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Contribution à la réflexion sur la formation supérieure en marge du Forum Social Européen à Paris – Financer l'enseignement supérieur?

FINANCER L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ?

“ Le maintien d’un contrôle public sur l’enseignement supérieur n’est […] en rien la garantie immunitaire contre une dérive “marchande“ ou strictement utilitariste. Sans doute parce que tous les acteurs de la société partagent peu ou prou aujourd’hui cette vision : les parents d’élèves comme les étudiants cherchent la formation qui maximisera leurs chances sur le marché du travail ; les entreprises privées […] exigent un personnel directement opérationnel et se plaignent des insuffisances du système d’enseignement supérieur ; les hommes politiques […] considèrent la maximisation de la performance économique comme le seul objectif [1]. ”

C’est en ces termes que Jean-Luc de Meulemeester renvoie dos-à-dos les positions respectives de l’Etat et des entreprises privées en matière d’enseignement supérieur. Parallèlement, de nombreux mouvements qui s’affirment à la gauche de la gauche, de nombreux syndicats actifs dans le domaine de l’enseignement, posent comme centrale la revendication d’un retour de l’Etat sur le terrain qu’il a laissé au capital. Cette revendication ne revient-elle pas à oublier les liens qui unissent l’Etat au grand capital ? Plus largement, si l’enseignement ne doit pas être soumis au marché, le contrôle de l’Etat est-il l’unique alternative ou une alternative transitoire ? faut-il lutter pour un autre rapport entre l’Etat et les institutions d’enseignement – c’est-à-dire s’engager, à un titre ou à un autre dans le processus parlementaire – ou changer l’Etat lui-même ? Enfin, l’enseignement doit-il forcément être financé ?

Partant de ces questions, il s’agirait de réfléchir aux moyens de faire échapper l’enseignement à l’évaluation monétaire (prix des enseignements, salaires, “ investissement ” de la part des étudiants, etc.) Une telle perspective pourrait sans doute mener à des réflexions utopiques propres à donner l’impression – mais l’impression seulement – de la radicalité. Pour éviter ce travers, nous proposons, dans le cadre exposé ci-dessus, d’examiner des problématiques concrètes : Que signifie la notion de contrôle public sur les institutions d’enseignement supérieur et sur l’organisation de celles-ci ? Quelles alternatives à l’adage “ qui paie contrôle ” ?

Concrètement, quels modes d’organisation basés sur l’autonomie des étudiants dans leur propre formation souhaitons-nous ? Ces modes alternatifs d’organisation sont-ils de nature à éliminer ou à réduire l’évaluation monétaire de l’enseignement ?

[1] “ Education et capital humain ”, in Agone, sociologie, histoire & politique, n°29/30, septembre 2003, p. 190

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Actualités Politique universitaire

Les vrais casseurs de l'éducation

APPEL

PROTEGEONS L’UNIVERSITE CONTRE LES CASSEURS DE L’EDUCATION

Mobilisation contre la réunion de la CUS, Conférence Universitaire Suisse

Malgré le calme apparent dû à la période d’examens, l’Université de Genève va être bientôt plongée dans le chaos. Malgré les températures extraordinaires de ces dernières semaines, ça va chauffer encore plus dans les bâtiments universitaires. Malgré l’acharnement sécuritaire du rectorat, l’université sera prise pour cible par une dangereuse bande de casseurs !

Des appels circulent déjà : le CUS-Block (sigle qui semble cacher le Collectif des Universitaires Sanguinaires) invite ses membres à se réunir le vendredi 27 juin dans le bâtiment d’Uni Mail pour sa conférence annuelle. De plus, il semblerait que des casseurs étrangers de l’OCDE (Organisation des Casseurs D’Education) vont se joindre aux représentants du CUS. Ces personnages, particulièrement dangereux, ont pour but de continuer la mise en œuvre de leurs plans de destruction du système d’éducation.

L’ennemi déclaré de ces barbares est le service public. La formation supérieure est parmi les objectifs les plus convoités par l’Organisation Mondiale des Casseurs. Les attaques subies pendant cette dernière décennie ont déjà sérieusement endommagé l’Université ; pensons notamment à l’introduction du numerus clausus et des taxes semestrielles, à la diminution du taux d’encadrement, à la diminution du financement public, à la diminution quantitative et qualitative de l’offre d’enseignement. Le dernier projet des casseurs, connu sous le nom de Déclaration de Bologne, va rendre irréversible la disparition de l’enseignement comme service public.

Grâce a son travail d’investigation la CUAE a pu se procurer une première liste des casseurs qui se réuniront à Genève. Parmi eux, plusieurs représentants des organisations citées seront présents. Par exemple, les professeurs Teichler et Hoffert sont signalés comme faisant partie du groupe d’examinateurs de l’OCDE et sont donc parmi les auteurs de l’accablant “examen de la politique suisse de l’enseignement tertiaire”, une décortication du système d’éducation supérieure helvétique selon les critères chers aux casseurs (meilleure rentabilité, mise en concurrence des établissement, ouverture d’un marché de l’éducation…)

Parmi les éléments locaux les plus radicaux nous signalons la présence du chef de l’instruction publique bernoise Mario Annoni, promoteur des projets d’augmentation des taxes universitaires à l’Université de Berne. Sera aussi de la partie Jean-Marc Rapp, recteur de l’Université de Lausanne, qui a réussi l’exploit sans précédent de kidnapper la faculté des Sciences Economiques à l’Université de Neuchâtel, qui languit depuis, exsangue sur ses décombres. La présence d’un des responsables de la section genevoise des casseurs, le recteur de l’Uni de Genève Maurice Bourquin, est aussi signalé, mais de par sa carrure politique nous considérons qu’il aura un simple rôle de poisson pilote lors des actions prévues par la CUS. D’ailleurs, son intervention se limitera comme d’habitude à une brève allocution de bienvenue.

Bien plus préoccupante est la rumeur, confirmée par des sources sûres, concernant la présence de l’idéologue des casseurs, Charles Kleiber. Secrétaire d’Etat à la Science et à la Recherche, M. Kleiber est sous le coup d’un mandat de recherche délivré par le service de sécurité des étudiant-e-s genevois/es depuis sa signature des accords de Bologne. La CUAE est atterrée d’apprendre que, malgré les nombreuses interventions de ses services spéciaux, notamment lors de la réunion de la CUS du 4 avril 2002, M. Kleiber ait décidé de se rendre à Genève. Malgré son arrogance, les étudiant-e-s de l’Université de Genève ont décidé d’attendre de pied ferme M. Kleiber sur le seuil du bâtiment visé par les casseurs !

Vu l’extrême dangerosité des participants, la CUAE lance un appel à ses courageux/euses militant-e-s en vue d’empêcher la tenue de la réunion prévue. Des palissades jaunes seront érigées tout autours du bâtiment et les étudiant-e-s feront écran avec leurs corps pour en protéger l’accès. Un contrôle d’identité filtrant sera organisé, pour permettre aux membres de la communauté universitaire de se rendre normalement dans leurs lieux d’études et de travail.

Un rendez-vous est donc fixé devant l’entrée d’Uni Mail

vendredi 27 juin à 8 heures :

pour dénoncer la présence de casseurs qui veulent détruire l’éducation,
pour défendre le service public,
pour dénoncer les accords de Bologne et leur application,
pour dénoncer l’OCDE et ses études,
pour demander la démission du Secrétaire d’Etat autocrate Charles Kleiber,
pour empêcher la tenue de la réunion annuelle de la CUS, la Conférence Universitaire Suisse.

