiennes et de prendre de la force au sein d’un espace (plus) safe pour pouvoir mieux affronter le monde mixte.
On ne vous apprendra rien, les hommes cisgenre constituent un groupe social dominant. Toutes les personnes ayant une identité de genre différente subissent donc des oppressions quotidiennes. La mixité choisie sans mecs cis cherche à créer un espace où ces dernières peuvent se réunir entre elles. 
Cela ne créera-t-il pas de nouveaux rapports de dominations ? Bien sûr que non, puisque la domination est fondée sur l’exclusion des dominé.e.x.s. Or, c’est tout le contraire de la mixité choisie sans mecs cis qui est pensée pour inclure des personnes qui ne le sont pas habituellement, en créant un espace qui est pensé pour qu’iels s’y sentent à l’aise. Par exemple, des personnes qui ont subi des agressions peuvent y partager leurs expériences sans craindre les remises en question de ce qu’iels ont vécu.
La mixité choisie est un outil qui fait écho à une conception de l’émancipation par le bas, qui est nécessaire à toutes les luttes et mouvements sociaux. Selon cette vision, la lutte contre les dominations doit pouvoir se faire prioritairement par les dominé.e.x.s elleux-mêmes, car ce sont elleux qui connaissent le mieux les violences qu’iels subissent au quotidien. C’est par leur propre lutte que l’émancipation pourra s’inscrire dans le temps long, car ancrée dans leurs savoirs et leurs volontés.
Cependant, tous les rapports de domination ne s’évanouissent pas subitement lorsque des personnes se réunissent et s’organisent en mixité choisie. Dans le cas de la mixité choisie sans mecs cis, le racisme, le validisme, la transphobie et même le sexisme peuvent influencer les comportements et les rapports de pouvoir entre les personnes réunies. La mixité choisie n’est donc pas un outil parfait, mais reste un outil efficace pour tenter de se détacher au mieux d’un ou plusieurs rapports de domination.

Les syndiqué.e.x.s se sont de tout temps réuni.e.x.s sans leur patron et sa clique. En fait, les mouvements politiques, qu’ils soient de gauche, réactionnaires ou fascistes, se sont toujours organisés en mixité choisie, au moins dans un premier temps.  Les bourgeois sont aussi en mixité choisie sans personnes pauvres lorsqu’ils organisent des diners caritatifs dont les billets d’entrée coûtent des milliers de francs ou dans les conseils d’administration des grandes entreprises. Et les mecs cis se retrouvent et s’organisent souvent strictement entre eux dans des organes de décision importants ou dans les gouvernements. A l’université de Genève aussi la mixité choisie est fréquente, il y a par exemple la société ultra-conservatrice zofingue (réservée aux mecs cis) qui ne semble déranger quasiment personne. Alors pourquoi est-ce que la forme spécifique de mixité choisie sans mecs cis déchaine tant de passions là où une multitude de mixités choisies se développent dans une parfaite indifférence ?
Si la mixité choisie sans mecs cis fait aussi peur (c’est aussi le cas de la mixité choisie sans personnes blanches), c’est parce qu’elle est un véritable danger pour la position de domination de certaines personnes. Un féminisme radical, qui remet profondément en question les violences exercées par les hommes cis, utilise constamment la mixité choisie pour s’organiser. Sans cet outil, le combat serait beaucoup plus difficile à mener. En outre, les personnes qui craignent le plus la fin des dominations qu’elles exercent sont également celles qu’on entend le plus. En effet, ce sont ces personnes que le système (médiatique par exemple) met en avant et dont les idées, à force d’être constamment exposées, finissent par infuser dans la société entière. Penser un espace sans elles, c’est remettre en question directement et concrètement leur domination.
Mais si l’on se penche un petit peu sur ces idées anti-féministes, on se rend compte qu’elle ne sont que le socle d’une idéologie fasciste. Elles sont mêlées à des expression comme “la crise de la masculinité” : mythe fantasmé par l’extrême droite selon lequel les hommes (comprendre hommes cisgenre) seraient les marionnettes des femmes, ce qui les arracherait à leur nature (virile, puissante, violente, tournée vers le monde extérieur, supérieure, etc.). Cette rhétorique cherche à nous faire croire qu’il n’existe qu’une seule masculinité et une nature masculine, figée et immuable. Dès lors, tout ce qui y dérogerait serait contre-nature ou inférieur. Fonder la politique sur des conceptions naturalisantes et biologiques des êtres humains, voilà le trait commun qui réunit tous les fascismes et plus généralement toutes les pensées de droite. 
Contre des idées fascistes de la sorte, il n’y a pas de meilleure réponse qu’un féminisme révolutionnaire !!!