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Résumé des mois de juillet et août 2022

Le début du mois de juillet a été marqué par le départ du secrétaire permanent Andreu Gesti Franquesa, après deux ans de mandat à la CUAE. Son poste a été repris par Jules Stassen. Mi-juillet, le comité de la CUAE a effectué sa traditionnelle auto-formation de plusieurs jours et sa préparation de l’année académique à venir. Le GT genre de la CUAE a lui aussi fait un week-end de travail et d’autoformation. 

La CUAE a pris part à la mobilisation organisée en août en réponse aux procès de la Critical Mass, qui se sont finalement soldés par des acquittements.

Fin août a également marqué les un an du meurtre raciste de Roger Nzoy Wilhelm par la police vaudoise à la gare de Morges. La CUAE s’étant impliquée dans l’organisation de la dernière manifestation contre les violences policières pour exiger justice, elle a également pris part au rassemblement qui a eu lieu à la gare de Morges, et à la manifestation à Zurich. 

Tout au long de l’été, la CUAE a poursuivi son suivi du dossier cafétérias, étant donné l’ouverture imminente de nouvelles cafétérias à UniMail et UniDufour.

La CUAE a également poursuivi son travail dans le dossier des faitières facultaires visant à formaliser un statut spécifique pour les associations facultaires. De plus, elle a participé au comité de pilotage du programme Horizon Académique, une passerelle de préparation aux études universitaires. 

Elle a également, comme chaque année, oeuvré à l’organisation des Welcome Days qui reprennent la forme d’un festival des association comme lors des années pré-COVID, mais cette fois au parc Baud-Bovy. Les activités liées aux Welcome Days s’étendront sur toute la semaine du 12 septembre. A la rentrée, la CUAE distribuera les agendas-guides 2022-2023 qui ont été finalisés pendant la pause estivale. 

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Résumé du mois de juin 2022

Alors que la session d’examens était en cours, le rectorat menaçait toujours de porter plainte contre les manifestant.e.x.s qui ont empêché la conférence d’Eric Marty le 17 mai. La CUAE a poursuivi les négociations avec le rectorat et son service de communication afin que celui-ci renonce à porter plainte et opte pour une solution moins répressive. Issue qui a finalement été trouvée puisqu’un communiqué stipulant que la plainte ne sera pas déposée a été publié sur le site de l’unige. Marquant ainsi la “fin” de l’émulation qui a eu lieu autour du cas de cette conférence, sur lequel nous avons publié un texte.


La CUAE s’est aussi mobilisée contre une manoeuvre de flexibilisation massive et de licenciement collectif de la part de la migros. Celle-ci a demandé à ses employé.e.x.s étudiant.e.x.s de passer de contrats fixes à des contrats à l’appel, sans quoi iels seraient tout simplement licencié.e.x.s. La CUAE a donc pris part à la conférence de presse qui s’est tenue devant la migros de la gare le 21 mai, à l’appel d’unia et des vendeureuses. Elle a également rédigé une prise de position en soutien aux étudiant.e.x.s concerné.e.x.s.


De plus, la CUAE organise, comme chaque année, le comité de pilotage des welcome days pour la rentrée de septembre. Pour cela, elle s’est notamment réunie une première fois avec les associations intéressées afin de prévoir le format des welcome days 2022. Depuis, elle se charge des réservations et du travail de suivi.

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Répression à l’université et autres histoires de transphobie

Répression à l’université et autres histoires de transphobie

A partir du 29 avril 2022, une ample polémique [1] a agité l’université de Genève. En effet, une conférence d’abord et un séminaire public ensuite ont été empêchés. Et cela pour une simple et bonne raison : ces deux événements offraient une plateforme sans contradiction réellement possible à des auteur.e.s pour promouvoir leurs ouvrages et idéologies transphobes. Mais cette affaire a pris une autre tournure lorsqu’au lendemain du deuxième empêchement, le rectorat a annoncé par voie de presse qu’il s’apprêtait à porter plainte pénale contre X, c’est-à-dire contre les militant.e.x.s impliqué.e.x.s dont il ne connaissait pas l’identité. Cette affaire a été largement relayée par différents médias et a donc largement dépassé le cadre de l’université. Beaucoup d’informations, souvent contradictoires, ont circulé (et continuent de le faire) sur les deux événements et leur empêchement mais également sur la réaction des différents acteurs universitaires. Ce texte a vocation à réaffirmer le point de vue de la CUAE concernant la gestion des deux empêchements de conférences.
Depuis une dizaine de jours, on sait que le rectorat ne déposera pas plainte. En effet, suite à de longues discussions, il s’est résolu à “engager un dialogue”, dont le premier pas est une déclaration commune (rectorat et CUAE) qui “réaffirme les valeurs de l’institution” et dans lequel le rectorat s’engage à ne pas porter plainte. Ce texte sera également l’occasion de revenir sur ce que signifie cette déclaration pour la CUAE et la politique universitaire.


Un peu de contexte

Le 29 avril 2022, l’université de Genève avait loué une de ses salles pour que deux psychanalystes françaises (Céline Masson et Caroline Eliacheff) puissent présenter leur livre La fabrique de l’enfant-transgenre. Il n’y a pas besoin de s’aventurer très loin pour être convaincu.e.x que ce livre tient des propos et des thèses (ou plutôt des lubies) largement dégradantes à l’égard des personnes trans et tout particulièrement des mineur.e.x.s trans. Dans des situations telles que celle-là, on exige toujours des personnes opprimées de se justifier et de documenter de manière bétonnée leurs accusations de transphobie alors qu’on accorde un bénéfice du doute disproportionné aux personnes en face qui ne sont que très rarement inquiétées. Durant l’action, les militant.e.x.s n’ont pas “cédé aux injonctions au débat”[2], mais nous proposons ici quelques arguments qui attestent de la transphobie de Masson et Eliacheff. 
Les auteures de ce torchon réactionnaire ne s’arrêtent évidemment pas à considérer les enfants trans comme un objet dont l’existence n’est dictée que par un ordre social et culturel nouveau et dominant (laissez-nous rire), qui s’imposerait entre autres par les réseaux sociaux [3]. Elles assimilent également les transidentités et les transitions de genre à des “scandales sanitaires” [4]. En plus de s’opposer à toute forme de progressisme, ces deux auteures sont également connues pour être à l’origine et co-directrices de l’observatoire de la petite sirène, un groupuscule ultra-conservateur issu de la manif pour tous qui cherche notamment à entraver l’accès aux transitions pour les mineur.e.x.s trans [5]. Cet observatoire a été créé dans l’idée de s’opposer à l’autodétermination des mineur.e.x.s comme en témoigne sa charte fondatrice : “L’« autodétermination de l’enfant », argument renvoyé par une certaine militance poussant les enfants à changer de genre, est un concept que la pratique des cliniciens doit interroger sur un plan éthique.” [6]. Bref, Masson et Eliacheff sont toutes deux transphobes tout comme leur horrible ouvrage et il est dès lors nécessaire de les combattre. [7]
Un peu plus de deux semaines plus tard, le 17 mai 2022 (journée internationale de lutte contre les LGBTIQ+phobies, une coïncidence de date que le rectorat et le service égalité et diversité n’ont cessé de qualifier de “malheureux”), c’était une professeure du département de langue et littérature françaises modernes qui invitait Eric Marty pour un séminaire (public) au cours duquel il devait présenter son ouvrage paru en 2021 intitulé Le sexe des Modernes. C’est un livre qui, derrière une érudition caméléonesque et une prétention littéraire extravagante, cache une idéologie néfaste et meurtrière. En effet, Marty prétend, à l’aide de son livre, retracer une histoire de la pensée moderne en mobilisant de nombreu.se.x.s. auteur.e.x.s mais, en réalité, son livre sert plutôt à asseoir une idéologie, la sienne. Ainsi, il se donne comme ennemis les théories du genre (qui seraient idéologiquement hégémoniques…), les mouvements minoritaires ou encore Judith Butler [8]. Mais la revendiquée démarche scientifique et littéraire ne saurait cacher un manque de connaissances et sa volonté de remettre en cause les études sur le genre (ou gender studies).
Un des autres éléments troublants dans ce livre est sa volonté d’opposer deux blocs intellectuels (l’Europe et l’Amérique du Nord) qui seraient antagonistes. Selon cette idéologie, l’un devrait se défendre de l’influence de l’autre. Il est difficile ici de ne pas voir une inspiration huntigtonienne [9] d’un choc supposé entre plusieurs civilisations, idée qui a inspiré et inspire largement de nombreux courants d’extrême-droite.
Marty se distingue également par l’usage répété de faux-concepts qui ne renvoient à aucune réalité, si ce n’est celle qu’il invente. Il parle ainsi de “mouvance LGBT” ou de “discours LGBT” comme si ces concepts existaient vraiment (d’ailleurs il faut se méfier parce qu’ils sont violents…) et qu’ils étaient les forces qui structuraient le monde social. Lorsqu’on entend des discours aussi grossiers, force est de constater qu’il est difficile de les prendre au sérieux. Mais il est également difficile de les ignorer tant ils reprennent toutes les caractéristiques du discours réactionnaire omniprésent.
D’après ce que nous venons d’avancer, nous pouvons dire sans craindre de nous tromper que Marty et ses écrits sont réactionnaires. Mais si le séminaire n’a pas pu se tenir c’est parce qu’ils sont également virulemment transphobes. En effet, Marty soutient que l’existence de personnes trans constitue une violence pour les femmes cisgenres (à comprendre: les “vraies femmes”) ou encore que le “désir transsexuel” est une haine de soi en tant que sujet homosexuel qui refoule son homophobie. [10]
Pour plus d’informations : voir le formidable dossier sur la transphobie de Marty écrit par l’AEEG (Association des Étudiant.e.x.s en Études Genre) [11].

Les réacs, dehors!

Ces deux événements ont indéniablement des points en commun malgré les efforts que l’université a faits pour distinguer les deux cas. Comme nous l’avons brièvement expliqué plus haut, les ouvrages qui étaient censés être présentés développaient des thèses transphobes. Mais aussi bien Eric Marty que Caroline Eliacheff ou Céline Masson sont connu.e.s en tant que personnalités publiques pour les positions réactionnaires qu’il et elles défendent. Ces trois pseudo-intellectuel.le.s s’inscrivent dans un mouvement largement plus général de panique morale réactionnaire dont les défenseurs se sentent mis en danger par l’émergence de nouvelles formes d’expression, d’existence et par les revendications politiques des groupes opprimés.
Les deux livres qui ont provoqué la réaction des militant.e.x.s se distinguent par leur méconnaissance des sujets étudiés et surtout de leur totale méconnaissance du vécu des personnes trans. Il n’y a donc rien de réellement surprenant à les voir et à les entendre dire les pires aberrations et nier les vécus et les expériences trans. Ces deux conférences sont également une manière d’empêcher tout débat scientifique sérieux qui mobilise des arguments réellement fondés et des connaissances tirées des vécus des personnes trans ou des champs de recherche spécialisés en la matière. Pour des réactionnaires comme Masson, Eliacheff ou Marty, toute expertise sérieuse sur ces sujets est immédiatement discréditée parce qu’elle serait trop militante ou des effets de mode.
Ces deux événements auraient dû se tenir dans les murs de l’université. Mais tout ça n’a pas eu lieu puisque des militant.e.x.s se sont rendu.e.x.s dans les salles où étaient censées se tenir les conférences et ont exprimé leur colère quant au fait que des ouvrages aussi dégradants soient promus dans les murs de l’université et que leurs auteur.e.s usent de son image pour se parer d’une respectabilité des plus délétères. Pour cela, les militant.e.x.s ont occupé l’espace de leur présence et de leurs voix. 
La CUAE, n’ayant ni organisé, ni participé à, ni revendiqué ces actions, elle n’a pas les informations suffisantes pour décrire précisément le déroulement des événements. Cependant, une chose est sûre, le récit sur l’action du 17 mai que les principaux médias ont relayé (selon lequel les manifestant.e.x.s étaient violent.e.x.s et agressif.ve.x.s, voire hystériques) est tout à fait exagéré. Primo, il n’existe pas de version concordante. En effet, le communiqué de l’action du 17 mai paru sur renverse.co ne signale aucune velléité de violence de la part des manifestant.e.x.s, bien au contraire, mais celui-ci ne semble pas intéresser les journalistes réactionnaires qui cherchent à discréditer sommairement cette action. Deusio, l’accent est invariablement mis sur la violence (supposée) des manifestant.e.x.s et jamais sur celle des conférencièr.e.s ou du public, ni même sur l’immense violence systémique qui est pourtant le déclencheur de cette action. Tertio, il est affligeant de constater que cette instrumentalisation de la notion de violence ne sert finalement qu’à entraver la problématisation du problème dont il est ici question : le cissexisme [12], qu’il soit interne ou non à l’université.