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Actualités Logement Textes

There’s plenty of rooms at the Hotel California, any time of year…

A la rentrée 2002, la CUAE occupait un immeuble des Pâquis apportant une solution concrète mais provisoire à une centaine de personnes en formation à la recherche d’un logement. Cette occupation a aussi eu le mérite de porter sur la place public le problème spécifique du logement des personnes en formation (voir l’article paru dans le Regard Critique du 1er mai 2003). Le cas de l’immeuble des Pâquis est emblématique de la situation genevoise et il vaut la peine de s’y attarder un peu…

En 1964, un homme – appelons-le Maurice – revient à Genève après un séjour aux Etats-Unis, il y ouvre, au numéro 1 de la rue Abraham-Gevray aux Pâquis, un hôtel qu’il nomme l’Hôtel California. La chanson homonyme des Eagles ne sera un tube que 13 ans plus tard et l’immeuble est alors entièrement destiné au logement. Maurice le transforme en un hôtel quatre étoiles qui accueillera essentiellement des diplomates. L’hôtel compte quelques studios meublés qui sont loués au mois. Dès les années 1980 au moins, l’immeuble compte des locataires réguliers qui occupent des studios avec cuisine et salle de bain. Notre homme exploite l’hôtel jusqu’en 1991, et, dès cette date, hormis quelques sociétés qui y disposent de bureaux, l’immeuble n’accueille plus que des locataires au bénéfice de baux à l’année. Il y a encore des locataires en 1996, après quoi il est difficile de savoir ce qu’il advient de l‘ancien Hôtel California.

En 1999, un autre homme – appelons-le Jean-Christopher – a 25 ans. Il est le plus jeune fils d’une riche famille – appelons-la la famille Descours – qui possède une holding basée en France et active dans le prêt-à-porter et les accessoires – appelons cette holding le groupe André1. Or, en 1999, Jean-Christopher est triste : son grand-père a été évincé du conseil d’administration de la holding familiale par des fonds de placement anglo-saxons sans scrupule. Où Jean-Christopher pourra-t-il investir la colossale fortune à la tête de laquelle il se trouve ? Alors il a une idée : racheter des hôtels de grand luxe en Suisse pour en faire des hôtels de très très grand luxe. Le jeune Jean-Christopher contacte un banquier privé genevois – appelons-le François Rouge2 – pour le charger de réunir des investisseurs. C’est rapidement chose faite et le groupe Richemond Hôtels SA, dont le jeune Christopher est actionnaire majoritaire, rachète le Richemond à Genève, l’hôtel Royal Savoy à Lausanne, le Schweizerhof à Berne, les Trois Rois à Bâle, les trois établissements du Burgenstock dans le canton de Niedwald, et l’Arabella Atlantis Sheraton à Zurich. Le groupe est basé au Luxembourg et dispose de fonds propres pour 75,5 millions de francs environ. Le chiffre d’affaire cumulé des 9 hôtels était d’environ 75 millions en 1998. L’hôtelier Viktor Armleder est chargé de coordonner les rénovations. Pourtant en 2001, les travaux n’ont pas encore débuté et les investisseurs s’inquiètent. Pour les rassurer, le banquier François Rouge décide de racheter l’ancien Hôtel California pour 16 millions…

Une demande d’autorisation préalable est déposée en vue de rénover le bâtiment et d’en faire un hôtel sur l’ensemble de la surface disponible. Il n’est plus question de logements ni de studios meublés, car ce qu’aime le jeune Jean-Christopher, on l’a dit, c’est le très très grand luxe. Or, à Genève, il existe une loi qui veut que les surfaces affectées au logement qui sont transformées en surfaces commerciales soient compensées. A ce stade du récit, le lecteur pense que Christopher devra créer des logements pour compenser les appartements habités jusqu’en 1996. Eh bien, le lecteur se trompe. C’est qu’il ne sait pas encore qui est l’avocat du jeune Christopher pour ses opérations immobilières. Cet avocat c’est Bénédict Fontanet, défenseur des pauvres promoteurs immobiliers et des spéculateurs désargentés. Par un tour de magie dont il a le secret, cet avocat intègre obtient que le changement d’affectation ne soit pas compensé et qu’il soit accordé dans l’autorisation préalable empêchant ainsi d’éventuels opposants de faire recours.

Maître Fontanet, qui n’aime pas les squatters mais qui les connaît bien, avertit son ami le banquier François Rouge : il ne faut pas laisser l’immeuble vide. Comme précisément une société de surveillance privée – appelons-la GPA – cherche un lieu où entraîner ses chiens, un contrat de prêt à usage est signé qui autorise le GPA à employer les 6 étages de l’immeuble pour y faire chier ses molosses. A l’occasion, les services des douanes et la police genevoise viendront aussi s’entraîner – à quoi ? – dans l’immeuble.

A la rentrée 2002, quelques centaines d’étudiants cherchent à se loger décemment. Ils apprennent que l’ancien Hôtel California est vide et y pénètrent par effraction afin d’y habiter. Interrogé à la radio suisse romande sur cette grave atteinte à la propriété privée, le conseiller d’Etat Laurent Moutinot répondra en substance que ce comportement est intolérable, ce d’autant que les étudiants sont une catégorie privilégiée de la population. A ce stade du récit, le lecteur pourrait croire à une erreur d’appréciation du magistrat. Au contraire ; c’est que le conseiller d’Etat mesure l’authentique détresse sociale du jeune Jean-Christopher Descours, du banquier François Rouge et de l’avocat Fontanet. C’est aussi que le conseiller d’Etat sait combien la situation des amateurs d’hôtels de très très grand luxe est très très préoccupante.

Dès le début de l’occupation, le propriétaire indiquera vouloir mettre son immeuble à disposition de l’Hospice général, des employés de l’Hôtel Richemond et de diverses associations caritatives. Après de difficiles et longues négociations, les étudiants obtiennent un contrat de prêt à usage qui autorise la Ciguë à employer les 6 étages de l’immeubles pour y loger des personnes en formation. Pour la bonne forme, l’avocat Nicolas Jeandin5 dépose tout de même plusieurs plaintes au nom du propriétaire de l’immeuble contre les premiers occupants.

Le contrat de prêt à usage prendra fin dès le début des travaux. Or, curieusement, alors que rien n’avait été fait depuis 3 ans, la présence d’habitants semble avoir accéléré les choses et l’autorisation définitive a été rendue récemment. Plus curieux encore, alors que Viktor Armleder affirmait en novembre 2002 disposer de toutes les autorisations nécessaires6, les travaux n’ont toujours pas commencé dans les autres hôtels. De l’avis de journalistes spécialisés, la formidable opération hôtelière serait en train de devenir une formidable opération de spéculation immobilière, le groupe Richemond Hôtels SA cherchant surtout à revendre sa collection d’hôtels de grand luxe pour empocher un bénéfice substantiel sans avoir effectué aucune transformation.

Au final, le jeune Jean-Christopher (28 ans cette année) accroîtra sa colossale fortune et les quelques 100 personnes en formation de l’ancien Hôtel California pourront se remettre à chercher un logement. Dans leurs recherches, il ne leur faudra pas compter sur le DAEL qui bloque – probablement en collaboration avec la Fondation de valorisation des actifs de BCGe – la transformation d’un immeuble situé à la rue du Glacis-de-Rive et qui aurait pu servir au logement des étudiants dès la rentrée 2003.

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Politique universitaire Textes

Les étudiant-e-s au salon des ressources humaines…

Article partu dans Regard Critique n°35 – Mai 2003

Dans le cadre du salon du livre, Swiss-Up organise un salon de l’étudiant auquel la CUAE s’invite pour dénoncer cette mascarade.

Un salon des étudiants sans étudiant-e-s avec la présence d’universités qui n’en sont pas (du moins selon l’idée de « lieux d’études public dispensant des enseignements généralistes »), et qui organise des débats sans la présence d’un seul contradicteur ; tout ça parrainé par Charles Kleiber, plénipotentiaire du monde de l’enseignement supérieur, à la conception du débat démocratique très douteuse …

Mais alors, quels sont les vrais intérêts des organisateurs du salon ? Pour Swiss-up, obscure boîte à idée qui s’arroge le droit de classer les enseignements dispensés dans les hautes écoles sur des ranking arbitraires selon des critères farfelus, l’intérêt principal réside dans le contrôle des futurs agents du marché du travail. « La formation, garante de la qualité de nos ressources humaines », peut-on lire sur le site de Swiss-up ! Cette déclaration, qui résume bien l’intérêt que le monde de l’économie porte à l’éducation, appartient à M. De Luca, patron de Logitech, et l’un des principaux donateurs de Swiss-Up avec le Credit Suisse, le groupe Bobst, la fondation Sandoz, la Rentenanstalt (voilà où est passée votre retraite…) et les immanquables Novartis et Nestlé.

