Pourquoi faire grève le 29 octobre 2020 ?

Les prévisions budgétaires de l’État de Genève prévoient un déficit de 501 millions. C’est pourquoi le nouveau plan financier de l’État entend économiser entre 800 millions et 1 milliard de francs. Comment ? En réduisant drastiquement les salaires de la fonction publique par une baisse linéaire des salaires de 1% sur 4 ans. Mais – parce qu’il y a toujours un « mais » – la baisse réelle des revenus sera de 6 à 9%, notamment à cause de :

  • La non-indexation des salaires sur le coût de la vie ; 
  • Le blocage des annuités ;
  • L’augmentation des cotisations aux caisses de retraites publiques. 

Mais d’où vient ce trou budgétaire de 501 millions ? C’est une conséquence directe de la RFFA, cette réforme qui prévoyait moins d’impôts pour les entreprises. Cette réforme néo-libérale qui est passée en force il y a à peine deux ans rabote petit à petit le secteur public pour engraisser le secteur privé. Pourquoi cette réforme est-elle néolibérale ? Parce qu’elle avantage drastiquement les entreprises dans leurs impositions fiscales au détriment de l’Etat (et donc de la fonction publique, dont l’éducation publique). Concrètement, les entreprises, surtout les grosses, paient moins d’impôts. Il y a donc moins d’argent pour les services et la fonction publics. Qui dit moins d’argent, dit budget réduit ; et qui dit budget réduit, dit coupes budgétaires. On commence à voir où ça nous mène. Et pourquoi cette réforme est-elle passée en force ? Parce que la première réforme, la RIE 1, a été refusée par le peuple. La 2ème réforme, la RIE 2, a été refusée par le peuple. La 3ème réforme, la RIE 3, a été refusée par le peuple. Ce n’est qu’à la 4ème votation que la réforme est passée. Comment appelle-t-on ça ? Du forcing. Et le forcing, c’est pas beau, surtout quand ça vient des néo-libéraux.

Mais en tant qu’étudiant.e.x.s, pourquoi se mobiliser contre ce projet de budget ? Premièrement parce qu’attaquer les salaires, c’est attaquer nos conditions d’études. Les membres du Corps Intermédiaire, dont les assistant.e.x.s, la majorité du Personnel administratif et technique, les biliothécaires, les secrétariats et les conseillèr.e.x.s sont tout.e.x.s surchargé.e.x.s, et ce alors que leurs salaires sont déjà trop bas. Une coupe dans leurs salaires ne peut que dégrader encore la qualité des enseignements et des structures de soutien. Déjà actuellement, à cause de cette surcharge, personne n’a jamais assez de temps à nous accorder. Avec un salaire encore plus précaire, accepteront-ielles encore toutes ces heures supplémentaires pour un suivi et un soutien de qualité ? Face à ces coupes inacceptables, nous devons être solidaires avec nos enseignant.e.x.s et avec tout le personnel de l’Université. Nous devons lutter avec elleux pour de meilleures conditions de travail !

Mais ce n’est pas tout. Attaquer les salaires, c’est aussi attaquer nos futurs emplois potentiels. Les plus impacté.e.x.s par ces coupes budgétaires seront les personnes qui sortiront de formation et qui commenceront leur parcours dans le monde du travail. Autrement dit, c’est nous, les personnes qui sont actuellement en formation, qui vont être les plus touchées. Universitaires, mais aussi étudiant.e.x.s des HES et principalement celleux des Hautes écoles de santé et de travail social. Entrer sur le marché de l’emploi n’est déjà pas très agréable en soi. C’est un saut brutal dans un environnement où la concurrence est violente, de par les logiques néolibérales qui soutiennent le capitalisme sauvage actuel. La force de travail future, donc nous, est de plus en plus pressée comme des citrons. On justifie ça en disant qu’il faut être solidaire. Mais solidaire avec qui ? Avec les entreprises privées qui ont pour seul horizon le profit ? Avec les entreprises transnationales qui ont de moins en moins d’impôts et de plus en plus d’argent ? Non, nous ne serons pas solidaires sous couvert de profit ! Alors qu’on n’a même pas encore commencé à travailler, on nous réduit déjà notre salaire de 6 à 9%. Donc c’est nous, les étudiant.e.x.s, qui allons subir frontalement ces coupes salariales.

Dans ce contexte inquiétant, des cas particuliers se trouvent écartelés entre des conditions d’études toujours plus déplorables et une situation toujours plus précaire. On pense notamment aux étudiant.e.x.s de l’Institut Universitaire de formation des enseignantes (IUFE) qui sont touché.e.x.s par leur statut d’étudiant.e.x mais aussi via leurs stages et leurs futurs emplois. Les coupes ont déjà écrasé l’IUFE par la quasi-suppression des stages en responsabilité (c’est-à-dire rémunérés). Les étudiant.e.x.s se retrouvent alors sans possibilité de bourse, sans rémunération et avec une perspective de salaire plus bas. Comment encore avoir une formation de qualité ? Et comment, suite à cette formation, penser entrer dans le monde du travail brutal que nous venons de décrire ?

Pour couronner le tout, c’est la fonction publique qui est en première ligne durant l’actuelle crise sanitaire. Applaudir le personnel hospitalier depuis nos balcons pour maintenant réduire leur salaire, c’est une aberration ! 

Par ces coupes, c’est aussi la formation dans son ensemble qui est directement attaquée : étudiant.e.x.s, stagiaires, corps intermédiaire, corps professoral, corps administratif et technique, tout le monde y passe. Mais ces coupes ne sont que la pointe de l’iceberg d’un système de plus en plus néolibéral qui s’immisce petit à petit dans nos formations. L’université se perçoit comme une entreprise, les étudiant.e.x.s deviennent des client.e.x.s, les enseignant.e.x.s des machines et nos diplômes ne visent plus qu’à augmenter notre capital personnel. Pendant que l’Etat fait des cadeaux aux entreprises privées, on nous sort un discours de “responsabilité envers la société”, où la formation doit se serrer la ceinture. Alors ça y est, l’Etat ne doit plus financer l’éducation mais plutôt secourir les grandes entreprises dont le seul but est le profit ?

Au-delà de ces coupes intolérables dans les salaires, c’est un système entier à démanteler. Parce que l’argent de l’Etat doit aller en priorité dans la santé, l’éducation et les aides sociales, parce qu’on ne veut plus que nos formations passent après le profit des entreprises privées, parce que nous voulons une éducation accessible à tout le monde et des enseignant.e.x.s avec des conditions de vie dignes, et parce que cela passe par une augmentation des salaires plutôt que par des coupes, nous disons non à ce projet de budget et à tout compromis mou que l’Etat pourrait nous proposer !