Quand la plainte pénale vole au secours de la liberté académique

Le rectorat a annoncé qu’il allait porter plainte suite au deuxième empêchement, celui du séminaire de Marty le 17 mai. Sa réaction était ainsi beaucoup plus forte qu’après l’interruption de la conférence de Masson et Eliacheff le 29 avril. Précision importante : le séminaire de Marty était un séminaire public qui, de plus, ressemblait passablement à une conférence. En plus de la répétition (l’interruption du 17 mai était la deuxième en à peine plus de deux semaines), la différence de traitement entre les deux actions s’explique, selon le rectorat, parce qu’Eric Marty venait dans le cadre d’un séminaire donné par l’université, ce qui rend l’affront à la liberté académique d’autant plus grand. Masson et Eliacheff venaient quant à elles donner une conférence pour laquelle l’université prêtait ses locaux (et de ce fait aussi son image, malgré les tentatives de l’université de se dédouaner du contenu des conférences organisées par des tiers en son sein). Pour le rectorat, interrompre un cours, c’est s’attaquer au coeur des missions de l’université. Et ça le rectorat ne pourrait le tolérer, quel que soit le contexte, quelle que soit la situation.
Le rectorat se comporte comme si la notion de liberté académique était indiscutable, mais dans la pratique elle est constamment négociée quant à sa définition et son cadre d’application: qu’est-ce qu’un cours? Un savoir? Une expertise? Un débat? Toutes ces questions n’ont pas forcément de réponse toute faite. En somme, la liberté académique est tout sauf figée.
Le rectorat s’inquiète beaucoup du fait que la liberté académique était menacée et qu’il est important de la préserver. En tant que syndicat étudiant, nous abondons dans le sens de la deuxième partie de la phrase. En revanche, la première nous dégoûte lorsqu’elle est associée à de telles actions. Nous pensons en effet que laisser Marty s’exprimer sans contradiction sur des sujets tels que la transidentité est largement plus dangereux pour les sciences et principalement les sciences sociales [13] que les actions du 29 avril et du 17 mai. Dire qu’il ne sera bientôt possible de parler que des choses qui font consensus et qu’on va être contraint.e.x.s de s’auto-censurer est l’argument facile (et facilement démontable) pour voler au secours des réactionnaires. Et il a très souvent été utilisé, notamment par un certain recteur.

L’anti-wokisme, nouvelle mode de l’extrême droite

On ne peut démonter cet argument et plus globalement comprendre cette affaire sans prendre un peu de recul pour la replacer dans un contexte plus large de droitisation des débats et d’une vague anti-wokiste d’envergure.
Avant même que le rectorat annonce porter plainte et que cette affaire prenne une autre dimension, les journalistes réactionnaires se lâchaient déjà et sautaient sur l’occasion pour s’indigner devant les supposées censure et cancel culture. En gros, ils instrumentalisaient l’action du 29 avril pour justifier leur rengaine désormais bien connue : “On peut plus rien dire”, rengaine corroborée par nos têtes rectorales préférées. Or, les fachos ont tendance à avoir de plus en plus de tribunes pour déverser leurs idées haineuses, et non l’inverse.
Le 16 mai par exemple, une interview de Flückiger, le recteur de l’UNIGE est parue dans le Temps. [14] Deux journalistes s’inquiètent du fait que “l’Université de Genève est sous pression face aux revendications et actions militantes” et demandent à Flückiger ce qu’il en pense. Avec une complicité active, il rentre dans leur jeu et mélange tous les sujets (la volonté d’un espace de prière pour les personnes de confession musulmane, l’organisation d’une assemblée en mixité choisie sans mecs cis il y a plus d’un an ou l’empêchement d’une conférence transphobe) comme si c’était une seule et même question. A force d’user de raccourcis intellectuels et d’amalgames des plus grotesques, il est presque logique de l’entendre conclure que “la liberté d’expression est malmenée à l’université”, démontrant encore une fois qu’il ne saisit rien aux enjeux qui concernent “son” université.
Une fois que la deuxième conférence a été empêchée, le traitement médiatique a encore gagné en intensité et les journalistes réactionnaires s’en sont donné à coeur joie. Iels sont allé.e.s de généralités fallacieuses en considérations personnelles infondées, dans ce qui ressemblait plus à des règlements de compte personnels qu’à du journalisme [15].
Flückiger a également dit dans une interview accordée à la Tribune de Genève que “[l]es personnes qui craignent les livres n’ont jamais été du bon côté de l’histoire. Nous avons besoin d’approches critiques, de dialogue. Pas d’autodafés.” [16] Ainsi, il y a un retournement de sens extrêmement grave où les manifestant.e.x.s (et la CUAE) sont assimilé.e.x.s aux “fascistes des années 20 et 30”. [17] En plus d’être une attaque ad hominem honteuse, elle s’inscrit dans une stratégie rhétorique bien connue de l’extrême droite qui consiste à faire passer les antifascistes pour les vrais fascistes, les antiracistes pour les vrais racistes, etc. Et au final, ce discours est utilisé pour redéfinir les frontières du politiquement acceptable afin de pouvoir défendre des positions politiques foncièrement racistes, autoritaires, transphobes, fascistes, etc. Et il est absolument terrifiant de voir le recteur de l’université de Genève participer activement à une droitisation des discours aussi agressive et décomplexée.
Droitisation à laquelle Eric Marty n’a pas oublié de rajouter son grain de sel (au lieu de se faire tout petit) en répondant dans un journal d’extrême droite romand nouvellement créé [18]. En plus d’exposer son arrogance et sa condescendance, il prouve haut et fort (en ne se basant sur aucun argument excepté son intolérance) sa transphobie et son mépris de tout mouvement social qui pourrait remettre en question sa place privilégiée dans la structure sociale.
Mais les médias ne sont pas les seuls à s’être saisis du sujet puisque les politiques y ont également perçu une bonne occasion de se faire de la pub. Le PLR genevois a par exemple publié un communiqué de presse en soutien à l’université dès le 18 mai soit le lendemain du séminaire empêché [19]. Mais évidemment, il ne s’est pas contenté de ça et a multiplié les communications comme si c’était devenu le sujet d’actualité prioritaire numéro 1. Ainsi, le PLR, dans son journal [20], désignait son nouvel ennemi : le wokisme qui “s’étend à Genève”. Et s’effrayait de l’avancée de la cancel culture, même à l’université de Genève, qui devrait être un bastion protégé de ces bassesses militantes. Notons quand même que c’est un des quatre sujets traités dans ce numéro. On voit ici les priorités des partis bourgeois. Sans parler du ton alarmiste qu’ils emploient pour décrire le nouveau fléau sociétal auquel on est confronté.Les personnalités politiques en profitaient aussi pour glisser leur petite analyse personnelle sur le sujet puisque tout le monde était sommé de s’opposer à cette action au risque de paraître comme trop extrême ou à l’encontre de principes tels que la liberté. Par exemple, Alexandre de Senarclens, député PLR genevois, s’insurge dans une opinion publiée dans la TdG [21] contre des élu.e.x.s vert.e.x.s qui ont osé ne pas discréditer les wokistes empêcheureuses de conférence. Il affirme que les Vert.e.s sont opposé.e.x.s à la liberté et au dialogue et qu’iels nourrissent “un discours qui verse dans le discours communautariste”. Mais il n’y a pas que les partis ou membres de partis de droite dure ou d’extrême droite qui ont été incendiaires face à ces actions. En effet, Anne Emery-Torracinta, pourtant au PS, parti centriste, se fendait elle aussi d’une opinion dans la TdG [22] où elle affirmait qu’il fallait “dénoncer avec force de tels comportements”. Traduction : elle demandait publiquement au rectorat de porter plainte. En plus de témoigner de l’incroyable ampleur qu’a pris cette affaire, ces deux opinions témoignent d’une évidente droitisation du débat politique. Ils montrent entre autres que des discours haineux et leur relai par les médias réactionnaires ont des effets concrets extrêmement forts.

Ça pue la répression

Même si aujourd’hui, nous avons la confirmation que le rectorat ne portera pas plainte, il n’en reste pas moins que pendant de longues semaines, celle-ci était brandie comme une menace constante qui avait entre autres pour but d’intimider. Les deux chefs d’accusation dont il était question sont la contrainte et la violation de domicile. L’intimidation utilisée par le rectorat via l’annonce de sa volonté de porter plainte pénale contre inconnu.e.x s’inscrit évidemment dans cette stratégie d’esquive des questions de fond. 
Le rectorat nous disait qu’une enquête de police permettrait de mieux comprendre ce qui s’était passé dans ces salles d’uni Bastions le 29 avril et le 17 mai. Mais nous ne sommes pas dupes, sa véritable intention était de marquer le coup et son territoire. La plainte n’aurait pas seulement servi de punition aux manifestant.e.x.s présent.e.x.s le 17 mai mais également d’avertissement à tou.te.x.s les étudiant.e.x.s qui apportent des revendications combatives au sein de l’université. En creux, il nous dit : “L’université c’est chez nous (cf. violation de domicile) et désormais vous êtes prévenu.e.x.s, si vous cherchez à vous approprier l’université (qui ne vous appartient donc pas), vous devrez en subir les conséquences.”
Finalement, le rectorat cherchait à minimiser les conséquences d’une plainte pénale. Une plainte implique une enquête menée par la police qui n’hésiterait pas à utiliser ses méthodes habituelles : chantage, intimidations brutales, espionnage, fichage généralisé, etc. En plus d’être confronté.e.x.s à la police, les militant.e.x.s auraient pu être exposé.e.x.s au système judiciaire, avec les coûts pécuniaires, psychologiques et sociaux que cela implique. Coûts d’autant plus importants que les personnes trans et les militant.e.x.s sont des populations particulièrement vulnérables à ces institutions répressives.
En plus de cela, la menace du conseil de discipline (organe de répression et de sanction interne à l’université) pouvant prononcer jusqu’à l’exclusion des potentiel.le.x.s étudiant.e.x.s planait toujours au-dessus de (et dans) la tête de tout le monde, bien qu’évoquée seulement à de rares reprises puisqu’il n’y avait pas la certitude (malgré la mauvaise foi dont découlait ce doute) de la part du rectorat que des étudiant.e.x.s soient impliqué.e.x.s (et/ou reconnaissables). Il va sans dire que la CUAE trouve extrêmement choquant que ce soit une option réellement envisageable dans la tête du rectorat pour contrecarrer l’expression de revendications de la part du corps étudiant.
D’autant plus que ces menaces dépassent largement le cadre de ces deux empêchements et des personnes impliquées et sont des menaces dissuasives pour les luttes à venir. Les conséquences sont donc aussi énormes à long-terme. En somme, la répression du rectorat est éminemment politique et la manière de lui répondre ne pourra être que tout aussi politique.