En effet, il semblerait que « l’école a pour mission de préparer à la vie et de transmettre des capacités professionnelles, mais elle ne peut et ne doit pas réaliser l’égalité sociale », comme l’a si bien dit le professeur Rolf Dubs, président de la Commission fédérale des Hautes Ecoles Spécialisées (CFHES), lors d’une journée sur la formation organisée par le PRD en 1995. Mais alors, s’agit-il toujours d’un système éducatif basé sur le partage des connaissances et visant le bien commun ? Car là réside à notre avis le véritable intérêt des étudiant-e-s.

« L’allocation des aides (de la part de la Confédération) se fera en fonction des caractéristiques de la qualité du travail (car) de la compétition résultent des chances de développement égales ». Beaucoup de choses peuvent être reprochées à M. Kleiber, secrétaire d’Etat à la Science et à la Recherche, directeur du Groupement de la science et de la Recherche et vice président de la Conférence Universitaire Suisse, mais certainement pas sa clarté et sa franchise. Dans son pamphlet « Inventer l’avenir grâce à la formation et à la recherche (août 2000) », M. le Secrétaire d’Etat défend comme les autres une perspective de compétitivité dans le monde de l’éducation, une compétitivité qui profite seulement au monde de l’économie et qui a des conséquences très lourdes pour les hautes écoles (coupes dans les budgets, réorganisation des plan d’études et baisse de l’offre de cours, diminution conséquente de la qualité de l’enseignement, entre autres).

Une logique transparaît donc des propos de tous ces personnages qui sont présents (certains à titre personnel, d’autres par le biais de leurs organisations ou hautes écoles respectives) au salon des ressources humaines. Il faut transformer le monde de l’éducation en une jungle dans laquelle seuls les meilleurs (donc les plus rentables) survivront et, comme dans la meilleure tradition sportive, avant même le début de cette compétition les arbitres ont déjà été choisi. La Confédération s’occupera du volet économique, car le financement à la carte qui se profile primera celles et ceux qui se soumettront au diktat des autorités (Secrétariat d’Etat, Organe d’Accréditation et d’Assurance de la Qualité, …). Le secteur privé définira quant à lui les meilleures branches et les enseignements les plus utiles (on avait dit rentables ?) et en cela Swiss-Up excelle déjà avec son jeux du ranking !

Nous retrouvons cette même logique dans le texte de référence de tous nos visionnaires locaux : la Déclaration de Bologne. Déclaration d’intention floue et imprécise, l’application de ses principes est désormais considérée la condition sine qua non pour la survie du système de formation suisse. L’idée centrale de la Déclaration résume la vision de M. Kleiber et de ses acolytes : pour n’en citer qu’un seul passage, Bologne veut « favoriser l’intégration des citoyens européens sur le marché du travail et améliorer la compétitivité du système d’enseignement » !

Quant aux arguments « académiques » avancés par les partisans du système Bologne (amélioration de la mobilité, reconnaissance mutuelle des diplômes, …) ils peuvent être facilement démontés ou remis à leur juste place, mais malheureusement cela ne sera pas possible au salon des ressources humaines car les organisateurs, malgré leur souci de toucher et d’intéresser les étudiant-e-s, n’ont pas pensé judicieux de les inviter à participer au débat prévu sur ce thème jeudi 1er mai.

Dans un tel cadre, nous nous étonnons du fait que la première apparition publique de Charles Beer, nouveau chef du Département de l’Instruction Publique, concernant les sujets universitaires, sera sa présence dans ce salon. Ce dernier veut-il ainsi, annoncer la couleur de ses projets quant à la formation supérieure ?

Dans la course aux réformes du système éducatif, les réflexions critiques des étudiant-e-s et des autres citoyen-ne-s concerné-e-s par ce sujet sont considérées comme de dangereux ralentisseurs d’un processus qui doit aboutir coûte que coûte. Car le marché de l’éducation, comme celui de la santé et tant d’autres actuellement visés par les accords supranationaux tels que l’AGCS, est un marché trop lucratif pour y renoncer sur l’autel de la démocratie et de la consultation.

Pour cette raison la CUAE, Conférence Universitaire des Associations d’Etudiant-e-s, a décidé de s’inviter au salon des ressources humaines. Par notre présence nous revendiquons :

  • Une justification des liens entre la Confédération, Swiss-Up et autres entreprises privées qui s’immiscent dans le domaine de l’éducation ;
  • L’abandon de la participation incompréhensible de Charles Beer à ce salon ;
  • Une réforme profonde des structures administratives et politiques qui régissent la formation supérieure en Suisse (notamment avec l’instauration d’un contrôle démocratique) ;
  • L’abandon des démarches visant à introduire la Déclaration de Bologne ;
  • La démission dans les plus brefs délais du secrétaire d’Etat autocrate Charles Kleiber
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La fin d'un mythe – Les étudiant-e-s n'habitent pas dans les bibliothèques

La CUAE a comme tâche de défendre les intérêts des étudiant-e-s. En ce sens, nous ne voulons pas nous limiter au plan strictement académique, car nous considérons que la formation comporte plusieurs aspects et que ses composantes sociales y occupent une grande place. De ce fait, la lutte pour trouver et choisir son toit nous apparaît comme essentielle et étroitement liée à notre revendication de réelle démocratisation de la formation.

La CUAE s’est attaquée à la question du logement depuis environ deux ans. Nous avons toujours estimé que nos actions et revendications s’inscrivent dans la lutte générale pour le droit au logement. En effet, nous sommes bien conscients que la crise ne concerne de loin pas uniquement les personnes en formation, mais de par sa condition d’association d’étudiants la CUAE s’est concentrée sur cette catégorie de la population, sans pour autant perdre de vue la problématique dans son ensemble.

La CUAE a attiré l’attention du rectorat sur la pénurie croissante de logement pour les personnes en formation. L’Université a mis un certain temps à réagir, puisque la première campagne, qui demandait à la population genevoise de loger des étudiant-e-s, n’a démarré qu’en été 2002. Si environ 300 étudiant-e-s ont pu être ainsi logé-e-s chez des particuliers, le mode de logement proposé par cette campagne n’est pas très heureux. En effet, non seulement c’est une solution à court terme, mais c’est surtout un type de logement qui fonctionne sur le principe de la sélection basée sur des critères définis par le logeur.

En outre, malgré cette campagne, à la rentrée 2002 de nombreuses personnes se sont vues obligées d’abandonner leurs projets d’études à Genève, faute de logement ; et d’autres, déjà sur place, ont continué à affluer dans nos bureaux et ceux de la Ciguë (coopérative de logement pour personnes en formation) pour demander de l’aide dans leur vaine recherche de logement. Face à ce malheureux constat nous avons décidé d’agir de manière directe : entre octobre et novembre 2002 nous avons lancé deux occupations d’immeubles. Celles-ci ont permis à la Ciguë d’obtenir des contrats de prêt à usage (dont ont pu bénéficier près de 100 personnes) pour l’année académique en cours. Par ailleurs, dès le début de nos actions, nous avons interpellé le politique pour dénoncer le caractère spéculatif de la crise et pour rappeler le Conseil d’Etat à ses obligations, soit l’application de la LDTR1 (qui serait le minimum qu’il puisse faire !)

A l’heure actuelle, des discussions se poursuivent avec les régisseurs et/ou propriétaires. Mais face à leur mauvaise volonté, il n’y pas grand espoir de solution concrète. Quelques constructions sont envisagées mais n’aboutiront pas avant 4-5 ans et les immeubles vides (et il y en a !) le sont toujours. Un projet de loi2 est également à l’étude à la commission logement du Grand Conseil qui demande la mise en place d’un fond spécifique au logement pour personnes en formation, ainsi que la création d’une structure officielle de coordination. La CUAE a été auditionnée par la Commission ; nous avons réaffirmé l’urgence de la situation et à nouveau attiré l’attention des député-e-s sur la non-application des articles 26 à 31 de la LDTR.

