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Actualités Politique universitaire Textes

Rappel des faits concernant la censure du site internet de la CUAE

Suite au communiqué de presse de la CUAE du 26 juillet 2006 au sujet de la nomination d’une commission externe chargée de l’élaboration d’un projet de loi sur l’université, M. Christian Dandrès – représentant étudiant au Conseil de l’Université – a sollicité la CUAE ; nous avons alors donné suite à la requête de M. Dandrès en publiant sur notre site ses remarques.

En date du 9 août 2006 la CUAE a décidé de publier sur le site internet une réponse à la réflexion de M. Dandrès qui nous est parvenue via le forum. Il faut savoir que le forum du site internet de la CUAE est géré a priori. Bien que le texte en question portait la signature de Mme Ruth Dreifuss, une lecture même rapide ne pourrait induire aucun lecteur à penser que l’ancienne conseillère fédérale en soit vraiment l’autrice. Ce texte satirique est une rigoureuse analyse politique des agissements de Mme Dreifuss à la tête du Département Fédéral de l’Intérieur.

Le 21 septembre 2006 la CUAE reçoit un courrier de Mme Dreifuss – la seule et unique – nous expliquant qu’elle n’est pas l’auteur du commentaire publié sur le forum. Dans le courrier en question Mme Dreifuss exige que l’article en question soit radié du site et que des excuses lui soient adressées.

Lors de la séance de comité de la CUAE du 25 septembre, nous avons décidé de ne pas supprimer le texte satirique, mais de rédiger un rectificatif qui affirme que le texte en question n’est évidemment pas l’oeuvre de Mme Dreifuss et qui expose les raisons de notre choix. Par ailleurs, une lettre calquant la décision de la CUAE a été envoyé à Mme Dreifuss.

Par courrier daté du 27 septembre 2006 (reçu le 28 !), M. Jacques Weber – nouveau recteur – exige que le texte incriminé soit supprimé du site au plus tard pour le 28 septembre à 18h.

Par courrier daté du 4 octobre, le recteur nous impose un ultime délai (fixé au vendredi 6 octobre à 12h…) pour supprimer l’intégralité du dit texte, même après la publication du rectificatif en menaçant une dénonciation auprès du Conseil de Discipline.

Le 6 octobre à midi, le rectorat procède à l’exécution de ses menaces et le site internet de la CUAE est censuré.

Le 10 octobre le site a été réactivé suite au retrait du commentaire incriminé. Le comité de la CUAE a accepté ce compromis afin de récupérer rapidement l’accès au site internet, en attendant que son droit constitutionnel à s’exprimer librement – tant sur le fond qu’avec la forme que nous estimons appropriée – en l’occurrence la satire – soit définitivement reconnu.

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Actualités Communiqués de presse Migrant.e.x.s Textes

2 x non à des lois ségrégationnistes et au racisme d’état

Le 24 septembre prochain, celles et ceux parmi vous qui jouissent du droit de vote au niveau fédéral devront se prononcer sur deux lois concernant la population immigrant en Suisse.

La Conférence Universitaire des Associations d’Etudiantes (CUAE), syndicat étudiant à l’université de Genève a pour but de défendre le droit à la formation pour toutes et tous, elle lutte donc contre tout type de discrimination. Dans le cadre de nos permanences nous avons eu maintes fois l’occasion de constater la situation quotidienne difficile des détenteurs d’un permis B étudiant ainsi que des étudiants sans-papiers. Leur permis étant révocables chaque année au moindre changement dans le déroulement de leur cursus, de leur travail, de leur situation financière générale ou même de leur logement, ils cumulent des contraintes telles qu’ils se voient très souvent forcés de mettre fin prématurément à leurs études. Les conditions précaires dans lesquelles sont maintenus ces étudiants est clairement incompatible avec toute prétention à l’égalité des chances et les changements prévus ne feront qu’aggraver cette situation inacceptable.

Sous le prétexte d’arrêter les abus – comme s’il y avait un lien de causalité entre certaines origines géographiques et la disposition à enfreindre la loi ( !!!) – les propositions de l’Assemblée Fédérale et du Conseil Fédéral font preuve d’avant-gardisme vis-à-vis de la constitution d’une Europe forteresse hermétique.

En durcissant encore davantage les critères arbitraires ségrégationnistes en vue d’obtenir un visa et en supprimant toute aide sociale pour les requérants d’asile déboutés, cette politique de la droite institutionnalise le clivage entre Nord et Sud de la planète. Ainsi, toute personne qui n’est pas originaire de l’UE ou de l’AELE ne sera pas la bienvenue en Suisse.

La régularisation des sans-papiers sera aussi rendue impossible, enfonçant davantage ces derniers dans le traitement politique hypocrite de leur situation sachant que ceux-ci, comme main d’œuvre exploitable à l’infini, sont indissociables du capitalisme.

De plus la suspicion du mariage blanc sera jetée sur tout mariage mixte. Ainsi, outre le caractère arbitraire d’une telle disposition, on constate que les nationalistes de pure souche helvétique seront aussi pénalisés ! Le droit au regroupement familial sera également fortement restreint. Enfin, la non-entrée en matière pour les demandeurs d’asile ne pouvant présenter de pièces d’identité et les mesures de contrainte en vue de l’expulsion (jusqu’à 24 mois de prison pour des personnes n’ayant commis aucun délit !) constituent de graves violations des droits fondamentaux.

En guise de synthèse, si vous ne voulez pas collaborer à une politique discrimigratoire à deux vitesse, l’une s’appliquant aux ressortissant-e-s des pays riches du Nord et l’autre aux peuples subissant les réformes structurelles imposées par le Fond Monétaire International et la Banque Mondiale, allez voter 2 x NON à la Loi sur les Etrangers et à la Loi sur l’Asile et n’oubliez pas de dire à vos proches de faire de même.

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Avenir de l’université de Genève: Une autonomie très sélective

Christian Schiess, assistant à l’université de Genève met en évidence l’hypocrisie des discours et l’incohérence des structures mises en place suite au “scandales de l’université de Genève”.
Texte repris du site http://articles.alambic.ch/unis/unige-autonomie.html

Avenir de l’Université de Genève : Une autonomie très sélective

Le gouvernement genevois a nommé le 26 juillet une commission externe sur la gouvernance de l’Université pour faire face à ce qu’il est désormais convenu de nommer la « crise » de cette institution. Cette commission a été chargée d’élaborer l’avant-projet d’une nouvelle loi cantonale sur l’Université, avec pour mission officielle de remédier à des problèmes de gestion récemment mis en évidence par quelques irrégularités liées principalement à des notes de frais.

D’entrée, la composition de cette commission a de quoi surprendre quiconque est soucieux du bon fonctionnement et de la crédibilité de l’institution universitaire et a une idée des problèmes précis qui s’y trament. Si les quinze membres ont bien été désignés « pour leurs hautes compétences », selon le communiqué du rectorat, force est de constater qu’ils ont été recrutés pour l’essentiel parmi des dignitaires dont la convergence des discours n’a d’égale que leur imprécision : « gouvernance », « autonomie », « assainissement », « qualité », etc. Il en résulte, malgré des affiliations institutionnelles et des sensibilités politiques diverses, un consensus de base qui permet de faire l’économie d’un questionnement sur la formulation des objectifs fixés à la commission avant même sa constitution. Il en résulte en outre une commission externe qui ne l’est pas vraiment, puisqu’un-e délégué-e du rectorat  et une professeure de l’établissement y siégeront, ainsi qu’un étudiant qualifié par la CUAE de « représentant alibi » [1].

Si l’on se place du point de vue des personnes le plus immédiatement concernées par les réformes envisagées, à savoir précisément les étudiant-e-s et leurs associations, le corps intermédiaire et le personnel administratif & technique, ladite commission ne saurait jouir d’aucune légitimité, dans la mesure où le Conseil d’Etat n’a pas même pris la peine de consulter des représentant‑e‑s de ces catégories. Il est bon de rappeler à ce sujet que le corps enseignant de l’Université de Genève est composé pour les deux tiers de personnes effectuant la plus grande partie du travail mais qui sont maintenues dans des conditions d’emploi précaires et/ou instables, dont l’avis n’est pour ainsi dire jamais pris en compte dans les procédures internes, et qui hésiteront plutôt deux fois qu’une à protester étant donné les moyens d’intimidation et de chantage qui peuvent peser sur eux. Cela sans même parler des membres du personnel administratif & technique qui n’ont simplement pas leur mot à dire dans une université qui se prétend l’institution phare de la démocratie. Tout le pouvoir se trouve de la sorte concentré dans les mains d’un mandarinat constitué d’une poignée de professeurs ordinaires que même les décanats et le rectorat rechignent à remettre au pas, fût-ce dans le cas d’agissements immoraux largement connus.