Conclusion: la suite au prochain numéro


Au final, pour tous les réactionnaires qui espéraient et qui sommaient l’université de répondre par la répressive, cette affaire a accouché d’une souris puisque le rectorat a finalement décidé de ne pas porter plainte. Il a préféré publier un communiqué conjoint avec la CUAE pour réaffirmer les valeurs de l’université. 
Ce communiqué affirme que le rectorat ne portera pas plainte afin de privilégier un dialogue. Il a l’ambition de se tourner vers l’avenir et d’utiliser l’empêchement du 17 mai comme un élément révélateur d’un problème plus enraciné. Ainsi, il affirme s’inquiéter du traitement des personnes trans et un peu plus généralement des populations marginalisées. Pour cela, comme d’habitude, tout passera uniquement par le “dialogue”.
Pourtant, l’annonce d’une plainte pénale était une fois de plus une preuve de son incapacité à intégrer les revendications et les besoins exprimés. En effet, il semble superflu de devoir le dire, mais cette menace brandie coupait court à toute intervention de la part des manifestant.e.x.s qui risquaient des conséquences pénales en se montrant (déjà qu’en se cachant iels les risquent). Cela a donc comme conséquence directe d’empêcher la possibilité même d’avoir une discussion avec ces personnes concernées, que le rectorat semblait souhaiter.
Pour mener ce dialogue de manière efficace, l’université se targue d’avoir un service qui existe déjà et qui fait du “super boulot” : le service égalité et diversité. Mais quand on se penche d’un peu plus près sur ce que fait véritablement ce service, il est difficile de ne pas y voir du pinkwashing bien rôdé. En effet, lorsqu’il défend son bilan, il évoque les “magnifiques prix genre” que son service distribue ou les stands qu’il tient lors de journées symboliques (le 17 mai par exemple, jour où Marty venait déverser sa haine sans que ça le dérange).
Bref, bien que l’université affirme son prétendu engagement pour lutter contre les violences systémiques et les inégalités structurelles, il n’y a pas l’amorce d’une remise en question de son fonctionnement institutionnel, pourtant source de tellement de problèmes. Et ce n’est pas surprenant puisque l’université est parfaitement dans son rôle de préservation de ses intérêts en tant qu’institution. 
Ce serait une erreur stratégique fatale et une énorme perte de temps que de demander à l’institution (au cours du dialogue qu’elle recherche tant) de remettre en question de fond en comble le fonctionnement de l’alma mater pour une simple et bonne raison : elle ne le fera pas d’elle-même. Et si nous voulons vraiment changer les choses, ça ne se fera pas au cours d’un dialogue avec les instances directrices qui ne peut que mener dans une impasse s’il n’est pas accompagné d’une mobilisation collective et combative. En effet, leurs intérêts et les nôtres sont divergents et le rapport de force ne peut être qu’à l’avantage du rectorat et donc, avec une telle stratégie, les avancées ne seront que minimes. Malgré le tournant répressif opéré par l’université et parce que les dysfonctionnements sont plus profonds que ce que le rectorat veut bien admettre, il faudra adopter d’autres stratégies : plus revendicatives et collectives.

[1] Qualifier cette affaire de polémique n’a absolument pas pour but de minimiser ou d’occulter les impacts très importants, graves et concrets qu’aurait pu avoir une plainte pénale sur les personnes concernées mais également sur la politique contestataire à l’université dans les prochaines années. Bien au contraire, l’utilisation de ce terme cherche à montrer l’incroyable disproportion et l’acharnement qu’on a pu observer ces dernières semaines contre les militant.e.x.s de la part de certains médias, des instances universitaires et de certains acteurs politiques.
[2] https://renverse.co/infos-locales/article/conference-transphobe-a-l-uni-bastions-3528
[3] https://www.observatoirepetitesirene.org/quisommesnous
[4] Il faut pas chercher très loin. C’est sur la couverture de leur foutu bouquin
[5] https://www.observatoirepetitesirene.org/
[6] https://www.observatoirepetitesirene.org/quisommesnous
[7] Pour plus d’informations : article de mediapart Mineurs trans : des groupuscules conservateurs passent à l’offensive comme référence ; https://www.mediapart.fr/journal/france/170522/mineurs-trans-des-groupuscules-conservateurs-passent-l-offensive
[8] Judith Butler est une philosophe étasunienne qui travaille sur le genre et la théorie queer.
[9] Samuel Hungtington a fait carrière dans la science politique et est notamment connu pour son livre Le Choc des civilisations où il conçoit le monde comme fragmenté entre plusieurs civilisations irréconciliables. L’occident est vu par Huntington comme assiégé par des civilisations qui lui sont hostiles.
[10] Marty, Le Sexe des Modernes, p. 493, cité dans le blog de Mediapart, https://blogs.mediapart.fr/antoineidier/blog/170522/propos-du-sexe-des-modernes-et-d-un-probleme-plus-general-la-critique-de-gauche
[11] https://cuae.ch/quelques-ressources/
[12] Cissexisme: système de domination qui soutient que les personnes cisgenres sont plus naturelles et légitimes que les personnes trans. Nous préférons le terme “cissexiste” au terme “transphobe” car il illustre le fait que ce sont des oppressions systémiques et non individuelles et psychologiques, comme pourrait le sous-entendre le suffixe “-phobe”.
[13] Eric Marty utilise sa notoriété d’ancien professeur universitaire prestigieux pour parer ses travaux du sceau scientifique. Ainsi, il ne se fatigue pas à faire des recherches en mobilisant des sources scientifiques tirées des études spécialisées et par la même nuit à la qualité de la discussion scientifique. Par exemple, il ne mobilise pas le corpus des études trans (pourtant fourni et de qualité). Cela participe également à relativiser l’importance de ces travaux qui sont de meilleure qualité et plus respectueux des méthodes scientifiques.
[14] https://www.letemps.ch/suisse/yves-fluckiger-liberte-dexpression-malmenee-luniversite
[15] https://www.letemps.ch/suisse/geneve-pente-glissante-empruntee-syndicat-etudiants
[16] https://www.tdg.ch/je-crains-une-forme-dautocensure-626812446861
[17] https://www.watson.ch/fr/suisse/lgbtqia%2b/353800979-l-uni-de-geneve-la-liberte-attaquee-par-des-activistes-lgbtiq
[18] https://www.lepeuple.ch/le-prof-attaque-a-geneve-regle-ses-comptes/
[19] https://www.plr-ge.ch/actualites/communiques-de-presse/communiques-de-presse-details/news/soutien-a-luniversite-de-geneve-61448
[20] https://www.plr-ge.ch/actualites/le-nouveau-genevois/communiques-de-presse-details/news/nos-deputes-en-action-62070
[21] https://www.tdg.ch/derives-ideologiques-des-verts-780844734143
[22] https://www.tdg.ch/luniversite-ni-temple-ni-forum-ni-arene-263752509713

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Résumé du mois de mai 2022

Fin avril, la commission de nomination a choisi un nouveau secrétaire permanent, Jules Stassen, en place pour au moins deux ans à la CUAE.

Le mois de mai s’est ensuite ouvert comme chaque année par la “fête” des travailleur.euse.x.s et son cortège habituel, le 1er mai, auquel la CUAE a pris part au sein du bloc révolutionnaire. Elle avait également contribué à son organisation au cours des semaines qui précédaient.

La CUAE a créé il y a quelques années le site permis-etudiant.ch et l’utilise très régulièrement lors de ses permanences. En mai, un des créateurices de ce guide juridique en ligne est venu donner une formation interne aux membres de la CUAE. Il a ainsi fait une présentation de la logique migratoire propre à la Suisse et donné un aperçu du champ des possibles à l’échelle de la CUAE, notamment en ce qui concerne la question spécifique des permis étudiants.

Entre le 5 mai et le 25 mai, la CUAE a organisé un cycle de projection du documentaire arté “Le temps des ouvriers”, divisé en 4 épisodes. Ces 4 épisodes ont été projetés dans 4 lieux différents: la salle des associations, l’Ecurie, le Silure et l’Atelier, et ont été suivis à chaque fois d’un apéro et d’une discussion avec les personnes présentes. L’objectif de ce cycle de projection était de faire office d’auto-formation et d’ouvrir une réflexion collective sur les origines du système capitaliste que nous combattons.

Le mardi 10 mai, la dernière assemblée des délégué.e.x.s du semestre de printemps 2022 s’est tenue. Elle a été l’occasion de faire du lien entre associations, d’échanger sur les actualités universitaires et sur les différents dossiers en cours et à venir. 

La CUAE continue de rencontrer régulièrement différentes associations universitaires, qu’elles soient basées à l’UNIGE ou ailleurs. Ce mois-ci, elle a notamment rencontré la FEN, l’association faitière de l’université de Neuchâtel, ou encore le collectif Datcha, lieu autogéré sur le campus de Sciences de l’UNIGE, dans des contextes plus ou moins formels. 

Le 29 avril, des militant.e.x.s ont interrompu une conférence donnée par Céline Masson et Caroline Eliacheff, deux psychanalystes transphobes qui étaient venues présenter leur livre “La fabrique de l’enfant transgenre” à Uni-Bastions. Cette action a causé un backlash réactionnaire important et un déluge de propos oscillant entre le cissexisme et le fascisme. En réaction à cela, la CUAE a décidé d’organiser une conférence intitulée “Comprendre les mouvements anti-trans d’aujourd’hui” avec comme intervenante Constance Lefebvre, experte sur ces questions et membre du collectif “Toutes des Femmes”. Entre temps, le 17 mai, un deuxième événement a été interrompu par des militant.e.x.s. Il s’agissait cette fois d’un séminaire organisé par le département de langue et de littérature françaises modernes, dans lequel Eric Marty, un auteur connu des milieux trans pour ses positions transphobes, était invité à venir présenter son livre “Le Sexe des Modernes”. Cette deuxième action a été reçue avec encore plus de véhémence de la part des médias, mais également de la part du rectorat, qui a aussitôt annoncé qu’il allait porter plainte contre X. Il a également évoqué la possibilité de sanction disciplinaires, pouvant aller jusqu’à l’exclusion de l’université, pour les étudiant.e.x.s identifié.e.x.s.

La CUAE a pris position en soutien aux militant.e.x.s et a tout de suite dénoncé la réaction répressive que choisissait d’avoir l’université. Elle a notamment écrit une lettre ouverte, signée par un grand nombre d’organisations de la société civile, appelant le rectorat à renoncer à la plainte et à reconnaître le caractère transphobe des deux événements qui ont été interrompus. Elle a également organisé une plénière sur le parvis d’UniMail le vendredi 27 mai afin de discuter plus largement de la répression à l’université et de comment y faire face. Cette plénière a eu un franc succès et plus d’une cinquantaine de personnes, principalement des étudiant.e.x.s et des membres du corps intermédiaire, sont venues y participer. En parallèle à cela, la CUAE a eu de nombreuses réunions avec des associations intra et extra-universitaires, ainsi qu’avec des membres de la hiérarchie et de l’administration universitaire, afin de trouver une issue à cette situation et d’empêcher la répression sur les militant.e.x.s. Les discussions sont toujours en cours. 

En outre de toutes les activités mentionnées ci-dessus, la CUAE a continué à s’investir dans différents groupes de travail. Le GT genre a notamment continué ses réunions régulières pour pousser à la réflexion et à la mobilisation féministes à l’université. La CUAE fait toujours partie d’un groupe de travail sur les cafétérias universitaires qui se penche en ce moment sur le réaménagement des cafétérias d’UniMail. En plus de cela, la CUAE a poursuivi son travail avec la CGTF et les associations faitières facultaires afin de pérenniser un statut pour ces dernières.

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Prise de position de la CUAE sur la répression et la transphobie à l’unige

Sur la répression de l’université à l’encontre des étudiant.e.x.s et militant.e.x.s ayant interrompu des événements transphobes

Le 29 avril et le 17 mai 2022 des étudiant.e.x.s et militant.x.es interrompaient deux événements transphobes ayant lieu dans l’enceinte de l’université de Genève. Au lendemain de la seconde conférence le rectorat annonçait par voie de presse son intention de déposer une plainte pénale pour “contrainte” et “violation de domicile” à l’encontre des manifestant.x.e.s. 

En tant que syndicat étudiant, nous souhaitions revenir sur ces deux événements et adresser au rectorat nos revendications (voir en bas de page). 

Pourquoi les manifestant.e.x.s se sont-iels mobilisé.e.x.s ? 