Toutes ces démarches nous semblent largement insuffisantes. En effet, les personnes ayant besoin d’un logement n’ont pas disparu comme par enchantement. D’ici peu nous nous retrouverons à nouveau avec des centaines de personnes à la rue : certains contrats de prêts à usage qui ont été signés par la Ciguë vont prendre fin, de nouveaux/elles étudiant-e-s vont arriver à Genève, et sans compter les personnes qui sont toujours en quête d’un logement digne de ce nom…

Jusqu’ici aucune mesure sérieuse n’a été prise ; c’est pourquoi le Comité de la CUAE va passer à nouveau à l’action et certainement reprendre ses travaux pratiques… pour réclamer une politique de logement réellement démocratique et en solidarité avec les personnes qui revendiquent le droit de choisir leur toit ! La suite… au prochain épisode.

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Crise du logement – réponse de la CUAE

Depuis la rentrée, le comité de la CUAE s’est fortement engagé sur le front du logement des étudiants comme l’y avait engagé l’Assemblée générale d’automne 2001. Cet engagement a abouti à 2 occupations : l’une au 3 de la rue du Conseil-Général (près d’Uni Dufour), l’autre au Pâquis, à la rue Abraham-Gevray. Ce sont aujourd’hui environ 80 personnes en formation qui disposent d’un logement correct dans ces 2 immeubles pour lesquels un contrat de prêt à usage a été conclu entre les propriétaires et la CIGUE (Coopérative pour le logement des personnes en formation). Ces 2 occupations, spécialement la seconde, ont fait l’objet d’un écho médiatique et d’un soutien politique relativement important ; elles ont aussi suscité des débats et des questions. Il nous a semblé utile de faire le point et ce texte devrait servir de base au débat qui aura lieu durant l’AG du 21 novembre prochain.

La crise du logement est-elle un phénomène météorologique ?

A lire les journaux et à entendre les déclarations de certains responsables politiques, il semble bien que la crise du logement revienne périodiquement frapper Genève comme l’anticyclone des Açores amène le beau temps en été. Ce discours qui assimile un fait social à un phénomène naturel sert évidemment à dissimuler les responsabilités de ceux qui créent la crise pour assurer leur profit personnel. Les mécanismes de la spéculation immobilière ont été abondamment décrits dans les années 80, notamment dans le sillage du mouvement squat ; nous n’y reviendrons pas ici. La spéculation n’est en réalité que la partie la plus révoltante des pratiques qui structurent le marché immobilier.

La crise actuelle a une cause un peu différente sur laquelle il vaut la peine de s’étendre en introduction. La source de profits – semblait-il intarissable – constituée par les marchés financiers s’avère depuis au moins 5 ans être pleine de risques. Dans ce contexte, les investisseurs mettent à l’abri une partie de leurs capitaux et l’immobilier est le marché rêvé pour qui veut s’assurer une rente à vie : chacun a besoin d’un toit et la structure de la demande dépend très peu de celle de l’offre. En d’autre termes, pour peu qu’on lui fasse croire qu’il n’y a plus de logements libres, le locataire est prêt à accepter à peu près n’importe quelles conditions pour se loger. S’il en a les moyens, il acceptera des augmentations de loyer ; s’il n’en a pas les moyens, il vivra à 4 dans un 2 pièces ou acceptera de faire 2 heures de trajet pour se rendre à son travail.

Or, pour assurer aux investisseurs refroidis par les marchés financiers un repli convenable et pour absorber l’arrivée massive de ces déçus des nouvelles technologies, il faut que le marché immobilier augmente le taux des rentes payées aux propriétaires. Là où l’investissement était payé 10F pour 1F investi quand les investisseurs étaient peu nombreux, il faut payer 100F pour 1F lorsque le nombre des investisseurs augmente. Cela ne peut se réaliser que par une augmentation des loyers qui sont la source de la rente immobilière1. Les propriétaires créent donc la pénurie pour contraindre les locataires à accepter des hausses de loyer ou les obliger à péjorer leurs conditions d’habitation. On crée notamment la pénurie – la crise – en laissant des immeubles vides et en transformant des habitations en locaux commerciaux2.

1 Sur la pression exercée par les propriétaires sur les locataires, on peut lire l’interview du juge Mirimanoff, président de la commission de conciliation du Tribunal des baux et loyers, dans la tribune de Genève du 16 novembre 2002 2 Sur les structures du marché immobilier et notamment sur la puissance de l’intervention de l’Etat dans ce marché qu’on n’a pas évoqué ici, on peut lire BOURDIEU Pierre, Les structures sociales de l’économie, Seuil, Paris, 2000

En quoi cela concerne-t-il la CUAE ?

La pénurie de logement touche l’ensemble de la population qui paye la rente immobilière aux propriétaires. Elle ne frappe donc pas spécifiquement les personnes en formation. Pourtant, sans être parmi les plus touchées, ces personnes présentent des caractéristiques qui les défavorisent par rapport à d’autres couches de la population. Les étudiants sont le plus souvent de nouveaux arrivants sur le marché du logement: lorsqu’il s’agit de créer la pénurie, les propriétaires – en l’occurrence les régies qui les représentent – appliquent des critères de plus en plus stricts pour l’obtention d’un bien en location. Les réserves les plus farfelues apparaissent alors : les personnes en formation seraient moins soigneuses que les autres locataires à l’égard de la chose louée, les garanties financières à présenter s’élèvent jusqu’à des niveaux pharamineux. Les critères appliqués deviennent encore plus violents et arbitraires pour qui vient de l’étranger. Dès lors, la question du logement des personnes en formation se pose en tant que telle, tout en restant liée à la problématique générale, et il appartient notamment à la CUAE de s’y intéresser.

En outre, personne ne comprendrait que la CUAE ne prenne pas position si les taxes semestrielles venaient à augmenter. En réalité, la création de la pénurie de logement entraîne une situation de numerus clausus social. Sauf à avoir des nerfs d’acier, quiconque doit faire 4 heures de train chaque jour pour suivre des cours faute de pouvoir se loger à Genève aura tôt fait de renoncer à ses études. La crise du logement, dont on a vu ce qu’elle avait de socialement construit, permet donc, comme par un effet secondaire, de diminuer le nombre des étudiants en décourageant ceux-ci d’entreprendre les études qu’ils souhaitent. Or, il se trouve que ce sont les mêmes milieux qui affirment depuis 15 ans que le nombre d’étudiants doit diminuer qui sont à l’origine de la pseudo-pénurie actuelle. La crise du logement est donc un enjeu de politique universitaire, plus largement de politique de la formation.

Enfin, comme le relevait le groupe Arrabiata dans un papier sur la Déclaration de Bologne, il est de notre responsabilité d’universitaires de s’attacher à décrire les faits sociaux et leurs causes sociales3.

Des suites juridiques et des suites politiques

La conclusion d’un contrat de prêt à usage (CPU) avec la CIGUE pour la dizaine de studios de la rue du Conseil-Général n’avait guère suscité de débats les choses s’étant déroulées très vite. Il n’en est pas allé ainsi aux Pâquis. C’est sans doute, entre autres, que l’enjeu (60 appartements au total) était plus important. C’est aussi que le propriétaire a fait preuve d’un acharnement hors du commun. Suite à l’offre de médiation du Procureur général, les représentants du propriétaire ont accepté de négocier avec la CIGUE. Après une semaine de tractations, un accord était trouvé laissant 4 des 6 étages de l’immeuble à la CIGUE et affectant les autres à la police privée GPA et à l’hôtel Richemond. Toutefois, le propriétaire n’entendait pas retirer la plainte qu’il avait déposée au Parquet pour violation de domicile. L’exigence était donc que la CUAE et les occupants de l’immeuble en sortent le lundi 11 novembre au matin afin que la CIGUE en prenne possession le même jour dans l’après-midi. Nous nous sommes pliés à cette exigence estimant que notre revendication initiale était remplie, à savoir l’obtention d’un CPU au bénéfice de la CIGUE.