De ces « dysfonctionnements » institutionnalisés, il n’a jamais été question dans les débats qui portent depuis plusieurs mois sur l’Université de Genève et qui ont pourtant mené à la mise sur pied de cette commission sur la « gouvernance ». La grande masse des journalistes et les politicien-ne-s de tous bords ont préféré se concentrer sur quelques cas de fausses notes de frais qui, pour graves qu’ils soient sur le plan légal comme moral, n’affectent en rien le fonctionnement même de l’institution qui dépend avant tout de sa capacité à produire un savoir qui tende à la vérité et à l’objectivité. Il est hautement significatif à cet égard que des affaires telles que celle du professeur Rylander qui a mené des recherches biaisées sur les effets du tabagisme passif en cachant leur financement par l’entreprise cigarettière Philip Morris dans ce qui sera considéré comme une « fraude scientifique sans précédent [2] » à Genève, ou celle du professeur Dermange qui a recouru au plagiat dans l’un de ses ouvrages, aient provoqué bien moins de remous politiques et médiatiques alors qu’elles atteignent dans son principe même la crédibilité académique. Tout se passe alors comme si des agissements illégaux n’ayant rien de spécifique à l’université étaient traités avec bien plus de détermination et de sévérité que le fait de bafouer les valeurs mêmes de l’institution, dont l’Etat est pourtant censé être le garant. Un « fait divers » académique sert ainsi de justification à la refonte de la loi sur l’université.

Bien sûr, dans tous ces cas, qu’il s’agisse de fraude comptable ou de fraude scientifique, les personnes lésées en fin de compte sont les contribuables et les citoyen-ne-s du canton de Genève qui accordent (ou non) leur confiance à son université. Cette dernière est en effet redevable envers l’ensemble de la population qui peut – et doit – légitimement se soucier de l’usage des deniers publics qui y est fait comme de la qualité du savoir qui y est produit. L’ennui avec le traitement politico-médiatique des affaires en cours, c’est qu’il fait passer pour une grave « crise de confiance » ce qui somme toute n’est qu’une juxtaposition de fraudes individuelles que par ailleurs on risque fort trouver (si l’on cherche bien) dans toute organisation. Cette stratégie délibérée qui consiste à jeter le discrédit sur le monde académique semble particulièrement bien fonctionner dans la mesure où elle peut prendre appui sur la vulgate néolibérale qui veut que les fonctionnaires du secteur public soient des parias vivant aux dépens de la société. Elle semble fonctionner d’autant mieux, s’agissant de l’université, qu’elle exploite habilement dans la population un sentiment d’anti-intellectualisme qui précisément se trouve être largement répandu parmi les journalistes et les politicien-ne-s. Au bout du compte, chacun défendant ses intérêts propres, n’hésitant pas à recourir à des règlements de comptes comme ce fut le cas lorsque le Grand Conseil a réduit de 1,5 million sa subvention à l’Université de Genève [3], ces attaques concourent gentiment mais sûrement à la mise en œuvre d’un agenda managérial qui risque de prendre un coup d’accélérateur décisif avec récente nomination de la commission de gouvernance.

Le plus grave, en effet, est que l’affaire des notes de frais falsifiées, loin d’être la cause des restructurations en cours et à venir de l’Université de Genève comme on voudrait le faire accroire, sert en fait de prétexte à un retrait progressif de l’Etat du contrôle académique, et ceci sous la pression insistante des industriels et des organisations multinationales qui voient depuis plusieurs décennies dans l’éducation un marché juteux, très convoité, et une ressource en « capital humain » façonnable selon leurs besoins. [4] La classe politique, pour sa part, y trouve sans trop d’efforts et d’imagination politiques le moyen d’équilibrer les budgets publics et une tentative de résoudre les différents enjeux qui se posent à elle en matière d’éducation supérieure. Sous prétexte donc d’empêcher la réapparition de cas de malversation financière à l’Université de Genève, c’est une panacée néolibérale à vocation universelle qui nous est imposée comme par effraction. La solution préconisée consiste en trois mesures qui correspondent aux trois missions imparties à la commission : autonomie, gouvernance, convention d’objectifs. Arrêtons-nous sur les deux premières.

Autonomie

Depuis plusieurs années, et de manière d’autant plus soutenue ces derniers mois, politicien-ne-s de droite comme de gauche, expert-e-s médiatiques, journalistes et même universitaires entonnent en chœur que la solution à la « crise » universitaire passe nécessairement par « une plus grande autonomie » de l’université. C’est à se demander si les adeptes de ce terme se rendent seulement compte du contresens qu’il véhicule, comme cela a été relevé à juste titre dans un éditorial du Courrier [5]. Face à une institution qui est décriée pour sa mauvaise gestion, on revendique pour elle une plus grande marge de manœuvre, en se permettant de surcroît l’incohérence de nommer à cet effet une « commission externe » bien hermétique aux intérêts des premiers concernés par la question de l’autonomie académique. Certains, à peine gênés, s’évertueront à soutenir que le paradoxe n’est qu’apparent. Il est pourtant bien réel, sauf à considérer qu’une dépendance accrue à l’égard des financements privés, et donc des marchés capitalistes, représente un gain d’autonomie. Laissons cette croyance naïve aux thuriféraires de la Main Invisible et rappelons à qui veut bien l’entendre que l’autonomie qui est celle de l’université moderne a été conquise historiquement et de longue lutte face au Clergé qui prétendait imposer son dogme comme principe de vérité de tout savoir. De cette autonomie relative, c’est l’Etat, précisément, qui est le garant ; celui-là même qui est aujourd’hui l’agent de sa propre destitution, en passe de soumettre la production du savoir à un nouveau dogme : celui du Profit. Précisons encore une fois que ce qui précède ne saurait être interprété comme un éloge d’une université fermée sur elle-même, telle une « tour d’ivoire » recevant la manne publique pour ses seuls intérêts. Bien au contraire, il s’agit ici de plaider pour une université redevable et utile à la société dans son ensemble, non pas à une Cité réduite à sa seule dimension marchande, ce qui est le contraire même d’un projet démocratique. La soi-disant autonomie financière qui nous est aujourd’hui proposée comme unique solution s’apparente dès lors à une mauvaise farce qui risque bien de devenir un cauchemar le jour où les affaires Rylander se multiplieront.

Gouvernance

La « gouvernance » est l’autre grand axe de la réforme légale à laquelle la commission est appelée à œuvrer. Il n’y a pas si longtemps, on aurait encore parlé dans le cas d’espèce d’un problème de gestion comptable ou de contrôle hiérarchique, mais il est à présent décrété que nous avons affaire à un « problème de gouvernance ». Le mot est aussi pompeux qu’il est creux, et comme c’est le cas pour une bonne part du vocabulaire néolibéral, il nous vient directement de l’anglais sans que l’on ait pris la peine de définir clairement ce à quoi il se réfère et, puisque c’est un concept normatif, à quels problèmes précis il est supposé apporter des solutions. Répété en toutes circonstances et face à des situations des plus diverses (politiques du développement, gestion des entreprises, aménagement du territoire, etc.), le mot finit par être ainsi vidé de son sens, ce qui est le comble lorsqu’il s’agit de réorganiser une institution dont la mission première est de définir, de clarifier, bref, de penser.

Il suffit pourtant de se référer à la première définition courante du mot « gouvernance » pour prendre toute l’ampleur du décalage qui existe entre ses prétentions normatives et son usage ordinaire dans le cas de l’affaire qui nous concerne. Prenons par exemple la définition proposée par wikipedia. Elle se trouve être très exigeante, mais en cela même elle reflète assez fidèlement les ambitions affichées de la « bonne gouvernance » d’une organisation : « La gouvernance d’entreprise (ou de toute autre institution) est l’ensemble des organes et règles de décision, d’information (transparence) et de surveillance permettant aux ayants-droits et partenaires d’une institution, de voir leurs intérêts respectés et leurs voix entendues dans le fonctionnement de celle-ci. [6] »  Vaste programme donc, qui implique une concertation et une participation effectives du plus grand nombre de personnes (acteurs) concernées par la vie d’une organisation. Il est à ce titre remarquable de constater qu’un groupe constitué sous le nom de « commission externe sur la gouvernance » de l’Université de Genève voit écartées de toute représentation la quasi-totalité des personnes qui y travaillent. Il est à ce même titre affligeant de voir les promoteurs de cette soi-disant « bonne gouvernance » faire très exactement le contraire de ce qu’ils prétendent faire, en renonçant à respecter, et même à entendre les intérêts des ayant-droits. Ou plutôt convient-il de dire que ces derniers ont été sélectionnés selon une vision très restreinte de la société civile qui se trouve limitée à quelques individus qui, pour l’essentiel d’entre eux, ont pour point commun de manier familièrement le langage du New Public Management (nouvelle gestion publique). Cette doctrine est justement celle de la gouvernance politique qui « renvoie aux interactions entre l’État et la société, c’est-à-dire aux systèmes de coalition d’acteurs publics et privés. Ces démarches de coordination d’acteurs différenciés ont pour but de rendre l’action publique plus efficace et les sociétés plus facilement gouvernables. [7] ». Gouvernance politique signifie ici bel et bien démission du politique, dans la mesure où, sous prétexte d’une plus grande participation et d’une meilleure efficacité, il s’agit pour l’Etat de se délester de ses prérogatives au profit du « privé » entendu avant tout comme le marché. C’est en fonction du marché qu’il convient en effet de réorienter non seulement la production des savoirs, mais également le mode de gestion de l’institution académique. A cet égard, l’idée qu’un management inspiré des entreprises privées soit à même de garantir un regain d’efficacité et de vertu pour l’université prête à sourire, tant les scandales financiers touchant les firmes capitalistes se sont multipliés au grand jour ces dernières années. Mais là encore, l’idéologie du marché pourrait bien avoir raison du bon sens le plus élémentaire.