Les invitées de la conférence du 29 avril 2022 étaient Céline Eliacheff et Caroline Masson, deux psychanalystes lacaniennes sans expérience de travail avec des mineur.e.x.s trans, autrices du livre « la fabrique de l’enfant transgenre ». L’ouvrage attaque l’accès des mineur.e.x.s à la transition au nom de « la protection de l’enfant » alors même que la recherche en matière de santé transgenre démontre les impacts désastreux tant sur les plans physique, psychique et social de ce genre d’approches.[1] L’ouvrage compare également les personnes transgenres à un “scandale sanitaire”. À travers leur organisation – l’Observatoire de la petite sirène – les deux autrices travaillent par ailleurs main dans la main avec des groupes d’extrême droite catholique français affiliés à La Manif Pour Tous.

Le 17 mai, Éric Marty, écrivain, professeur de littérature française contemporaine à l’université Paris Diderot est venu présenter son nouvel ouvrage, « Le Sexe des modernes », qui a la prétention de faire l’histoire du genre dans le champ de la philosophie. L’ouvrage “se donne pour projet d’abattre « l’icône » Judith Butler, de dénoncer l’hégémonie et l’entreprise idéologique du « gender » venu des États-Unis, et de faire barrage aux mouvements minoritaires, LGBT, trans et antiracistes.[2] Il s’agit en réalité de réduire l’existence des personnes transgenres à la fois au statut de vague concept, et à la fois de les présenter comme étant un danger pour les femmes cisgenres.

Et pour vous, Flückiger, ça veut dire quoi liberté académique ?

Le rectorat, au travers des médias, n’a eu de cesse de mettre en avant le danger que représentent ce type de mobilisations pour la liberté académique : “il est crucial que nous puissions choisir nos thèmes de recherche librement […] Nous avons besoin d’approches critiques, de dialogue. Pas d’autodafés.” Les étudiant.e.x.s et militant.e.x.s sont bien d’accord avec cela: il est toujours possible d’étudier un livre. Néanmoins, ces ouvrages diffusent des discours fallacieux, discriminatoires et dangereux pour la vie des personnes transgenres, et s’ils doivent être étudiés à des fins académiques, un cadre critique rigoureux doit être mis en place. L’université doit rester un lieu de pensée critique autour de la production de savoir et non pas une tribune de diffusion d’une idéologie mensongère et meurtrière, comme la transphobie. 

L’université doit rester un lieu de pensée critique autour de la production de savoir et non pas une tribune de diffusion d’une idéologie mensongère et meurtrière, comme la transphobie.

Il est inacceptable que l’université utilise des notions telles que la “liberté d’expression” ou la “liberté académique” pour se soustraire à ses obligations envers ses étudiant.e.x.s et la société civile. Si ces deux libertés fondamentales doivent bien évidemment être garanties au sein de l’université, il est tout aussi primordial qu’elles n’obstruent pas la dimension émancipatrice du savoir et l’intégrité de tout.e.x un.e.x chacun.e.x.

Que viennent faire la police et le système pénal là-dedans ?

Nous condamnons fermement le tournant répressif que prend cette affaire. Rappelons peut-être que le rectorat indique dès qu’il le peut qu’il est ouvert au dialogue et que c’est même ce qu’il recherche. Quelle étrange manière d’amorcer un dialogue que de porter plainte pénale contre X, laissant par la même occasion, le soin à la police de mener une enquête contre ses étudiant.e.x.s. 

C’est une attitude qui est extrêmement grave dans tous les cas, mais qui l’est encore plus quand c’est pour des motifs politiques, c’est-à-dire pour avoir interrompu des discours incitant à la détérioration des conditions d’existence, remettant en question les vécus des personnes trans et incitant à la haine.

L’université s’apprête à déléguer la charge de cette affaire à la police et au pouvoir judiciaire alors qu’elle a des organes de répression qui lui sont propres. C’est une manière de faire qui ne se voyait pas ces dernières années et qui constitue un changement de paradigme dont nous dénonçons la gravité. Et nous craignons qu’il ne s’agisse que d’un précédent qui dicte la manière de réagir du rectorat devant l’expression de revendications étudiantes dans les prochaines années.

En tant que syndicat étudiant, nous demandons donc au rectorat de l’université de Genève de:

Renoncer à déposer plainte à l’encontre des étudiant.e.x.s et militant.x.es ayant pris part à l’action du 17 mai 2022.

Arrêter, de manière plus générale, d’utiliser la répression administrative, policière et judiciaire comme moyen de réagir à la contestation au sein de l’université.

Reconnaître le caractère transphobe des ouvrages présentés par ses auteur.ice.s dans le cadre des deux événements.

Reconnaître le niveau structurel de la transphobie au sein de l’Université et de lutter contre ces manifestations, “aussi bien dans l’accomplissement des tâches d’enseignement et de recherche que dans les relations au sein même de la communauté académique“, au sens de l’article 4a de la Charte d’éthique et de déontologie des Hautes Écoles universitaires et spécialisées de Genève. 

La CUAE se mobilise et continuera de se mobiliser pour les étudiant.e.x.s et contre la répression de l’université tant qu’il le faudra.


[1] voir:  https://agnodice.ch/wp-content/uploads/2021/08/Position_Agnodice_2021_Therapie_transaffirmative_vs-AMQG.pdf

[2] https://blogs.mediapart.fr/antoineidier/blog/170522/propos-du-sexe-des-modernes-et-d-un-probleme-plus-general-la-critique-de-gauche

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Retour sur l’occupation du Marx café

Lors du semestre d’automne 2021, une mobilisation marquante a été menée à l’UNIGE afin d’exiger le retour des repas à 3 CHF dans les cafétérias universitaires. Après leur suppression, un retour “à la normale” n’était pas une option envisageable pour nous. Cette mobilisation a atteint son paroxysme lorsqu’on, la CUAE, a occupé l’une des cafétérias d’Uni-mail. Ironie de l’histoire, l’espace qu’on a occupé jour et nuit pendant deux semaines porte le nom de “Marx Café”. L’occupation sans faim a été un événement fort dans l’histoire récente du syndicat étudiant et a été un tournant dans les luttes qu’on mène. Ce texte revient sur cette action majeure du semestre d’automne 2021 afin de retracer le déroulement des événements, d’illustrer que la mobilisation contre la précarité dépasse largement l’occupation, et d’offrir des pistes de réflexion quant à la portée d’une telle mobilisation – et la suite.

Petit historique
Depuis sa création en 1971, la CUAE lutte contre la précarité. En 2002, pour lutter contre le manque de logement pour les personnes en formation, elle occupe un hôtel aux Pâquis. En 2016, elle occupe le bureau du rectorat pour s’opposer au projet de mettre en place des frais d’inscription, et finit par faire plier les autorités universitaires.

En mai 2021, alors que le COVID ne cesse de toujours plus précariser les étudiant.e.x.s, la CUAE obtient la mise en place de repas à 3 CHF dans les cafétérias universitaires. Dès leur instauration, ces repas à bas prix ont littéralement changé la vie des étudiant.e.x.s, en témoignent les files d’attentes démesurées devant les cafétérias à l’heure du repas de midi. En pleine crise sanitaire, en pleine période de révisions et d’examens, cette mesure représentait une avancée significative dans la lutte contre la précarité estudiantine, une réalité de plus en plus tangible. Pourtant, à peine deux mois plus tard, cette offre est retirée.

Mais deux mois, c’était suffisant pour qu’on mette le pied dans la porte: les repas à 3 CHF avaient prouvé leur indiscutable nécessité et il était hors de question de les laisser disparaître. Les promesses vides de la part du rectorat et du conseil d’état étant de plus en plus insatisfaisantes. Lors de la rentrée de septembre 2021 les repas à 3CHF représentaient pour nous une mesure nécessaire pour faire face à la précarité et garantir des conditions d’étude dignes.

Alors, que faire ? Recommencer à payer au moins 8.90.- pour un repas complet, ou se mobiliser pour lutter pour nos droits ? Accepter docilement l’absence de politiques sociales, ou s’organiser collectivement pour porter une série de revendications menant à l’amélioration de la condition étudiante ? Les repas à 3CHF on les a obtenus, on ne les lâche plus !

Mais la question était donc : comment faire pour les récupérer ? Dès la rentrée, on s’est penché.e.x.s sur cette question. Dès septembre, lors de réunions avec des membres du rectorat, nous avons tenté, en vain, de créer des propositions concrètes pour les repas à 3CHF. En octobre, le comité de la CUAE a recommencé à écrire, publier et distribuer régulièrement les nouveaux numéros des “3 CHF critiques”, le petit journal éphémère des étudiant.e.x.s précaires. Le premier exemplaire, paru en mai, s’était intitulé “Eh mercé les caf’ ” et proposait une analyse critique de la mise en place des repas à 3CHF dans les cafétérias universitaires.

Celui-ci a été distribué dès la mise en place des repas. Après une pause estivale, la rédaction s’est remise à la plume pour écrire les numéros suivants du journal, qui se sont enchaînés toutes les deux semaines.

En parallèle, deux motions en faveur du retour des repas à 3CHF ont été adoptées lors de l’assemblée générale et l’assemblée des délégué.e.x.s de la CUAE. Celles-ci se positionnaient en faveur du retour des repas à 3CHF et d’un modèle radicalement différent de la restauration universitaire, chargeant le comité de la CUAE de mettre en œuvre tous les moyens qu’il jugeait nécessaire pour y parvenir.

Le travail de politique universitaire ne se limite pas aux salles de cours ou de réunion. Bien au contraire ! La politique institutionnelle a de bien trop grandes lacunes pour qu’on la laisse prendre nos assiettes en main. Preuve des limites du parlementarisme : pendant l’été 2021, une motion proposée par le parti socialiste a été adoptée par le grand conseil genevois (et donc légitimée par l’organe législatif cantonal!). Celle-ci invitait le conseil d’état à financer les repas à 3 CHF pour l’année académique 21-22. Mais surprise ! Cela n’a servi à rien car le DIP, en la personne d’Anne Emery-Torracinta – pourtant socialiste – a refusé de mettre en place une aide “qui couterait trop cher” et qui “arroserait tou[.te.x.]s les étudiant[.e.x.]s”. Encore une fois, les partis bourgeois nous rappelaient qu’on ne pouvait pas compter sur eux.Le rectorat, c’est à peu près pareil. On a beau aller les voir et leur demander de mettre en place des solutions à des problèmes dont tout le monde reconnait l’existence et l’importance, rien n’est mis en place pour lutter contre ces problèmes. Rien à faire, il fallait trouver autre chose pour qu’on soit considéré.e.x.

C’est ainsi que nous nous sommes mis.e.x.s au boulot: les deux derniers mardis d’octobre, on a organisé des bouffes pop prix libre sur le parvis d’uni mail. Ces repas étaient un succès: beaucoup de monde est venu manger (nous estimons à 200 assiettes servies la première fois et plus de 300 la seconde), plusieurs discours ont été prononcés et la presse a commencé à s’intéresser à la thématique de la précarité alimentaire.

On nous reproche souvent de ne pas être suffisamment ouvert.e.x.s au dialogue avec “les autorités”. Mais rappelons peut-être que lorsqu’on les invitait nominativement à nos bouffes pop’ pour qu’on puisse leur poser nos questions, aussi bien les membres de l’équipe rectorale qu’Anne Emery-Torracinta n’ont pas daigné venir. Il leur était sûrement plus facile de brasser du vent dans des réponses écrites par mail qu’à l’oral face à nous !La question des repas à prix abordable n’était plus négociable. La problématique de la précarité étudiante devait impérativement être traitée. Les repas à 3CHF devaient revenir !

Ainsi, au cours des deux semaines, de plus en plus de personnes ont commencé à s’impliquer dans l’organisation du mouvement: nous étions plus nombreux.se.s à cuisiner, à déplacer les canaps, à servir les repas, à faire la vaisselle… Et c’est grâce aux étudiant.e.x.s et bien d’autres qui ont décidé de s’impliquer et de faire face de manière collective à la précarité que les mobilisations ont pu être menées.