3 Dans cet esprit, le professeur Hans-Ulrich Jost, avait consacré, l’an dernier à Lausanne, un séminaire à une histoire sociale du béton.

Pourquoi ne pas avoir choisi de durcir la position en refusant l’accord avec le propriétaire, accord qui affaiblissait notre position et celle de la CIGUE et qui délégitimait l’occupation de l’immeuble ? D’abord parce que notre objectif n’était pas seulement symbolique (dénoncer, désigner un immeuble vide), mais aussi concret : permettre aux étudiants en situation d’urgence qui s’étaient annoncés durant l’occupation de trouver un toit dans des conditions acceptables. Cet objectif a été atteint, même s’il aurait été souhaitable que l’ensemble du bâtiment soit accordé en prêt à la CIGUE. De plus, les habitants qui se trouvaient dans l’immeuble durant l’occupation se sont prononcé dans le sens d’accepter la proposition du propriétaire telle que transmise par les négociateurs de la CIGUE. Un des arguments qui a pesé dans cette décision était la situation précaire du point de vue du droit de résidence en Suisse (permis B étudiant) d’une large partie des habitants. On peut regretter que la décision – qui n’était pas unanime – n’ait pas été de poursuivre les négociations en vue d’obtenir les étages restants et l’impunité des premiers habitants, mais nous n’avons jamais proposé explicitement cette alternative aux habitants. Dans la mesure où c’est la CIGUE et elle seule qui négociait, dans la mesure aussi où les décisions devaient être prises rapidement, compte tenu enfin de notre relative inexpérience en matière d’occupation d’immeubles, nous avons peut-être évacué des options qui auraient pu se révéler meilleures que celles que nous avons prises.

La signature du contrat par la CIGUE nous fait-elle abandonner notre objectif politique et des revendications à plus long terme ? Il a toujours été clair que notre action ne s’inscrivait pas seulement dans le contexte de l’urgence, mais dans le cadre de la recherche d’une solution à long terme. En l’occurrence, plusieurs plaintes, au civil et au pénal, ont été déposées par le propriétaire contre une partie des occupants.

Paradoxalement, c’est donc le propriétaire qui nous permet de poursuivre notre action sur le plan politique. En effet, il croit sans doute avoir à faire à un groupe formé pour la circonstance et qui se dissoudra devant les juges. Nous avons d’ores et déjà annoncé qu’il n’en serait rien. La CUAE soutiendra toutes les personnes poursuivies dans le cadre de cette action – une partie d’entre elles est d’ailleurs constituée de membres du comité ; c’est notamment dans ce cadre que nous poursuivrons notre action politique. Il s’agira de dénoncer la criminalisation de ce qui doit être considéré comme une action syndicale. De dénoncer aussi les infractions commises en toute impunité par les propriétaires qui n’annoncent pas les logements vides qu’ils possèdent. De dénoncer enfin, plus largement, une situation illégitime du point de vue de la justice sociale. Nous appelons donc les associations membres de la CUAE à se mobiliser pour soutenir les étudiants.

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Actualités Migrant.e.x.s

université: permis B discriminés

En cette rentrée universitaire, il nous a semblé nécessaire de consacrer une partie ce Regard Critique à la situation des étudiant-e-s étrangers/ères. Notamment au vu du nombre toujours croissant de personnes qui viennent trouver la CUAE avec de nombreux problèmes pratiques quant à leur situation académique ou vie quotidienne à Genève. En effet, si notre université se vante d’avoir accueilli 36% d’étudiant-e-s autres que genevois-es ou confédéré-e-s durant l’année 2001-2002, il est indispensable de faire remarquer que certain-e-s d’entre eux ne proviennent pas des pays de l’Union européenne ou des pays ‘riches’. Pour ceux/celles-là, l’accès aux études dans notre pays est plus que difficile. La CUAE s’est engagée à lutter contre les discriminations faites à leur égard. Pour vous donner une petite idée de ce que représente la course d’obstacles qu’est l’immatriculation, puis le cursus d’un-e étudiant-e africain-e, latino-américain-e ou asiatique, nous vous proposons quelques exemples.

Tout d’abord, la personne désireuse d’étudier dans l’un ou l’autre canton suisse doit se présenter à la représentation diplomatique suisse de son pays, afin de se procurer les programmes de cours et conditions d’immatriculation. Chose peu facile pour un Algérien qui durant les troubles politiques de son pays a dû se rendre à l’ambassade suisse de Tunisie (la plus proche) car celle de son pays était fermée… Si la personne parvient à obtenir les renseignements qui lui sont nécessaires, elle doit faire parvenir une demande d’admission à l’Université de Genève entre le 1er avril et le 1er juin. Tous les dossiers sont étudiés en juin. Ce qui ne suffit pas toujours à l’étudiant-e pour recevoir son visa d’entrée à temps. En outre, malgré les coûts élevés pour l’inscription et les examens de Fribourg et de français, l’Université a introduit cette année une taxe de 65 Frs de frais de dossier pour toute demande d’admission afin de décourager les demandes soit disant peu sérieuses ! Ceci ne fait qu’infliger une difficulté supplémentaire et constitue en soi une discrimination.

En outre, à part les tracasseries de l’Université, l’étudiant-e, une fois accepté-e par notre Alma Mater est soumis-e à une pression constante. En effet, l’Office Cantonal de la Population (OCP) applique les ordonnances de la Loi sur le Séjour et l’Établissement des Étrangers arbitrairement en fonction de chaque personne et statue librement. Les décisions sur l’octroi et le renouvellement des permis B étudiant donc varient selon l’humeur de l’officier qui aura traité le cas.

Les étudiant-e-s sont donc sous une pression constante d’un éventuel non-renouvellement de leur permis B (ne pas pouvoir échouer à un examen, impossibilité de changer de cursus…). Ils-elles sont à la merci des décisions de l’Office Cantonal de la Population.

De plus, on est en droit de se demander si ces mesures ne feraient qu’appuyer la politique fédérale en matière d’immigration car si ces démarches administratives constituent de réels obstacles pour les étudiant-e-s étrangers/ères, nous ne parlons même pas des problèmes pratiques qui se posent à eux pour pouvoir vivre dignement à Genève. L’accès au logement leur est encore plus restreint, il leur est le plus souvent impossible de sortir de notre territoire ne serait-ce que pour aller faire des courses en France, et l’intégration dans notre petite ville n’est pas toujours facile, surtout si la personne provient d’un pays du Sud ou de l’Est. L’accès aux études pour toutes et tous reste donc dans la pratique complètement illusoire surtout lorsque les ordonnances à appliquer sont de l’ordre de : « les autorités doivent tenir compte des intérêts moraux et économiques du pays, ainsi que du degré de surpopulation étrangère » Il apparaît donc que dans un pays qui se vante de promouvoir l’égalité des chances, ces pratiques ne font que révéler son hypocrisie.

Les mesures actuelles ne sont déjà pas glorieuses pour un pays qui se vante de son ouverture aux cultures, mais la modification de la loi sur les étrangers (LEtr) en cours va restreindre encore plus l’accès des étudiant-e-s du dénommé ‘2e cercle’ aux études en Europe. La CUAE a donc décidé de s’engager dans l’opposition à l’introduction de cette nouvelle loi et à sensibiliser la population estudiantine sur ce sujet délicat mais bien réel. Vous serez bien entendu mis-e au courant de la suite des événements. De même, nous vous invitons à signer et faire circuler la pétition qui demande la suppression de la taxe de 65.- de frais de dossier pour les étudiants étrangers, ainsi que la modification du délai pour les remises de demandes d’admission.

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Actualités Politique universitaire Textes

Position de la CUAE concernant les directives de la CRUS sur la mise en œuvre de la Déclaration de Bologne

De manière générale, nous avons trouvé la qualité du document assez mauvaise. Nous ne savons pas si cela est dû à la traduction, mais il nous a été difficile de comprendre certaines formulations, même si les phrases étaient grammaticalement justes.