Dans ce contexte, confier l’élaboration d’un avant-projet de loi sur l’université à une « commission sur la gouvernance » constitue un non-sens dans les termes, puisqu’ « il ne peut y avoir, sans absurdité, d’institution de la gouvernance, car son but est précisément d’échapper au contrôle de la souveraineté, nationale comme internationale. Sa force ne peut s’exercer que dans des réseaux d’influence échappant aux lois. [8] » C’est bien à de tels réseaux d’influence que nous avons affaire dans le projet en cours qui vise à réformer l’Université de Genève. Les termes de la réforme ont été posés avant même que ne survienne l’affaire à laquelle la réforme est censée apporter une réponse, et ils ont été posés par des milieux économiques dont les intérêts particuliers n’ont strictement rien à voir avec les impératifs de liberté et d’autonomie propres à la recherche scientifique. En la matière, il n’y a donc pas de débat démocratique possible du moment que les termes du débat ont été imposés selon une logique échappant à tout contrôle démocratique. Tout comme l’article constitutionnel fédéral sur l’éducation voté récemment par la population suisse, la loi en devenir concernant l’Université de Genève risque bien de se réduire à une ratification pseudo-démocratique d’attentes et d’injonctions qui sont le fait d’une puissante minorité agissant en vue de ses seuls intérêts. Tronquant le débat de fond sur les véritables problèmes de l’institution académique, la notion passe-partout de gouvernance non seulement « se substitue à des notions politiques appropriées [9] », mais tend ainsi à se substituer au pouvoir politique lui-même. Dans cette entreprise de dépolitisation, la « bonne gouvernance » des entreprises en général, et de l’université en particulier, sert de caution morale que les lobbies économiques  [10] , relayés fidèlement par leurs perroquets médiatiques et politiques, brandissent haut et fort afin que l’Etat ne se mêle pas trop de ce qui s’y passe et inscrive ce désengagement dans la loi elle-même.

Quelles réponses à quels problèmes ?

Si la « crise » qu’est censée affronter actuellement l’Université de Genève est, comme le prétendent ses détracteurs, celle d’une gestion administrative et financière inappropriée, comment y remédier ? Tout d’abord en nommant les problèmes par leurs noms. Il n’est pas nécessaire de faire de longues enquêtes pour apercevoir que les personnes qui se sont rendues coupables de fausses notes de frais, c’est-à-dire d’abus de biens publics, sont exclusivement des professeur-e-s. Il pourrait difficilement en être autrement, au vu de ce qui a été dit plus haut, et étant donné que c’est cette catégorie du corps enseignant qui a la main haute sur le nerf de la guerre, à savoir l’argent et les nominations d’autres professeur-e-s. Il en résulte un corps professoral, essentiellement masculin, qui se reproduit lui-même en vase clos, ce qui ouvre la porte à toutes les intrigues et jeux d’influences et procure de surcroît à ses membres l’intime assurance d’une intouchabilité garantie institutionnellement. Or, le propre des raisonnements en terme de gouvernance étant de dénier les hiérarchies et d’éluder les rapports de pouvoir, il est par conséquent inutile d’attendre de leurs adeptes qu’ils remettent en cause les privilèges dont disposent ces mandarins (et mandarines). Cela est rendu d’autant moins probable que par ailleurs la moitié des membres de la commission externe fait ou a fait partie de cette même caste, que ce soit dans l’institution concernée ou dans d’autres établissements d’éducation supérieure.

Si l’on entend faire en sorte que de telles fraudes soient moins susceptibles de se renouveler, ce qui, dans le cas d’espèce, devrait être le soucis premier du gouvernement comme de la commission qu’il a nommée ainsi que du rectorat, il conviendrait par conséquent d’agir aux deux extrémités du problème. Il importe certes de prévoir, en aval, des mécanismes plus efficaces de contrôle interne et, le cas échéant, d’agir par voie légale. Mais cela ne saurait remédier en rien à l’origine du problème. Or celle-ci, qu’on le veuille ou non, est également à chercher dans des questions d’organisation interne à l’établissement, et non pas dans un déficit de « gouvernance » qu’on croit pouvoir pallier par l’érection d’une commission externe. Il s’agit avant tout d’établir des procédures de nomination qui empêchent que des personnes peu scrupuleuses soient nommées à des postes de pouvoir. Si l’on veut bien concéder ici, de manière un peu pessimiste mais pragmatique, que les cas de fraude relèvent principalement de la morale individuelle et qu’il s’en produira toujours et partout, alors la question n’est plus de savoir si on peut les éradiquer par la meilleure des « gouvernances » possibles, mais d’identifier et d’agir sur ce que le problème a de spécifique dans l’institution incriminée : l’Université de Genève. Or, ce sont en premier lieu les procédures de nomination du corps professoral qu’il convient d’y redéfinir. Il se trouve que les personnes les mieux placées pour identifier les professeur‑e‑s susceptibles d’abuser de leur pouvoir sont les membres du corps intermédiaire et du personnel administratif & technique, pour la simple et bonne raison qu’elles travaillent quotidiennement à leurs côtés et sont parfaitement au courant des agissements immoraux qui y ont cours. Sans doute aucune autre institution que le monde académique ne connaît-elle une collaboration aussi rapprochée entre ses membres disposant du plus de pouvoir et ceux qui en sont le plus démunis. Si cela peut parfois donner lieu à une familiarité assez inédite dans les rapports de travail, la même proximité contribue souvent à rendre les relations de dépendance particulièrement sournoises. Inutile de préciser, par conséquent, qu’assistant-e-s, secrétaires et autres employé-e-s ont été les derniers surpris par l’ « affaire » médiatico-politique qui a résulté de ces cas de malversation et a suscité tant d’indignation (avec, pour le dire franchement, une naïveté quelque peu hypocrite de la part des journalistes et autorités censé‑e‑s bien connaître le fonctionnement de l’institution puisqu’elles et ils y ont fait leurs dents, et qui ont trouvé là de quoi en découdre avec un monde scientifique qui manifeste parfois une certaine arrogance, et a de temps à autre l’outrecuidance de faire preuve d’un esprit critique à leur égard).

La première réforme à entreprendre, si l’on souhaite restaurer la confiance prétendument perdue dans l’université, consiste à favoriser des rapports de confiance entre les personnes qui y travaillent. Un moyen d’y parvenir est précisément d’instaurer des procédures de nomination du corps professoral plus « transparentes » (c’est d’ailleurs l’un des objectifs théoriques de la bonne gouvernance) et d’intégrer pleinement dans les commissions de nomination des membres de tous les corps de l’université, à savoir étudiant-e-s, corps intermédiaire et personnel administratif & technique. Cela ne constitue bien entendu pas une garantie absolue contre toutes sortes de dérives possibles, mais une telle réorganisation constituerait déjà un premier pas qui aurait le mérite de prendre le problème à bras le corps, tout en évitant que des perspectives d’ascension académique puissent tenir lieu de primes à une incompétence notoire. Instaurer un contrôle démocratique à la base, agir en amont sur la principale cause du problème, c’est tout simplement agir démocratiquement. Mais le veut-on seulement ?