Ça s’accélère 
Ainsi, nous arrivons au 2 novembre. Au moment où on est rentré.e.x dans la caf avec la ferme ambition d’y rester, on avait plusieurs revendications:

  • le retour des repas à 3 CHF tout de suite, pour tout le monde et pour toujours
  • un modèle de cafétérias radicalement différent : des repas à prix libre, une réelle implication de la communauté étudiante dans la gestion des cafs et tout ça en garantissant les conditions d’emploi du personnel y travaillant alors
  • un soutien financier de la part de l’UNIGE à La Farce, une épicerie étudiante gratuite
  • une semaine de révision au semestre de printemps dans toutes les facultés

Le plan était donc d’élire domicile à la cafétéria le temps qu’il fallait pour que nos exigences soient entendues. Au cours de cette période, nous voulions faire régner un modèle de restauration alternatif qui soit inclusif et convivial. Nous voulions faire vivre, bien au-delà des heures de repas, un lieu qu’on a toujours connu froid et austère. En réalité, cette expérience était inédite pour la plupart d’entre nous et l’apprentissage collectif a pris la forme d’une improvisation plus ou moins de A à Z. 

Pendant deux semaines, entre le 2 et le 16 novembre, on a été au four et au moulin pour assurer le bon déroulement de cette occup. Il y avait de multiples réalités à prendre en compte : entre 600 et 800 repas de midi à préparer quotidiennement, des négociations à mener, une accessibilité de la lutte à touxtes à assurer, un lieu à maintenir propre et accueillant, des conflits internes à gérer, une visibilité médiatique à entretenir, etc. Et tout ça a dû se mettre en place assez rapidement sous réserve de nuire à la mobilisation et aux résultats qu’on visait.

Peut-être qu’on peut commencer par raconter la prise des lieux pour bien poser le décor. On avait annoncé la fameuse “grosse surprise” qui allait avoir lieu le 2 novembre dès 10h30, juste avant une troisième bouffe pop’. Malgré les efforts de mobilisation des semaines précédentes, nous étions moins que prévu et l’option de juste faire marche arrière et de ne même pas tenter de rentrer trottait dans la tête de certain.e.x.s d’entre nous. Mais finalement, on a décidé de foncer et bien nous en a pris !

Alors que l’une de nous haranguait les étudiant.e.x.s au milieu d’uni mail avec un discours, d’autres prenaient des grilles d’exposition de l’université. Quelle ne fut pas la stupeur des employé.e.x.s de la cafétéria quand iels virent que les entrées et sorties du Marx café étaient soudain grillagées ou obstruées par des tables maintenues à l’aide de cordes et de gaffer. En même temps, le repas amoureusement préparé toute la journée de la veille (on avait même passé notre comité hebdomadaire à éplucher des patates douces) et cuit pendant toute la matinée était amené sur les lieux et posé sur des tables mises à l’arrache devant le comptoir. D’ailleurs, une table était largement branlante et ne tarda pas à céder sous le poids d’une de nos grosses marmites de ratatouille. Le nettoyage a été assez efficace et n’a pas entravé le service des premières assiettes qui commençait alors même que l’agitation provoquée par notre entreprise était à son apogée. Les premièr.e.x.s étudiant.e.x.s venu.e.x.s prendre leurs repas sont entré.e.x.s vers 11h30. La réaction des employé.e.x.s n’était pas unanime: certain.e.x.s avaient l’air plutôt de notre côté, d’autres nous injuriaient et menaçaient de “porter plainte” contre nous – ce qui n’a finalement pas été fait – et la plupart avaient surtout l’air de s’inquiéter de ce qu’il se passait. C’était quelque chose de difficile à gérer, et on aurait bien voulu que le contact se passe mieux avec elleux.

Il y avait également le patron des cafs d’uni mail, avec qui les relations sont restées tendues tout au long de l’occup, et les protectas qui étaient déboussolés par ce qu’ils voyaient. Ils ont tenté de nous convaincre de sortir tandis que certain.e.x.s d’entre nous menaient la négociation avec calme et fermeté. Mais tout ça ne changera rien au fait que la caf était à nous et qu’elle le resterait pendant plus de deux semaines !

Depuis, on appelle ce moment la “prise de la Bastille”. L’entrée dans la caf restera un moment fort, entre autres parce qu’on plongeait dans l’inconnu total et que tout allait tellement vite. Une fois que la bouffe pop à l’intérieur a été terminée et que l’adrénaline retombait un peu, on a pu se rendre compte que le lieu était immense et qu’on pouvait y faire des choses très diversifiées, qu’il fallait simplement définir collectivement. 

La routine
Une routine s’est très vite installée dans la caf’. Dès le premier jour en fait. Souvent, les dernièr.e.x.s à se coucher étaient également les premièr.e.x.s à se réveiller. En effet, celleux qui finissaient la soirée tard s’endormaient souvent dans la “partie comptoir”. Mais c’est aussi cette partie qu’on ouvrait le matin pour servir le petit-déjeuner et accueillir les personnes dès qu’uni mail ouvrait ses portes. A ce moment-là, on installait les tables avec le petit-déjeuner (pain, confitures et cie) et on passait un petit coup de ménage. Au fur et à mesure que les personnes se levaient, on pouvait commencer à couper les légumes pour préparer le repas de midi. A chaque fois, les repas qu’on préparait étaient végétariens et il y avait au moins une option végane et une option sans gluten pour celleux qui le désiraient. En plus de cela, au cours des deux semaines d’occupation, on a fait preuve de suffisamment d’inventivité et d’originalité pour qu’il n’y ait pas deux plats identiques. Généralement, on commençait la préparation vers 8h. On coupait les légumes et les fruits dans la caf ou dans le hall d’uni mail, assez visible pour que tout le monde puisse nous rejoindre. Puisqu’on avait pas la possibilité d’utiliser le matos de la cuisine professionnelle de la caf, on avait pas assez de plaques pour faire 600-800 repas et on faisait mijoter les plats dans pléthore de casseroles réparties dans les cuisines des membres de la CUAE qui étaient à proximité d’uni mail.

Ainsi, l’acheminement des repas était également quelque chose auquel il fallait veiller et il n’était pas rare de voir des caddies remplis de casseroles arriver en trombe dans la caf. D’habitude, on commençait le service vers 11h30 et celui-ci s’étendait jusqu’à 14h-14h30.

En plus des repas qu’on servait, il y avait en permanence une machine à café mise à disposition de tou.te.x.s à prix libre. Ainsi que, la plupart du temps, un grand stock de smoothies récupérés. Le moins qu’on puisse dire c’est qu’aussi bien les cafés que les smoothies ont eu un franc succès.
Un enjeu auquel on ne pense pas forcément directement avec toutes ces bouffes pop, c’est la vaisselle. Au début, tout le monde laissait sa vaisselle sale dans un caddie et on lavait tout nous-mêmes à la main, parce que les lave-vaisselles de la caf’ avaient été débranchés pour qu’on ne puisse pas les utiliser. C’était beaucoup de travail (vous avez déjà essayé de laver 800 assiettes?) et ça instaurait une dynamique où les personnes qui venaient manger étaient “servies”, alors qu’on voulait justement instaurer une participation étudiante plus générale pour dépasser les rapports marchands auxquels on est habitué.e.x.s. Du coup, on a tenté de mettre en place une vaisselle auto-gérée dans l’espace central de la salle du fond de la caf’.

Ça a pris du temps: au début, on avait quelques bacs qui faisaient office de stations de lavage, rinçage et séchage. Il fallait expliquer à chaque personne qui venait qu’on l’encourageait à faire sa propre vaisselle si elle en avait le temps. Mais au fil des jours, ça commençait à rouler plus fluidement, preuve que l’autogestion peut marcher. Les gens étaient plus impliqué.e.x.s et prenaient l’habitude de laver leur assiette et même celle des autres ; bientôt, on avait 5 stations de vaisselle en même temps et parfois, on avait juste besoin de jeter un œil de temps en temps à ce qui se passait. Ça prouve encore une fois qu’un système de restauration émancipé de la dichotomie client.e.x-serveur.euse.x est loin d’être utopique.

Il y avait aussi très régulièrement d’autres sollicitations auxquelles on devait répondre, comme des médias qui débarquaient, des personnes qui venaient nous poser des questions ou juste nous engueuler parce que ce qu’on faisait ne leur plaisait pas. Tout ça pour dire que les matinées et les débuts d’après-midi étaient chargés. Mais souvent les fins d’après-midi et les soirées l’étaient tout autant. Quand on arrivait gentiment à la fin du service, on se laissait un moment pour manger et souffler un peu. Mais pas trop longtemps.

Après la fin du service de midi, on enchaînait avec les plénières qui avaient lieu chaque jour. L’heure à laquelle la prochaine aurait lieu était indiquée sur un tableau blanc à l’entrée de la cafétéria (même si ça arrivait régulièrement qu’on ait du retard — beaucoup parfois). Tout le monde y était le.a bienvenu.e.x. Souvent on se posait dans les canapés qu’on avait ramenés dès le premier jour. Ils étaient disposés en cercle autour du tableau blanc que nous utilisions pour marquer toutes les informations nécessaires (ordre du jour, répartitions des tâches, listes de courses, …). Tout au long de l’occup, nous avons pris les décisions par consensus.

Les plénières, bien que très riches et indéniablement nécessaires, pouvaient aussi être longues et désorganisées.

Les points à l’ordre du jour étaient très diversifiés. Ça allait du menu prévu pour le lendemain aux dernières informations qu’on avait de la part du rectorat et quelle devait être notre réponse en passant par des débats plus profonds sur le rôle du syndicalisme classique (qui, nous le rappelons, est mou et collabo) dans les luttes étudiantes. Mais aussi de la gestion de conflits très concrets qu’on observait dans la cafétéria ou de savoir si on allait occuper la deuxième cafétéria d’uni mail ou pas et, le cas échéant, comment on s’y prenait. Finalement, on a décidé de ne pas le faire. Bref, quand c’était possible, les décisions importantes, qu’elles soient stratégiques ou organisationnelles, passaient par les plénières. Mais d’autres fois, la situation ne permettait pas de passer par les plénières pour prendre certaines décisions. Notamment quand un problème se posait et qu’une solution devait être trouvée dans l’urgence. Ou alors quand elle impliquait des informations véritablement sensibles. Dans ce cas, on se réunissait moins formellement entre les personnes qui étaient quotidiennement impliqué.e.x.s dans l’occup’.

Il nous arrivait souvent de finir les plénières assez tard. Ainsi, souvent, les personnes qui allaient faire les courses devaient partir avant la fin. Et quand on finissait pas aussi tard, elles devaient partir dès que la réunion était finie pour avoir le temps de faire les courses avant que les magasins ferment. Au tout début on faisait les courses avec l’argent de la CUAE. Mais assez vite, les courses ont été amorties par le prix libre et, dès le troisième jour, nous faisions les courses avec le prix libre de la veille. En fait c’était presque un modèle d’affaire compétitif ;).

Ces courses constituaient la base de ce qu’on servait pour les repas mais on fonctionnait aussi pas mal en faisant des récups. Il n’était pas rare que des personnes prêtent la voiture de leurs parents pour faire le tour des bons plans récup de Genève. On a aussi profité d’être à deux pas du marché de Plainpalais pour demander les invendus aux maréchèr.e.x.s. Certaines fois, on revenait quasiment les mains vides alors que d’autres fois, on pouvait remplir plusieurs caddies entiers.

Avec tout ça, on oubliait presque de se nourrir le soir. Mais il y avait tout le temps quelqu’un.e.x pour nous le rappeler. Quand il en restait, on mangeait les restes du repas de midi. Sinon, on faisait des plats qui ne demandaient pas trop de mains et d’efforts. Les repas du soir étaient des moments très conviviaux – parfois à beaucoup et parfois en (très) petit comité. Mais à chaque fois on installait une seule et longue table. C’étaient de super moments pour avoir des discussions plus informelles et pour échanger sur des sujets, qu’ils soient politiques ou non. Mais les soirées n’étaient pas tout le temps un moment de détente parce qu’il restait toujours quelque chose à faire et il n’était pas rare qu’on reste debout jusqu’à très tard pour finir d’écrire un texte à publier sur nos réseaux ou sur renverse.co.

