Contexte politique tendu : la gôche majoritaire au gouvernement et l’illusion d’unanimité ou comment le PS et les vertes vous font croire être les maîtres à bord pour le plus grand profit et la plus grande joie de leurs copines de droite qui ne passent même plus pour des méchantes destructrices de l’état aux yeux de l’électorat qui ne sait plus qui croire.
Vous croyiez qu’à Genève on ne fait rien comme les autres et qu’on est incapable d’avoir des politiques de compromis(sion) ? Détrompez-vous ! Au moins depuis que l’on connaît la « cohabitation » [1] on en est capable. Du coup, beaucoup considèrent à tort que quand une loi est votée par tous les partis, il s’agit d’une loi « équilibrée » [2] Voici une petite réflexion sur le contexte politique genevois et le discours dominant habituel qui tend à tout rendre technique et apolitique.
Cohabitation et compromission : un jeu « win-win [3] »
Que la gôche se compromette pour accéder au gouvernement n’est pas nouveau [4]. La seule différence c’est que pour la première fois elle gouverne en se croyant majoritaire alors que tant que le Grand Conseil est tenu par la droite elle ne le sera pas. Du coup, et ce n’est pas un scoop, le pouvoir suprême n’est pas l’exécutif mais le législatif [5]. Le PS et les vertes le savent très bien, elles ont juste fait semblant de ne pas s’en rappeler et martèlent à qui veut l’entendre qu’elles sont aux affaires. Évidemment, il y a un vrai enjeu à rester au pouvoir : ça rapporte des postes et ça permet de faire une campagne permanente grâce à la « couverture » médiatique ! La droite se tait : sa politique est appliquée par d’autres sans qu’elle ait trop à se fatiguer. C’est ce qu’on appelle un jeu win-win, tout le monde est gagnant. C’est ainsi qu’il faut comprendre l’excellente « coopération » entre les partis de droite et de gôche [6].
Les conséquences d’une telle pratique des deux « grands » partis de gôche peuvent apparaître comme graves. Depuis la « cohabitation », la politique du gouvernement ne connaît pas d’opposition au parlement… si ce n’est celle de l’extrême droite démagogue et parfois des libéraux les poussant à aller « plus loin ». Bien plus grave encore, le PS et les vertes ne manifestent plus, ne récoltent plus de signatures, bref ne contestent plus [7]. Cela donne une impression d’unanimité. Cela donne l’impression que les lois sont « équilibrées » alors que la période n’est pas au répit [8]. En résumé, on constate que ces deux partis de gôche se profilent désormais exclusivement comme des partis « gouvernementaux » habitués au pouvoir et s’habituant à avoir comme but principal la conservation de parcelles de pouvoir (et non pas la conquête du pouvoir et encore moins un projet politique de transformation de la société comme ils le prétendent à longueur d’année). Faire le constat de l’abandon du terrain politique qu’est la rue [9] ne peut que confirmer l’impression d’acceptation de la politique actuelle : les « militantes » devaient être bien fatiguées d’être dans l’opposition et contentes de devenir « membre » d’un club qui a deux conseillères d’états, et donc deux départements avec tous les postes de fonctionnaires à distribuer. Le passage de la gôche de l’opposition au pouvoir, c’est aussi la professionnalisation des partis avec tous les intérêts économiques en jeu [10]. D’ailleurs, combien de « militantes » autrefois d’extrême gôche ont pris une carte au PS à l’annonce de la possibilité d’un poste ?
La fin de la politique ou pourquoi il ne sert à rien de débattre.
Mais ne vous inquiétez pas ! Selon eux-mêmes, le PS et les Vertes sont toujours de gôche. Ce n’est pas qu’elles ont viré à droite en même temps qu’elles accédaient au pouvoir, c’est simplement que maintenant c’en est fini des luttes idéologiques. En fait, dans leur discours « idéologie » est péjoratif puisqu’il se rapporte à une page sombre de leur histoire, où les gens luttaient encore pour essayer de changer l’organisation de notre société en un système plus juste. L’idéologie, c’est bon pour les marginaux [11] ! Place au gouvernement « responsable [12]», celui qui ne fait pas de la politique mais qui gouverne à la manière d’une manager ou d’une cheffe d’entreprise. En cela, le discours du PS et des Vertes est en tout point semblable à celui d’une libérale [13]. En l’absence d’idéologie, ou autrement dit de conception différente d’une société, il ne sert à rien de débattre des lois ou de leur pertinence. On peut y voir la fin de l’histoire ou du moins de la politique. Étant tous d’accord sur la direction à prendre (le fameux « consensus » [14]) , il ne sert à rien d’allonger les débats. Le « consensus » c’est la fin de la contestation, le début de l’acceptation du pire, ou du moins, le début de l’acceptation de la politique de « l’autre », la droite, c’est-à-dire l’acceptation par la gôche gouvernementale d’une politique intrinsèquement anti-social(ist)e sous le couvert qu’il ne s’agit pas de politique (au sens idéologique) mais de « bonne gouvernance ».
Instrumentalisation accrue des lois ou pourquoi la presse n’a plus de journalistes mais que des laquais aux services des puissantes et qu’elles sont prêtes au pire pour s’y maintenir.
Le seul débat possible, mais souvent occulté puisque les partis gouvernementaux se partagent l’élaboration des lois, est celui portant sur les mesures d’applications et les indicateurs servant à l’évaluation d’une loi. Il s’agit de choisir les « bonnes » mesures, celles qui permettent d’accroître le contrôle social et la politique de désengagement de l’état, faussement appelée politique de « responsabilisation individuelle [15]». Il s’agit de choisir les « bons » indicateurs, ceux qui mettront le plus en évidence la « qualité » du travail effectué par tel département ou tel parti politique. Ainsi, les lois ne sont plus la solution trouvée par notre classe politique pour répondre à un problème de société mais un outil de propagande partisan. A chaque projet de loi correspond sa conférence de presse qui mettra en avant tour à tour telle ou telle conseillère d’état. Dans une telle optique, leur évaluation sert avant tout à mettre en avant la réussite que constitue telle ou telle mesure [16]. Les conseillères d’états se profilent grâce à « leur » loi – puisqu’elles se les partagent – profitant de la paresse des médias et de leur allégeance pour répandre leur propagande. On le voit bien, la politique est d’avantage déterminée par des questions de marketing que par le contenu des projets. Le timing ou la mise à l’agenda est logiquement soumis à la même règle. Elles ne font plus une loi au « bon » moment pour répondre à un problème, elles font une loi au moment « opportun », au moment où les médias ont bien préparé le terrain [17], au moment où cela assoit leur base électorale. La politique n’est plus un enjeu noble de transformation de la société – si elle l’a été une fois – mais un enjeu de conservation du pouvoir. Autrement dit, on fait de la politique pour faire de la politique, on fait des lois pour continuer à en faire, pour se maintenir au pouvoir et distribuer des places à ses copines. Dans un tel contexte, celles qui faisaient confiance ou avaient des espérances dans le jeu politique peuvent déchanter. Les élues sont prêtes à tout, à retourner leur veste comme suivre le sens du vent. Et peu importe que le vent nous mène droit dans le précipice, il faut le suivre.
Face à ce constat, il nous faut résister avec tous les moyens à disposition : C’est pourquoi la CUAE vous appelle à voter NON à la loi sur l’université ! Le 30 novembre prochain.