Un coup de force

Tout porte malheureusement à penser le contraire. En nommant la commission chargée d’élaborer l’avant-projet de loi, le Conseil d’Etat genevois aurait pu s’inspirer des « bonnes pratiques » (pour reprendre un terme cher à la bonne gouvernance) allant dans ce sens, comme c’est par exemple le cas à l’Université de Fribourg qui a instauré une composition plus hétérogène dans les commissions de nomination professorale. Plutôt que cela, il a été décidé en haut lieu de nommer dans la commission externe l’actuel recteur de l’Université de Lausanne, lequel s’est illustré en restructurant d’une manière très verticale son établissement qu’il dirige désormais à l’image d’un PDG d’une firme privée. Cela a peut-être bien pour effet d’affaiblir le pouvoir professoral, mais dans un sens qui n’est pas du tout celui d’une plus grande participation interne, ni davantage celui pieusement indiqué par les tenants de la bonne gouvernance. S’agissant d’une commission sur la gouvernance de l’université, nous n’en sommes plus à une contradiction près. La dernière d’entre elles est cependant la plus significative du mépris dont témoignent les autorités genevoises à l’égard des étudiant-e-s de leur canton. Il se trouve en effet que la CUAE, syndicat étudiant reconnu au titre de la loi sur l’université, travaille depuis plusieurs années à l’élaboration d’un projet de nouvelle de loi pour l’Université de Genève, en y intégrant sa connaissance pratique acquise de l’intérieur même de l’institution. La teneur du texte va dans le sens de ce qui est préconisé plus haut, à savoir plus de transparence et de démocratie. Or, comme cela a été souligné à plusieurs reprises, il n’a pas même été jugé nécessaire de déléguer un seul des membres de l’association au sein de la commission, et encore moins de solliciter leurs avis et leurs compétences. Le ton est donc clairement donné, et il devrait inquiéter non seulement le personnel de l’université mais toutes celles et ceux qui se soucient des conditions de travail qui y prévalent, ainsi que de la qualité des connaissances produites et de l’indépendance des recherches menées. Dans ce qui constitue un véritable coup de force anti-démocratique, les étudiants et le corps intermédiaire, tout comme les citoyen-ne-s, se trouvent en effet floué-e-s par une classe dirigeante qui entreprend de parler en leurs noms tout en se gardant bien de les consulter.

Il ne s’agit pas ici de faire aux différents membres de la commission externe un procès d’intention avant même que celle-ci ne prenne ses fonctions, tout comme il ne saurait être question de proposer des solutions toutes faites à un problème qu’il convient de définir précisément et d’analyser dans ses tenants et ses aboutissants. C’est là précisément la lourde tâche qui incombe à la commission. Les problèmes qui sont ceux de l’université moderne apparaissent bien plus nombreux et bien plus importants que les affaires qui secouent l’établissement genevois. Manque d’encadrement des étudiants, inégalités d’accès aux études et aux postes académiques, mise à disposition des savoirs qui y sont produits à la société entendue dans son acception la plus large, sont autant de défis à relever ici et aujourd’hui. Dans ce projet politique dont dépendent les conditions de production du savoir académique, aucune idéologie ne saurait définir a priori les termes du débat ni restreindre sa portée. Il serait à cet égard vivement regrettable que des scandales financiers, à la faveur d’une indignation populaire rapidement gagnée, servent de prétexte à un désengagement de l’Etat et à la mise en œuvre d’un agenda prédéfini par ceux pour qui le moins d’Etat est une fin politique en soi. La contrepartie, attendue, de cette dépolitisation, n’est autre qu’un surcroît de dépendance à l’égard du secteur économique. Toute question financière est d’abord une question politique, et les moyens à mettre en œuvre pour assurer à l’université sa fonction sociale dépendent des deux devoirs qui sont impartis à l’Etat en la matière, à savoir, d’une part, assurer légalement et financièrement l’autonomie de l’enseignement et de la recherche académiques et, d’autre part, veiller à l’organisation et au fonctionnement démocratiques de l’institution universitaire.

Si le procès d’intention n’est pas de mise, les éléments indiqués plus haut suffisent pourtant à nourrir un profond scepticisme quant à la possibilité même pour la commission nommée par le Conseil d’Etat d’atteindre les buts qui lui sont fixés. Que ce soit de par le déficit qui est le sien en termes de représentation d’intérêts et de pluralité idéologique, de par l’imprécision de la mission qui lui est impartie, ou de par l’absence de véritable débat démocratique sur les enjeux à affronter, il est à craindre que le travail de ses membres ne serve à légitimer des intérêts qui n’ont que peu à voir avec le projet d’une université au service du plus grand nombre. Entreprendre d’« assainir » une institution nécessite de connaître les maux qui l’affectent. Or, lorsque dominent des mots-slogans tels que « gouvernance » ou « autonomie », que penser d’un tel consensus sur le remède à apporter alors même qu’un travail de diagnostic sérieux n’a pas été entrepris ? Au risque donc de voir se créer une commission fantoche œuvrant pour le compte de quelques docteurs Knock aux poches bien remplies, il est urgent de lui définir une mission qui corresponde à des besoins précis. Cela passe nécessairement par une recomposition ou un élargissement de la commission chargée d’élaborer l’avant-projet de nouvelle loi sur l’université. Cette lourde tâche impose aux personnes chargées de la mener à bien qu’elles puissent travailler sereinement et qu’elles sachent se démarquer du conformisme ambiant, ceci afin de garantir à l’université les conditions d’exercice d’un esprit critique envers toutes les formes de pouvoir, y compris celui de l’argent et de l’Etat. C’est là le lourd – mais juste – prix de l’autonomie académique.

Christian Schiess

assistant unige

Les propos ici tenus n’engagent que leur auteur.

Une version abrégée de cet article est parue dans Le Courrier du 15 août 2006.


[1] Conférence Universitaire des Associations d’EtudiantEs. Voir le communiqué de presse du 26 juillet : www.unige.ch/asso-etud/cuae

[2] Arrêt de la Cour de justice de Genève du 15 décembre 2003

[3] dans sa séance du 23 juin 2006

[4] voir à ce sujet : Christian de Montlibert, Savoir à vendre. L’enseignement supérieur et la recherche en danger, Paris, Raisons d’Agir, 2004

[5] « L’art de la fugue », éditorial de Marco Gregori dans Le Courrier du 2 juin 2006

[6] http://fr.wikipedia.org/wiki/Gouvernance

[7] idem

[8] Luc Borot, « Gouvernance », revue Cités no.9, Paris, PUF, 2002, pp. 175

[9] idem

[10] voir Belén Balanya & al., Europe Inc. Comment les multinationales construisent l’Europe et l’économie mondiale, Agone, Marseille, 2005

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université : fin du politique

Communiqué de presse de la CUAE concernant la nomination du nouveau rectorat et celle de la commission externe chargée de présenter un avant-projet de loi sur l’Université

La CUAE prend note de la nomination du nouveau rectorat de l’Université de Genève. Elle constate qu’il s’agit de personnes d’expérience et souhaite qu’elles aient tout le dynamisme nécessaire pour mener à bien leur tâche. Elle se réjouit du refus de Jean-Marc Rapp de prendre les rênes d’une université susceptible de résistance à un éventuel pouvoir absolu du rectorat. Sa manière spécialement peu démocratique d’imposer sans tenir compte des avis divergents la déclaration de Bologne notamment, à la fois à la tête de la CRUS et à l’Université de Lausanne va à l’encontre du modèle d’université démocratique basé sur la cogestion que nous prônons.

Malheureusement, nous retrouvons avec consternation la présence de ce triste sire dans la commission externe chargée de présenter un avant projet-de loi sur l’Université. Mis à part un représentant alibi des étudiants (à moins que ce dernier ne représente le Parti Socialiste Genevois dont il a été membre du comité directeur) et la caution morale de Ruth Dreifuss, on ne trouve dans cette commission que des « experts » en new public management. Le monde politique genevois se distingue par sa quasi absence puisque seul un ancien président du Grand Conseil y siège, et que l’on y trouve aucun élu.

La CUAE avait demandé une représentation paritaire des quatre corps de l’Université, ce qui n’est pas le cas, puisqu’un seul étudiant a été nommé et que le corps intermédiaire et le personnel administratif et technique n’ont aucun représentant. Il est regrettable que des propositions visant à assurer un fonctionnement démocratique de l’Université via une représentation équitable de tous les membre de la communauté universitaire soient ainsi systématiquement écartées. La prise en compte des différentes réalités de la vie universitaire est en effet indispensable au moment de s’atteler au chantier de la révision de la loi sur l’Université.

Le mandat donné à cette commission doit aboutir à un cadre légal permettant l’ « autonomie » de l’Université. Au vu des derniers événements, nous doutons fortement qu’augmenter cette autonomie soit un choix judicieux car on déjà constaté de larges abus dans le cadre de celle dont elle dispose actuellement. Plus inquiétant encore nous semble l’abandon du dossier de l’université par le pouvoir politique. Différentes déclarations de responsables de différents partis en faveur de l’augmentation des pouvoirs du recteur, voire d’une gestion « managériale » le démontre. Sous couvert de développer l’« autonomie » de l’Université, le désengagement de l’Etat est dangereux pour sa mission de service public et couvre en fait une privatisation déguisée de l’institution, relayée par le mandat de la commission externe qui vise à l’intégration de sources extérieures de financement. Il est temps que les dirigeants politiques prennent leurs responsabilités et assument leur mission de surveillance de la gestion de l’université, sans bien sûr sacrifier son indépendance concernant les questions de recherche et d’enseignement.

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Plus de démocratie, pour une meilleure université!