La réappropriation des lieux occupait elle aussi une partie du temps qu’il nous restait. Un groupe de travail a même été créé dans ce but. Des plantes ont été amenés, des tableaux recouverts de couleurs, des canapés disposés de manière accueillante et confortable. L’extérieur n’a pas été en reste non plus! Nous avons tout.e.x.s pu constater l’apparition d’une “terrasse” dans le hall d’uni-mail où il était possible de manger. Bref, nous voulions nous éloigner de ces lieux aseptisés qu’on nous a toujours proposé jusqu’alors pour enfin en avoir un qui nous ressemble. Un bel endroit où chacun.e.x pourrait apporter sa touche personnelle.

Une plante aux nombreuses racines
Cette occupation a aussi beaucoup fait parler d’elle à Genève et dans ses environs. On a reçu un grand nombre de retours positifs et il y a également beaucoup de personnes et de collectifs qui sont venus sur place pour nous rendre de grands services.

Ainsi, assez vite, certaines tâches étaient prises en charge par des personnes externes à la CUAE, ce qui nous déchargeait vraiment beaucoup. Les services qu’on nous a rendus étaient de plus ou moins grande ampleur mais ils ont tous été appréciés à leur juste valeur.

C’était la cantine du Silure qui venait faire à manger un midi. C’était le collectif Frites qui s’installait à l’entrée d’uni mail pour faire des frites. C’était le Nadir qui s’arrêtait totalement de fonctionner pour venir en aide à l’occup’ et qui nous prêta tout son mobilier et ses forces. C’était la Julienne qui faisait des repas avec sa cuisine transportable. C’était Semance de pays qui nous donnait des courges fraîchement récoltées. C’était le restaurant “Le portugais” qui nous filait ses casseroles. C’était le réseau d’appartements de Plainpalais qui nous ouvrait ses portes pour y faire à manger. C’était des cuisiniers qui venaient nous expliquer comment utiliser les différents accessoires des cuisines professionnelles. C’était Momo qui cuisinait des repas marocains en totale indépendance pour plusieurs centaines de personnes. Et c’était aussi bien d’autres choses.
Vous l’avez compris, cette mobilisation a été possible grâce à une constellation de services rendus par un grand nombre de personnes. Mais la caf occupée a aussi pu être un lieu de rencontre et où des activités chouettes pouvaient se dérouler. Le Silure a eu l’occasion d’y animer son infokiosque. Plusieurs séances de peinture de banderoles ont pu s’y tenir.

La cafétéria était vaste et certaines parties étaient tout à fait propices à des réunions ou des activités de groupe. Par exemple, les cafés solidaires (des associations étudiantes qui échangent avec des personnes réfugiées, tous les mercredis matins) y ont trouvé un cadre idéal. Le GT genre de la CUAE a aussi eu l’occasion d’y tenir une réunion. Et bien évidemment, le comité hebdomadaire de la CUAE a eu lieu au fond de la caf, la veille du jour où on a tout nettoyé et quitté les lieux. 

Négociations avec le rectorat: une brève chronologie
L’occupation de la caf’, même si elle a pris beaucoup d’ampleur et a donné lieu à beaucoup de choses imprévues, était à la base un moyen de pression pour forcer le rectorat à nous donner ce qu’on revendiquait. Si on a décidé d’occuper, c’est parce que les négociations avec les autorités universitaires ne menaient nulle part. Le plan initial était de faire pression sur le rectorat en empêchant le prestataire privé, Novae, de tourner. Le rectorat devait à son tour entrer en discussion sérieuse avec ses partenaires (que ce soit le conseil d’état ou des entreprises/fondations privées) afin que celles-ci débloquent des fonds pour lutter contre la précarité alimentaire.Ça a plutôt marché, dans le sens qu’au moins, d’un coup, on nous écoutait. Le rectorat a essayé de la jouer ami-ami avec nous, il nous a bien fait comprendre qu’il était déçu qu’on brise le rapport de confiance qui nous liait à lui et nous a menacé.e.x.s à demi-mot, mais au moins, le dialogue pouvait être constructif parce qu’on avait réussi à imposer un petit rapport de force. Dès le premier jour – presque dès la première heure – il est venu nous voir pour discuter. La situation était assez comique: deux d’entre nous négociaient tant bien que mal avec la délégation rectorale tandis que le reste d’entre nous n’entendait rien et les entouraient passivement en portant une banderole. Pour celleux-là, il était difficile de ne pas rigoler devant le ridicule des petits chefs de l’uni. En plus, on voyait qu’au même moment, à côté de nous, tout le monde s’agitait pour s’assurer du bon déroulement du service. Un point positif tout de même à cette première entrevue : il était désormais clair que la police n’interviendrait pas pour nous virer. On s’en doutait pas mal mais la confirmation nous a rassuré.e.x.s et on a pu sérieusement se projeter dans une lutte qui était là pour durer, au moins un petit peu. Le rectorat avait compris qu’on allait pas bouger. Leur stratégie a alors été d’insister sur la sécurité: c’est dangereux de rester dans l’uni la nuit, il faut tout encadrer pour s’assurer qu’on ne se blesse pas, d’ailleurs ils ne tolèrent pas la violence et il y a eu une blessée durant la prise de la caf’ (une employée nous a balancé une table dessus qui a rebondi et l’a légèrement blessée), attention, il pourrait y avoir des suites pénales – leur paternalisme et leur fausse inquiétude se mêlaient assez souvent à des menaces. On a rapidement reçu une liste de conditions à respecter à tout prix si on voulait que notre occupation nocturne soit “tolérée”: limitation du nombre de personnes (30 personnes max), interdiction des allers-venues entre la caf’ et le reste du bâtiment pendant la nuit, non-consommation d’alcool et de drogues, absence de dispositifs sonores, interdiction d’aller dans les cuisines et derrière le comptoir, interdiction de dégrader le matériel. Au début, on était pas hyper au clair quant à ce qu’on devait faire ou pas: leurs exigences nous soûlaient et on avait pas envie de les laisser encadrer notre action pour la rendre la moins dérangeante possible. En même temps, on ne se rendait pas compte si on pouvait réellement désobéir sans conséquences. Finalement, on a tâté le terrain et tout s’est fait petit à petit.

Après ces premières discussions sur les modalités de l’occupation, ça a longtemps été le silence radio de la part du rectorat. Dès le lendemain, on est allé.e.x.s toquer pour avoir des nouvelles mais il y avait personne. Après deux jours, on a perdu patience et un petit groupe est de nouveau allé directement toquer à la porte de Flücki (et est entré sans même attendre sa réponse;)). Il y avait également Raboud et, pris au dépourvu, ils ont mis un petit moment avant de comprendre de quoi il s’agissait. Au début, ils avaient presque pas l’air de savoir qu’il y avait une occupation en cours. Mais après quelques minutes, ils ont mis le moulin à blabla en marche. Ils n’avaient simplement rien d’important à nous dire, mais ils ont quand même tenu à nous gratifier de leur définition de la démocratie et de comment notre action était fondamentalement anti-démocratique. On les a écoutés pendant près d’une heure (qu’est-ce que c’était long) et on était pas plus avancé.e.x.s. On savait seulement qu’ils allaient voir Torracinta le lundi d’après (5 jours plus tard). On était prévenu.e.x.s : ils jouaient la montre.

Pendant ce temps, l’occupation s’installait. De plus en plus de collectifs, internes ou externes à l’uni, soutenaient publiquement l’occupation (les revendications ET l’action) et il devenait de plus en plus dur pour le rectorat et le conseil d’état de simplement ignorer ce qu’on exigeait. 

Après leur réunion avec Torracinta, ils sont venus nous voir pour faire un retour. Ils lui avaient fait trois propositions : des repas à 5 chf pour tou.te.x.s les étudiant.e.x.s (de l’UNIGE et des HES-SO); des repas à 3 chf ciblés pour les étudiant.e.x.s éxonéré.e.x.s des taxes universitaires; des repas à 3chf ciblés pour les étudiant.e.x.s qui bénéficient d’aides financières. Une de ces trois propositions pourrait être mise en place jusqu’à la fin de l’année académique puisque dès le mois d’août 2022 des repas à 5 chf allaient de toute manière être fournis par le nouveau prestataire de la cafétéria. Le conseil d’état se réunissait mercredi 10 novembre et devait discuter de ces trois propositions. Le rectorat nous a également dit qu’il pourrait trouver des fonds ailleurs pour compléter les budgets débloqués par l’état.

On sentait de plus en plus le décalage entre la temporalité de notre lutte et la temporalité des négociations de parlementaires. On commençait donc à envisager d’autres options. L’une d’elle était d’augmenter la pression d’un cran en allant occuper le rectorat. C’est lorsqu’on discutait de cette option à la plénière du mercredi que le rectorat a débarqué pour nous anoncer à demi-mot que le conseil d’état allait mettre en place des repas à 5 chf, tout en nous mettant en garde qu’il ne fallait pas trop l’ébruiter au risque de mettre en péril leur mise en place.

Parallèlement à ces sombres négociations, on a décidé d’utiliser l’assemblée de l’université (AU), la vitrine démocratique de l’uni pour parvenir à nos fins. Nos infiltré.e.x.s avaient songé à soumettre au vote une motion demandant la mise en place de repas à 3 chf, l’internalisation des cafétérias d’uni mail et un soutien financier à La Farce à l’AU ce jour-là. Mais on n’était pas dans les délais. On s’est finalement retourné.e.x.s vers l’AU plus tard.

L’idée de ne pas faire trop trainer l’occupation et de choisir stratégiquement le moment où on quittait le lieu a été l’objet de longues discussions. Finalement, on a décidé de quitter la cafétéria au début de la semaine du 15 novembre. Dans cette optique, on a convoqué une réunion avec le rectorat le vendredi 12. L’idée de cette réunion était de voir où en étaient nos quatre revendications principales. On a obtenu des avancées et l’ouverture de chantiers. Mais toutes nos revendications n’ont pas été acceptées. Pour ce qui est du financement de La Farce, le rectorat nous a certifié qu’il aiderait l’épicerie mais qu’il voulait en parler directement avec leur comité. Des repas à 5 chf devaient être mis en place dès le 6 décembre, il ne restait plus que les modalités de financement qui restaient à définir. Le rectorat a également accepté de mettre en place deux groupes de travail : l’un sur l’accessibilité des espaces des cafétérias et l’usage que les étudiant.e.x.s pourraient en faire, l’autre sur la question de l’internalisation des services de restauration universitaire.

Toutes les bonnes choses ont une fin
On a donc passé un dernier week-end dans la caf. Celui-ci s’est conclu par une grande tablée fondue qui a réuni bon nombre de personnes qui avaient passé du temps dans la caf occupée. La soirée a ensuite virée sur une session jam.

Lundi était le dernier jour où on a servi de la nourriture à midi. Il nous tenait à coeur de marquer le coup. Ainsi, on a organisé une conférence de presse et on a prononcé un discours pour expliquer où les choses en étaient et pourquoi on quittait le lieu. On a également installé toutes les tables dans le hall d’uni mail. L’objectif était d’offrir un repas dans un cadre différent que les autres fois, plus convivial. Cela nous a égalemet permis de commencer à bien nettoyer l’intérieur de la cafétéria. En effet, on a encore récuré le lieu jusqu’au lendemain midi. Lundi soir était véritablement la dernière soirée qu’on a passée dans la caf et on l’a passée occupé.e.x.s par notre comité. Finalement, on est définitivement parti.e.x.s le mardi aux alentours de midi, après un état des lieux.

On n’était plus dans la cafétéria mais ce n’est pas pour autant que le travail s’arrêtait. Dès le soir-même, certaines associations remettaient en question notre mode d’action et notre représentativité de la population étudiante ; s’en suivit une remise en cause de notre position dans la vie associative universitaire. Les retours positifs restant toutefois majoritaires. Il y avait ce même jour, les premières réunions avec des associations qui étaient en faveur de notre occupation et qui envisageaient de s’en inspirer. Et puis, l’occupation avait permis l’ouverture de chantiers qu’il fallait à présent prendre en main, sans quoi tous les bienfaits de l’occupation du marx café pourraient retomber.