Pour en venir au document même, nous sommes étonnés de lire que le document a été rédigé « en accord étroit avec les universités concernées, les étudiants (…) ». N’ayant pas eu vent de pareil accord, nous serions intéressés de savoir quels ont été les étudiants impliqués dans la rédaction de ce document. Il en est de même pour « les Journées-Bologne » : peut-être suivies par « un important public », mais si celui-ci était composé des habituels académiciens nous doutons de l’impact que ces réunions auront eu sur les étudiants et le personnel de l’université. Nous avons aussi semble-t-il une notion différente du terme « public », nous exigeons que les débats soient véritablement publics et non réservés au mandarinat universitaire.

Nous tenons à réaffirmer notre opposition à l’application de la déclaration de Bologne telle qu’elle a été discutée préalablement à la Sorbonne, à Bologne, Lisbonne et Prague. Nous pensons toujours que des réformes imposées par le haut, sans consultation des étudiants et du personnel des hautes écoles ne peuvent qu’avoir des effets négatifs sur le long terme.

Concernant les points sur lesquels la CRUS attire notre attention dès la deuxième page, nous tenons à signaler la chose suivante : lorsque vous insistez sur le fait que l’introduction de la déclaration de Bologne entraînera des coûts supplémentaires, nous pensons qu’il s’agit certainement de coûts d’ordre administratif. Nous pensons qu’il ne faut en aucun cas lier l’augmentation des conditions d’encadrement à la déclaration de Bologne. Il s’agit là de deux domaines différents : une augmentation du taux d’encadrement n’est en aucun cas dépendante de l’application de la déclaration de Bologne. Il s’agit là de mesures budgétaires relevant des autorités universitaires en lien avec leur Canton respectif et la Confédération. Si nos autorités universitaires n’ont pas pu obtenir de fonds supplémentaires pour pallier au problème réel de l’insuffisance de l’encadrement, ne tentons pas de faire passer la pilule sous couvert d’une déclaration vague qui n’explique en aucun cas les raisons de l’insuffisance du taux d’encadrement. Nous serions par ailleurs intéressés de savoir ce que vous entendez par « standards minimaux » dans le domaine, nous n’en connaissons malheureusement pas jusqu’aujourd’hui (nous parlons ici de standards unifiés bien sûr).

Lorsque vous parlez de la nécessité de maintenir les bourses pour les deux niveaux (Ba/Ma), nous tenons à vous exprimer notre inquiétude quant à la séparation de niveaux dans le cadre d’octroi de bourses. Dans tous les cas, il est nécessaire que, les conditions d’octroi de bourse et d’allocations d’études s’appliquent jusqu’au Master.

Nous nous réjouissons de savoir que les discussions portant sur les passerelles entre les deux types de hautes écoles sont en cours et se passent bien. Pourrions-nous en connaître le contenu et les acteurs ? Nous tenons à rappeler qu’il est selon nous essentiel de maintenir le système de formation dual en Suisse. La formation proposée dans les HES concerne pour la plus grande part, des domaines considérés comme prioritaires par l’économie. Il n’en va pas de même pour les universités. Mettre en place un système d’équivalence des titres reviendrait à offrir sur un plateau une position hégémonique de l’économie sur la formation supérieure. Il est par contre nécessaire de valoriser la formation en HES non pas seulement en termes de nécessité imposée par le marché, mais aussi en terme de formation individuelle. : l’uniformité des titres renforce la position des employeurs sur le marché de l’emploi. A l’inverse, le maintien d’une diversité des formations et de leur reconnaissance par l’Etat donne à celui-ci la possibilité d’imposer les structures de l’offre en jouant notamment sur les conditions d’accès aux titres.

Nous sommes finalement heureux de constater que vous considérez que les réformes qu’implique l’application de la Déclaration de Bologne ne sont pas uniquement d’ordre structurel : cela fait deux ans au moins que nous tenons cette position. Nous sommes d’accord avec vous lorsque vous parlez en termes de réforme substantielle. Pourriez-vous cependant nous indiquer quelle serait, selon vous, la direction que prendrait cette réforme ? Il apparaît comme évident que l’application de la DB est le prétexte à des réformes substantielles, notamment en matière de contenu et de diversité des enseignements. C’est la première raison qui rend cette application contestable.

Passons maintenant aux directives elles-mêmes :

Puisque de nombreux articles ne peuvent être interprétés sans les commentaires qui y sont ajoutés, nous traiterons des deux à la fois.

Les normes proposées pour l’application du système Ba/Ma, notamment la distinction introduite entre degré et diplôme, constituent une véritable fiction juridique : d’un côté on prétend garantir une autonomie aux universités dans le choix de la division des filières (possibilité de faire une filière menant uniquement au Master) ; de l’autre l’obligation pour les étudiant-e-s de posséder un diplôme intermédiaire pour pouvoir accéder au Master dans d’autres universités. Un langage précieux ne masque pas pour nous l’obligation in fine pour toutes les universités de se plier au modèle Ba/Ma (ou modèle 3-5). Nous sommes par ailleurs étonnés de voir l’insistance avec laquelle on répète la possibilité offerte aux universités de déterminer elles-mêmes les conditions d’accès au Master alors que le texte stipule que le premier degré représente 180 crédits dans toutes les universités européennes. À quoi servirait-il d’unifier un système de valeurs s’il ne peut-être normatif ? Nous avons là un exemple flagrant du fait que l’exaltation de la mobilité à travers l’unification de structures n’est que le cheval de Troie pour accentuer la sélection au deuxième cycle. Il nous semble donc que les articles 1 et 4 des directives sont ou en contradiction, ou l’article premier est le gant de velours et le quatrième la main de fer. Nous reviendrons plus tard sur les différentes variantes proposées dans l’article quatre.

L’article 2 et son explicatif déterminent l’attribution des crédits. Nous poserons peut-être d’abord une question sémantique : qu’entendez-vous véritablement par « prestations d’études » s’agit-il d’un contrat de prestation individuel entre l’étudiant-e et son unité ? Nous comprenons la nécessité de normaliser les systèmes de crédits, mais il nous semble qu’un peu plus de précisions seraient nécessaires.

Nous ne pouvons que nous insurger contre l’article trois qui postule que la durée des études est déterminante quant à l’obtention d’un diplôme. L’annulation des crédits obtenus en cas de dépassement des délais est totalement arbitraire : l’acquis de crédits est un travail accompli qui doit être reconnu de manière définitive et non pouvoir être remis en question en fonction de l’humeur des autorités universitaires. De même pour les exceptions faites à la règle : qui décide si la raison de prolongation de délai est valide ? Qu’entend-on par délai adéquat ?

Venons en finalement au dernier article, le premier alinéa stipule qu’il n’y aura pas de normes concernant les conditions d’accès au deuxième diplôme. Quelle utilité y aurait-il à appliquer une déclaration promouvant la mobilité tout en accentuant la sélection ? Les deux variantes autorisent les établissements à fixer des pré-requis spécifiques pour tout changement de discipline ou d’établissement dans le cadre de l’obtention d’un diplôme… bel encouragement au développement intellectuel ! L’alinéa 3 pose le problème de l’équivalence des diplômes de premier degré (non obligatoire pour toutes les universités semble-t-il) alors que l’article 1 stipule que les diplômes de premier cycle correspondent à 180 crédits. Ainsi, l’alinéa 3 reconnaît implicitement que les correspondances entre diplômes ne s’établissent pas que sur la base des crédits y relatifs, mais aussi sur des appréciations de qualité distinguant les établissements. Les crédits se voient donc attribuer une valeur implicite dépendante de la position de tel établissement par rapport aux autres établissements dispensant la même formation. C’est ce qu’exprime avec une étonnante brutalité le commentaire de l’article 4 alinéa 2. Mais il est vrai que l’égalité des chances quant à l’accès à un diplôme supérieur n’est pas compatible avec le principe de concurrence et de compétitivité tel qu’énoncé dans le texte de la déclaration de Bologne.