Demain, M. Béguin rendra son rapport sur la gestion de l’université. Quelqu’en soit le contenu, les éléments déjà connus montrent qu’une réforme de la gestion de l’université est nécessaire. C’est pourquoi, la CUAE (syndicat étudiant à l’université de Genève) élabore un projet de loi. Nous sommes encore en discussion sur la stratégie à adopter pour que notre proposition soit appliquée. Nous vous communiquons les principaux changements que nous estimons nécessaires avant de vous présenter le texte de loi définitif.

Les dysfonctionnements de l’université montrent que des changements d’organisation sont nécessaires au sein de l’institution. Il y a cinq ans déjà dans le cadre des débats parlementaires autour de la loi sur l’université, la CUAE affirmait : « Nous sommes favorables, dans la perspective d’une réforme, au renforcement de la participation interne, au détriment d’un pouvoir exécutif concentré dans les mains d’un très petit nombre de personnes. En l’état, le projet de loi attribue les pouvoirs essentiels au département de l’instruction publique et au rectorat. Ce modèle ne clarifiera pas la gestion de l’université, au contraire, les négociations auront lieu à huis clos et le Grand Conseil comme les membres de la communauté universitaire ne pourront que se positionner pour le principe. Nous pensons que la loi doit renforcer d’une part la participation des membres de la communauté universitaire aux décisions qui concernent l’institution et doit intégrer d’autre part un contrôle politique au niveau législatif. Ce principe sera combattu par ceux qui, au sein de l’université et parmi les politiques, entretiennent la confusion entre l’autonomie scientifique et l’autonomie financière de l’université. Nous estimons quant à nous qu’un lien fort entre le pouvoir politique et l’université, associé à une véritable participation interne est le meilleur moyen pour l’institution d’assurer son autonomie scientifique face à un pouvoir redoutable et illégitime : le pouvoir économique. »

Nous maintenons qu’un contrôle politique est nécessaire au niveau de la gestion de l’université et que les décisions doivent se prendre en considérant l’ensemble des acteurs du monde académique. Nous proposons donc trois modifications importantes à la loi sur l’université. Premièrement, il est nécessaire que l’ensemble des corps composant l’université soit représenté de manière paritaire au sein des conseils délibératifs à chaque niveau (conseil de département, de section, de faculté et conseil de l’université) ainsi que dans les différentes commissions. Cette mesure permettrait de mieux tenir compte des attentes de chacun. Elle favorisera également l’implication de toutes et tous. Or, celle-ci est une source importante de motivation avec des répercutions certaines sur la qualité de la recherche, de l’enseignement et de la formation. Finalement, cette proposition présente l’avantage de mettre fin à l’hégémonie du corps professoral. Le pouvoir des professeurs se trouvera donc mieux contrôlé. Cela contribuera donc à ce que ceux qui, au sein du corps professoral, se sentent au-dessus des lois n’outrepassent leurs droits.

La deuxième mesure découle de la première. Il faut renforcer le pouvoir des conseils délibératifs par rapport aux pouvoirs exécutifs que sont les chefs de départements, les doyens et le recteur. Raffermir le pouvoir des conseils délibératifs assurera une meilleure légitimité aux décisions. Celles-ci seront donc claires et soutenues ce qui facilitera l’engagement et le développement de l’université, des facultés et des départements. Finalement, nous demandons que les représentants du peuple prennent part aux décisions de l’université. C’est pourquoi nous proposons qu’il siège au sein du conseil de l’université. Cette présence du monde politique permettra d’avoir un contrôle citoyen au sein de l’université. Cela facilitera également les contacts entre les aspirations du monde universitaire et les volontés politiques. Cela améliora le temps de prise de décision. Enfin, il s’agit d’une présence symbolique forte rappelant que l’université est avant tout le moyen que le peuple se donne pour acquérir de nouvelles connaissances, pour obtenir une meilleure représentation du monde afin d’améliorer la qualité de vie de toutes et tous. Il faut cependant être clair sur un point. Nous voulons que les représentants politiques, au même titre que les membres de la communauté universitaire, contrôlent et participent à la gestion de l’université. Nous ne voulons en aucun cas que la recherche et l’enseignement soit influencée par le pouvoir politique.

C’est pourquoi, il faut garantir une plus grande autonomie des espaces académiques. Chaque département doit avoir un maximum de pouvoir en ce qui concerne la recherche et doit être en mesure de s’organiser en conséquence. Cette organisation est la seule capable de lutter efficacement contre l’ingérence du pouvoir politique et économique sur la recherche et l’enseignement.

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Les enjeux de l'enseignement libéral bourgeois et de la recherche scientifique entre les intérêts du marché et ceux de la collectivité

Dans le nouvel environnement économique, caractérisé par les technologies de l’information et de la communication, les rapides et constants changements qui ont lieu au sein des entreprises du fait de la concurrence acharnée et de la course effrénée au profit, une nouvelle organisation du travail qui introduit davantage de précarité a vu le jour.

C’est ainsi qu’à partir de la fin des années 1980 – sous le prétexte de lutter contre la montée du chômage – le patronat ne raisonne plus en terme de main d’oeuvre qualifiée, mais d’employabilité permanente. Pendant les Trentes Glorieuses[ref]De l’après Seconde Guerre Mondiale au choc pétrolier des années 1973-74.[/ref] le patronat avait besoin de travailleur-euse-s doté-e-s d’un haut niveau de qualification et le hasard (!) a fait qu’à parti des années 1970, on a assisté à une prolongation des études et à l’ouverture de ces dernières à un plus large public, ce qui n’a abouti qu’à une massification des études. A partir des années 1980, dans un climat d’austérité budgétaire permanent et de restructurations industrielles continuelles, on observe l’importance grandissante de la formation continue “pour rester productif et employable” (OCDE[ref]Organisation pour le Commerce et le Développement Économique.[/ref], 1989). L’innovation constante nécessaire au système actuel de production se traduit sur le marché du travail par l’augmentation de la flexibilité du temps de travail imposée aux ouvriers et aux ouvrières qui mène à une précarisation des conditions de travail (salaires, sécurité de l’emploi) et de non-travail (assurances sociales). Cet ajustement du marché du travail implique des profondes réformes du système de scolarisation qui vise le remplacement des savoirs par des compétences[ref]Bien que la notion de compétence ne soit pas encore clairement établie, les pédagogues contemporains et les milieux patronaux semblent toutefois s’être accordés sur une définition commune. Selon eux, la compétence se conçoit comme la capacité de mobiliser des ressources et comme une ressource elle-même. Un large consensus est d’ailleurs établi à son sujet. En effet, elle est fortement – si elle ne l’est pas entièrement – dépendante du contexte auquel elle se réfère. Au sujet des compétences, il est intéressant de souligner, ce qui n’est d’ailleurs pas étonnant, que celles-ci ont fait leur première apparition dès les années 1980 simultanément chez les économistes et les entrepreneurs.[/ref].

Parallèlement à la soumission de l’école aux attentes de l’économie, les milieux patronaux et affairistes luttent entre eux depuis la fin des années 1970 pour avoir la mainmise sur le développement de la recherche appliquée à l’industrie. D’une parti parce qu’elle produit des connaissances nouvelles qui stimulent l’innovation et d’autre part à cause des bénéfices qui résulteraient de leur diffusion au sein des établissements d’enseignement et en dehors de ceux-ci (brevet, création de spin-off[ref]Ce sont des organes crées au sein des universités et dont les fonds sont d’origine à la fois étatique et privée.[/ref] pour les universités etc.). Encore une fois le hasard… fait que la formation supérieure subit depuis une décennie des attaques sans précédents visant à la privatisation-marchandisation de l’enseignement qui se traduit par la dérégulation et la décentralisation du système éducatif[ref]En ligne générale, ce processus est le même partout en Europe mais selon qu’il s’agit d’une République ou d’une Confédération par exemple, il est plus ou moins rapidement atteint en raison des différences de gestion et des rapports national-local.[/ref].  Après les télécommunications, la poste, les transports, les soins de santé, le système de formation reste l’un des derniers “marchés” à conquérir. Le système de formation est un marché potentiel qui est estimé à plus de 2000 milliards de dollars (OMC[ref]Organisation Mondiale du Commerce.[/ref], 2000) qui aujourd’hui sont encore dépensés en grande partie dans le domaine public et ne sont donc pas source de profit privé.

L’Accord Général sur le Commerce des Services (ACGS) – prôné par l’OMC – prévoit de mettre sur pied d’égalité les fournisseurs de services privés et publics, dans tous les domaines où il existe une concurrence entre fournisseurs. Cela implique que toute institution, d’origine publique ou privée, recevra une subvention étatique proportionnelle à sa taille et aux services qu’elle propose, d’où la nécessité pour les établissements de se mettre en réseau.

La chasse à ces subventions sera gérée par un organe ad hoc – étatique ou privé[ref]Il suffit d’observer le cas français, où l’Etat a chargé une entreprise totalement privée pour accomplir ce genre de tâche[/ref] – qui devra “assurer la qualité” des établissements en se référant aux seuls critères quantitatifs sus-mentionnés!