Depuis la sortie de la cafétéria, le travail qu’on fait est beaucoup moins glamour. C’est beaucoup de réunions, souvent longues et pénibles. C’est essayer de convaincre. C’est trouver des soutiens là où on peut. C’est être soumis.e.x.s à des temporalités qu’on ne maîtrise pas. C’est aussi du travail de parlementariste.

Par exemple, on a rédigé une motion soutenant l’internalisation avant de préparer le terrain et de la soumettre au vote à l’AU. Celle-ci a été largement approuvée avec 17 oui pour 8 non et 9 abstentions.

Et aujourd’hui, on en est où ?
Depuis le 6 décembre, les étudiant.e.x.s de l’uni, de l’IHEID et des HES-SO bénéficient de repas à 5 chf dans les cafs universitaires. Ces repas ont un grand succès auprès des étudiant.e.x.s. Les deux GT qui ont été créés pour parler de la gestion des cafs – l’un à court terme, l’autre pour réfléchir au modèle des cafétérias à moyen-long terme – sont actifs. C’est pas pour autant qu’ils sont efficaces. Ils se renvoient constamment la balle et s’attardent sur des points de moindre importance au détriment de points cruciaux. Ils remettent en cause des choix déjà actés, ce qui nous empêche de véritablement avancer de réunion en réunion. La CUAE est toujours bien active dans ces GT et met tout en œuvre pour qu’ils ne restent pas de simples commissions bureaucratiques.

Bien que la vice-rectrice se soit engagée à soutenir financièrement La Farce à la mi-novembre, le soutien se fait toujours douloureusement attendre. On se demande même si le rectorat n’est pas en train de changer de plan. C’est évidemment un dossier qu’on va suivre de très près au cours des prochaines semaines. Une chose est sûre : on va pas lâcher le rectorat là-dessus.

Bilan
Cette courte période de deux semaines a été très intense et a beaucoup enrichi la CUAE. De toute évidence, elle a nourri beaucoup de discussions et de réflexions au cours des deux semaines d’occupation. Il y avait énormément de choses auxquelles on n’avait pas pensé au moment d’entrer dans la cafétéria. En témoigne la façon avec laquelle nos revendications et notre discours ont évolué concernant les conditions de travail du personnel des cafétérias ou l’importance qu’a pris la thématique de l’internalisation au cours de l’action.

Cette action est indéniablement une étape marquante du passage à la CUAE pour chacun.e.x d’entre nous. Cependant, on en garde pas tou.te.x.s des souvenirs semblables et on y associe des significations différentes. Au sein du comité, quand on creuse un petit peu, on se rend compte qu’on n’est pas d’accord sur pas mal de point qui concernent cette occupation et sa portée.

Évidemment, il est difficile d’avoir un regard réellement objectif sur une lutte qui est aussi récente mais surtout sur une action dans laquelle on s’est très intensément impliqué.e.x. Ainsi, quand on pense à l’occup de la caf on doit forcément composer avec une forme d’idéalisation et une attache émotionnelle forte.

La question autour de laquelle se sont cristallisées beaucoup de discussions depuis le 16 novembre est celle de savoir si on considère l’occupation comme une victoire ou non. C’est une question toute bête en apparence mais dans laquelle s’entremêlent beaucoup de réflexions sur le sens de nos luttes et leur efficacité.

Par exemple, on parle souvent d’organisation collective. Pour certain.e.x.s d’entre nous, l’occupation de la caf était une occasion privilégiée pour expérimenter de nouvelles formes d’organisation collective. Laisser la possibilité à de nouvelles personnes d’intégrer pleinement l’occupation et sa gestion stratégique et politique devenait un des objectifs de cette mobilisation. Alors que d’autres considèrent que l’occupation était un moment de forte charge de travail (souvent fait dans l’urgence) et que l’environnement n’était pas propice pour fournir un effort supplémentaire (dont l’importance n’est en aucun cas relativisée) afin de rendre nos luttes accessibles.

De manière plus abstraite, ces discussions nous poussent à réfléchir aux rapports entre les moyens et les buts de nos luttes. Les moyens et les buts sont-ils indissociables, se complètent-ils mutuellement ? Les moyens (par exemple l’organisation collective) sont-ils une fin en soi ? Ou alors sont-ils uniquement et simplement au service des fins ? Les moyens sont-ils compris dans les fins ? A la CUAE, le débat reste ouvert!
Si ces discussions sur la portée et le sens de l’occup sont très enrichissantes, elles sont également là pour nous rappeler que la CUAE n’est pas une organisation idéologiquement homogène. C’est sans doute une de ses faiblesses mais c’est également une de ses grandes forces.

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Regard critique n°51

Le dernier numéro du journal du comité est sorti!

Il est disponible en version papier au bureau de la CUAE et dans les caissettes à journaux rouges dans les bâtiments de l’Unige, ici en version pdf :

Regard critique n° 51 – pdf

Au sommaire : dossier sur le néolibéralisme à l’unige ; retour sur l’occupation de la cafétéria ; mixité choisie ; retour sur la pandémie ; mot croisé et bien plus encore.

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Réaction de la CUAE face à la levée des mesures sanitaires à l’UNIGE

Pourquoi s’attarder maintenant à faire l’évaluation d’une pandémie qui donne l’impression de lentement être derrière nous? Il y a peu, nous avons expérimenté la levée des mesures sanitaires avec son lot de grands changements qui y sont liés. Ainsi, il nous semble important de réagir à cette période charnière que nous vivons et émettre un regard critique sur celle-ci.


Ces deux dernières années, nous pouvons toutexs dire que nos quotidiens ont été bouleversés. En effet, nous avons dû intégrer la variable covid dans nos habitudes. Ainsi, elle s’est très vite imposée sous la forme de gestes barrières et de mesures sanitaires et leurs multiples formes. Après le semi-confinement, les quarantaines, les cas contacts, la désinfection, les masques et les checks de coudes, nous arrivons dans une nouvelle période, celle de la levée des mesures. Cette période, ce fameux “retour à la normale”, nous l’attendions toutexs. Pourtant, maintenant que nous y sommes, que faut-il en penser, comment le vivons-nous et surtout qu’est ce que cette pandémie nous a appris?


Tout d’abord, ces deux années ont mis en lumière le type de réponse que nos sociétés sont en mesure d’apporter face à une pandémie de cette envergure. Ces réponses influencées par les logiques capitalistes ont par ailleurs vite montré leurs limites et  contradictions face aux recommendations sanitaires des scientifiques. En effet, alors que tout le monde s’entendait sur la nécessité d’atteindre une immunité collective, nous avons pu voir les lobby de la pharma s’opposer à la levée des brevets des vaccins et ce, jusqu’à ce jour. Ainsi, alors que certains pays commençaient déjà leurs campagnes vaccinales pour une deuxième dose, certains pays parmi les moins favorisés, n’avaient toujours pas accès au moindre vaccin pour leur population. Certains scandales ont ainsi éclaté, révélant des enveloppes conséquentes proposées par des pays occidentaux pour obtenir des passes-droits sur les doses disponibles. Comme quoi, la théorie du ruissellement se retrouve partout et ne fonctionne nulle part.
L’économie a ainsi façonné nombre des mesures sanitaires qui nous ont été présentées. Or, nous pensons qu’il faut plutôt des mesures sociales pour protéger les personnes les plus vulnérabilisées face aux fluctuations de l’économie. Cependant, les mesures sanitaires qui en résultent sont à prendre en connaissance de cette influence. Elles sont en effet relativement généralisées au niveau national et il est insensé de penser qu’elles soient applicables telles quelles au cas par cas. Ainsi, si l’université de Genève devait les mettre en application, il est important de rappeler qu’elles ne fixaient que le minimum de ce qui devait être fait. Car, nous avons pu le voir, cette crise sanitaire a révélé bien d’autres besoins et détresses chez les étudiantexs que les mesures du conseil fédéral seules, ne pouvaient régler. Nous pouvons entre autres citer une augmentation des précarités et de la détresse psychologique engendrée à la fois par la pandémie directement et par l’absence de considération pour ces réalités que vivent les étudiantexs. 


Ensuite, il est important de rappeler que cette crise n’est pas encore terminée. En effet, nous pouvons observer depuis la levée de la majorité des mesures sanitaires le 16 février 2022, une certaine euphorie parfois teintée d’une insouciance depuis longtemps désirée. Or, bien que la nature du virus actuel permette un allégement des mesures, il n’a pas disparu pour autant. De nombreuses personnes vivent encore isolées car ayant des personnes à risque dans leur entourage. De plus, les conséquences psychologiques qu’a laissé cette pandémie ne se lèveront pas du jours au lendemain comme de simples mesures sanitaires. C’est pourquoi, il est nécessaire que certains services comme les tests gratuits à l’université par exemple, restent d’actualité. Ainsi, nous nous positionnons en faveur d’une université qui permet un suivi des cours en présentiel mais tenons à appuyer la nécessité de garder certains services comme cités précédemment ainsi que des bornes de désinfections, masques, etc.. à dispostion.


Comme évoqué précédemment, un autre élément nous semble important à traiter. Finalement, ce que cette pandémie nous a appris et qu’est ce qui peut/doit être préservé et assuré pour la suite à l’université. Si nous abordons ceci ici, c’est parce que depuis la levée des mesures, nous pouvons observer une forte volonté de retrouver “la vie d’avant” ou plutôt la vie sans covid. Des signes de cette volonté se retrouvent à la fois au sein des étudiantexs mais également auprès des organes décisionnels de l’université. Or, comme nous l’avons dit précédemment le covid n’est pas à proprement dit “parti”. Ses conséquences directes comme la précarité étudiante sont toujours bien présentes. Pourtant, le rectorat n’a eu aucun scrupule à supprimer les repas à 3.- qui étaient pourtant une avancée significative pour lutter contre les nombreuses retombées de la crise. Nous avons du par ailleurs nous battre pour qu’il mette en place des repas à 5.- de manière anticipée. Leur arrivée a été acceuillis très positivement par les étudiantexs qui ont été nombreusexs à exprimer le soulagement qu’apportent ces repas et à quel points ces initiatives sociales sont nécessaires de manière générale et plus particulièrement en ces temps de crise. De plus, de nombreuses études montrent qu’avec l’évolution de la situation climatique, le cycle pandémique, c’est à dire le nombre d’années entre chaque pandémie, tend à drastiquement se raccourcir. Ainsi, cette situation exceptionnelle que nous venons de traverser ne sera pas un cas isolé. Il est donc important de tirer aujourd’hui, les apprentissages qui nous serons utiles pour affronter les crises de demain. 


Dans cette optique, il est impensable de désirer un retour à un statut quo d’avant pandémie dans une réalité qui est tout autre. En effet, certains outils mis à disposition durant cette période ont su montrer leur utilité voire même leur nécessité. Les cours de toutes les facultés par exemple étaient soudains enregistrés et mis à disposition des étudiantexs durant l’année entière. Cet outil a été acceuilli de manière très positive chez les étudiantexs qui pouvaient dès lors rattraper une leçon ou simplement revoir un passage d’un cours lors de leurs révisions. Or, tout aussi subitement que leur apparition, certains cours ont, depuis la rentrée, cessé d’être enregistrés. Rappellons de plus que deux volées entières d’étudiantexs ont vu leurs deux premières années d’université se dérouler quasiment exclusivement en ligne. Un tel retour en arrière vers une situation inconnue pour toutexs ces étudiantexs a de quoi être plus que déstabilisant surtout que, rappellons le encore, la crise sanitaire n’est pas terminée.