Nous estimons que l’application de la déclaration de Bologne est la plus grande réforme de l’enseignement supérieur depuis mai 68. Or il nous apparaît que les réformes introduites depuis, telles que l’introduction embryonnaire d’une forme de démocratie ainsi que de l’égalité d’accès, sont remises en question par la déclaration de Bologne. Nous ne pouvons dès lors plus parler en termes de réforme mais de contre-réforme imposée autoritairement par le haut. Nous remarquons par ailleurs que le document que vous nous proposez ne tient en aucun cas compte des points évoqués dans le document signé en janvier 2002 par les Rectorats de Genève, Lausanne et Neuchâtel. Acte manqué ?

Il est évident que nous ne pouvons en aucun cas souscrire aux propositions émises dans le document de la CRUS qui, sous couvert de mobilité et d’ouverture, sacrifie les étudiant-e-s sur l’autel de la sélection, concurrence et compétitivité.

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Politique universitaire

Appel au débat sur les principes de la déclaration de Bologne [Groupe Arrabiata]

Face aux mesures visant à l’application de la déclarations de Bologne en Suisse, nous tenons à ouvrir un débat public de fond sur cette déclaration et ses conséquences sur les études universitaires.

Comme toute mesure d’origine technocratique, la déclaration de Bologne tend à susciter des réponses techniques. Cependant il est de notre devoir d’universitaires que d’y répondre sur d’autres terrains, aussi nous avons délibérément choisi dans le texte qui suit de prendre la déclaration de Bologne comme occasion pour introduire certaines idées qui nous le pensons offrent un cadre théorique fondamentalement antagoniste au développement de l’université à la sauce bolognaise. Luis J. Prieto offrait, en ce sens, il y a encore quelques années au sein de l’université de Genève une réflexion ” à l’arriabata indigeste à toute forme d’allégeance au pouvoir…

La déclaration de Bologne est une déclaration commune sur l’enseignement supérieur sans aspect contraignant, cosignée par les Ministres européens de l’Éducation, réunis à Bologne en juin 1999.

Mais, paradoxalement, c’est au nom de cette déclaration d’intentions que la conférence suisse des recteurs ainsi que certains doyens de faculté entendent contraindre toute la communauté universitaire à s’adapter à une norme qui n’en est pas une.

La déclaration de Bologne incite à introduire plus de compétitivité, de sélection, de par à l’intensification et la plus grande ” scolarisation ” des cursus des études supérieures. En effet un cursus basé sur le système anglo-saxon du bachelor-master-doctorat (3 ans pour le bachelor, 5 ans pour le master et 8 ans pour le doctorat) auraient des conséquences profondes pour les étudiants : il remettrait en cause la possibilité d’effectuer des études à temps partiel, et entraînerait une redéfinition des bourses d’étude (qui se limiterait alors au premier cycle de trois ans). Cela a pour conséquence de restreindre l’accès à l’entrée ou à la poursuite (après le bachelor) des études pour toutes les personnes qui ne peuvent ou ne veulent assumer des études à temps complet. On peut penser aux personnes qui ont des enfants à charge ou qui doivent simplement travailler à côté de leurs études.

Ce point, parmi d’autres que l’on pourrait critiquer en profondeur dans la déclaration de Bologne, est extrêmement important. En effet les études à temps partiel sont fondamentalement liée à l’idée, essentielle selon nous, que les études se basent sur un aller et retour entre théories et réalités sociales, entre apprentissage et praxis.

La déclaration de Bologne est selon nous par bien des aspects discutable or elle n’est, de façon délibérée, pas discutée. Ce n’est pas là notre principale critique mais notre principal grief. Vous l’aurez compris notre critique porte sur l’idéologie néo-libérale déjà présente au sein de l’Université, nos griefs, par contre, sont adressés aux responsables académiques, politiques et administratifs qui au jour le jour travaillent à la standardisation et à la ” rationalisation ” des services publics tel que l’Université. En effet comment vouloir penser le futur de l’enseignement sans donner la parole à ses acteurs, comment percevoir ces besoins sans permettre un débat large et ouvert, comment penser demain sans prendre en compte les difficultés, les conflits, les luttes d’aujourd’hui ?

Cette déclaration et ces mises en œuvre nous apparaissent, de ce fait, dénués de légitimité et contraire aux valeurs même sur lesquels se fondent l’enseignement supérieur.

Ouvrons donc le débat afin de nous donner les moyens d’intervenir sur l’ordre des choses, qui, faute de quoi, nous sera imposé par des décisions prises en notre nom.

Nous aimerions, après avoir posé les termes du débat, revenir le cas bien particulier des sciences humaines qui par leur identité se posent au cœur de la problématique introduite par la déclaration de Bologne.

Nous nous appuierons pour cela sur la pensée de Luis J. Prieto et plus particulièrement sur celle développer dans son livre ” Pertinence et Pratique ” paru en 1975 aux éditions de Minuit.

Les sciences de l’homme permettent, selon lui, de découvrir l’historicité de toute connaissance et ainsi de poser ces connaissances comme toujours significatives, c’est-à-dire fondées par le point de vue d’un sujet social, qui en définit, alors, la pertinence. De plus comme le point de vue, ainsi mis à jour, ” n’est pas acceptable par tous puisqu’il avantage une partie au détriment des autres, les privilégiés ont évidemment intérêt à dissimuler ce point de vue et à faire apparaître une connaissance de la réalité matérielle comme imposés par la réalité matérielle elle-même “. On retrouve ici certains traits induits et effectifs dans les mises en application de la déclaration de Bologne.

Les sciences de l’homme de ce fait s’opposent à tout type d’idéologie, entendue comme ” tout discours se référant à une connaissance de la réalité matérielle qui vise à ” naturaliser ” cette connaissance “, et qui voudrait donc dissimuler ” l’historicité des façons de connaître la réalité matérielle d’où résultent les privilèges “.

Les sciences de l’ ” homme ” constituent, ainsi, la connaissance de toutes les connaissances, scientifiques ou non, de la réalité matérielle, et elles nécessitent de par ce fait, pour leur élaboration, toutes les garanties d’espace et d’autonomie de pensée.

Voilà pourquoi, selon nous, l’université et les sciences de l’” homme ” en particulier, ont un rôle important d’espace de réflexion et de réflexivité à jouer au sein de la société. Elles exigent, pour cela, certaines conditions pour pouvoir s’y déployer. Or, ces conditions déjà précaires (cf les critères de sélection des recherches du Fond National…), doivent être défendues et améliorées en opposition à des directives comme celles émanant de la mise en application de la déclaration de Bologne ou bien du prochain volet de libéralisation des services décidé à l’OMC (AGCS).

Il y a, de plus, une raison supplémentaire, comme l’a très bien noté Prieto, pour que les sciences de l’” homme ” soient au centre de luttes politiques et sociales et donc sujettes aux attaques.

En effet elles permettent par les connaissances des connaissances de la réalité matérielle c’est-à-dire par les connaissances de la réalité historique, l’exercice d’une praxis sociale, visant à substituer une façon de connaître la réalité matérielle à une autre. Elles détiennent, en se sens, un potentiel démonstratif important, et selon nous essentiel, qui est susceptible de lever des lièvres et de donner prise aux forces sociales sur la réalité historique dans laquelle elles vivent et permettre ainsi le changement. Cette capacité à démontrer la construction historique de l’ordre établi s’oppose bien évidemment aux détenteurs de privilèges et de pouvoir.

Notre société se définirait ainsi au travers des luttes et des actions comme un terrain, non pas où ” les choses sont comme elles sont “, mais bien comme on le sait depuis Ferdinand De Saussure, où c’est ” le point de vue qui fait l’objet ” et de façon plus explicite depuis Prieto, où c’est ” le point de vue qui est l’objet “.