La déclaration d’intentions[ref]Cela n’a strictement rien à voir avec la déclaration de l’existence d’une situation de droit[/ref](!) de Bologne (1999) – est la formalisation des souhaits exprimés par l’OCDE dès la fin des années 1970. Parmi les objectifs-Bologne, on trouve notamment l’amélioration de “[…] la compétitivité du système européen à l’échelon mondial […]” afin que ce dernier “[…] exerce dans le monde entier un attrait à la hauteur de ses extraordinaires traditions culturelles et scientifiques” et la volonté de garantir que les “systèmes d’enseignement supérieurs et de recherchent [puissent] s’adapter en permanence à l’évolution des besoins, aux attentes de la société et aux progrès des connaissances scientifiques.

Sous le prétexte d'”encourager la mobilité des citoyens, favoriser leur intégration sur le marché du travail et promouvoir le développement de notre continent“, cette déclaration, qui introduira un cursus rallongé d’une année (3+2), contraindra la majorité des étudiantes et des étudiants à suivre constamment des cours de mise à jour afin d’améliorer et/ou d’assurer leur employabilité, et une minorité sera formée pour exploiter au mieux ces “ressources humaines” et décider des stratégies économiques et du contrôle social futurs.

Si la Suisse – qui a refusé d’adhérer à l’Espace Economique Européen en 1992 – a décidé d’appliquer les principes affirmés dans la déclaration, c’est clairement parce que le pouvoir politique suit fidèlement les directives exprimées par l’OCDE (dont elle est membre). Preuve en est le processus observé en Suisse, durant les années 1990, qui s’est traduit d’abord par une diminution des subventions pour la recherche fondamentale et l’augmentation pour celle qui s’applique à l’industrie (notamment pour les biotechnologies, les technologies de l’information et l’électronique) et d’autre part par une baisse généralisée des dépenses affectées à l’éducation et à la recherche[ref] Conseil fédéral. Message du 9 janvier 1991 concernant l’encouragement de la recherche scientifique durant les périodes de 1992 à 1995 et un programme d’actions concerté en microélectronique. (FF 1991 I 581), 1991.[/ref].

Cette thèse est une fois de plus renforcée par les déclarations de la dite organisation qui affirme, en 1995, qu’il faut “repenser les raisons qui justifient l’intervention de l’Etat et revoir l’efficacité par rapport aux couts des institutions[ref]OCDE, Les systèmes nationaux de financement de l’innovation, Paris: OCDE, 1995.[/ref].”

M. Charles Kleiber – secrétaire d’état à la science et à la recherche[ref]Nommé par le Conseil Fédéral en mai 1997. Le secrétariat d’état à la science et à la recherche scientifique dépend du Département de l’Intérieur, actuellement dirigé par le conseiller fédéral radical Pascal Couchepin qui, lors du débat parlementaire de 1982 sur le projet de loi sur la recherche (il était à l’époque rapporteur de la Commission du Conseil national) soulignait déjà que ” […] le but premier de la science est souvent moins la poursuite désintéressée de la connaissance que la poursuite de la connaissance à des fins industrielles et sociales, militaires, agricoles et médicales.” A ce sujet, lire la synthèse de Martin Benninghoff et Jean-Philippe Leresche, Vers la promotion d’une science “utile” 1970-1990, La recherche affaire d’Etat, Lausanne: Presses polytechniques et universitaires romandes, 2003.[/ref] et jusqu’à fin 2002 aussi président de la CUS[ref]La Conférence Universitaire Suisse (CUS) regroupe les directeurs des Départements de l’Instruction Publique (DIP) des cantons universitaires, deux des directeurs de l’instruction publique de cantons non-universitaires, le secrétaire d’état à la science et à la recherche et le président des écoles polytechniques fédérales (EPF). Ses bases légales sont la loi sur l’aide aux universités (LAU) du 8 octobre 1999 et le Concordat intercantonal de coordination universitaire du 9 décembre 1999.[/ref] – qui s’est autoproclamé conducteur de l’introduction de Bologne en Suisse – s’est probablement rappelé que les experts de l’OCDE affirmaient déjà dans leur rapport de 1989[ref]OCDE, Politique nationales de la science et de la technologie, Suisse. Paris: OCDE, 1989.[/ref] qu’en Suisse ” […] la liberté de la recherche, l’autonomie des universités et le fédéralisme restreignent considérablement les possibilités d’exercer une influence plus profonde.

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Qu’est-ce que la vision capitaliste de la formation et de la recherche ?

Réponse au sujet de la récente modification des statuts de la CUAE

Dans le système de production capitaliste tel qu’il existe, principalement en Europe et aux Etats-Unis, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, les institutions scolaires, parmi lesquelles les universités, sont un des instruments de la distribution du capital culturel et du capital social, distribution qui fonde essentiellement celle des positions sociales. Ces institutions sont l’enjeu d’une lutte entre les agents les mieux pourvus en capital culturel et social qui entendent conserver le capital accumulé en restreignant l’accès aux degrés supérieurs d’enseignement et les agents nouvellement admis à ces niveaux, relativement dépourvus de capital social et culturel. Les événements de mai 68 en France furent sans doute la manifestation la plus spectaculaire de cette lutte [1]. Les tensions entre les aspirations contradictoires de ces deux classes d’agents ont produit des effets divers selon les structures propres des champs académiques dans les différents pays et les structures particulières des champs politiques de chaque Etat [2]. Les Etats ont été amené, comme dans bien d’autres domaines, à gérer pragmatiquement ces tensions. Les systèmes de bourses ont permis, notamment, de justifier la sélection dans l’accès aux degrés supérieurs d’enseignement. Dans les pays anglo-saxons, les institutions universitaires se sont ouvertes à des objets d’études nouveaux ou à des méthodologies nouvelles (gender studies, cultural studies) permettant aux nouveaux arrivants d’intégrer le système sans bouleverser par trop les hiérarchies antérieures [3].

Durant la même période, la recherche scientifique a largement été utilisée par les Etats pour gérer les contradictions du système de production capitaliste selon le principe de l’étatisation des coûts et de privatisation des profits. Pour simplifier, le développement de certaines technologies requérant des investissements élevés sans garanties de profits, les entrepreneurs laissent l’Etat engager des dépensent et déposent des brevets dans les phases finales de la recherche ou développent conjointement avec l’Etat des centres de recherches dont ils ne se dégagent que si la technologie développée ne tient pas ses promesses. Le cas de la recherche en physique nucléaire est certainement le plus révélateur de cette pratique pour les années 1950 à 1970 [4]. Le même mécanisme se reproduit, des années 1980 jusqu’à aujourd’hui avec la recherche en biologie médicale [5] ou la mise en place des instruments, des connaissances et des réseaux nécessaires à la pratique de l’audit et du conseil juridique et comptable [6].

Les chercheurs ont su tirer des profits substantiels de cette instrumentalisation de la recherche par les Etats ; profits financiers sous la forme de retombées indirectes pour leurs recherches propres, des programmes de recherche dirigées ou des collaborations avec des entrepreneurs, mais aussi profits symboliques  notamment auprès des instances publiques chargées d’administrer la recherche.

Plus marginalement [7], la recherche scientifique a pu servir une sorte de néo-impérialisme dans laquelle le nombre de brevets déposés et le nombre de chercheurs étrangers attirés sur le sol national tiennent lieu de gunboat [8].

Nous proposons ainsi d’appeler vision capitaliste de la formation et de la recherche scientifique les discours et les décisions qui visent d’une part à maintenir les institutions d’enseignement dans leur rôle d’instruments de la distribution du capital culturel et du capital social, en tant que cette distribution fonde essentiellement celle des positions sociales ; et qui visent d’autre part à poursuivre l’instrumentalisation de la recherche scientifique en vue de gérer les contradictions du système de production capitaliste selon le principe de l’étatisation des coûts et de privatisation des profits [9].

1. Voir le chapitre 5 « Le moment critique » dans Pierre BOURDIEU, Homo academicus, 1984.

2. Voir Cécile DEER, « La politique d’accès à l’enseignement supérieur : comparaison entre la France et la Grande-Bretagne » in Agone, sociologie, histoire & politique, n°29/30, pp. 99-120.

3. « En Angleterre, dans le cadre d’un enseignement supérieur dont les établissements pratiquent la sélection, on trouve au cœur du débat l’équité et la garantie pour la plus grande variété de gens possible d’accéder à l’enseignement supérieur. Cela implique, bien sûr, que l’on reconnaisse dès le départ l’idée de diversité ; ce qui explique, par exemple, le très grand nombre d’études portant sur l’ethnicité, les genders et les classes sociales dans l’université. » Cécile DEER, id.,  p.114 (soulignement de l’auteur)

4. Pour la Suisse, lire HUG Peter, « La genèse de la technologie nucléaire en Suisse » in Relatons internationales, n°68, 1991, pp.325-364.