Toujours dans la même lignée, la nature des évaluations à l’université a montré ses limites quand il a soudain fallu les passer en ligne. Les modalités d’examens ont dû être improvisées et plusieurs sessions qui se sont déroulées pendant cette période ont démontré leur nature de projet pilote. Nous ne pouvons certes pas blâmer toutes les décisions qui ont été prises à ce sujet au tout début de la crise car, effectivement, tout restait à définir et nous ne possédions aucun recul sur cette situation. Cependant, cette pandémie à tout de même duré 2 ans (pour le moment) et pourtant une évolution des mesures, des initiatives ainsi que d’une évaluation pensées pour les étudiantexs n’ont pas fait leur apparition pour autant. La préoccupation première de l’université restant la préservation coûte que coûte de la “valeur” des papiers qu’elle fournit. Ainsi, une fois de plus nous avons dû nous mobiliser. Que ce soit pour pour une session d’examens extraordinaire supplémentaire au plus haut du pic de contaminations ou encore contre un logiciel de surveillance intolérable. Cela pour quel résultat? Un rectorat qui fait la sourde oreille et persévère à placer leurs priorités avant celles des étudiantexs. Mais en cette période de sortie de crise, les temps ont changé. Nous possédons maintenant le recul et les bases pour construire des réponses appropriées aux futures situations similaires que nous devrons traverser. Ainsi, repenser les modalité de l’évaluation est donc nécessaire pour pouvoir cette fois réagir de manière réfléchies et organisée tout en assurant la sécurité, la santé physique et mentale ainsi que l’égalité des chances de toutexs.


Les organes décisionnels de l’université n’ont évidemment pas à assumer la charge réflexive de tous les apprentissages de cette pandémie seuls.  En effet, il est impératif de chercher les informations là où elles sont les plus pertinentes, c’est-à-dire auprès des personnexs directement concernéexs, autrement dit, nous, les étudiantexs. Qu’ils ne s’inquiètent donc surtout pas, nous sommes là pour les aider dans cette lourde besogne.

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Offre d’emploi – secrétaire permanent.e.x – 40%

1er mars 2022

La Conférence Universitaire des Associations d’Étudiant.e.x.s (CUAE) cherche un.e.x secrétaire permanente.x à 40%.
Entrée en fonction: 1er juillet 2022 (ou à convenir)

Profil souhaité:
– Être étudiant.e.x immatriculé.e.x à l’Université de Genève.
– En raison des statuts de la CUAE fixant la mixité au sein du secrétariat, seul les dossiers d’hommes ou personnes non-binaires seront retenus
– Être disponible pour deux ans au minimum.
– Avoir une bonne expérience des milieux associatifs de l’université.
– Aisance orale et communicationnelle nécessaire.
– Être motivé.e.x par les activités politiques et syndicales de la CUAE.
– Être en accord avec les valeurs de la CUAE (cf. les statuts).
– Être à l’aise avec les outils informatiques courants.
– Être disponible (horaires irréguliers, souvent le soir).
– Capacité à travailler de façon autonome et en équipe ; avec deux autres secrétaires permanent.e.x.s et en coordination avec le comité de l’association.
– Des connaissances d’autres langues que le français seront valorisées
– Des bonnes connaissances des institutions académiques genevoises ainsi que de la politique universitaire suisse sont un sérieux atout.
– La connaissance et/ou l’intérêt pour les réseaux associatifs et militants de Genève est fortement valorisé.

Les secrétaires permanent.e.x.s sont chargé.e.x.s de tenir des permanences d’aide aux étudiant.e.x.s, d’assurer le fonctionnement quotidien de l’association, et d’apporter un soutien aux projets en cours.

Vous trouverez plus d’infos sur les activités de l’association sur notre site internet: www.cuae.ch
Pour toute question ou renseignement nécessaire sur le poste, n’hésitez pas à nous solliciter.
Les dossiers (lettre de motivation + CV) sont à envoyer jusqu’au 1er avril 2022 à l’attention d’El Shaddai Abebe :

par e-mail à cuae@unige.ch
ou par voie postale à:
CUAE – c/o Uni Mail, 40 boulevard du Pont-d’Arve – 1205 GENÈVE

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Examens universitaires : quand est-ce que les étudiant.e.x.s seront écouté.e.x.s ?

Ça ne vous aura pas échappé : la session d’examen a commencé dans des conditions qui sont particulièrement angoissantes pour une bonne partie de la communauté étudiante. Loin d’être anodine, cette session d’examens est un marqueur d’une question éminemment structurelle qui pousse à réfléchir au modèle d’université que nous voulons.


On a beau savoir que l’université est une structure autoritaire, on reste toutefois surpris.e.x.s du manque de complexes de la part des autorités académiques. Et ce tyranisme est souvent à géométrie variable, comme nous le prouve encore une fois cette session d’examens. Quand la CUAE et d’autres associations étudiantes interpellent le rectorat ou les facultés, ces dernières se renvoient perpétuellement la balle et n’assument pas leurs responsabilités dans la majorité des cas. C’est un des mécanismes qui leur sert à maintenir le statut quo, chose d’autant plus problématique dans un contexte d’angoisse généralisée où les décisions prises impliquent parfois de prolonger ses études d’une année entière. Cela peut avoir des conséquences désastreuses comme ne plus entrer dans les critères d’obtention des bourses d’études ou bien simplement repousser l’entrée dans le monde professionnel et ne pas être rémunéré.e.x pendant une année de plus, ce qui touche les personnes déjà précarisées en premier lieu.


La peur d’être contaminé.e.x  par le covid-19 en passant ses examens est un facteur d’angoisse important. D’autant plus que dans la majorité des cas cela impliquerait de ne pas pouvoir passer le reste des examens et d’être obligé.e.x de s’y présenter au beau milieu de l’été. En coulisses, le rectorat nous a sorti la carte de la blouse blanche, en la personne d’un professeur de médecine qui est venu estampiller du label scientifique la tenue des examens et les décisions prises, ainsi que les risques (supposément ?) minimes de contracter le covid-19 lors du passage des examens. Mais alors que dire des énormes attroupements dans les couloirs de Palexpo, du manque de désinfectant, des surfaces que personne ne désinfectait ? Le rectorat a bien vu que la mise en place concrète de ses décisions laissait à désirer et a promis d’améliorer ces problèmes, mais les préoccupations tardives ont bien peu de valeur face aux contaminations et le stress engendrés. Il semble pourtant assez évident qu’avec un peu de souci et de considération, ces rectifications auraient pu être mises en place bien plus rapidement après les premiers retours, mais surtout préalablement à la session d’examens.


Mais l’angoisse provoquée ne dépend pas uniquement des mesures concrètes vécues sur le moment par tou.te.x.s les étudiant.e.x.s, mais aussi de la communication qui est faite à son égard avant les sessions d’examens. Par exemple, il parait que Palexpo dispose d’un système d’aération très sophistiqué et à la hauteur de la situation sanitaire. Au-delà des mesures elles-mêmes, ce genre d’informations aurait dû être communiqué publiquement et clairement dès que la décision de passer des examens en présentiel a été prise. Une fois de plus, le rectorat nous prouve qu’il ne considère pas l’angoisse que ces décisions peuvent engendrer. Et une fois de plus, il nous fourni des preuves abondantes du confort de la tour d’ivoire dans laquelle il vit.


La peur de contracter le virus au cours de la période d’examens mais en dehors des passages de ceux-ci est également un grand facteur de stress. Et ce stress a des conséquences directes sur la manière avec laquelle on vit cette période. Tout d’abord, il nous empêche souvent de nous concentrer sur nos cours et nos révisions. On se demande aussi en permanence : est-ce que je pourrai me rendre à mon prochain examen ? Et cette peur modifie incontestablement l’attitude de beaucoup d’étudiant.e.x.s et leur façon d’affronter la période. Nombreu.se.x.s sont celleux qui ne se sont pas rendu.e.x.s à la bibliothèque de peur d’y attraper le virus. Nombreu.se.x.s sont celleux qui n’ont pas voulu voir leurs ami.e.x.s (chose ô combien importante pour décompresser). Nombreu.se.x.s sont celleux qui n’ont pas osé se faire tester de peur que la question de se rendre à un examen en étant porteureuse du virus se pose. En somme, la question du coronavirus et le stress qu’elle suscite étaient omniprésents dans nos pensées tout au long de la période.


En considérant ces éléments, nous trouvons très questionnant que le rectorat s’entête à organiser la session d’examens sur le même modèle que d’habitude, sans prendre en compte le caractère extraordinaire de la situation actuelle. La modification des réglements facultaires qui prolongent les études dans le cas d’une absence à un examen, la non-comptabilisation des échecs lors de cette session et surtout une session extraordinaire de rattrapage au printemps sont autant de mesures nécessaires qui montrent qu’une session d’examens sereine en pleine pandémie ne se réduit pas à la question sanitaire. Pourtant, le rectorat refuse frontalement d’entrer en discussion pour la mise en place de ces mesures. Il a beau nous assurer qu’il prend à bras le corps la gestion de la situation et de l’angoisse collective qu’elle engendre, ce n’est pas pour autant qu’il prendra des mesures qui pourraient, ne serait-ce qu’un peu, soulager notre angoisse.


Le rectorat nous assure que le mot d’ordre pour gérer la session sera “compréhesion” et que des mesures individuelles adaptées seront prises a posteriori pour régler les problèmes survenus pendant la session. Encore une fois, ces informations sont données lors de réunions en comité réduit alors que ce sont des informations qui concernent et aideraient beaucoup d’étudiant.e.x.s. On reconnait ici la frilosité habituelle du rectorat à prendre des positions engageantes. C’est à peu près la même chose en ce qui concerne le taux d’absentéisme. Le rectorat nous indique qu’il surveille très attentivement ce taux pour vérifier qu’il ne dépasse pas trop le seuil habituel d’environ 5%. Mais la manière d’analyser ce taux est problématique. Elle ne reconnaît pas les différences majeures entre une session d’examen “normale” et celle qu’on est en train de vivre. Elle ne reconnaît pas que le taux d’absentéisme serait encore plus haut si des mesures adaptées avaient été prises. Par exemple, si une session d’examen extraordinaire avait été mise en place, le nombre d’étudiant.e.x.s qui ne se seraient pas rendu.e.x.s à leur examen parce qu’iels étaient contaminé.e.x.s aurait augmenté, le taux d’absentéisme avec. Surtout, le taux d’absentéisme ne prend pas en compte l’angoisse que la session a procurée. Quand bien même le taux d’absentéisme serait resté stable, cela n’aurait en aucun cas voulu dire que les mesures étaient adaptées. 


Rappelons peut-être que depuis le début de la pandémie, chaque session d’examen a été l’objet de négociations, parfois féroces, avec le rectorat. Pour la session de printemps 2020, nous demandions la validation de tous les crédits pour une gestion de crise solidaire (1,2,3). Lorsque les examens se déroulaient en ligne, nous nous opposions à la surveillance vidéo (4). Pourtant, quasiment tout ce que nous proposions était refusé par le rectorat. Schématiquement, les décisions se sont à chaque fois prises comme ça : le rectorat, du haut de ses pleins pouvoirs, nous impose des mesures inadaptées; nous le rappelons à l’ordre et proposons des mesures plus adéquates pour la sérénité de nos études; le rectorat “entend et considère” nos inquiétudes mais ne change pas de ligne de conduite; la session d’examens se déroule et confirme une bonne partie de nos inquiétudes. 


La gestion des dernières sessions d’examens révèle des problèmes de fond dans le fonctionnement de l’université. Celle-ci est absolument anti-démocratique malgré ce qu’elle annonce avec toute la prétention qu’on lui connait. Les examens universitaires impactent très directement les étudiant.e.x.s. Dès lors, il est nécessaire que les étudiant.e.x.s soient sérieusement pri.se.x.s en compte dans les processus décisionnels sur ce sujet. Les associations étudiantes doivent être incluses dans les négociations au sein des décanats facultaires en amont de la décision. Il est temps que notre consultation ne se résume pas à une validation (ou quelques modifications mineures) de décisions déjà entérinées bien avant qu’elles ne nous soient soumises. Il est temps que les associations étudiantes ne servent plus uniquement de faire-valoir démocratique aux autorités universitaires. Bref, il est temps que les étudiant.e.x.s aient un réel pouvoir politique au sein de leur institution.

Notes :
(1) https://cuae.ch/prise-de-position-de-la-cuae-sur-les-examens/
(2) https://cuae.ch/coup-de-gueule-a-propos-des-examens/
(3) https://cuae.ch/le-rectorat-a-repondu-a-nos-questions-et-on-en-est-pas-plus-avance-e-x-s/
(4) https://cuae.ch/unige-is-watching-you/