C’est dans cette perspective, qui vise à garantir l’élaboration d’une réelle pensée scientifique conjointement à l’exercice des luttes politiques et sociales susceptibles de donner sens à nos actions quotidiennes, que nous lançons cette appel à la prise de position collective ou individuelle, et plus si affinités…

Ce texte ne se veut pas unitaire ni encore moins unique, au contraire nous espérons que d’autres sur la base d’autres auteurs ou concepts entameront une démarche similaire. Celles-ci pourraient déboucher sur un événement public au début de l’année prochaine. Nous attendons vos textes, remarques et propositions…

Groupe ARRABIATA, Genève 26-05-02

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Actualités Politique universitaire

Occupation de la CUS

LE MOUVEMENT ETUDIANT REMUE ENCORE !

LasséEs d’être entenduEs sans être écoutéEs ; lasséEs de voir les options politiques en matière de formation supérieure échapper systématiquement au débat démocratique ; lasséEs d’assister à la vente à l’encan de leurs universités ; lasséEs de constater le désengagement des cantons et de la Confédération dans le financement de la formation ; lasséEs d’entendre à longueur de cours et de séminaires des professeurs à la botte des dominants ; lasséEs de la docilité des rectorats ; lasséEs d’entendre les parlementaires s’abriter derrière leur statut de miliciens pour excuser leur méconnaissance du dossier de la formation supérieure ; lasséEs d’être les spectateurs/trices passifs/ives des décisions irresponsables de l’administration fédérale, les étudiantEs genevoisEs ont décidé, lors de l’assemblée générale du 20 mars dernier, d’autoriser leur association faîtière, la CUAE, à quitter l’Union Nationale des ÉtudiantEs de Suisse.

Par cette décision, les étudiantEs genevoisEs ont souhaité s’engager dans des formes d’actions plus radicales que celles menées jusqu’ici. L’action de ce jour est le point de départ d’un mouvement étudiant qui ne laissera pas de répit aux ennemis d’une véritable démocratisation de la formation supérieure. Les revendications de ce mouvement sont notamment les suivantes :

Gratuité totale des études et instauration d’un revenu étudiant ; Réengagement massif et inconditionnel des collectivités publiques dans le financement des universités et interdiction du financement privé ; Réforme profonde des structures administratives et politiques qui régissent la formation supérieure en Suisse (notamment avec l’instauration d’un contrôle démocratique) ; Introduction du principe de co-gestion dans les universités ; Annulation totale de l’ensemble des dettes publiques ; Abandon des démarches visant à introduire la Déclaration de Bologne et désaveu publique de la signature de ce document par le secrétaire d’État autocrate Kleiber ; Dissolution de l’Organe d’Accréditation et d’Assurance Qualité ; Démission dans les plus brefs délais du secrétaire d’État autocrate Kleiber

Pour atteindre ces objectifs, la CUAE entend s’associer au mouvement anti-capitaliste mondial. Elle développera une critique radicale des structures sociales de la production scientifique et parallèlement mènera des actions visant à stigmatiser ceux qui s’opposent, dans leurs actes ou dans leurs discours, aux objectifs mentionnés ci-dessus. Genève – Bern, le 4 avril 2002.

Communiqué de presse

Le mouvement étudiant remue encore !

(les noms de fonction s’entendent au féminin et au masculin)

Ce jeudi 4 avril 2002, la Conférence Universitaire Suisse (CUS) se réunit à Berne pour entériner et présenter à la presse les plus importantes réformes de ces dix dernières années en matière de formation supérieure. La Conférence Universitaire des Associations d’Etudiants (CUAE), association faîtière des étudiants genevois, manifestera sa présence lors de cette séance et fera entendre la voix des étudiants. La CUAE donne donc rendez-vous à la presse dès 9h devant le bâtiment de la CUS (Sennweg 2, 3012 Berne) pour y suivre l’ensemble de l’action ou dès 11h au même endroit pour la conférence de presse.

Qu’est-ce que la CUS et que va-t-elle décider ce jeudi ?

La CUS est l’organe concordataire fédéral pour l’enseignement supérieur. Elle réunit donc l’ensemble des chefs des départements cantonaux de l’instruction publique, notamment Mme Brunschwig Graf pour Genève, M. Buschor pour Zürich, Mme Jeanprêtre pour le canton de Vaud, etc. La CUS est donc un organe politique réservé aux représentants des exécutifs. Curieusement, la CUS n’est pas présidée par un représentant du pouvoir exécutif, mais par un haut fonctionnaire, Charles Kleiber, par ailleurs secrétaire d’Etat à la Science et à la Recherche et directeur du Groupement de la Science et de la Recherche (GSR). Exceptionnellement, la CUS a invité à sa séance de jeudi des recteurs des universités de Suisse. C’est qu’elle a de grandes décisions à prendre : émettre des directives contraignantes pour l’application de la Déclaration de Bologne approuver les statuts et les compétences de l’Organe fédéral d’Accréditation et d’Assurance Qualité (OAQ).

Il vaut la peine d’examiner ces deux points à l’ordre du jour de la réunion de la CUS.

La Déclaration de Bologne

Ce document a été signé, en juin 1999, par les ministres de l’éducation de 28 pays européens et pour la Suisse, par le secrétaire d’Etat Charles Kleiber !! Outre le fait que la signature de ce texte par un secrétaire d’Etat et non par la conseillère fédérale chargée du dossier constitue un abus de pouvoir, la Déclaration de Bologne n’est pas un traité international. Il s’agit seulement d’une déclaration d’intention. Son application relève donc du bon vouloir des autorités politiques et académiques. Si la Suisse, alors qu’elle n’est pas membre de la communauté européenne, a décidé d’appliquer au plus vite les principes affirmés dans la déclaration, c’est que l’influence de l’OCDE est immense en ce qui concerne la politique de formation : sous la pression des organisations patronales, le pouvoir politique s’empresse depuis 20 ans d’appliquer toutes les recommandations de l’OCDE en matière d’éducation. Or, la déclaration n’est que la formalisation, plus ou moins juridique, des intentions exprimées par l’organisation1. [Organe fédéral d’Accréditation et d’Assurance Qualité

L’objectif de cet organe est d’accréditer les universités sur le modèle des accréditations distribuées par la Société Générale de Surveillance par exemple. Sur la base de cette accréditation, les autorités fédérales choisiront de maintenir ou non les subventions fédérales pour l’établissement ou la filière évalués (voir nouvelle LAU). Les critères retenus pour l’accréditation sont pour l’heure encore très flous. On y trouve pêle-mêle la taille des salles de cours, « l’existence d’un plan d’étude [sic] », le ratio enseignants – étudiants, etc. Evidemment, après 20 ans de politique de restriction budgétaire au profit des créanciers de l’Etat, seules les écoles polytechniques, la HEC de Saint-Gall [Ces deux réformes viennent porter le coup de grâce aux institutions de formation supérieure misent à mal depuis les années 80 pour cause de déficit budgétaire généralisé. Elles s’inscrivent dans le processus de démantèlement des services publics qui marque la politique fédérale actuelle. Du reste, M. Buschor, qui sera présent ce jeudi, ne s’en cachait pas lorsqu’il déclarait à la NZZ : « les nouvelles techniques de financement servent à réguler le nombre d’étudiants » [A réforme, réforme et demi ! Du changement dans le mouvement étudiant.

Face à ces attaques, la CUAE estime que le mouvement étudiant doit se doter de véritables moyens d’actions. Pour ce faire, son assemblée générale a décidé de se retirer de l’Union des Etudiants de Suisse (VSS-UNES) jugée trop consensuelle et trop portée à la participation. L’action qui aura lieu ce jeudi à Berne marque donc aussi la naissance d’un nouveau réseau national de lutte pour la défense d’une formation et d’une recherche académique, libres des pressions du monde économique et véritablement soutenues par les Etats. Ce réseau mettra en lien des groupes d’étudiants qui sont prêts à produire une critique radicale des structures sociales de la production scientifique autant qu’à combattre efficacement les ennemis d’une véritable démocratisation de la formation supérieure.

Pour plus d’informations, prière de s’adresser à la CUAE ou de nous rejoindre demain à Berne…

Genève, le 3 avril 2002.