5.  Nous appelons ici, faute d’en connaître le nom consacré, les domaines de la biologie dont les recherches sont orientées vers des applications en médecine ou en pharmacie, par opposition aux secteurs de la biologie qui s’occupent, par exemple, du classement des êtres vivants.

6. Yves DEZALAY, Marchands du droit : la restructuration de l’ordre juridique international par les multinationales du droit, Fayard, 1992. « A l’heure où ces nouvelles technologies juridico-financières […] contribuent à façonner les institutions et à remodeler le champ du pouvoir économique […] il n’est peut-être pas inutile de s’interroger sur la construction de cette nouvelle vision économiste du monde social que ces experts sont peu à peu en train d’imposer comme allant de soi. » id. p.12. Construction à laquelle les universités n’ont pas peu participé.

7. Paradoxalement, cet aspect semble mieux étudié que le précédent. Une explication triviale est sans doute l’impossibilité d’accéder aux archives privées des entreprises, de sorte qu’une étude ne peut se fonder que sur des sources administratives.

8. Voir par exemple Christophe CHARLE, « Les références étrangères des universitaires » in Actes de la recherche en sciences sociales n°148, juin 2003, pp-8-19 et, pour une discussion de cette question sur la base de données plus récentes : Yves GINGRAS, « Les formes spécifiques de l’internationalité du champ scientifique » in Actes de la recherche en sciences sociales, n°141-142, mars 2002, pp. 31-45. Pour la Suisse, le poste d’attaché scientifique à l’ambassade de Suisse aux USA est par exemple un poste clé dans la structure de l’administration de la recherche scientifique : voir BENNINGHOFF & LERESCHE, La recherche, une affaire d’Etat, Lausanne, 2003, notamment les pages 33 à 35 consacrées à Urs Hochstrasser, ancêtre de Charles Kleiber.

9. Cette définition répond aux deux catégories d’action de l’Etat en régime capitaliste que propose Sébastien Guex : «  […] les fonctions de l’Etat peuvent se regrouper en deux principales catégories. La première catégorie comprend la mise en place, dans la mesure où cela n’est pas garanti par l’activité privée des membres de la bourgeoisie, de ce que l’on peut appeler l’infrastructure technique et juridico-sociale de la production capitaliste […] Dans la seconde catégorie peut se ranger tout ce qui contribue à protéger le système sociopolitique existant contre les menaces qu’engendrent ses propres antinomies » GUEX, L’argent de l’Etat, Lausanne, 1998, p.43.

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« Non c’è più morale, Contessa … »

Après la déclaration de Bologne qui a pour but entre autres de rendre les porteurs de diplômes universitaires plus rapidement employables par l’économie, c’est au sujet du financement des études que les milieux économiques s’immiscent une nouvelle fois dans l’éducation. Récemment ils ont proposé par le biais d’économie suisse, d’Avenir suisse et du cercle d’étude capital et économie, d’augmenter les taxes universitaires à 5000 francs par année. Cette proposition émane d’un certain Xavier Comtesse directeur d’Avenir suisse, boîte à idées, qui regroupe les 14 multinationales les plus puissantes de Suisse.

Cette augmentation serait au bénéfice des étudiants puisqu’elle permettrait d’accroître le nombre de professeurs. L’argument avait déjà été utilisé en 1995 pour l’introduction des taxes universitaires, mais force est de constater avec huit ans de recul que bien au contraire le taux d’encadrement a diminué.

M. Comtesse pense aussi aux contribuables qui selon lui n’ont pas à supporter l’augmentation du nombre d’étudiants par leurs impôts, d’après lui la formation doit être envisagée comme un investissement, puisqu’elle permet de mieux gagner sa vie. Il omet de préciser qu’une large partie des étudiants paye des impôts, devant travailler pour prendre en charge les dépenses liées à leurs études et les taxes actuelles, qui ne sont d’ailleurs pas déductibles. M. Comtesse n’envisage pas non plus les conséquences sur ces mêmes contribuables. En effet, les porteurs de diplômes seront bien obligés de répercuter les coûts de leur formation sur leurs services par des tarifs plus importants, pénalisant ainsi la population, comme c’est déjà le cas dans les pays qui ont adopté ce modèle.

Malgré tout, Avenir suisse nous rassure, les bourses permettront aux étudiants de milieux défavorisés d’entreprendre quand même des études. Les étudiants issus de la classe moyenne ne peuvent pas bénéficier de ces bourses, puisque leurs parents gagneraient trop d’argent, mais comment ceux-ci pourront-ils financer les études de deux voir trois de leurs enfants ? Ce d’autant que la tendance actuelle vise à supprimer les bourses au profit de prêts remboursables au terme de la formation. Alors que cette proposition arrive au moment où les universités suisses se doivent d’introduire le modèle de Bologne (filière d’étude en 3 ans pour un bachelor, 2 ans supplémentaires pour un master), il semble évident, que les étudiants qui se sont déjà endettés pour obtenir leur bachelor seront réticents à poursuivre leurs études jusqu’à l’obtention du master. Il apparaît dès lors de façon évidente que ces deux réformes appliquées de manière quasiment simultanée auront pour effet d’introduire un système éducatif à deux vitesses : celle de ceux qui pourront se payer des études et obtenir un master et celle des autres qui n’auront pas les moyens d’aller au-delà du bachelor. Même si les universités romandes admettent que le master est le terme normal des études, la CUS (conférence universitaire suisse) précise que le bachelor est suffisant pour entrer dans le monde du travail. Tout en sachant que les exigences de l’économie fluctuent selon le marché du travail.

La vigilance s’impose face à cette proposition, puisqu’une fois le débat amorcé, la gratuité des études ne sera même plus discutée, la seule question sera à combien porter les taxes universitaires : M. Comtesse dit 5000.-, M. Kleiber propose 4000.-, M. Buschor parle dans un premier temps de doubler les taxes actuelles, qui dit mieux ?

L’éducation est un droit qui ne doit pas être soumis aux lois de l’économie. Ce n’est pas parce que la Confédération décide d’économiser 387 millions de francs sur l’éducation, que ce droit doit être balayé.

Texte paru dans la revue Arobase, mars 2004

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Les milieux économiques suisses et leurs intérêts sur l’enseignement supérieur

Nous y voilà : les milieux économiques dévoilent officiellement leurs plans, et proposent d’instaurer des taxes universitaires de 5’000.-. Ceci signifierait une augmentation de 500% pour l’UNIGE.

Arrogance et méprise ! Les tenants du grand capital continuent dans leur projet de privatisation de l’éducation. Après l’adoption de la Déclaration de Bologne, voilà l’augmentation des taxes qui empêcheront les milieux défavorisés et les classes moyennes d’entreprendre des études supérieures. Moins d’étudiant-e-s signifie moins de frais, et donc plus de rentabilité : c’est la stratégie du licenciement préventif !

Le monde économique, avec ses fers de lance que sont le groupe d’intérêt patronal Economiesuisse et la boîte à idée Avenir Suisse (qui regroupe les 14 multinationales les plus puissantes de Suisse), nous fait part de ses propositions dans le document « de nouvelles pistes pour le financement des hautes écoles ».

L’augmentation de taxes permettra d’augmenter le nombre de professeur : FAUX ! Le même argument a été utilisé en 1995 pour l’introduction des taxes à Genève en 1995, et depuis le taux d’encadrement a diminué.

Le système de bourses aidera les étudiant-e-s ayant des difficultés financières : FOUTAISES ! Les projets à l’étude prévoient une diminution nette des financements de bourses d’études et d’allocations. Et les prêts hypothèquent à l’avance le futur de l’étudiant en l’obligeant à arrêter ses études à l’obtention du premier diplôme (le bachelor) car il faut les rembourser au plus vite !

Les citoyens ne doivent pas subir l’augmentation des coûts engendrés par l’augmentation du nombre d’étudiant-e-s : RIDICULE ! Avec des taxes multipliées par 5 couplées à un système de prêts comme proposé, l’étudiant-e récupérera les frais supplémentaires pour éponger sa dette avec des tarifs plus importants dans son domaine de travail, ce qui aura comme effet de répercuter les coûts sur le citoyen, comme c’est déjà le cas dans d’autres pays ayant adopté le même modèle (Etats Unis et Australie notamment).

Le but du projet est celui d’améliorer la qualité de l’enseignement : CONNERIES ! Le tant décrié système dit de Bologne aura comme effet la réduction de la durée des études, donc la diminution des cours dispensés, donc la baisse de la qualité de l’enseignement.

L’état n’a plus suffisamment de moyens, l’université se doit de s’autofinancer : IDIOTIES ! Le parlement fédéral vient de voter des coupures de 387 millions de francs dans le budget de la formation, et ceci pendant que des projets de réductions fiscales sont à l’étude pour les grosses fortunes. On fait des cadeaux au riches mais on taxe les étudiant-e-s, quelle que soit leur origine sociale. Outre les mensonges, la MAUVAISE FOI : les seuls représentants du monde politique et du monde académique à avoir soutenu ce projet sont les membres de la même droite qui a proposé et soutenu ces coupures, monsieur le professeur Weiss en premier !

L’Université est aujourd’hui soumise aux mêmes attaques portées par les milieux économiques dans d’autres secteurs du feu service public. Les mêmes critères de rentabilité sont base de discussions et les mêmes acteurs se partagent les différents rôles.

L’économie privée lance des idées qualifiées d’innovatrices et révolutionnaires, comme M. XAVIER COMTESSE le fait sans répit depuis son retour de Boston.

Des représentants de ces mêmes milieux se pressent pour rebondir sur ces propositions pour en chanter les mérites, comme M. PIERRE WEISS, professeur de sociologie et député libéral au grand conseil genevois l’a fait cette semaine.

Les représentants de l’État enfin interviennent pour adoucir le ton tout en appuyant les propositions, avec des remaniements de façade. M. CHARLES KLEIBER, Secrétaire d’État à la Science et la Recherche, vient à son tour de proposer une augmentation de taxes, de « seulement » 4’000.- cette fois ci !

L’éducation est un droit inaliénable pour toutes et tous, indépendamment du sexe, de l’âge ou de l’origine géographique ou sociale. Ce droit ne doit pas être rediscuté selon des spéculations économiques soumises aux aléas du marché.

L’éducation est un bien commun et doit être défendu. L’accès aux études ainsi que les possibilités de réussite des mêmes études doivent être garanties à toutes et tous.

A ce sujet, M. Xavier Comtesse tiendra une conférence ce vendredi 30 janvier à 17h45, à l’auditoire Jacques Freymond, à l’IUHEI, (Rue de Lausanne 132)

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Proposition d’augmentation des taxes universitaires du Cercle d’Etude Capital et Economie – Le container à idées Avenir Suisse déverse ses ordures

 

En ce jour de grâce, dans la joie et l’émotion, le comité de la CUAE est heureux d’annoncer la naissance de l’enfant prodige. Les terres des Palestine étant inaccessibles pour cause de mur de séparation, la divine providence a fait naître l’enfant sur les rives du Léman. Malgré les problèmes de santé du nouveau né, la CUAE tient à féliciter les parents et les autres acteurs de cet heureux événement.

Tout d’abord, félicitations au papa Xavier Comtesse qui nous fait ici, avec ses camarades de jeux d’Avenir Suisse, d’Economiesuisse et du Cercle d’Étude Capital et Économie, un énorme cadeau. Papa Comtesse se sentait si bien dans le nid douillet de la Suisse House from Boston in the United States of America (J’apprécie leur [des américains] esprit positif, leur façon de voir le bon côté des choses. Chez eux, le verre est toujours à moitié plein, quoi qu’il arrive [ref]Interview de Xavier Comtesse in http://www.construire.ch/SOMMAIRE/0234/34entre.htm[/ref]), pourtant il décida de rentrer dans sa Suisse natale avec l’espoir de répandre sa bonne parole ([Je me considère] comme celui qui pense en dehors du cadre, qui amène dans le débat public de la surprise, de la créativité et de la générosité. Je suis un agitateur d’idées [ref]ibid[/ref]]

Après plusieurs essais, Xavier a finalement réussi à s’accoupler avec son nouveau partenaire, l’État suisse. Les martyres Charles Kleiber, Secrétaire d’État à la Science et la Recherche, et Bernhard Weber, du Secrétariat d’État à l’Économie, ont finalement baissé leur pantalon devant les avances passionnées de Xavier et ses acolytes.

Malheureusement ce rapport incestueux entre les intérêts du grand capital privé et les gouvernements bourgeois ne pouvait que donner naissance à un enfant problématique. Pour le grand désespoir des parents, la Comtesse et son Kleibard de secrétaire d’État, le petit enfant, nommé « de nouvelles pistes pour le financement des hautes écoles [ref]http://www.economiesuisse.ch/f/[/ref]», est mal formé, inutile, mensonger, irrespectueux, nuisible et il sent mauvais ! Par respect pour la famille, nous nous abstiendrons de faire d’autres commentaires sur le bébé. D’ailleurs, le mariage entre les deux parents n’ayant pas été officialisé, nous considérons ce couple illégitime, et notre culture calviniste nous empêche d’entrer en discussion sur le résultat de leurs ébats amoureux.

Malgré les problèmes de santé du nourrisson, la fête célébrant la naissance fut belle, et l’arrivée des Rois mages particulièrement émouvante.

Le premier mage, le parlement fédéral, s’est présenté avec son cadeau traditionnel, l’or : 387 millions de coupures budgétaires au budget de la formation votés le 19 décembre 2003. Quelle meilleur cadeau que des coupes dans le budget pour justifier la nécessités de nouvelles ressources …

Le deuxième mage, la Conférence Universitaire Suisse, a aussi fait part de ses vœux avec un présent traditionnel, l’encens. Celui-ci devait probablement servir à cacher l’odeur provoquée par le gros caca nerveux du 4 décembre dernier. Ce jour-là, en effet, malgré les proclamations de résistance au projet de marchandisation de la formation émises par certains conseillers d’État, les directives contraignantes pour l’application de la déclaration de Bologne ont été votées à l’unanimité …

Troisième et dernier mage, L’Union des Étudiants de Suisse. Présence inattendue jusqu’à la dernière minute, l’UNES est venue apporter son cadeau sous forme de soutien indirect des étudiants, qui acceptent de dialoguer avec les acteurs de rapports incestueux entre État et intérêts privés. Cela va sans dire, l’arrivée des représentants étudiants a réjoui au plus haut point la famille, comme le tonton Pierre Weiss a pu le souligner sur les ondes de la Radio Suisse Romande hier soir.

En étant particulièrement sensibles à la participation des étudiants de la nation suisse à la fête pour la naissance du petit « de nouvelles pistes pour le financement des hautes écoles », la CUAE tient à dédicacer une petite fable au nourrisson : la fable du Baron et de la Comtesse.

Le Baron et la Comtesse

Grâce à l’Union des étudiants de Suisse (UNES), le container à idées usagées Avenir Suisse a réussi son coup. Il aura suffi que la Comtesse ponde un de ses innombrables tas de papier sur l’augmentation des taxes universitaires, pour que l’UNES accepte de participer à une parodie de débat radiodiffusé (RSR, Forum, hier soir) et gâche notre apéritif.

Opposée au Baron de Soral Pierre Weiss, invité permanent du journal vespéral de la radio suisse romande, la co-présidente de l’UNES a par exemple jugé utile de souligner que la formation supérieure est, pour l’Etat, un « investissement qui rapporte ». Elle reprenait ainsi, sans le savoir espérons-le, la rengaine favorite de Barbara Polla, ancienne députée libérale au Conseil national.

Alors que le petit Baron barbu prétendait vouloir tout mettre en œuvre pour favoriser l’accès aux études de ceux qui ne pourraient même pas en payer les taxes, Caroline Gissiger a opportunément oublié de rappeler que le parti libéral soutient le paquet fiscal de la Confédération, des baisses d’impôts tous azimuts et surtout, la nouvelle péréquation fédérale (NPF) qui prévoit des coupes claires dans… le financement fédéral des bourses d’études !

Le Baron avait dès lors le champ libre pour exposer son idéal : les taxes payées par les uns permettraient de financer les études des autres. Est-il nécessaire de dire ici l’imbécillité du système qui, au prétexte d’atténuer les inégalités sociales, les renforce en stigmatisant les étudiants boursiers ? L’entier du discours politique du Baron de Soral est fondé sur l’axiome « qui paye commande ». Son objectif est donc clair ; justifier financièrement l’existence de deux catégories d’étudiants : ceux qui payent et qui ont des droits, les autres qui ont des devoirs (devoir d’étudier vite, devoir de rembourser, devoir de travailler, devoir d’être utiles et de s’écraser).

Le plus grave n’est pas le discours réactionnaire du Baron et de la Comtesse ; le plus grave est qu’en acceptant de prendre part à des pseudo-débats l’UNES contribue à accréditer de fausses problématiques. Aussi longtemps qu’on parlera de la formation en terme d’investissement, la question de la discrimination sociale dans l’accès à la connaissance et à l’information ne trouvera aucune solution valable.

« Que craignez-vous ? » demandait le disc-jockey en préambule à l’intervention de la co-présidente de l’UNES. Nous ne craignons rien ! Ce sont les deux aristocrates qui craignent pour leurs privilèges, pour leurs rentes. Nous, nous ne craignons ni le chômage qu’ils créent, ni les pénuries de logement qu’ils organisent, ni les médias qu’ils monopolisent : nous les combattons.

Longue vie, santé et prospérité au nouveau-né, à papa et maman et à toute la famille. Nos meilleurs vœux,

Le comité de la CUAE